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Médecins Sans Frontières
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Historique

Médecins Sans Frontières - Historique




Années 2010


- 2010, Haïti : déjà présent dans le pays, le mouvement MSF perd 52 collaborateurs locaux lors du séisme qui ravage Port-au-Prince en janvier 2010. L’organisation ne tente pas moins de secourir les rescapés, y compris dans les bidonvilles infestés de gangs. En mars, deux collaboratrices tchèque et belge de MSF-Suisse sont ainsi enlevées dans le quartier de Petionville et détenues pendant une semaine, sans qu’on sache si leur libération est due au versement d’une rançon.

- 2011-2012, Libye : MSF intervient à partir de mars pour aider les victimes des combats qui opposent les insurgés de Benghazi aux forces du colonel Mouammar Kadhafi. Dans un pays où elle n’avait pas de représentant sur place, l’organisation ouvre d’abord un bureau à Tripoli et parvient à travailler dans tous les camps en présence. Le 19 mai 2011, les différentes sections nationales du mouvement publient alors une lettre commune pour dénoncer le double langage des Etats européens qui, d’un côté, refoulent les « boat-people » libyens et, de l’autre, prétendent intervenir à titre humanitaire en vue de renverser militairement le régime au pouvoir à Tripoli. Après la chute de Mouammar Kadhafi, MSF n’est pas autorisé par les combattants du CNT (Conseil national de transition) à aller secourir la population lors du siège de Syrte en septembre 2011. En janvier 2012, l’organisation décide alors de suspendre son activité médicale dans les prisons de Misrata car des personnes traitées par ses soins sont renvoyées devant leurs tortionnaires pour être à nouveau torturées.

- A partir de 2012, Syrie : après avoir vainement espéré être autorisé à soigner les victimes de la répression du régime de BacharAl-Assad, MSF-France se décide en janvier 2012 à dénoncer la persécution des praticiens qui soignent les opposants. Le CICR, lui, reste silencieux en dépit des compromissions du croissant Rouge syrien. Dans un communiqué du 17 février 2012, MSF-France s’oppose par ailleurs à l’idée de créer des corridors humanitaires militarisés afin de pouvoir aller soigner les victimes. Selon sa présidente Marie-Pierre Allié, cela ne permettrait pas « de soustraire le personnel et les structures de soins aux logiques de guerre et de répression ». Au contraire, des corridors militarisés en feraient une cible. « Si la France entend soutenir militairement l’opposition syrienne, ajoute-t-elle, il serait à la fois hypocrite et dangereux qu’elle le fasse au nom de la protection des blessés et du personnel médical ». A la différence d’Action contre la faim, de Première urgence et de Terres des hommes Italie, qui sont officiellement autorisées à travailler dans le pays avec des financements de l’ONU, MSF doit ainsi organiser sur fonds propres des missions clandestines depuis la Turquie pour monter trois hôpitaux dans le nord à partir de juin 2012. En août 2013, les implantations des sections espagnole, française, hollandaise et belge du mouvement, respectivement dans le district de Bab al-Salama sur la frontière turque, Qabassin au nord-ouest d’Alep, Tall Abyad dans le gouvernorat de Raqqa et Bernas dans le gouvernorat d’Idlib passent alors sous contrôle de l’Etat islamique. Les relations avec les djihadistes se dégradent aussitôt avec l’enlèvement dans un véhicule de MSF-Espagne d’une jeune humanitaire, Kayla Mueller, dont les islamistes annoncent la mort en février 2015. Le 2 septembre 2013, un chirurgien syrien de MSF-Espagne est également enlevé à Bab al-Salama, torturé et mis à mort à cause de ses convictions athéistes, qu’il affichait ouvertement et qui lui avaient valu une fatwa. Le 2 janvier suivant, cinq expatriés de l’organisation (un Suisse, un Suédois, un Danois, un Belge et un Péruvien) sont enlevés par des combattants de l’Etat islamique à Bernas dans le gouvernorat d’Idlib. Après leur libération en juin, le mouvement décide d’arrêter toutes ses activités dans les zones tenues par Daech, d’où il avait déjà retiré ses expatriés et où il n’est plus en mesurer de contrôler la finalité de ses opérations. Dans le nord de la Syrie, l’ONG maintient seulement une présence dans les zones tenues par les forces kurdes. Le 15 février 2016, encore, un hôpital de MSF installé en décembre 2015 dans une ancienne cimenterie est bombardé par les troupes gouvernementales à Maaret Al-Noman dans le nord du pays. Cinq patients, dont un enfant, et deux personnels de santé sont été tués tandis que huit autres collaborateurs sont portés disparus. Officiellement, MSF n’est autorisé à gérer que trois hôpitaux, un à Idlib et deux à Alep. Les autres structures de santé sont donc considérées comme illégales par le régime, qui les prend souvent pour cible.
 
- 2013, Somalie : pour la première fois depuis 1991, toutes les sections de MSF décident de quitter ensemble le pays, toujours en proie à la guerre civile. Annoncée le 14 août 2013, la décision revient à fermer la totalité des programmes médicaux menés dans 14 hôpitaux et 18 structures de santé. Elle traduit l’exaspération du mouvement, qui est en permanence racketté et dont les collaborateurs sont régulièrement enlevés ou tués.

-2014, Libéria, Sierra Leone, Guinée Conakry : le mouvement MSF déploie 210 expatriés et 1 700 personnels locaux pour tenter de soigner les victimes de l’épidémie Ebola qui se déclare en mars 2014. A Monrovia dans la banlieue d’Elwa, notamment, l’ONG reprend le centre de traitement de Samaritan’s Purse, qui abandonne le pays en août. L’épidémie contamine et tue trois collaborateurs locaux de MSF en cinq mois. Débordé, le mouvement reproche à l’Organisation Mondiale de la Santé d’avoir tardé à réagir et fait appel à la logistique de l’armée américaine. Réagissant au cri d’alarme de la présidente de MSF, Joanne Liu, à l’ONU le 2 septembre, le président Barack Obama réagit et, le 16 septembre, décide d’envoyer au Liberia 3 000 militaires construire des centres de traitement et former les personnels de santé.
 

-Depuis 2015, Afghanistan : un centre de santé de MSF est bombardé le 3 octobre 2015 par l’armée afghane et les forces de l’OTAN à Kunduz, une ville du nord-est dont se sont emparés les talibans. L’ONG déplore la mort de douze employés et de dix civils dont trois enfants, ceci sans compter une trentaine de personnes disparues. Le 12 mai 2020 à Kaboul, encore, une maternité de MSF qui servait des femmes de la minorité chiite hazara est victime d’un carnage, sans doute commis par un commando de l’Etat Islamique. Patients, nouveaux nés et personnel soignant sont exécutés de sang-froid.
 

-2016, Belgique : après avoir boycotté le sommet mondial de l’humanitaire à Istanbul en mai 2016, le mouvement MSF prend officiellement position contre la politique migratoire de l’Union européenne lors d’une conférence de presse à Bruxelles en juin. L’organisation dénonce notamment les accords passés avec la Turquie pour empêcher l’arrivée des demandeurs d’asile en provenance de Syrie, qui restent bloqués sur les îles grecques. MSF critique également les accords qui lient les fonds de l’aide européenne à l’engagement pris par des pays comme la Somalie, l’Erythrée, le Soudan et l’Afghanistan d’endiguer les flux migratoires et d’accepter les retours forcés. Déterminé, le mouvement MSF annonce ainsi qu’il refuse désormais les dons de l’Union européenne, à hauteur de 62 millions d’euros.
 

-A partir de 2017, Nigeria : établi dans le nord-est du pays depuis mai 2014, MSF poursuit des opérations en faveur des victimes du conflit qui oppose la secte islamiste Boko Haram aux forces gouvernementales et à leurs supplétifs miliciens. L’ONG s’occupe notamment de ravitailler les camps de déplacés de Maiduguri, capitale de l’Etat du Borno. La difficulté est que les autorités veulent forcer ces populations a? retourner dans leurs zones d’origine en de?pit d’une inse?curite? persistante, quitte à les enfermer dans des sites militarisés à proximité des chefs-lieux administratifs des collectivités rurales. Outre l’insécurité, MSF se heurte également à des problèmes de malversations dans un pays réputé compter parmi les plus corrompus du monde. D’après le journaliste 'Fisayo Soyombo et le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, la moitié de l’aide alimentaire du gouvernement est détournée et n’arrive pas à destination. Le vice-président du Nigeria, Yemi Osinbajo, finit lui-même par le reconnaître publiquement. Entre la surfacturation des contrats de sous-traitance et le vol du salaire de travailleurs journaliers par leur superviseur, MSF enregistre ainsi des pertes qui touchent tous ses secteurs d’activités, sans se limiter à la revente de médicaments, et qui, selon des estimations basses, vont d’environ 20 000 euros en 2015 à 50 000 euros en 2016. L’ONG réagit en licenciant ou en sanctionnant neuf employés locaux. En l’absence d’audits physiques et de contro?les re?guliers, notent Judith Soussan et Fabrice Weissman, la mise en place de nouvelles proce?dures ne permet cependant pas d’empe?cher les fraudes.

-2018, Niger : le gouvernement expulse en octobre une pédiatre de MSF, Anne Pittet, qu’il accuse d’avoir falsifié et gonflé les taux de mortalité dus à la malaria.

-A partir de 2019, Ukraine : MSF continue d’offrir des soins de santé dans les régions sécessionnistes du Donbass à l’est du pays. En mai-juin 2014, l’ONG était d’abord intervenue afin d’y mener des programmes contre la tuberculose. Plus ou moins officiellement accusé d’espionnage, le mouvement MSF a alors été mis hors-la-loi par les autorités des républiques sécessionnistes de Donetsk et de Luhansk, dont l’indépendance proclamée en avril et mai 2014 n’a été reconnue que par la Russie. En septembre-octobre 2015, ses équipes ont ensuite été expulsées et ses entrepôts mis sous scellés, ce qui a permis aux oligarques locaux de mettre la main sur des stocks de médicaments d’une valeur avoisinant le million d’euros. MSF a cependant réussi à fournir des secours aux villageois d’Opytne près des lignes de front des deux républiques sécessionnistes.