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Médecins du Monde - Commentaires




9) La capacité d’analyse


-En partenariat avec d’autres ONG, MDM-France tente de développer des recherches sur ses activités. En novembre 2000, l’association a commencé à publier la revue Humanitaire et a participé à l’établissement d’un Institut de l’Humanitaire avec Jacques Lebas et Jacky Mamou.-Preuve de sa lucidité et de sa capacité d’analyse stratégique quant aux limites de l’action humanitaire, MDM s’est parfois désengagé de situations où, manifestement, l’aide concourait à alimenter les belligérants, prolonger les conflits ou consolider une dictature. Cela a été le cas au Soudan et en Corée du Nord mais pas au Congo-Kinshasa et en Tchétchénie, où MDM a poursuivi ses activités sous la forme d’un “ pilotage à distance ” et n’était donc pas en mesure d’exercer un véritable contrôle de ses opérations sur place. Un faible “ retour sur investissement ” des intrants de MDM en Tchétchénie laissait par exemple supposer que la résistance aux forces russes accaparait une bonne partie de l’aide.
 
-Dans bien des cas, MDM se retire simplement d’un pays faute de fonds, et non pour des raisons liées aux effets pervers de l’aide ou à la réussite d’un projet remis entre les mains d’ONG locales, ainsi que le remarque Sabine Trannin à propos d’une mission de l’association à Mondulkiri dans le Nord-Est du Cambodge à la fin des années 1990. Pour Stéphane Berdoulet, c’est en fait en Somalie en 2011 que, “pour la première fois”, MDM a pris la “decision raisonnée” d’un retrait stratégique “en dehors de tout contexte d’urgence”.
 
-On peut finalement s’interroger sur la façon dont le mouvement apprécie la qualité de ses opérations. A notre connaissance, MDM n’a jamais fait l’objet d’évaluations indépendantes et rendues publiques. Certaines actions mériteraient pourtant d’être étudiées de près. En mai 1998, MDM et MSF ont ainsi poussé le gouvernement à amender une ordonnance de novembre 1945 en vue d’autoriser les étrangers malades à rester en France lorsqu’ils ne pouvaient pas être soignés correctement dans leur pays d’origine. Résultat paradoxal, remarque Miriam Ticktin, des sans papiers ont cherché à prolonger artificiellement leur maladie, voire à s’inoculer le sida, afin de justifier leur présence en France et d’éviter une expulsion ! Autre dégât collatéral, les cartes de séjour délivrées à titre humanitaire n’ont pas autorisé leurs détenteurs à travailler, quitte à les enfoncer dans la clandestinité et le marché noir. Enfin, l’Etat a profité du dispositif pour restreindre le droit d’asile et réduire le nombre de statuts de réfugiés qu’il accordait chaque année. En fait de légalisation, l’amendement de mai 1998 a contribué à précariser des étrangers vulnérables sur la base de titres de séjour laissés à la discrétion de l’administration.