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Fédération internationale des ligues des droits de l’homme
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Historique

Fédération internationale des ligues des droits de l’homme - Historique




Années 1970


-1970, Etats-Unis : tandis que la FIDH peine à se développer et à avoir un rayonnement international, son équivalent américain, l’ILHR, entre dans une nouvelle phase d’expansion. Le budget de la Ligue internationale pour les droits de l’homme, qui n’était que de $15 000 en 1967, connaît notamment une croissance importante et passe à $40 000 en 1968 grâce à un legs qui permet pour la première fois de recruter un directeur à plein temps. Les ressources financières de la Ligue sont certes limitées car l’ILHR n’accepte pas les subventions gouvernementales et ne parvient pas à obtenir un statut d’exemption fiscale que l’administration américaine lui refuse de 1957 à 1977 sous prétexte que l’organisation n’a pas une vocation caritative et fait un travail de lobby politique aux Nations Unies (et, incidemment, parce que le Federal Bureau of Investigation confond sa directrice Roberta Cohen avec une homonyme gauchiste). Les cotisations des adhérents, elles, sont faibles car l’ILHR est assez élitiste et ne compte que 2 000 membres dans les années 1970. Grâce aux subventions de fondations, son budget ne passe pas moins de $50 000 en 1975 à environ $200 000 en 1985.

-A partir de 1971, Russie : la FIDH, qui se contente de dénoncer le totalitarisme soviétique, ne mène aucune enquête sur le goulag et les violations des droits de l’homme dans les régimes communistes. Elle proteste certes contre la détention d’Andrei Sakharov en 1973 et les internements psychiatriques en 1978. Mais son équivalent américain, l’ILHR, est beaucoup plus actif sur le sujet. Une première en Occident, la Ligue internationale pour les droits de l’homme affilie en juin 1971 le Comité de Moscou pour les droits de l’homme, qui a été fondé en novembre 1970 par les scientifiques Andrei Sakharov, Valery Chalidze et Andrei Tverdokhlebov. Prix Nobel de la Paix en 1975, Andrei Sakharov va devenir l’égérie et le vice-président honoraire de la Ligue en 1976. Placé en relégation par les autorités soviétiques, l’ILHR demande aux Nations Unies en 1984 qu’il soit porté disparu au même titre que les opposants enlevés et liquidés anonymement par les dictatures latino-américaines. Après la signature des accords d’Helsinki du 1er août 1975, qui marquent les débuts de la détente entre Moscou et Washington, l’ILHR démarre également un programme de réunification familiale en faveur des transfuges soviétiques passés à l’Ouest. Parce qu’elle focalise ses efforts sur les violations des droits de l’homme dans les pays communistes, la Ligue est cependant accusée de faire le jeu de l’administration américaine pour détourner l’attention des exactions commises par les alliés des Etats-Unis ailleurs dans le monde. De fait, l’ILHR est proche de Washington. Sa directrice, Roberta Cohen, devient l’assistante de l’adjoint du Secrétaire d’Etat américain en 1978 ; son président, Jerome Shestack, est nommé représentant des Etats-Unis à la Commission des droits de l’homme aux Nations Unies. Certes, l’organisation ne travaille pas que sur les pays communistes. En 1972, elle enquête sur le massacre du “ Bloody Sunday ” par l’armée britannique à Londonderry en Irlande du Nord ; en 1973, elle envoie une délégation demander la libération de sept avocats détenus par le régime des colonels en Grèce ; en 1974, son attention se porte sur le Paraguay et la Corée du Sud ; l’année suivante, elle publie un rapport très critique sur l’Inde, où un état d’urgence a été proclamé en juin 1975 ; en 1976, encore, elle mène une mission au Chili. Mais certaines positions campent indéniablement l’ILHR dans le camp américain. Ainsi, la Ligue envisage un moment d’affilier Freedom House, une organisation très conservatrice et anticommuniste. En outre, elle se dissocie en 1975 de la résolution de l’ONU assimilant le sionisme à une idéologie raciste, ce qui la range par défaut du côté des Israéliens. En 1986, enfin, elle publie à propos du Nicaragua un rapport très controversé sur les violations des droits de l’homme par les Sandinistes, que l’administration Ronald Reagan combat avec vigueur.

-1972-1974, France : le 9 juillet 1972, le vote de la loi contre les discriminations raciales permet à la LDH d’intenter des procès en se portant partie civile. Le travail de lobbying amène l’organisation à développer sa politique de communication avec les médias et à publier des comptes rendus de ses activités. En 1974, le comité central de la LDH commence à éditer le bulletin Hommes et Libertés, qui paraît sous une forme régulière à partir de 1977.

-Novembre 1975, France : à son 58è Congrès, la LDH modifie l’article trois de ses statuts afin de s’autoriser à prendre publiquement position lors de scrutins législatifs ou présidentiels dans l’Hexagone. L’imposition d’une limite d’âge de 75 ans entraîne également un rajeunissement et un renouvellement complet du comité central de la LDH, dont la réforme du système d’élection remet en cause les dynamiques de cooptation, permet les candidatures libres et favorise moins les Ligueurs parisiens au détriment des provinciaux. Alors qu’Amnesty International prend de l’ampleur, Daniel Mayer réactive pour sa part la FIDH, qui a renouvelé son statut consultatif à l’ONU en 1968 et dont il assure la présidence de 1977 à 1982. La LDH suit le mouvement et multiplie les envois d’observateurs lors de procès politiques à l’étranger, souvent en partenariat avec l’Association internationale des juristes démocrates (l’International Association of Democratic Lawyers), une organisation qui, à sa fondation en 1946, a d’abord été présidée par René Cassin avant que celui-ci n’en démissionne en dénonçant son alignement sur l’URSS.

-1976-1978, France : en août 1976, le siège de la LDH à Paris est l’objet d’un attentat revendiqué par un certain commando Peiper. En septembre 1980, un incendie criminel et néonazi ravage également l’appartement du président de la Ligue, Henri Noguères. Les positions de l’organisation contre la peine de mort et pour la liberté de contraception et d’avortement suscitent en effet l’opprobre des militants d’extrême droite. Autre point de litige : la question du service militaire. En juin 1978 avec l’amiral Antoine Sanguinetti, rayé des cadres d’actives et de réserves pour s’être exprimé publiquement sur des problèmes sociaux au sein de l’armée, la LDH lance le collectif “ Droits et libertés dans l’institution militaire ” et défend des militants trotskistes qui veulent constituer des comités de soldats pendant leur service. L’organisation dénonce également les restrictions du droit d’asile depuis l’adoption, en novembre 1976, de la Convention européenne sur la répression du terrorisme, qui facilite les procédures d’extradition des suspects. Le 16 novembre 1977, la LDH se mobilise ainsi contre l’extradition vers la République fédérale allemande de Klaus Croissant, arrêté à Paris le 30 septembre et accusé de complicité avec le leader terroriste de la Fraction Armée Rouge, Andreas Baader, dont il était l’avocat.

-A partir de 1977, Tunisie : créée en 1976 et membre de la FIDH, la LTDH (Ligue tunisienne des droits de l’homme), une des premières organisations du genre sur le continent, est officiellement reconnue par les autorités en mai 1977. Parce qu’elle travaille en régime de parti unique, elle réunit un peu tous les courants de l’opposition et n’est pas rattachée à une formation en particulier. En novembre 1987, la destitution du président Habib Bourguiba et la relative libéralisation de la vie politique bouleversent certes la donne. Des dirigeants fondateurs de la LTDH, Mohamed Charfi et Saeddine Zmerli, entrent dans le premier gouvernement du général Zine el-Abidine ben Ali avant de revenir à l’opposition. Leur ralliement au pouvoir suscite un schisme au sein de l’association, avec le départ des représentants du courant islamique, qui entre en clandestinité et va être durement réprimé. Mais le régime, qui se durcit très vite, soutient bientôt une organisation rivale, l’ADDHLP (Association de défense des droits de l’homme et des libertés publiques), dirigée par un ancien ministre de l’Intérieur et officiellement fondée le 5 mai 1988. Elu en 1989, le président de la Ligue, Moncef Marzouki, est emprisonné pendant quatre mois et libéré grâce à une intervention de Nelson Mandela, avant de partir en exil en France, où il fondera en 2001 un parti d’opposition, le CPR (Congrès pour la république). Grâce à une loi taillée sur mesure en 1992, le parti au pouvoir à Tunis, le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), tente par ailleurs d’imposer ses militants et oblige la LTDH à s’auto-dissoudre. En 1994, l’organisation reprend alors ses activités dans un cadre plus restreint, ce qui n’empêche d’ailleurs pas son vice-président, Khemais Ksila, d’être emprisonné entre 1997 et 1999. En octobre 2000, un procès est également intenté pour vice de forme lors du cinquième congrès de la LTDH, qui revendique 4 000 adhérents et dont le nouveau comité directeur ne compte aucun représentant du régime. Malgré le soutien des syndicats étudiants, de l’Union générale des travailleurs tunisiens et de personnalités françaises tel que l’historien Pierre Vidal-Naquet, le pouvoir profite de l’occasion pour confier les locaux de l’organisation à un administrateur judiciaire de novembre 2000 à juin 2001. En septembre 2005 puis mai 2006, encore, le RCD parvient à interdire la tenue du sixième congrès de la LTDH, alors présidé par un avocat, Mokhtar Trifi. En octobre 2005, le secrétaire général de la Ligue, Ayachi Hammami, démarre en conséquence une grève de la faim pour protester contre la dégradation des libertés.
 
-1978, Etats-Unis : au Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), la FIDH est accusée par le gouvernement argentin d’avoir été représentée à la Commission des droits de l’homme par la leader de la branche féminine du mouvement terroriste Montonero, qui se serait replié sur Paris pour coordonner des actions révolutionnaires dans toute l’Amérique latine. La Fédération rétorque qu’il s’agit en l’occurrence d’une ancienne sénateur uruguayenne qui a passé deux ans en prison. Les critiques de la dictature militaire argentine, qui visent à discréditer les organisations de défense des droits de l’homme, n’aboutissent pas et la FIDH conserve son statut consultatif auprès de l’ECOSOC. 
 
-A partir de 1979, Maroc : émanation de l’USFP (Union socialiste des forces populaires), l’AMDH (Association marocaine des droits de l’homme), qui ralliera la FIDH, est officiellement lancée le 24 juin 1979. Parce qu’elle veut dénoncer à l’étranger les abus de la monarchie, elle concurrence une organisation rivale et antérieure, la LMDDH (Ligue marocaine pour la défense des droits de l’homme), qui date de 1972, qui restreint ses activités de plaidoyer à l’intérieur du pays et qui n’est pas reconnue par la FIDH, peut-être parce qu’elle a été fondée par des politiciens plus conservateurs du parti nationaliste Istiqlal. Dans un pays qui pratique beaucoup l’autocensure, l’AMDH rencontre de nombreuses difficultés. La situation s’améliore cependant après l’intronisation du roi Mohammed VI en 1999. En 2004 est mis en place un organisme gouvernemental, l’Instance équité et réconciliation, qui examine les violations des droits de l’homme commises sous le règne de Hassan II. Bien que le secrétaire général de la FIDH, Driss El Yazami, soit membre à titre personnel de cette Instance, l’AMDH critique le fonctionnement d’une structure qui ne permet pas aux victimes de désigner publiquement leurs bourreaux et qui restreint la retransmission des auditions à la télévision.