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Secours populaire français
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Secours populaire français - Commentaires




5) Les relations avec les forces politiques


-A ses débuts, le SPF comprend essentiellement des communistes, à commencer par son secrétaire général Julien Lauprêtre, qui est membre du comité central du PCF de 1964 jusqu'à la fin des années 1990. En cela, il ne se départ pas vraiment de son prédécesseur, le Secours populaire de France et des colonies, dont 40% des délégués réunis en congrès en 1938 étaient communistes, contre seulement 4% de socialistes et de radicaux-socialistes. Ainsi, dans les années 1950, presque tous les élus nationaux du SPF sont membres du PCF et, jusqu'en 1973, l'association ne compte aucun permanent qui ne soit pas passé par les écoles du parti. Selon les Renseignements Généraux, encore, les deux tiers des secrétaires locaux du SPF en région parisienne sont communistes dans les années 1960. A partir de 1965, cependant, le secrétariat national recense une petite moitié de personnes qui ne sont pas membres du PCF, notamment des socialistes, des prêtres engagés et des syndicalistes de FO (Force ouvrière). En 1971, par exemple, l'abbé Léon Dujardin devient le premier permanent non-communiste de l'organisation, tandis que le père Joseph Wresinski, fondateur d'ATD-Quart Monde, est nommé au comité d'honneur du SPF. Par la suite, l'association s'ouvre encore davantage, en particulier après l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, et sa direction nationale recrute des gens comme Menotti Bottazzi, un responsable de l'équipe Monde, ancien du CCFD et candidat socialiste aux élections municipales de 1983. Passé d'une culture du militantisme à une culture du bénévolat, le SPF accueille aujourd'hui des volontaires d'origines géographique, professionnelle et religieuse fort différentes, représentant une grande variété de courants d'opinion.

-Devenus minoritaires, les communistes continuent certes d'être surreprésentés et le SPF entretient toujours des liens privilégiés avec le journal L'Humanité , qui, depuis 1992, lui reverse les bénéfices d'un numéro spécial du dimanche. Bien qu'elle ne soit plus une courroie de transmission du parti, l'association accueille en effet les déçus du communisme qui veulent s'engager dans des actions sociales concrètes et gratifiantes. On assiste ainsi à un renversement de perspective où l'organisation de masse, autrefois envisagée comme une porte d'entrée vers le communisme, est en fait devenue une porte de sortie pour les dissidents. Selon la formule d'Axelle Brodiez, « le Secours populaire reste aujourd'hui l'une des seules organisations, avec la CGT [Confédération générale du travail] et peut-être la FSGT [Fédération Sportive et Gymnique du Travail], à permettre un renouvellement du militantisme communiste [...], évitant autant la crispation sur les questions idéologiques que la déprime sur la déliquescence de l'ancien plus grand parti de France ».

-Sachant l'effondrement du PCF , la question n'est, somme toute, plus vraiment de savoir si le SPF est encore « l'oeil de Moscou », mais depuis quand il ne l'est plus. Les avis divergent à cet égard. Certains considèrent que la mutation s'opère dès les années 1960 ; d'autres, seulement après la disparition de l'URSS. Pour Serge Paugam, par exemple, « l'association affiche une image publique de neutralité politique et tente de dissimuler son activité militante passée... Nul doute que... le Secours populaire est toujours une association « rouge ». Le discours officiel et volontairement médiatisé que tiennent les responsables de l'association sur la neutralité est trompeur. Il n'empêche pas les acteurs sur le terrain et à l'intérieur du mouvement de continuer à partager des convictions politiques et des principes d'action qui ont leur source dans le communisme ». Selon François-André Isambert, en revanche, « le mouvement allait largement déborder ses fondateurs. A la faveur de sa crise, le parti communiste s'en détacha complètement ». Pour Axelle Brodiez, enfin, la création d'un nouveau Secours rouge, lancé par Charles Tillon et Jean-Paul Sartre en octobre 1969, démontre bien que le SPF s'était déjà dépolitisé avant même la chute du mur de Berlin. Situé à la gauche du parti communiste, le Secours rouge version « soixante-huitarde » promeut l'action directe, occupe des locaux pour reloger des personnes défavorisées, dénonce la situation dans les prisons, lance des campagnes anti-impérialistes et soutient les mouvements de lutte armée progressistes. Son fonctionnement diffère fondamentalement de celui du Secours populaire.