>
Médecins du Monde
>
Historique

Médecins du Monde - Historique




Années 1990


-1990, Roumanie : MDM décide de ne pas ouvrir de mission d’urgence après avoir appris que les informations concernant les massacres et les charniers de Timisoara étaient fausses. Arrivée sur place dès janvier 1990, avant MSF, l’association envoie cependant des médicaments qui, selon des pharmaciens sans frontières cités par Gautier Pirotte, sont inadaptés et participent de l'engorgement de l'aide internationale dans le pays. Par la suite, MDM s’implante en Roumanie pour venir en aide aux orphelins et aux enfants abandonnés victimes du sida et négligés par les services hospitaliers locaux. Avec Jacques Lebas, elle soutient par exemple l'Opération Villages Roumains, une initiative belge lancée dès décembre 1988 et dotée d'une section française un an plus tard. En septembre 1990, MDM fonde également à Bucarest un Institut de l'Enfant et de la Famille en vue de pérenniser ses activités dans le pays.

-31 mars 1990, Pologne : avec des médecins réunis à Cracovie, MDM contribue à l’adoption d’une charte européenne de l’action humanitaire selon laquelle " le principe de non-ingérence s’arrête à l’endroit précis où naît le risque de non-assistance ".

-A partir de 1991, Irak : à la faveur de l’Opération Provide Comfort et de l’intervention militaire américaine, MDM, présent de façon clandestine au Kurdistan depuis 1984, obtient enfin de la dictature Saddam Hussein l’autorisation officielle de gérer depuis la Jordanie les hôpitaux de Ranya et Azadi avec le PDKI (Parti démocratique kurde d’Iran). Jusqu’alors, l’association entretenait de très mauvaises relations avec les autorités de Bagdad, qui, pendant deux mois, avaient retenu en otages trois de ses employés après l’invasion du Koweït en août 1990. Il faut dire que MDM était très proche des combattants du PDKI, à qui elle avait remis clé en main l’hôpital d’Azadi (« Liberté » en kurde). Lors de la deuxième crise du Golfe en 2003, MDM condamne ensuite l’intervention militaire américaine et s’inquiète des dispositions de Washington, qui encadre strictement les humanitaires au cours de sa guerre contre Bagdad. Dans un communiqué commun avec HI, PU, ACF, EMDH et Solidarités le 3 mars 2003, l’association proclame son " refus de subordonner son action sur le terrain à une autorité militaire qui est partie au conflit ". Pour ne pas se substituer aux forces d’occupation en matière de santé publique, MDM limite son intervention à des opérations ponctuelles. En juillet 2003, par exemple, l’association refuse de dévoiler ses futurs programmes médicaux afin que ceux-ci ne soient intégrés par les Etats-Unis dans les prévisions du budget national irakien pour 2004. Constatant l’incapacité des Alliés à assurer la sécurité des personnels civils, le directeur des opérations de l’organisation demande cependant à la Coalition anti-terroriste de mieux protéger les ONG. Dans une interview accordée au journal Libération le 9 septembre 2004, cette position est critiquée par le président de MSF, Jean-Hervé Bradol, car un encadrement des secours par les troupes américaines ou britanniques compromet la neutralité des humanitaires et met en danger leur vie. Lors du pillage de son bureau à Bassora, MDM doit, pour évacuer son personnel, faire appel aux gardes armés d’une société privée employée par Save the Children. Alors que se multiplient les menaces à l’encontre de ses expatriés, l’association quitte finalement l’Irak en avril 2004.

-A partir de 1992, ex-Yougoslavie : après avoir facilité le passage de convois de la Croix-Rouge bosniaque qui sont les premiers à entrer dans la ville de Dubrovnik assiégée par les Serbes en octobre 1991, MDM reporte son attention sur Sarajevo, où la situation se dégrade après les violences communautaires d’avril 1992, le meurtre du délégué du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) en mai et le départ consécutif des ONG. Le 10 juin, une mission commune de Bernard Jacquemart de MDM et d’Isabelle Achour de Pharmaciens sans frontières parvient à négocier l’entrée de ravitaillement dans la capitale bosniaque encerclée par les Serbes, tandis qu’un autre convoi organisé par Bernard Kouchner reste bloqué à une trentaine de kilomètres de là, dans la bourgade de Visoko, où, faute de mieux, le matériel médical est distribué sur place. Dans un premier temps, ces opérations sont financées sur les propres fonds de MDM-France car les organisations onusiennes et européennes ont reçu l’ordre de ne pas intervenir. Mais le voyage éclair du président François Mitterrand et de Bernard Kouchner à Sarajevo le 28 juin 1992 incite la communauté internationale à s’investir dans la crise. A l’approche de Noël, la direction de MDM lance alors une campagne publicitaire très controversée, y compris au sein de l’association, car on y compare les nationalistes serbes à des nazis afin de dénoncer leur entreprise de purification ethnique contre les Bosniaques musulmans. Une telle prise de position complique évidemment les relations de MDM-France avec les autorités serbes, obligeant à envoyer des médecins polonais à Belgrade et américains au Kosovo. En Bosnie, où les combats s’intensifient et où les vols de matériel se multiplient, les volontaires de l’association sont escortés par les troupes des Nations Unies. Après avoir subi plusieurs braquages de véhicules, MDM évacue temporairement Zenica et se replie sur Split en août 1993. Cette année-là, l’association recueille les témoignages de victimes de la guerre en Croatie et en Bosnie, témoignages qui font l’objet d’un livre, L'enfer yougoslave, et dont certains sont remis au TPIY (Tribunal pénal international pour la Yougoslavie) que les Nations unies viennent de créer. De 1993 à 1996, la Yougoslavie va, avec l’Afrique des Grands Lacs, accaparer un tiers du budget de MDM-France pour les missions à l'étranger. Au Kosovo, le mouvement s'engage ensuite aux côtés des Albanais et doit évacuer son personnel vers l’Albanie et la Macédoine du 24 mars au 13 juin 1999 lors des bombardements de l’OTAN (Organisation du Traité de l’AtlantiqueNord), avant de revenir à Pristina dans les fourgons de la KFOR (Kosovo Force). Les approches s’avèrent assez différentes d’une section de MDM à l’autre. La française, notamment, a la réputation d’être proche des indépendantistes et certains de ses employés locaux sont vraisemblablement des hommes de l’Armée de libération du Kosovo ; l’américaine, elle, investit la place par le biais d’un spécialiste de la région, Alan Ross, et travaille davantage avec les Serbes de la Croix-Rouge yougoslave. De son côté, MDM-Grèce dénonce les bombardements de l’OTAN, ne cache pas ses sympathies pour Belgrade et intervient dans les zones contrôlées par les Serbes sans consulter les autres branches du mouvement. L’organisation restera cependant membre du comité international de MDM, à la différence de MSF, qui a précisément expulsé sa section grecque pour ces raisons.

-1993-2011, Somalie : dans le cadre de l’Opération des Nations Unies en Somalie (UNOSOM), les sections française et grecque de MDM travaillent en collaboration avec l’armée française et gèrent deux dispensaires à Wadjid et Bardera à partir de mai 1993. En dehors de l’aire de déploiement des casques bleus, l’organisation essaie aussi de s’implanter au Nord-Est en octobre 1993, mais y renonce assez vite après une attaque à main armée au cours de laquelle ses équipes sont dépouillées sur la route entre Gardo et Burtinle en décembre 1993. L’insécurité ambiante et le retrait des troupes américaines obligent finalement MDM à se retirer de Somalie. En 2007, l’organisation revient alors ouvrir une mission médicale à Merca, un petit port au sud du Mogadiscio. A mesure que la rébellion islamiste gagne du terrain, MDM doit cependant évacuer ses expatriés et se résoudre fin 2008 à gérer son programme à distance depuis Nairobi au Kenya. Le problème est qu’il lui est de plus en plus difficile de contrôler les activités de ses employés locaux sur le terrain. Ceux-ci répercutent ainsi les taxes que prélèvent les factions armées en augmentant les coûts de services médicaux dont la qualité se dégrade en même temps que le nombre de consultations et de médicaments prescrits va croissant. En novembre 2010, MDM en arrive à la conclusion qu’elle ne maîtrise plus la situation et ferme en conséquence la mission de Merca en mars 2011.

-A partir de novembre 1994, Congo-Kinshasa : après avoir signé avec MSF, CARE, Oxfam, PSF et IRC une pétition dénonçant l’insécurité, les menaces physiques et les difficultés d’accès aux réfugiés rwandais dans la région de Goma, MDM décide de poursuivre ses activités à l’intérieur des camps infiltrés de "génocideurs" en train de préparer la reconquête de leur pays. Pour éviter que l’aide soit détournée par les miliciens, l’association recentre alors ses programmes sur les femmes, un rapport d’African Rights montrant que celles-ci aussi ont très largement participé au génocide. Dans les organisations humanitaires, femmes et enfants sont traditionnellement perçus comme des victimes innocentes. Ainsi, selon le père François Lefort, qui a effectué des missions pour MDM à Goma en juillet 1994 puis dans les camps de réfugiés rwandais d’Amisi et Tingui-Tingui en décembre 1996, "aucun génocide ne justifie que l’on tue en priorité ces femmes et ces enfants qui ne portent aucune responsabilité dans les crimes passés".

-Depuis 1995, Russie : présent en Tchétchénie depuis 1995, MDM retire en 1998 ses volontaires expatriés à cause des risques d’enlèvements et des bombardements. L’association poursuit néanmoins ses activités avec des médecins locaux sous la forme d’un « pilotage à distance » depuis l’Ingouchie et le Daghestan ; en 1999, MDM affirme être la seule ONG occidentale à continuer de travailler en Tchétchénie.

-Depuis 1996, Mali : dans le Nord du pays, MDM accompagne la réhabilitation et la pacification du cercle de Goundam, où des combats avaient opposé les Touaregs à l’armée.

-1997, Corée du Nord : MDM se retire faute de pouvoir avoir accès librement aux populations dans le besoin.

-Depuis 1997, Rwanda : trois employés de MDM-Espagne, Manuel Madrazo Osuna, Maria Flores Sirena Fortuny et Luis Maria Valtueña Gallego, sont tués lors d’une attaque contre leur habitation à Ruhengeri en janvier 1997. En avril 2005, la justice espagnole décide de donner suite à la plainte des familles des victimes et d’ouvrir une enquête à ce sujet. En février 2008, elle lance des mandats d’arrêt internationaux contre quarante officiers supérieurs de l’Armée patriotique rwandaise, dont le président Paul Kagamé et l’ancien directeur des services de renseignement militaire, le général Kayumba Nyamwasa. En juin 2015, c’est finalement le chef des services de renseignement rwandais qui est arrêté à Londres pour être extradé vers Madrid, entraînant une crise diplomatique entre les deux pays.

-1998, Burundi : refusant de construire des infrastructures sanitaires pour les camps insalubres où l’armée à dominante tutsi a commencé à parquer les paysans hutu en février 1996, l’association ne veut pas être complice d’une politique de regroupement forcé et décide de se retirer du pays.

-A partir de 1999, Soudan : MDM se retire faute de pouvoir avoir accès librement aux populations dans le besoin. Dans le Sud du pays, en proie à une rébellion, la principale guérilla de la région, la SPLA ( Sudan People's Liberation Army ), exerce en effet de nombreuses pressions pour capter et contrôler l'aide humanitaire. En mars 2000, ladite guérilla finit ainsi par expulser les ONG qui refusent de signer un accord avalisant et formalisant les « prélèvements » de la rébellion. Avec les négociations de paix qui sont censés mettre fin au conflit dans le Sud, MDM revient cependant en 2003 installer une mission à Malakal dans le Haut Nil. La crise du Darfour, qui éclate dans l'Ouest du Soudan, conduit ensuite l'organisation à envoyer à partir de juillet 2004 des équipes médicales dans les camps de Kalma, Dereij et Nyala. L’insécurité la contraint à suspendre ses activités dans la région de janvier 2007 à mars 2008. Accusée de soutenir l'Armée de libération du Soudan du chef de guerre Abdelwahid Nour, l’organisation est ensuite expulsée par les autorités provinciales du Darfour-Sud en février 2011.