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Comité International de la Croix Rouge
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Historique

Comité International de la Croix Rouge - Historique




2000-2009


-A partir de 2000, Azerbaïdjan : à la suite de l’Arménie, le CICR est autorisé à visiter tous les détenus aux mains de Bakou en vertu d’un accord signé avec le gouvernement de Heïdar Aliev le 1er juin 2000. Jusqu’à ce que les négociations aboutissent deux ans après, il n’en va pas de même concernant les prisonniers du Haut Karabagh, enclave arménienne qui se situait sur le territoire de l’Azerbaïdjan et qui est occupée par les troupes d’Erevan depuis la conclusion d’un cessez-le-feu en mai 1994. Depuis Bakou, le Comité essaie entre-temps de retrouver les personnes disparues pendant le conflit et cherche à étendre ses activités de protection en Asie centrale, où il a ouvert une délégation régionale à Tashkent en mai 1992. Au Kirgizistan, il parvient ainsi à obtenir un plein accès aux détenus à partir de novembre 2002. En revanche, les portes restent complètement fermées au Turkménistan et s’entrouvent à peine en Ouzbékistan et au Tadjikistan, où Genève est censé pouvoir assister les prisonniers grâce à des accords signés en janvier 2001 et juin 2003 respectivement. En Ouzbékistan, par exemple, le CICR n’a pas accès aux détenus avant leur jugement et décide en mai 2001 de suspendre des visites qui, de toutes façons, sont interdites par le gouvernement de Tashkent, d’abord d’octobre 2003 à février 2004, puis d’octobre 2004 à mars 2008. Au Tadjikistan, les visites de prisons sont également interrompues à partir de septembre 2004. Faute d’autorisation gouvernmentale, le CICR finit par se retirer complètement des prisons d’Ouzbékistan en 2013.
 
-A partir de 2001, Etats-Unis : les attaques commanditées par Oussama ben Laden contre les tours du World Trade Center à New York en septembre 2001 bouleversent le rapport au droit humanitaire. Le CICR, qui a assisté des détenus membres de l’IRA (Irish Republican Army) en Irlande du Nord et de l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna) en Espagne au cours des années 1990, peut certes visiter à plusieurs reprises les terroristes islamistes d’al-Qaida incarcérés à Guantanamo, une enclave militaire américaine à Cuba. Mais l’administration du président George Bush Junior refuse de traiter en prisonniers de guerre des combattants qui, pour la plupart, ont été pris en Afghanistan. Elle les prive donc de la protection des Conventions de Genève alors même qu’elle accorde le statut de prisonnier de guerre à Saddam Hussein après sa capture en Irak en décembre 2003, à l’instar du général Manuel Noriega, appréhendé au Panama en décembre 1989 et incarcéré aux Etats-Unis depuis sa condamnation pour des trafics de drogue relevant du droit commun. Selon des fuites dans la presse en novembre 2007, l’armée américaine bloque en l’occurrence l’accès à certains détenus de Guantanamo et ne permet pas au CICR de visiter les suspects qu’elle transfère pour interrogatoire vers des pays où l’on pratique la torture. Malgré le soutien du sénateur républicain John McCain, qui a été emprisonné par Hanoi pendant la guerre du Vietnam et qui présente sa candidature aux élections présidentielles de novembre 2008, les relations avec Genève sont d’autant plus tendues que des entrepôts du Comité en Afghanistan sont soupçonnés d’avoir abrité de l’anthrax, une bactérie susceptible d’être utilisée pour commettre des attentats biologiques aux Etats-Unis. De plus, le CICR finit en juillet 2003 par s’inquiéter ouvertement du traitement des détenus de Guantanamo, en particulier les 680 occupants du camp Delta. Le 26 novembre 2003, le directeur général du Comité, Angelo Gnädinger, révèle que des mineurs sont incarcérés sur les lieux. Le 15 janvier 2004, encore, le président de l’institution, Jakob Kellenberger, se rend à Washington pour interpeller le gouvernement sur le sort des détenus, dépourvus d’avocats et toujours en attente d’un jugement. Suite à une fuite provenant vraisemblablement de l’administration américaine, les extraits d’un rapport confidentiel du CICR qui date de juillet sont ensuite publiés par le New York Times du 30 novembre 2004 et confirment le recours à des formes de torture qui impliquent le personnel médical de la base de Guantanamo. Après des débats houleux en faveur d’une dénonciation publique, le Comité se décide à ne pas commenter ces informations de peur de compromettre son droit d’accès aux détenus. De même, l’institution se contente de rappeler la nature confidentielle d’un rapport de février 2007 qui est publié par Mark Danner et qui confirme les pratiques de torture dans les prisons secrètes de la CIA (Central Intelligence Agency).
 
-A partir de 2002, Côte d’Ivoire : d’abord venu visiter des détenus politiques à Abidjan, où il a ouvert une délégation régionale en juillet 1992, le CICR est amené à s’occuper des victimes des affrontements entre l’armée du gouvernement Laurent Gbagbo dans le Sud et les rebelles qui, depuis la ville de Bouaké, contrôlent tout le Nord du pays à la suite de l’échec d’une tentative de coup d’Etat en septembre 2002. La situation se révèle d’autant plus complexe que la guerre au Libéria a débordé vers la Côte d’Ivoire. La frontière entre les deux pays s’avère particulièrement dangereuse : enlevés par des hommes en armes, quatre employés locaux du CICR y sont retrouvés assassinés à Toulépleu le 19 mars 2003. Dans les autres régions, le Comité a certes accès à tous les camps en présence et il peut visiter les détenus aux mains du gouvernement comme des Forces Nouvelles. Le 7 décembre 2003, il parvient ainsi à superviser la libération à Korhogo et à Bouaké de quarante prisonniers de guerre capturés par les insurgés.
 
-2003, Suisse : la vingt-huitième conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge, qui se déroule à Genève du 2 au 6 décembre 2003, essaie de régler le problème lancinant de la reconnaissance de sociétés nationales en Israël et en Palestine. Présidée par Moshe Melloul à partir de 2002 puis Noam Yifrach à partir de 2005, l’organisation de secours du bouclier de David, la MDA (Maguen David Adom), voit son adhésion buter officiellement sur le refus des Juifs d’adopter un des deux emblèmes du mouvement, la Croix ou le Croissant. Apparu en 1931, son symbole avait manqué à quelques voix près d’être reconnu lors de la signature des Conventions de Genève en 1949. A la différence de la Société du Lion et du Soleil Rouge pour l’Iran à partir de 1923, la MDA n’a cependant jamais réussi à être acceptée. Condamnée par la communauté internationale, l’occupation de la bande de Gaza et de la Cisjordanie en 1967 n’a fait que compliquer la tâche avec l’apparition fin 1968 d’un Croissant Rouge palestinien dont l’admission au sein du mouvement est devenue la condition sine qua non d’une reconnaissance mutuelle. Les négociations entre les présidents des deux institutions, le professeur David Barzilai et le docteur Fathi Arafat, devaient en réalité commencer à l’occasion de l’assemblée générale des représentants du CICR, de la FICR et des sociétés nationales à Birmingham en Grande-Bretagne en octobre 1993. Dans un contexte politique lourdement chargé, les discussions allaient mettre plus de dix ans à aboutir. Au vu de ses enjeux symboliques, l’affaire a en effet pris une dimension internationale. A partir de 1999, la Croix-Rouge américaine a ainsi suspendu sa participation au budget du CICR et de la FICR pour protester contre le refus de reconnaître l’emblème israélien du bouclier. La Fédération, dont environ un quart du budget administratif provenait des Etats-Unis, a été particulièrement touchée en y perdant une contribution qui s’élevait à 4,5 millions de dollars par an. Ce sont finalement les négociations directes entre le Croissant Rouge palestinien et la MDA qui avancent le plus. Le 28 novembre 2005 à Genève, les présidents des deux institutions, respectivement Younis Al-Khatib et Noam Yifrach, signent d’abord un accord qui reconnaît la souveraineté de la première et permet à la seconde d’opérer dans les colonies juives des territoires occupés. Peu après, les négociations progressent ensuite à propos de la question de l’emblème israélien. Le 8 décembre 2005, les Etats signataires du troisième protocole additionnel aux Conventions de Genève reconnaissent le Bouclier de David malgré l’opposition de la Syrie, qui voulait en échange négocier un accès humanitaire au plateau du Golan annexé par Israël. En guise de réconciliation, la Croix-Rouge américaine s’engage alors à reprendre ses versements à la FICR.
 
-A partir de 2004, Colombie : dans un pays ravagé par la guerre civile, le CICR est de plus en plus amené à proposer ses bons offices pour négocier la libération d’otages, par exemple dans le cadre d’un projet qui est rejeté par les rebelles des FARC (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia) en août 2004 et qui visait à échanger une cinquantaine de prisonniers entre le gouvernement et la guérilla. D’abord venu visiter les détenus aux mains de la police à partir de mars 1991 puis de l’armée à partir d’avril 1993, le Comité n’en est certes pas à son coup d’essai. Dès avril 1980, il avait été convié à superviser la libération de dix-huit personnes prises en otage par le Mouvement du 19 avril dans l’ambassade de la république dominicaine à Bogota. D’après Pierre Gassmann, qui fut chef de mission à Bogota de 1996 à 1999, les contacts sont cependant plus difficiles à établir avec les FARC, qui reprochent au CICR de ne pas être intrervenu pendant la période de La Violencia des années 1950, ignorant ses appels à l’aide lors d’une attaque de l'armée contre le fief de la guérilla à Marquetalia en 1964. De fait, le Comité de Genève entretient de meilleures relations avec les autorités, qui ont ratifié les Conventions de Genève de 1949 en 1961 puis les protocoles additionnels de 1977 fin 1994. Après avoir ouvert un bureau dans la capitale en 1980 et signé en 1981 un accord de siège avec Bogota pour étendre ses opérations en province, le CICR a en outre pris l’initiative de négocier un accès aux prisonniers des milices paragouvernementales des AUC (Autodefensas Unidas de Colombia). L’opposition de gauche lui a alors reproché d’avoir en quelque sorte légalisé le statut de groupes privés, souvent liés aux grands propriétaires fonciers. Mais les critiques ont ensuite cessé quand Genève est parvenu à obtenir la libération de guérilleros et de militants des droits de l’homme aux mains des AUC à partir de 1997. De plus, les visites répétées des geôles gouvernmentales et le soutien aux familles des prisonniers politiques ont fini par permettre au CICR de nouer des relations avec les commandants rebelles qui allaient reprendre le maquis. A partir des années 2000, le Comité de Genève peut se targuer d’avoir la confiance d’à peu près toutes les parties au conflit. En septembre 2007, notamment, il est chargé d’aller récupérer les corps de onze députés du département du Valle del Cauca, tués au cours de leur détention par les FARC. Après bien des péripéties, le CICR et la Croix-Rouge du Venezuela facilitent ensuite en janvier 2008 la libération très médiatisée de deux autres otages de la guérilla, la députée Consuelo Gonzalez de Persomo et l’assistante de la fameuse sénatrice Ingrid Betancourt, Clara Rojas. Le mois suivant, encore, le Comité de Genève est impliqué dans la récupération de quatre anciens parlementaires aux mains des FARC, Luis Eladio Perez, Gloria Polanco, Jorge Eduardo Gechem et Orlando Beltran, qui sont convoyés par hélicoptère depuis les maquis de Guaviare. Par l’intermédiaire du réseau de solidarité REDES (Red de Solidaridad Social), le CICR n’oublie pas pour autant d’assister les autres victimes du conflit, tant du côté des rebelles que des groupes paramilitaires, qui sont responsables de nombreux massacres dans la région d’Urabá. Un moment contraint de fermer sa sous délégation à Montería de janvier à mars 1994, le Comité agit notamment à Apartadó et Saravena puis Medellín et Barranquilla, où il a ouvert des bureaux en août et novembre 1995 respectivement.
 
-2005-2006, Suisse : dans le cadre d’un sommet diplomatique réuni pour l’occasion, un troisième protocole additionnel aux Conventions de Genève est adopté le 6 décembre 2005 afin d’instituer un emblème universel pour le mouvement, à savoir un losange rouge à l’intérieur duquel peut figurer le Croissant, la Croix ou le Bouclier de David. Avalisée lors de la vingt-neuvième conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge, qui se déroule à Genève les 20 et 21 juin 2006, une telle décision permet de trancher de vieilles querelles qui ont notamment opposé les Palestiniens et les Israéliens. Depuis la création par les Ottomans d’un emblème concurrent de la Croix en 1877, le mouvement s’est en effet avéré incapable de se rassembler autour d’un sigle unique. Même les sociétés du Croissant Rouge, souvent identifiées sous le terme générique de Hilal e Ahmar, ont utilisé des symboles différents. Les organisations turque et tunisienne ont leur croissant ouvert sur la gauche ; leurs homologues du Moyen-Orient, sur la droite. Lors de l’adoption des Conventions de Genève en 1949, certains ont voulu créer un nouvel emblème susceptible de rassembler toutes les composantes du mouvement ; d’autres, en revenir à la Croix exclusivement. Aucun consensus n’a été trouvé. Au contraire, des sociétés de la Croix-Rouge ont rallié le symbole du Croissant, à l’instar de l’Egypte avant 1952, du Bengladesh en 1973, du Pakistan en 1974 et de la Malaisie en 1975. Des pays musulmans tels que l’Indonésie, le Sénégal, le Tchad, le Mali, le Niger ou la Guinée Conakry ont certes gardé l’emblème de la Croix-Rouge. Mais hormis la société iranienne, qui a abandonné le symbole du Lion et du Soleil pour adopter le sigle du Croissant au moment de la révolution islamique de 1979, une certaine confusion a continué de régner. Les Soviétiques de 1924 à 1989, les Arabes de Transjordanie brièvement en 1948, les Kazakhs de 1991 à 2001 et les Erythréens depuis 1991 ont ainsi utilisé un mélange de Croix et de Croissant Rouges tout à la fois. Il a par exemple fallu attendre un décret-loi du 26 juin 2001 pour que la société du Kazakhstan opte pour le Croissant et soit enfin reconnue par le CICR en novembre 2003.
 
-A partir de 2006, Haïti : le CICR, qui a ouvert une délégation à Port-au-Prince en février 2004, poursuit ses activités en faveur des détenus et des civils victimes des tensions politiques qui précèdent les élections présidentielles de février 2006. A Cité Soleil, un des principaux bidonvilles de la capitale, il aide par exemple la Croix-Rouge locale à évacuer les personnes blessées par les affrontements entre gangs armés. Soucieux d’améliorer les conditions de vie des détenus, il facilite par ailleurs la réhabilitation des prisons de Port-au-Prince, Anse-à-Veau et Cap Haïtien. Le CICR, dont un employé a été tué et un autre enlevé en 2005, continue cependant de se heurter à des problèmes d’insécurité.
 
-A partir de 2007, Birmanie : après avoir réussi à étendre ses activités en prison et en province grâce à la relative ouverture du gouvernement du général Khin Nyunt entre août 2003 et octobre 2004, le CICR est de nouveau confronté à des blocages de la part de la junte militaire. Dans un communiqué en date du 29 juin 2007, le Comité exprime alors publiquement sa réprobation de pratiques qui consistent à embrigader les civils comme porteurs, démineurs ou travailleurs de force pour lutter contre les rébellions opposées au pouvoir central.
 
-A partir de 2008, Colombie : en violation d’un décret présidentiel du 8 mai 1998, l'armée utilise l'emblème du CICR pour tromper l’ennemi et libérer Ingrid Betancourt et quatorze autres otages des FARC (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia) le 2 juillet 2008. De l’aveu-même du président Alvaro Uribe, un officier trop « nerveux » aurait pris peur au dernier moment, juste avant le début de l’opération, et aurait choisi de se protéger en enfilant un gilet marqué du sigle du Comité. Devant le succès de cette libération, qui est acclamée par les médias internationaux, le CICR renonce cependant à faire sanctionner le gouvernement colombien pour sa violation des Conventions de Genève, qui interdisent explicitement l’usage de l'emblème de la Croix-Rouge afin de tuer ou capturer des combattants ennemis. Bien que trompés par l’apparence humanitaire du commando arrivé en hélicoptère pour s’emparer d’Ingrid Betancourt, les FARC ne semblent d’ailleurs pas en tenir rigueur au Comité. Fin juillet 2008, ses guérilleros lui remettent ainsi huit des dix-huit otages enlevés peu auparavant alors qu’ils circulaient en bateau près de la localité de Riosucio, à une soixantaine de kilomètres de Bogota. Le 1er février 2009, encore, les FARC confient au CICR le soin de transporter en hélicoptère quatre prisonniers politiques que les rebelles viennent de relâcher, et ce en dépit du survol de la région par des avions militaires.
 
-2009, Allemagne : transmis au ministère de la défense le 6 novembre 2009, un rapport confidentiel du CICR impute au corps expéditionnaire allemand la responsabilité des dégâts collatéraux du bombardement, le 4 septembre précédent, de camions citernes dérobés par les talibans près de Kunduz en Afghanistan. La frappe aérienne, qui a fait un grand nombre de victimes civiles, est qualifiée de « contraire au droit international ». Le scandale, qui a provoqué le limogeage du chef d’état-major de l’armée allemande et du ministre de la défense Franz-Josef Jung, redouble d’intensité lorsque le rapport du CICR est publié par le tabloïd Blid suite à une fuite dans la presse.