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Fédération internationale des ligues des droits de l’homme
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Historique

Fédération internationale des ligues des droits de l’homme - Historique




Années 1990


-A partir de 1990, Burundi : bientôt affiliée à la FIDH et agrée par les autorités le 6 février 1991, la Ligue burundaise des droits de l’homme Iteka (« Dignité ») est fondée dans la clandestinité en 1990 alors que le pays, tenu par la minorité tutsi, rentre dans une période de transition démocratique et s’ouvre à la majorité hutu. A l’époque, les partis politiques ne sont pas encore autorisés et l’organisation sert de plate-forme d’expression à l’opposition. Son premier président, Melchior Ndadaye, démissionne ainsi très vite pour entrer en campagne et être élu en juin 1993 sous la bannière du FRODEBU (Front des démocrates du Burndi), avant d’être assassiné lors d’un coup d’Etat le 21 octobre suivant. Hormis les évêques de Gitega et Bururi, Mgr Simon Ntamwana et Bernard Bududira, les autres membres fondateurs de la Ligue Iteka vont également occuper d’importantes positions politiques, avec : Poncien Karibwami, président FRODEBU de l’Assemblé nationale tué au moment du putsch de 1993 ; Albert Mbonerane, militant exilé aux côtés de la faction Léonard Nyangoma du CNDD (Conseil national pour la défense de la démocratie) avant de revenir prendre le portefeuille de l’Information en 2000 puis de l’Environnement en 2002 ; Jean-Marie Ngendahayo, ministre des Relations Extérieures puis de l’Intérieur de gouvernements FRODEBU en 1993 et 2003 respectivement ; Eugène Nindorera, enfin, qui prend la suite de Melchior Ndadaye à la tête d’Iteka et démissionne pour rallier la junte de Pierre Buyoya et devenir ministre des droits de l’homme entre 1998 et 2001. La deuxième génération de dirigeants d’Iteka paraît moins engagée de ce point de vue. Elu en octobre 1997, Christophe Sebudandi, troisième président de l’organisation, est un professeur d’université qui n’occupera aucune fonction ministérielle et prendra la direction de l’Observatoire de l’action gouvernementale (créé avec Iteka) et de la Ligue des droits de l’homme de la région des Grands Lacs (jusqu’en 2005). Elu en octobre 1999, son successeur, Pie Ntakaru Timana, restera pareillement dans le secteur associatif et remportera la vice-présidence de la FIDH en 2004. Tous les présidents de la Ligue n’en ont pas moins la particularité d’être tutsi, à l’exception de Melchior Ndadaye. Jean-Marie Vianney Kavumbagu, le dernier en date, élu en novembre 2003, appartient même à un club de réflexion, AC Génocide, qui émane d’une formation nationaliste extrémiste, l’UPRONA (Union pour le progrès national). Par défaut, l’ethnicisation d’Iteka résulte d’abord du départ en exil des élites hutu après le coup d’Etat de 1993. S’y ajoute, en 1994, une manipulation délibérée des listes d’adhérents en droit de voter, qui incluent les sympathisants non cotisants à une époque où le mandat de président de l’organisation n’est pas encore limité à deux ans et renouvelable une seule fois. Résultat, la Ligue Iteka critique peu les abus de la junte à dominante tutsie de Pierre Buyoya, qui s’empare du pouvoir en juillet 1996, et elle lui fournit une caution de respectabilité en approuvant l’établissement d’une commission gouvernementale des droits de l’homme sous l’égide d’Eugène Nindorera. En particulier, elle ne désapprouve pas le regroupement forcé des paysans à l’intérieur de sites « protégés » par l’armée afin d’isoler et de combattre la rébellion hutu dans les provinces de Kayanza et Karuzi. Dans un rapport publié en mars 1997, constate Arnaud Royer, ses enquêteurs notent une amélioration de la sécurité et considèrent les restrictions de circulation comme un “ mal nécessaire ” en dépit du fait qu’elles empêchent les villageois de cultiver leurs champs et permettent aux rebelles de piller les biens laissés vacants par les habitants. Selon la Ligue, la création de camps reste préférable aux violences des rebelles : “ les conséquences négatives immédiates sur certains droits ne peuvent pas suffire à condamner une politique qui démontrerait une capacité à assurer à terme un exercice durable des libertés et droits fondamentaux de la personne ”. A la différence de Human Rights Watch et de Médecins Sans Frontières, qui condamnent un tel processus, la Ligue minimise ainsi les exactions des militaires, les destructions matérielles, les rackets, les viols et les éliminations physiques de paysans suspectés de sympathies pour l’opposition. Lors d’une deuxième vague de regroupements, cette fois dans la province de Bujumbura Rural en 1999, Iteka est certes plus nuancée et son bulletin d’octobre 2000 signale que la sécurité ne s’est pas améliorée pour les déplacés. En août 2000, la signature des accords de paix d’Arusha change de toutes façons la donne. L’engagement de la communauté internationale à soutenir le processus de transition démocratique a en effet des conséquences pour les ONG burundaises, qui reçoivent davantage de financements extérieurs. Avec un budget passé de 500 millions de Francs Burundi en 2000 à 1,3 milliards en 2004 (environ 900 000 euros dont une part négligeable en provenance des cotisations de ses 4 000 adhérents), la Ligue Iteka peut d’autant moins décevoir les bailleurs qu’elle dépend beaucoup de leurs subventions, en l’occurrence avec l’Union européenne, les coopérations américaine, belge et française, Oxfam-Hollande (Novib), 11.11.11, Développement et paix, ICCO (Interkerkelikje Coördinatie Commissie voor Ontwikkelingsprojecten), Christian Aid et la NED (National Endowement for Democracy).

-10 mars 1991, Salvador : la FIDH observe les élections censées marquer la fin de la dictature militaire et dénonce des fraudes dues aux manipulations de l’armée.

-A partir de 1992, Etats-Unis : aux Nations Unies, la FIDH contribue au projet de Convention Internationale pour la Protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Celui-ci vise à faire des disparitions forcées un “ crime continu ” afin de contourner les délais de prescription des législations pénales au niveau national.

-A partir de 1992, Kenya : agréée par les autorités en 1994 et affiliée à la FIDH, la KHRC (Kenya Human Rights Commission) se forme au moment où le pays abandonne le régime de parti unique et organise des élections pluralistes. Elle est en l’occurrence lancée en 1992 par cinq Kenyans exilés en Amérique du Nord, presque tous formés à Harvard et, pour certains, détenus au Kenya : un juriste du Lawyers Committee for Human Rights, Makau wa Mutua ; un étudiant en droit, Maina Kiai ; un journaliste du Weekly Review, Peter Kareithi ; un avocat connu, Kiraitu Murungi ; et un ancien enseignant à la faculté de droit de l’Université de Nairobi, Willy Mutunga. Initialement destinée à contrer le lobby de Washington favorable au président Daniel arap Moi, la structure est financée par la Fondation Ford et s’implante vite à Nairobi, où elle est momentanément abritée par le cabinet de Kiraitu Murungi et de son associé Gibson Kamau Kuria. Sur place, les premiers collaborateurs de la KHRC sont des militants étudiants ou des opposants fraîchement sortis de prison et pas toujours légalistes. Pour remplacer Peter Kareithi et Kiraitu Murungi, la direction de l’organisation accueille notamment des personnalités comme le professeur Amin Mazrui, ancien détenu politique au Kenya, et Njeri Kabeberi, la trésorière du parti Safina (longtemps interdit) et une fondatrice du mouvement pour la libération des prisonniers de conscience. Willy Mutunga, lui, est l’homme clé de plusieurs alliances de l’opposition contre l’ancien parti unique resté au pouvoir, la KANU (Kenya African National Union). Une telle composition donne évidemment à la KHRC une tournure très activiste. Favorable à la redistribution des terres, l’organisation cherche ainsi à se légitimer en faisant référence à la lutte armée des Mau Mau avant l’indépendance ; dans une pétition adressée à l’ambassade britannique en 1997, elle demande officiellement que l’ancien colonisateur dévoile l’emplacement de la sépulture de Dedan Kimathi, un célèbre leader de la rébellion, exécuté par Londres en 1956. Bénéficiant d’une bonne couverture médiatique avec, de 1995 à 1997, une tribune hebdomadaire dans le principal quotidien kenyan (le Daily Nation), la KHRC s’engage par ailleurs sur la scène politique en réclamant à partir de 1996 une réforme de la Constitution pour réduire les pouvoirs de la présidence. Dans les premiers temps, son travail se focalise en particulier sur la répression des opposants et les exécutions extrajudiciaires. En avril 1997, elle organise par exemple des défilés où les manifestants portent symboliquement le cercueil des victimes de la violence policière. A partir de 1998, cependant, elle tente de dépasser le stade de la simple protestation et commence à se livrer à des enquêtes approfondies sur les abus des forces de l’ordre. Bientôt, elle va même jusqu’à coopérer avec l’Etat : en 2001 dans le bidonville de Kangemi à Nairobi, elle s’implique dans un programme qui vise à former une police de proximité et qui est finalement récupéré par les notables du quartier. L’expérience, qui se heurte aux résistances des forces de l’ordre, est surtout significative du changement d’orientation de la KHRC après le départ de la première génération d’activistes et un audit interne réalisé en 1999 à la demande des bailleurs de fonds occidentaux, qui ont imposé un management plus professionnel et brièvement suspendu leurs financements en 1998 pour protester contre l’intransigeance de l’organisation à propos des réformes constitutionnelles à engager. Avec un budget d’un demi million d’euros en 2000, la Commission s’est institutionnalisée et a délaissé le militantisme de ses débuts, quitte à rémunérer davantage le travail de ses enquêteurs. A l’occasion d’un changement de direction qui voit Willy Mutunga succéder à Maina Kiai en 1998, la KHRC a également décidé d’élargir son combat à la défense des droits économiques et sociaux, et pas seulement politiques ou civils. En 2000, elle publie un premier rapport sur l’exploitation des petits producteurs de riz par une entreprise publique à Mwea. A partir de novembre 1999, elle appuie aussi les revendications des travailleurs contre la firme agroalimentaire italienne Del Monte dans les plantations d’ananas de Thika au nord de Nairobi. Relayée en Italie par une campagne de boycott organisée par le CNMS (Centro Nuevo Modello di Svillupo) du père Alex Zanotelli, l’opération permet de contourner les syndicats à la botte du gouvernement et aboutit à la signature d’un accord en mars 2001. La KHRC ne continue pas moins de veiller au respect des droits politiques. En octobre 2002, elle appelle à voter pour Mwai Kibaki et la National Rainbow Coalition, qui remporte les élections contre Daniel arap Moi. Par la suite, la KHRC entretient naturellement de bonnes relations avec le nouveau gouvernement issu de l’opposition, où elle compte des alliés comme Kiraitu Murungi, nommé ministre de la Justice du président Mwai Kibaki. Avec la section kenyane de Transparency International en avril 2003, elle obtient ainsi de participer à la création d’une commission qui, présidée par Makau wa Mutua, vise à établir une instance de justice et de réconciliation pour enquêter sur les atrocités commises par le précédent régime. Remis au gouvernement en août suivant, ses recommandations restent cependant sans effets.

-1993, Cambodge : l’ADHOC (Association des Droits de l’Homme et du Développement du Cambodge), qui est affiliée à la FIDH, organise une campagne d’éducation civique à l’approche des élections qui se déroulent en mai 1993 sous la surveillance des Nations Unies. Menacéepar les sbires du pouvoir, qui saccagent ses bureaux à Sveng Rieng cette année-là, l’ADHOC a été lancée en 1991 par un activiste, Thun Saray, qui avait été arrêté en 1989 et avait fait 18 mois de prison après avoir vainement essayé de lancer un parti d’opposition.

-A partir de 1994, Rwanda : après le génocide, la FIDH entreprend avec Human Rights Watch de recueillir les témoignages des survivants, qui sont consignés dans un ouvrage publié en 1999 et qui constituent un précieux dossier à charge contre les responsables des massacres. Sur place, la Fédération soutient également la LIPRODHOR (Ligue Rwandaise pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme). Née en 1991 et membre fondateur de la LDGL (Ligue des Droits de la Personne dans la Région des Grands Lacs), cette organisation se heurte bientôt à l’autoritarisme du régime du Président Paul Kagamé, qui ne parvient pas à l’infiltrer et à la réduire au silence. Malgré les protestations de la FIDH, de Human Rights Watch et d’Amnesty International, la Chambre des Députés à Kigali accuse la LIPRODHOR de “ divisionnisme ” ethnique, recommande sa dissolution et gèle ses comptes en banque en juillet 2004. Menacés de mort, sept membres de l’organisation s’enfuient en Ouganda, tandis que deux autres vont trouver refuge au Burundi.

-1995-2005, France : avocat des militants du Mouvement nationaliste algérien de Messali Hadj pendant la guerre d’indépendance en Algérie, Henri Leclerc succède en 1995 à Henri Noguères (1975-84), Yves Jouffa (1984-1991) et Madeleine Rebérioux (1991-1995) à la présidence de la LDH. En 2000, il cède la place à un autre avocat, Michel Tubiana, qui, étudiant, fut membre du service d’ordre des Jeunesses communistes révolutionnaires. Juif et franc-maçon d’origine algérienne, ce dernier a défendu Klaus Croissant (l’avocat de la Fraction Armée Rouge en Allemagne) et Jean-Marie Tjibaou (un des principaux protagonistes de la lutte pour l’indépendance en Nouvelle-Calédonie). A la LDH, il s’oppose entre autres à l’engagement du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) et du CRIF (Conseil représentatif  des institutions juives de France) en faveur d’Israël, qui revient à condamner l’antisémitisme plutôt que la racisme contre les Arabes. Une telle position vaut à la LDH de ne pas être invitée par la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) à un rassemblement organisé à Paris le 6 mai 2003 contre la montée du communautarisme en France. SOS-Racisme reproche également à la Ligue de s’être associée aux “ islamistes ” de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France) et du CMF (Collectif des musulmans français) lors de la manifestation du 7 novembre 2004 “ contre toutes les discriminations ”.

-A partir de 1996, Birmanie : la FIDH dénonce les compromissions de la compagnie pétrolière Total avec la junte militaire au pouvoir à Rangoon, qui réquisitionne la population pour construire un oléoduc. Fondateur de l’association Sherpa en 2001 et secrétaire général de la FIDH entre 1995 et 2000, l’avocat William Bourdon engage ensuite une procédure contre le groupe Total en 2002. En novembre 2005, il négocie une transaction à l’amiable et obtient de la compagnie l’indemnisation de huit travailleurs birmans en échange du retrait de leur plainte. La FIDH et la LDH française se dissocient cependant de cet accord qui entérine l’absence de responsabilité de Total dans les violations des droits de l’homme commises en Birmanie.

-Juillet 1997, Suisse : en partenariat avec l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture) à Genève, la FIDH crée un Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme. Il est à noter que l’équivalent américain de la Fédération, l’International League for Human Rights, avait d’ores et déjà lancé en 1982 un Human Rights Defenders Project. En 1997, la FIDH participe également au lancement d’une Coalition des ONG pour la Cour pénale internationale et suit de près les négociations diplomatiques à ce sujet. La Fédération avait, dès décembre 1964, appelé à la création d’une Cour pénale internationale, finalement avalisée par la signature du traité de Rome le 17 juillet 1998. Elle a également participé à la création de tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie.
 
-Novembre 1998, Congo-Kinshasa : à Paris, la FIDH saisit le Procureur de la République pour entamer des poursuites contre le président Laurent-Désiré Kabila en vertu de la Convention de 1984 contre la torture. La plainte est déboutée à cause de l’immunité dont bénéficie un chef d’Etat en exercice. 
 
-Décembre 1998, Etats-Unis : à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, la FIDH contribue à l’adoption d’une Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme. Le processus débouche sur la mise en place de mécanismes visant à mieux protéger les défenseurs des droits de l’homme, qui sont régulièrement menacés de représailles consignées avec précision dans les rapports annuels de l’Observatoire de la FIDH et de l’OMCT. 
 
-Juin 1999, Mauritanie : avec la LDH française et en vertu des dispositions de la Convention de New York contre la torture, promulguée en 1984 et ratifiée par la France en 1987, la FIDH dépose une plainte contre Ely Ould Dah, un officier mauritanien en stage à Montpellier au 81è régiment d’infanterie. Celui-ci est accusé d’avoir extorqué par la torture des aveux à deux collègues suspectés d’avoir participé à un complot à Noukchott en 1990 et réfugiés en France depuis lors. Si Ely Ould Dah parvient à s’échapper grâce à une remise en liberté provisoire en avril 2000, la FIDH se dote d’un Groupe d’action judiciaire (GAJ) afin de poursuivre les démarches visant à soutenir les plaintes des victimes contre des tortionnaires trop souvent impunis. Le 1er juillet 2005, Ely Ould Dah est finalement condamné par contumace à dix ans de prison par la cour d’assises de Nîmes.