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Young Men’s Christian Association
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Young Men’s Christian Association - Commentaires




1) Le mandat


-Historiquement, les YMCA et les YWCA ne sont pas spécialisées dans l’urgence, quoi qu’il en soit de leur rôle de secouristes pendant la Première Guerre mondiale. En général, le mouvement affiche plutôt une vocation sociale. Mais la diversité et l’évolution de sa mission compliquent singulièrement la compréhension de son mandat. De par la variété de ses activités, le mouvement donne un peu le sentiment de « toucher à tout » et de n’être spécialisé dans rien. A certaines époques, il se préoccupe surtout d’aider ses propres membres et ne répond donc pas aux attendus humanitaires et universels d’une organisation « altruiste », ouverte à toutes les personnes en détresse. Les YMCA, explique ainsi Kenneth Scott Latourette, n’ont pas pour but premier d’être des agences sociales. A leurs débuts, elles visent surtout à promouvoir des liens de solidarité et d’entraide entre des groupes de jeunes généralement issus des classes moyennes. C’est pour ses seuls membres que, par exemple, la YMCA de New York inaugure en 1888 une caisse d’épargne, Thrift, et se préoccupe à partir de 1865 d’établir une agence de placement qui, officialisée en 1944 sous le nom de VSC (Vocational Service Center), facilite la recherche d’emploi des jeunes citadins revenus à la campagne au cours de la crise économique des années 1870. D’une manière générale, les étudiants sont particulièrement visés par le mouvement. En témoigne le fonds européen de secours aux étudiants (European Student Relief Fund) que sa fédération universitaire, la WSCF (World Students Christian Federation), établit en 1920 sous la direction d’un Américain, Conrad Hoffman, avant de se mondialiser et de prendre le nom de service étudiant international (International Student Service) en 1926, puis de fonds mondial de secours aux étudiants (World Student Relief) sous l’égide d’un Suisse, André de Blonay, en 1943.
 
-Pour autant, le mouvement affiche des ambitions universalistes et sociales qui dépassent le seul cadre de ses adhérents. Jusqu’en 1955, l’Alliance mondiale des YMCA est ainsi connue sous le nom de World’s Alliance of YMCAs, avec un possessif qui dénote la volonté de rayonner à l’échelle planétaire. Un de ses secrétaires généraux, Paul Limbert, soutient d’ailleurs que l’organisation se veut « socialement neutre » car elle veut recruter dans tous les milieux, quelle que soit la couleur de peau, l’affiliation politique ou la catégorie socioprofessionnelle des individus visés. La réalité est cependant assez différente à l’échelle nationale. Sans même parler de la ségrégation raciale des YMCA et YWCA américaines et sud-africaines, les associations locales ont connu des expériences très diverses historiquement. Alors que les YWCA française ou espagnole ont initialement dévelopé des approches piétistes, centrées sur la prière, leurs homologues américain et britannique, par exemple, ont rapidement mis en œuvre des projets sociaux. Les YMCA ont également suivi des trajectoires différentes. En France, elles ont vainement tenté en 1901 de suivre le modèle américain et de s’implanter dans les milieux ouvriers en créant des associations pour les employés du chemin de fer. En Grande-Bretagne, note Galen Merriam Fisher, elles se sont contentées de militer en faveur d’une réduction des horaires de travail du fait de leur ancrage dans les classes moyennes et de leur incapacité à rallier des mouvements chrétiens étudiants qui, plus radicaux, sont restés à l’écart du mouvement. En revanche, leurs homologues américains se sont davantage engagés socialement dans les milieux étudiant et ouvrier grâce à une démarche plus égalitariste et moins élitiste. Pour autant, remarque Owen Pence, ils n’ont pas ciblé les populations les plus pauvres. En principe ouverts à tous les milieux sans restrictions de classes, ils ont délaissé les ghettos les plus défavorisés et ont préféré s’établir dans des quartiers sûrs afin de ne pas effrayer leurs visiteurs. En général, ils ont ainsi établi leurs locaux à l’emplacement de carrefours, tout en évitant les banlieues les plus riches. De même, ils se sont plus facilement implantés dans les villes de commerces, les métropoles industrielles et les nœuds de transports que dans les cités minières, les lieux de villégiature ou les campus.
 
-Initialement restreintes à des hommes jeunes, les YMCA se sont progressivement ouvertes aux femmes, aux adultes, aux enfants, aux personnes âgées et aux croyants d’autres confessions. Leur évolution fait dire à certains que le mouvement ne mérite plus les trois premières lettres de son acronyme, Y, M, et C, puisque ses associations ne sont ni jeunes, ni masculines, ni particulièrement chrétiennes. Les questions relatives aux femmes et à la mission religieuse sont en l’occurrence traitées plus loin dans les parties consacrées au fonctionnement interne de l’organisation et à son prosélytisme, respectivement. En attendant, il convient de noter que le mouvement ne s’est jamais imposé de limite d’âge bien définie et qu’il a souvent accueilli des notables proches de la retraite au sein de ses conseils d’administration. A Genève, les Alliances mondiales des YWCA et des YMCA sont certes restées attentives à la composition de leur comité exécutif, qui devrait comprendre un quart de femmes ou d’hommes de moins de 30 ans selon des règles édictées en 1991 et 2002 respectivement. Au niveau local, des associations ont aussi pu prendre des mesures en ce sens, à l’instar de la YMCA de Montréal, dont la Constitution amendée en 1855 restreignait les possibilités d’adhésion aux hommes de moins de quarante ans. Les YMCA américaines, pour leur part, ont essayé de se démocratiser en rajeunissant leur direction. Suite à une conférence étudiante qui, à Des Moines en 1920, avait demandé plus d’autonomie pour les associations locales, elles ont ainsi introduit une limite d’âge qui a par exemple empêché John Mott d’être nommé secrétaire général en 1924. Elles n’ont pas pour autant évité le vieillissement. Selon des statistiques de 1962 citées par Paul Limbert, près de la moitié des adhérents ne restaient pas plus d’un an dans les YMCA américaines, qui comptaient de moins en moins de membres sur la tranche d’âge 18-30 ans.
 
-Dans tous les cas, le mouvement a vite cherché à transcender les classes d’âge. Ainsi, la YMCA de New York a commencé à prendre soin d’enfants dès 1882, avant de se préoccuper aussi des personnes âgées, par exemple dans le cadre d’un programme monté avec des organisations juives pour les retraités du Bronx en 1972. En 1969, les YWCA américaines ont, de leur côté, pris l’initiative d’ouvrir des crêches pour garder les enfants des femmes au travail. Aujourd’hui, près de la moitié des membres des 967 associations et 1 696 branches de la YMCA américaine ont moins de 18 ans si l’on en croit les résultats d’un recensement interne de 2006. Au niveau mondial, le mouvement comptait moins d’un tiers de membres âgés de plus de 30 ans, proportion qui montait cependant à deux tiers de ses salariés en 1977.
 
-De pair avec son ouverture à toutes les catégories d’âge, le mouvement a rapidement porté son attention sur les délinquants, les handicapés ou les nécessiteux, et pas seulement les jeunes gens bien portants. Les YWCA, notamment, ont monté des programmes d’assistance pour les criminelles, qu’il s’agisse d’une maison de correction à Halifax au Canada à partir de 1875 ou de la prison pour femmes de Fairlea à Melbourne en Australie à partir de 1973. De son côté, la YMCA de Cleveland a été une des premières à essayer d’aider les délinquants juvéniles afin de leur éviter la prison, en l’occurrence à l’initiative d’un secrétaire général mort en 1909, Glen Shurtleff. D’autres ont suivi. En 1934, par exemple, la YMCA de West Side à New York a entrepris de réinsérer les membres des gangs avec des subventions fédérales jusqu’en 1937. Constatant que les efforts de réhabilitation ne suffisaient pas, celle de Chicago a ensuite cherché en 1956 à rescolariser les jeunes qui avaient abandonné l’école. Aux Etats-Unis, note Robert King Hall, le mouvement a en effet voulu passer de la rééducation à la prévention. A New York, il a ainsi investi dans le logement social à Brooklyn et démarré un programme de prévention contre la drogue à Harlem en 1971.

-Indéniablement, le mouvement est fondamentalement d’essence urbaine. Né à Londres et à Genève, il s’est surtout étendu en ville. Aux Etats-Unis, remarque David Macleod, son développement a largement été porté par l’urbanisation du pays, de pair avec l’émergence de classes moyennes et l’arrivée d’immigrants. Sur 1 688 YMCA américaines en 1951, par exemple, seulement 96 étaient établies dans les campagnes. Certes, le mouvement ne s’est jamais interdit de travailler en milieu rural. Dès 1919, la YWCA d’Australie cherchait à s’implanter dans les campagnes. D’autres s’y sont également essayés en Inde et en Chine. La YMCA chinoise, notamment, a ouvert en septembre 1928 un premier centre rural à Weiting près de Soochow, puis à Moh Doh, dans la même région. Mené par Philip Cheng, le projet pilote s’est vite accompagné d’une école élémentaire, d’une clinique gratuite et de coopératives dont le système de microcrédits devait plus tard inspirer les partisans de Mao Tsé-Tung ! Depuis lors, le mouvement n’a pas renoncé à s’impliquer dans les efforts de développement agricole. A l’instar des scouts, ses activités d’éducation sportive l’ont en outre amené à monter des colonies de vacances en milieu rural et à se préoccuper du respect de la nature. Dans les années 1980, les YWCA devaient ainsi ajouter la défense de l’environnement à un mandat déjà très hétéroclite.

-Le mouvement ne reste pas moins concentré sur les villes, ce qui l’a très tôt amené à se préocuper des questions de logement et d’emploi. Historiquement, il a d’abord établi des foyers qui se sont ensuite reconvertis en auberges de jeunesse ou en centres culturels. Son premier objectif était d’élever les « âmes » en améliorant les conditions de vie et de travail des jeunes dans le contexte de la Révolution Industrielle. Partant, il a entrepris de construire des dortoirs et des structures d’hébergement, à tel point qu’en 1974 la YWCA britannique demandait à être enregistrée comme une association d’aide au logement afin de recevoir des subventions du gouvernement pour réhabiliter ses foyers. Parallèlement, le mouvement s’est impliqué dans des activités culturelles et sportives, toujours avec le souci moral d’élever les « âmes » et le « corps ». En conséquence de quoi, il s’est aussi intéressé aux questions de santé : la YMCA de New York, par exemple, a commencé à s’occuper des handicapés en 1981, tandis que l’Alliance mondiale des YWCA consacrait aux victimes du sida plus de la moitié de son budget opérationnel en 2005.

-L’éducation est un autre secteur où le mouvement s’est beaucoup investi avant de s’impliquer dans des actions de plaidoyer en faveur de la justice sociale et des droits humains. A leurs débuts, les YMCA et les YWCA ont ouvert des bibliothèques et proposé des cours du soir aux adultes, parfois dans des domaines précurseurs comme la conduite automobile à New York en 1908. Ces initiatives se sont vite étendues outre-mer, par exemple en Chine, où la YWCA a soutenu le collège de Ginling, fondé par une expatriée en 1913 à la suite d’une loi de 1905 autorisant les femmes chinoises à aller à l’école. Par contrecoup, le mouvement a également facilité l’instruction des immigrés en provenance des pays en développement. A New York, notamment, il a commencé en 1980 à donner des cours d’anglais à des boat people vietnamiens puis, d’une manière plus générale, à des réfugiés latino-américains, est-européens ou africains.

-De fait, le mouvement est souvent intervenu dans les pays en crise. La YMCA a par exemple aidé les victimes d’inondations à Norwich en août 1912 puis d’un tremblement de terre à Tokyo en septembre 1923. Elle s’est également souciée d’assister les populations déplacées par la Première Guerre mondiale. Préoccupé par le sort des Arméniens réfugiés en Syrie et en Perse, le secrétaire général de la YMCA de Jérusalem, Archibald Harte, devait ainsi élaborer en août 1924 un projet de convention internationale qui n’aboutit jamais. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Alliance mondiale des YMCA mit ensuite en place à Genève un comité permanent d’aide aux réfugiés qui commença à s’intéresser aussi aux déplacés internes au début des années 1970, avant de fermer ses portes en 1994 et de voir le budget de son assistance tomber sous la barre des 70 000 francs suisses à la fin des années 2000. La YWCA n’a pas été en reste. Dès 1919 aux Etat-Unis, elle envoyait une délégation à Washington pour soutenir le vote de lois en faveur de l’aide alimentaire aux réfugiés et contre la culture de l’opium. Pour sa part, l’Alliance mondiale des YWCA a, depuis Genève, voulu orienter ses efforts vers le développement afin de pérenniser ses actions d’urgence. Pour des montants d’un maximum de $10 000, elle a ainsi commencé en 1967 à financer des petits projets par le biais d’une structure créée de façon informelle en 1948 et héritière d’un comité établi en 1936 afin de planifier les missions de terrain (field planning), en l’occurrence avec un département « d’entraide » (Mutual Service) qui a pris le nom de « coopération pour le développement » (Cooperation for Development) en 1980 puis de « programme de partage des ressources » (Resource Sharing Programme) en 1992. L’Afrique subsaharienne a alors accaparé l’essentiel des efforts de l’Alliance mondiale des YWCA, à hauteur de 40% du budget opérationnel de l’organisation en 2005, contre 19% pour l’Amérique latine, 11% pour les Caraïbes, 11% pour l’Asie, 8% pour l’Europe, 8% pour le Moyen Orient et 3% pour le Pacifique.