>
Oxford Committee for Famine Relief
>
Commentaires

Oxford Committee for Famine Relief - Commentaires




5) La communication externe


-Oxfam communique beaucoup à travers ses publications, ses sites Internet, son lobbying et ses pétitions.
 
-Chaque section d’Oxfam-International, d’abord, dispose de son propre organe d’information, tels onzeWereld pour NOVIB depuis 1957, le mensuel Oxfam News pour le Comité d’Oxford depuis 1965, le trimestriel CAA Review, Oxfam Horizons puis Oxfam News pour Oxfam-Australie depuis 1973, le magazine Mo Kung pour OHK depuis 2004, etc. Destinés au grand public, les tirages des éditions papier peuvent être assez conséquents, de l’ordre de 50 000 exemplaires pour Community Aid Abroad en 1990, par exemple. Avec la vague tiers-mondiste des années 1970, le mouvement a également entrepris de se doter de revues qui ont suscité des controverses du fait de leur engagement politique. En 1973, le Comité d’Oxford lançait ainsi le New Internationalist, tandis que CAA créait une agence de presse, The Light Powder and Construction Works, qui allait éditer The Powder Magazine. Les analyses radicales de ces revues ont divisé la base et provoqué une série de démissions au sein du mouvement, qui a cessé de les publier. En Australie, notamment, The Powder Magazine n’avait que 300 abonnés. Sa rédaction s’était vite affranchie du contrôle d’Oxfam et partageait ses locaux avec un fanzine alternatif d’extrême gauche, Digger, qui vantait les mérites du sexe, de la drogue et du rock’n’roll. Choquée, la direction de CAA devait rapidement mettre un terme à l’expérience en 1975. Depuis lors, le mouvement s’est assagi et communique davantage par le biais d’Internet. En Grande-Bretagne, il coopère dorénavant avec le ministère de l’éducation et la coopération britannique pour fournir des manuels (à l’instar de l’édition de 2006) destinés à sensibiliser les écoliers aux problèmes des pays en développement.
 
-Concernant le lobbying, ensuite, Oxfam-International dispose de bureaux de plaidoyer à Genève, Bruxelles, Londres, Washington et New York. Plus spécialisées, de telles activités visent un cercle restreint de décideurs auprès de qui le mouvement jouit d’ailleurs d’un certain capital de confiance, à hauteur de 41% en Europe en 2004, contre 26% en 2001, et de 23% aux Etats-Unis en 2004, contre 17% en 2002 selon les sondages de l’Edelman Trust. Sachant ses origines, Oxfam enregistre en l’occurrence ses meilleurs scores en Grande-Bretagne, avec un taux de confiance de 64% en 2004, comparé à 38% au Brésil, 30% en Allemagne et 29% en France. Si ces résultats sont moindres que pour Amnesty International ou Greenpeace, l’organisation n’en a pas moins accès aux plus importantes tribunes internationales. Le 12 février 1997, Oxfam a ainsi fait partie des premières ONG consultées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, avec MSF et CARE. L’association en a profité pour déplorer l’utilisation de l’aide humanitaire comme un substitut à l’action politique dans l’Afrique des Grands Lacs au moment du génocide rwandais de 1994. Rejointe par SCF, une deuxième entrevue de ce type a eu lieu en octobre 1998, plus spécifiquement à propos du Soudan. En octobre 2001, encore, Oxfam, MSF, Global Witness et Amnesty International présentaient au Conseil de sécurité une analyse de la situation humanitaire au Libéria.
 
-Pour relayer ses activités de lobbying auprès du grand public, Oxfam-International a par ailleurs l’habitude de lancer de vastes campagnes qui coïncident souvent avec des événements précis et qui embrassent à la fois les pays du Nord et du Sud. En 1993, le Comité d’Oxford envoyait ainsi 15 000 pétitions signées en Zambie pour protester contre les méfaits des politiques d’ajustement structurel au moment où s’ouvrait un sommet de la Banque mondiale à Washington. A l’occasion des Jeux olympiques de 2004 à Athènes, encore, l’organisation lançait avec les syndicats non communistes de l’ICTU (International Confederation of Trade Unions) une campagne intitulée Play Fair at the Olympics afin de défendre les droits des ouvriers du tiers-monde dans l’industrie des équipements sportifs. La globalisation des actions d’Oxfam-International témoigne d’une véritable professionnalisation de la communication à cet égard. La plupart des sections nationales se sont dotées d’unités spécialisées dans ce domaine, telle l’australienne en 1989. Le contraste n’en est que plus saisissant avec les débuts hésitants d’Agir Ici, qui est la seule membre du mouvement à être exclusivement spécialisée dans le plaidoyer. Citée par Christian Troubé, la directrice d’Oxfam-France, Françoise Vanni, explique ainsi comment Agir Ici a démarré de façon très artisanale. « Les décideurs, destinataires des pétitions, ne nous recevaient pas, ne répondaient pas à nos argumentations. Les militants qui avaient participé aux pétitions ne recevaient pas de nouvelles des avancées de la campagne, pendant deux mois nous étions sur un sujet et puis nous passions à autre chose. Les journaux ne nous relayaient pas ».
 
-Pour mener à bien des activités de lobbying à l’échelle globale, la nécessité de rassembler des forces d’origines assez diverses oblige Oxfam-International à certaines contorsions rhétoriques. Politiquement correcte, l’organisation a tenté d’adopter un langage aussi consensuel que possible. Désormais, elle évite par exemple le terme de « tiers-monde » et parle plutôt de pays du Sud. Sa stratégie de communication témoigne également du souci de ne heurter ni les donateurs ni les bénéficiaires de l’aide internationale. Pour ne pas fâcher les milieux catholiques, le Comité d’Oxford a ainsi hésité à soutenir des programmes de planification familiale. En Inde jusqu’en 1968, il s’est d’abord prononcé contre la politique de stérilisation du gouvernement, puis a fini par s’y rallier en finançant la distribution de stérilets en 1969. Tiraillée par les exigences parfois contradictoires des bailleurs et des pays en développement, l’organisation a pu se retrouver dans des postures quelque peu schizophréniques. Certains, comme Marc Vachon, y voient là un comportement hypocrite. De retour d’une mission pour Oxfam-UK à Kaboul en 1996, ce dernier explique comment ses collègues disent promouvoir les droits des femmes mais se racontent des blagues sexistes en buvant des bières au pub. Déplorant leur autosatisfaction et leur bonne conscience, il les compare à des « obèses qui se congratulent » !
 
-Dans le même ordre d’idées, l’organisation n’est pas insensible aux effets de mode et aux pressions de l’opinion publique, qui peuvent en partie déterminer l’orientation de ses actions. Le spectaculaire tsunami asiatique de décembre 2004 le montre à sa manière. En Inde, relève Rajan Alexander, Oxfam choisit ainsi de distribuer des bateaux à moteur dans le cadre d’un programme qui répond bien aux attentes des donateurs mais qui déstructure le tissu social à Nagapattinam et Chennai. Ce faisant, l’organisation dit vouloir faciliter l’accession des victimes à la propriété de leur outil de travail. Résultat, elle prend le risque de donner des bateaux à des gens qui ne savent pas pêcher ou qui n’ont pas les moyens de les entretenir et qui s’empressent de les revendre faute de pouvoir s’équiper convenablement. L’opération génère tout un trafic où l’on voit des embarcations rachetées par leurs fabricants… et revendues une deuxième fois à d’autres ONG ! La pression médiatique, conjuguée au conformisme des bailleurs, se retrouve bien entendu au Sri Lanka. Oxfam, expliquent Abhijit Bhattacharjee et al., s’engage en effet sur un programme qui présente surtout le mérite d’être très visible, à savoir la fourniture de logements gratuits plutôt que la distribution (par le gouvernement) de matériaux de construction pour les rescapés. Mais la solution retenue n’est pas forcément la meilleure. Les familles qui font l’effort de reconstruire elles-mêmes leurs maisons sont en l’occurrence pénalisées car elles reçoivent moins d’aide que celles qui attendent dans des abris provisoires de recevoir un logement clé en main. De plus, certains des lotissements proposés restent inutilisés car le gouvernement, qui a initialement interdit de reconstruire des habitations à moins de 200 mètres de la mer, ramène bientôt la zone inconstructible à 100 mètres. Après novembre 2005, bien des pêcheurs abandonnent alors les logements de l’hinterland et préfèrent récupérer les terrains dont ils sont propriétaires à proximité du rivage, c’est-à-dire de leur lieu de travail.
 
-En réalité, il est difficile d’apprécier l’impact global des efforts de plaidoyer d’Oxfam pour les populations des pays en développement. D’après Geoffrey Salkeld, les évaluations de l’organisation sur ce point restent rares et sont habituellement centrées sur la couverture médiatique des campagnes. Elles ne disent rien de leur efficacité relativement à leur coût annuel, qui était de 400 millions de dollars si l’on incluait l’entretien du réseau international d’Oxfam au début des années 2000. Concernant la culture du coton au Mali, par exemple, la campagne sur le commerce équitable n’a guère permis d’améliorer les conditions de vie des paysans et les acteurs locaux ont questionné le choix de se focaliser sur cette filière plutôt qu’une autre. Quant au café d’Amérique latine, les observateurs admettent que le renchérissement des prix reversés aux producteurs en 2001-2002 sont imputables à d’autres facteurs et ne doivent rien aux efforts de plaidoyer d’Oxfam.
 
-Sur le plan du témoignage, Oxfam évite de dénoncer trop ouvertement les exactions des gouvernements du tiers-monde, en particulier lorsqu’une de ses équipes est déjà engagée sur le terrain, comme au Darfour à partir de 2004. En général, elle préfère alors passer des informations sensibles aux associations de défense des droits de l’homme, à charge pour elles de les rendre publiques. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, CAA décide ainsi de ne pas témoigner sur la répression de la rébellion de Bougainville afin de ne pas compromettre la poursuite de ses activités sur place. Au Cambodge en 1979 puis en Ethiopie en 1985, Oxfam-UK, pour sa part, va jusqu’à couvrir des détournements de l’aide afin de pouvoir continuer ses programmes sans être expulsé. Les déportations de la dictature de Mengistu Hailé Mariam au moment de la famine de 1985 sont significatives à cet égard. Témoin d’exécutions sommaires par les troupes gouvernementales, l’organisation donne instruction à ses employés de n’en rien dire à la presse pour ne pas provoquer des représailles et ne pas être chassée du pays. Le livre hagiographique de Maggie Black, une ancienne d’Oxfam, est tout aussi révélateur puisqu’il ne mentionne même pas le problème. A la différence de l’ONG War on Want, qui travaille uniquement du côté des rebelles et pas du gouvernement, le Comité d’Oxford veut en effet protéger ses activités à Addis-Abeba et ne dénonce pas les abus de l’armée, qui utilise la logistique humanitaire pour vider le Nord de l’Éthiopie, transplanter de force les villageois vers le Sud et priver les guérillas du soutien de la paysannerie. Dès le 27 mars 1983, le Sunday Times souligne en l’occurrence que le régime « marxiste » du colonel Mengistu Hailé Mariam a cessé d’importer du blé depuis 1982 et préfère affamer son peuple pour épargner des devises et acheter des armes, quitte à ce que l’aide alimentaire soit détournée jusqu’en URSS. Dans un droit de réponse écrit avec son collègue de SCF, le directeur d’Oxfam à Addis-Abeba, Hugh Goyder, argue alors qu’un arrêt de l’assistance internationale aurait des répercussions catastrophiques pour la population. Dans un communiqué de presse du 10 septembre 1984, l’organisation, qui vient de démarrer un gros programme de distribution alimentaire à Wollayta dans le Sud, fustige plutôt l’inaction et l’inertie bureaucratique des grandes agences d’aide gouvernementale. La CRDA (Christian Relief and Development Association), une ONG locale qu’Oxfam co-préside avec l’Eglise orthodoxe éthiopienne, va encore plus loin et publie en décembre 1985 un communiqué approuvant la réinstallation des villageois du Nord vers le Sud.
 
-D’une manière générale, Oxfam communique beaucoup sur les institutions extérieures au mouvement, notamment les organismes financiers, les entreprises multinationales et les gouvernements du Nord. Mais il rend peu compte de ses activités et s’avère manquer de transparence en comparaison avec les autres ONG internationales étudiées en 2003 par Hetty Kovach et al. De fait, son site Internet ne détaille pas les programmes menés dans chaque pays, ne publie pas d’évaluations de ses opérations, ne met pas en ligne sa charte, ne rend pas compte des décisions de son conseil d’administration et ne précise pas les procédures adoptées en la matière. De plus, Oxfam-International n’a pas voulu répondre aux questions de l’Observatoire de l’action humanitaire afin d’expliquer pourquoi son budget affiche un montant bien supérieur à la somme des ressources communiquées par les différentes sections du mouvement. Une analyse plus détaillée au niveau national en 2006 révèle d’importants écarts à cet égard. D’un côté, Oxfam-Allemagne ne met pas en ligne sur Internet ses comptes d’emplois et de ressources. OHK, lui, présente des budgets occultant les financements publics et laissant à penser que toutes les ressources de l’organisation proviennent de fonds privés. Les rapports d’activités du Comité d’Oxford, enfin, commencent seulement au milieu des années 1990 à mentionner le nom des ONG partenaires dans le tiers-monde, y compris les branches « humanitaires » de guérillas. En revanche, les sections québécoise, espagnole et belge sont plus transparentes car elles détaillent les montants et les sources de financement des activités menées dans chaque pays. A partir de 2005, les rapports d’activités d’Oxfam-Australie mentionnent par ailleurs les deux plus hauts salaires de l’organisation. Mais la situation est très différente en ce qui concerne les partenaires du tiers-monde. Au Sri Lanka, par exemple, le SSM (Sarvodaya Shramadana Movement), qui est financé par NOVIB et témoigne de sa position dans le livre de Sjef Theunis, évite de rendre des rapports d’activités en arguant que ses employés sont illettrés.