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Oxford Committee for Famine Relief
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Oxford Committee for Famine Relief - Commentaires




3) Le fonctionnement en réseau


-Eminemment complexe, la mouvance Oxfam se compose de trois principaux piliers : les treize membres d'Oxfam International ; les structures associées ; et les quelque 3 000 ONG partenaires dans une centaine de pays.
 
-Pendant longtemps, le mouvement gravite autour de la maison-mère en Grande-Bretagne et comprend cinq branches opérationnelles mais complètement autonomes au Canada, au Québec, aux Etats-Unis, en Belgique et en Australie. Créée en août 1995 à Melbourne sous la houlette de son directeur australien Jeremy Hobbs, la structure Oxfam International, qui prend la forme d’une fondation enregistrée à La Haye et dont le secrétariat se trouve à Oxford, réunit ensuite des partenaires sur la base du plus petit dénominateur commun : le plaidoyer en faveur d’actions de développement. Son objectif est de réfléchir à un mécanisme conjoint pour obtenir des financements et, surtout, d’élaborer un ensemble commun de principes et de normes en matière de planification, de surveillance et d’évaluation des programmes. D’abord présidé par Ian Anderson, puis par David Bryer à partir de 2003, Oxfam International se compose, en 2007, de treize organisations affiliées et basées en Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Espagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Hong Kong, Irlande, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas et Québec. Aux six membres fondateurs de 1995 se sont en l’occurrence agrégées des sections en Hollande en 1996, en Espagne et Nouvelle-Zélande en 1997, en Irlande en 1998, à Hong Kong en 2001, en Allemagne en 2003 et en France en 2006. ONG de plaidoyer créée à Paris en novembre 1988 à l’occasion d’une campagne contre les exportations illégales de déchets toxiques vers les pays du Sud, Agir Ici a par exemple signé une convention de partenariat avec Oxfam en novembre 2003 et est devenue membre à part entière du mouvement en octobre 2006. Toutes les sections affiliées reversent environ 1% de leurs ressources à la structure internationale. Pour unifier le mouvement, certains, tels les Belges de Solidarité, les Français d’Agir Ici et les Australiens de CAA, ont pris l’appellation d’Oxfam. D’autres, en revanche, ont gardé leur nom d’origine, tels les Espagnols d’IO (Intermón) et les Hollandais de NOVIB.
 
-En effet, la structure internationale reste très décentralisée, sur un modèle confédéral, et ne coordonne pas toujours les actions sur le terrain, au risque de favoriser les redondances ou les contradictions. Au Cambodge à partir de 2002, par exemple, les sections de Belgique et de Hong Kong soutiennent des partenaires, respectivement la CLO (Cambodian Labour Organisation) et le WAC (Womyn’s Agenda for Change), qui, d’une certaine manière, se font concurrence en défendant tous deux les droits des travailleurs de l’industrie textile. Pareillement en Éthiopie en 1984, les sections britannique et australienne adoptent des modes d’intervention opposés. Tandis qu’Oxfam-UK veut intervenir de part et d’autres des lignes de front, CAA décide de ne travailler que dans les régions du Nord tenues par les guérilleros de l’EPLF (Eritrean People’s Liberation Front) et du TPLF (Tigray People’s Liberation Front), en l’occurrence par le biais de leurs branches humanitaires, respectivement l’ERA (Eritrean Relief Association) et la REST (Relief society of Tigray). A la différence du Comité d’Oxford, Oxfam-Australie considère que les besoins sont moins importants dans le Sud de l’Éthiopie et que l’aide internationale y est de toute façon détournée par la dictature au pouvoir à Addis-Abeba. De même, l’organisation se différencie d’Oxfam-UK lorsqu’elle considère que la SPLA (Sudan People’s Liberation Army) n’est pas un partenaire fiable et qu’elle se refuse à intervenir dans les zones rebelles du Sud du Soudan pour ne pas froisser Khartoum et ne pas compromettre ses activités à l’Est dans les camps de réfugiés tigréens de Shagarab. Ces problèmes de coordination, notons-le, se retrouvent d’ailleurs à l’échelle nationale quand, en 1987, la CAA rompt avec deux autres ONG australiennes, l’Australia Freedom from Hunger Campaign et l’Overseas Service Bureau, et reprend à son compte un projet commun financé sur fonds fouvernementaux depuis 1984.
 
-Lors de la collecte de fonds en faveur du tsunami asiatique de 2004, qui a rapporté plus de 263 millions de dollars, les douze membres du mouvement ont cependant décidé de créer un « pot commun » dont les dépenses ont été réparties en fonction des besoins des pays les plus affectés par le sinistre, et non au prorata de la contribution de chaque organisation.
 
-Aux treize membres d'Oxfam International s’ajoutent par ailleurs des structures associées parmi lesquelles on peut distinguer : deux sections en devenir en Inde et au Japon ; un membre observateur au Mexique ; des bureaux de représentation au Danemark, en Italie et à Malte ; les filiales des branches nationales du mouvement. L’élargissement de l’organisation vise en l’occurrence à répondre aux critiques qui lui reprochent d’être centrée sur le monde anglo-saxon et de ne pas inclure d’ONG des pays en développement. De fait, le fonctionnement d'Oxfam International est assez inégal malgré ses procédures démocratiques. Ainsi, de 2000 à 2004, la section britannique reçoit environ six fois plus qu’elle ne donne aux autres organisations membres de la structure. A sa façon, Oxfam International reflète les déséquilibres d’une multinationale humanitaire qui continue de prendre ses décisions et de se financer dans les pays du Nord. En dépit des efforts réalisés pour appuyer les revendications des sans-voix, les limites d’un tel mode de représentation se retrouvent bien dans la pétition déposée lors de la réunion de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) à Hong Kong en 2005 : des dix millions de signatures recueillies par le mouvement, six venaient du monde industrialisé, trois d’Ethiopie et un d’Inde.
 
-Le débat sur la création de sections d’Oxfam dans les pays en développement prend toute son ampleur dès les années 1980. Au vu de l’ancienneté de son implantation dans le sous-continent indien, le mouvement songe notamment à accueillir le BRAC (Bangladesh Rural Advancement Committee) et l’Oxfam India Trust. Etabli en 1978, ce dernier avait initialement été lancé pour continuer d’envoyer des fonds en Inde sans contrevenir aux nouvelles réglementations de New Delhi dans le cadre du Foreign Contributions Regulation Act de 1976. Depuis la création d'Oxfam International en 1995, il est question d’en faire une section à part entière. Sous la présidence de Minar Pimple et la direction de Gurinder Kaur, l’organisation est ainsi devenue autonome en mars 2002. Basée à Delhi, elle vise désormais à développer son indépendance financière. Membre observateur d'Oxfam International, l’ONG mexicaine Rostros y Voces, elle, est un regroupement de 60 associations créé en 1996 sous le nom de Fondation Vamos.
 
-Dans les pays développés, le mouvement compte également de nombreuses structures associées. Chaque section nationale chapeaute en effet des structures plus ou moins intégrées, y compris des compagnies commerciales pour financer leurs activités. En juillet 2003, Oxfam-Nouvelle Zélande a par exemple absorbé Water for Survival, la filiale locale, créée en août 1988, d’une ONG britannique datant de juin 1981, WaterAid. En juin 2000, Oxfam-Québec a, pour sa part, affilié CLUB 2/3, une ONG de mobilisation des jeunes lancée en septembre 1970. A l’inverse, on a aussi pu assister à des scissions avec la sécession des sections d’Oxfam au Québec en octobre 1973, en Nouvelle Zélande en janvier 1992 et en Irlande en janvier 1998. En Grande-Bretagne, enfin, Oxfam-UK a pu inspirer la création d’ONG indépendantes : soit des dissidences comme Grassroots International en 1993, soit des entités parrainées comme ACORD (Agency for Co-operation and Research in Development) en 1976.
 
-Le mouvement, pour terminer, dispose d’un réseau très important de partenaires dans le tiers-monde. Il s’agit souvent d’ONG initialement lancées et accompagnées par Oxfam, à l’instar du BRAC (Bangladesh Rural Advancement Committee) au Bangladesh ou de l’ORAP (Organisation of Rural Associations for Progress) au Zimbabwe, qui sont devenus autonomes par la suite. Dans d’autres cas, il s’agit d’ONG déjà constituées sur place avant l’intervention d’une des sections du mouvement : dans la région du Chiapas au Mexique depuis 1994, Oxfam finance par exemple l’Organisation pour le développement socio-économiques des Indiens DESMI (Desarrollo Económico Social de los Mexicanos Indígenas), qui date de 1969, et l’association Chiltak, qui a été créée en 1985. Dans un troisième cas de figure, enfin, il s’agit d’ONG créées pour relayer les efforts du mouvement lorsqu’Oxfam se désengage d’un pays, sans garantie quant à leur pérennité. Le Comité d’Oxford a ainsi préparé son retrait de Sierra Leone en 1991 en appuyant l’établissement en 1986 de l’ARD (Association for rural development) afin d’assurer la poursuite d’un projet agricole à Mabaykaneh. A mesure que le pays s’enfonçait dans la guerre et que les zones rebelles devenaient difficiles à accéder, l’ARD a dû mettre ses activités en sommeil. Selon Ann Hudock, l’ONG disait travailler avec plus de 200 communautés de base car ses financements étaient tributaires du nombre de villages visités. Mais elle ne pouvait en lister que 136, n’avait correspondu qu’avec 110 et n’en avait concrètement rencontré que 24 en 1994.

-Pour une large part, le discours d’Oxfam sur le renforcement des capacités locales relève en fait d’une politique de communication qui vise à mettre en évidence l’empathie, voire la représentativité du groupe dans les pays en développement. En pratique, constate François Audet, les processus décissionnels continuent d’être influencés par les Britanniques et « ni la fédération internationale ni la filiale québécoise ne démontrent d’intérêt particulier concernant le transfert de capacités aux institutions locales ». La remarque vaut pour les ONG autant que les structures administratives des pays en développement après l’échec retentissant d’une tentative d’appui au gouvernement de Haïti après le tremblement de terre de 2010.