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Young Men’s Christian Association
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Young Men’s Christian Association - Commentaires




6) La communication


-D’abord axée sur l’évangélisation du monde, la communication du mouvement a suivi sa laïcisation et s’est progressivement orientée vers des questions de justice sociale et de droits humains. A leurs débuts, les YMCA et YWCA ont surtout utilisé les médias écrits pour diffuser leurs valeurs. Dès 1907, la YMCA américaine a ainsi entrepris de publier des livres sur la Bible, des cours techniques et, bientôt, des manuels d’éducation sexuelle. Connue sous le nom de YMCA Press puis d’Association Press au sortir de la Seconde Guerre mondiale, sa maison d’édition a ensuite fermé ses portes dans les années 1970. Son équivalent français a connu plus de succès à cet égard. Fondée par Julius Hecker en 1920, la YMCA Paris Press a en effet accueilli en 1924 les services d’édition des réfugiés de la YMCA russe blanche qui avaient fui l’Union soviétique et qui s’étaient d’abord établis à Prague en 1920 puis Berlin en 1921. Pour améliorer son réseau de distribution, elle a alors fusionné avec plusieurs librairies russes de la place parisienne et créé les Editeurs Réunis en 1925. A défaut de pouvoir continuer à exporter des livres en Union soviétique après le départ fin 1922 de l’agence de coopération américaine ARA (American Relief Association), elle a réussi à maintenir une politique éditoriale active en publiant de nombreux ouvrages en alphabet cyrillique et un trimestriel, Novy Grad, dont les éditoriaux ont à la fois condamné le communisme et le nazisme. Parmi ses succès de librairie, elle compte notamment « l’Archipel du Goulag » d’Alexandre Soljenitsyne, paru en 1973.
 
-Les YMCA et YWCA se sont par ailleurs dotées d’organes officiels pour communiquer avec leurs membres. Après avoir fusionné l’International Messenger et l’Evangel, qui étaient respectivement destinés à leurs associations urbaines et étudiantes, la YWCA américaine a par exemple publié l’Association Monthly à partir de 1907, le Womans Press à partir de 1923, le Woman’s Press à partir de 1945, le YWCA Magazine à partir de 1951 et YWCA Interchange à partir de 1974. Pour sa part, la YWCA canadienne a commencé en février 1900 à diffuser un périodique, la Young Women’s Gazette, qui a pris le nom de Dominion Tie en mars 1902, Young Women of Canada en février 1905 et Association Outlook en janvier 1917 avant de devoir interrompre l’expérience en juin 1921 pour cause de crise économique. La publication a ensuite repris sous le nom de YWCA Notes à partir de 1923, YWCA Quarterly à partir de 1944 et YWCA Journal à partir de 1954.
 
-Les YMCA n’ont évidemment pas été en reste. Au niveau national, elles ont très vite entrepris de publier des périodiques, comme en Hollande avec un magazine qui a démarré en 1857 et qui a aujourd’hui pour titre Inklusief. De son côté, l’Alliance mondiale des YMCA à Genève a sorti en avril 1920 une revue trimestrielle et trilingue, Sphere, dont le nom a été choisi parce qu’il était commun à beaucoup de langues. A l’exemple de l’Alliance mondiale des YWCA avec Common Concern, l’organisation a ensuite relancé l’expérience au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en l’occurrence sous la forme d’un périodique anglais, le YMCA World Communique, qui a été traduit en français, en allemand et en espagnol à partir de 1964. Passé de 8 000 exemplaires en 1948 à 22 000 en 1954, son tirage est cependant tombé à 2 000 en 2010, à mesure que les YMCA et YWCA se dotaient de sites Internet. Le contenu du titre a suivi cette baisse, avec une nette déperdition de l’information à partir des années 1990 et, surtout, 2000.

-Parallèlement, le mouvement s’est politisé et est devenu plus combattif sur les questions de paix et de justice sociale, à mesure qu’il renonçait à sa vocation prosélyte. Ses actions de plaidoyer l’ont alors amené à affirmer ses principes chrétiens et à se prononcer en faveur du respect des droits de l’homme. Au niveau national, le mouvement a également entrepris de faire pression sur les autorités, par exemple en établissant aux Etats-Unis un comité des affaires publiques en 1935. La YMCA de New York, en particulier, s’est beaucoup investi dans des programmes d’éducation civique qui ont été étendus à l’ensemble du pays en 1962. En 1971, elle a notamment pris position en faveur d’une réforme du système carcéral après des émeutes de détenus à Atlanta. Deux ans plus tard, elle s’opposait ensuite au programme politique du gouverneur Nelson Rockefeller, qui privilégiait la répression et la prison plutôt que la prévention pour sanctionner les dealers de drogue.
 
-Très féministes, les YWCA ont été encore plus précoces que les YMCA pour engager des actions de plaidoyer en faveur de l’égalité des sexes, du droit de vote des femmes et de leur accès au monde du travail. Au Canada, par exemple, elles ont constitué un véritable lobby en se dotant dès 1919 d’un comité de relations publiques qui a intégré leur département des Publications de 1947 à 1958 puis des Informations à partir de 1965. Elles ont ainsi demandé et obtenu en 1965 une diminution des impôts pour les cheffes de famille et, en 1981, la mention de l’égalité des sexes dans la Charte canadienne des Droits. D’autres YWCA ont aussi pris position sur des sujets de société fort variés. En Inde, elles s’étaient longtemps contentées de se mobiliser en faveur d’une réforme du statut des femmes en matière d’accès à l’emploi, d’égalité salariale, de droit de la famille, d’interdiction de la pornographie, de traitement des prostituées en prison ou de construction de crèches pour les filles mères. Mais lors de leurs vingt-troisième et vingt-quatrième conventions nationales en 1990 et 1994, elles se sont également autorisées à prendre position sur questions politiques plus générales, telles les discriminations contre les Dalits en Inde, la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis ou la paix au Proche Orient.
 
-La YWCA américaine a été une des plus virulentes. Après avoir milité pour le droit de vote des femmes, obtenu en 1919, elle a d’abord rechigné à revendiquer une égalité des sexes qui risquait de pénaliser les ouvrières bénéficiant d’un meilleur traitement que les hommes, par exemple pour les horaires de nuit. Mais en 1973, elle a fini par soutenir une loi controversée, l’ERA (Equal Rights Amendment), qui avait été introduite par les suffragettes au Congrès en 1923 et adoptée au Parlement en 1971. A l’époque, la YWCA est devenu si féministe qu’elle a obligé les membres de son conseil national à se faire enregistrer sous leur nom de jeune fille plutôt que de leur époux. Dans le même ordre d’idées, l’organisation a musclé ses actions de plaidoyer. Le 25 novembre 1991, elle prenait ainsi la tête d’une campagne destinée à dénoncer les violences contre les femmes et montée en hommage à trois sœurs, les Mirabal, assassinées par les sbires de la dictature de Rafael Leonidas Trujillo Molina à Saint-Domingue le 25 novembre 1960.

-Le mouvement des YMCA et des YWCA se caractérise également par une abondante production académique. En revanche, il n’est pas très transparent pour ce qui est de ses financements et de ses activités au quotidien. Son opacité tient à la fois à une certaine culture d’autocensure, d’une part, et à la décentralisation d’une structure qui empêche d’avoir une vue d’ensemble du mouvement, d’autre part. Bien qu’elle publie un premier rapport annuel en 1852, la YMCA de Londres, par exemple, approuve la décision de son homologue de Douvres de retirer de sa bibliothèque le journal Punch à cause de ses caricatures irrévérencieuses pour la religion, au prétexte que les foyers de jeunes ne doivent pas devenir des lieux de récréation. La YMCA américaine n’est guère plus libérale. En octobre 1852, elle cède à la pression des Sudistes et retire de certaines de ses bibliothèques un journal favorable à l’abolition de l’esclavage, le National Era. Un an après, encore, l’association de New York préfère bannir de ses rayons le livre anti-esclavagiste de Harriet Beecher Stowe, la Case de l’oncle Tom, afin de ne pas alimenter de controverses politiques. En août 1856, la YMCA américaine arrête par ailleurs de s’abonner à un journal, le New York Express, qui avait eu le tort de critiquer les positions de l’organisation en faveur du parti républicain. L’année suivante, l’association de New York va même jusqu’à limoger le responsable de sa bibliothèque, provoquant alors la démission de 150 membres et, in fine, le renvoi de son conseil d’administration. Aujourd’hui, l’Alliance mondiale des YMCA n’est pas non plus exempte de pareils problèmes. En 2011, elle a ainsi mis son veto à la publication d’une hagiographie écrite par un membre indien, Mohan Devapriya David, et intitulée : Forward together, a history of the YMCA movement, 1955-2010. En 2009, elle n’a pas non plus publié sur Internet son compte d’emplois des ressources, sans doute parce qu’elle n’avait pas réussi à atteindre les objectifs budgétaires qu’elle s’était fixée dans le cadre de son plan stratégique en 2007.