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Young Men’s Christian Association
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Historique

Young Men’s Christian Association - Historique




1860-1869


-A partir de 1860, Canada : Francis Grafton prend en 1860 la présidence de la YMCA de Toronto à la suite de John Holland, qui a lancé le mouvement à Montréal en 1851 après avoir participé avec David Nasmit à la création d’une éphémère société des jeunes gens de 1831 à 1839. Comme en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, l’organisation se développe essentiellement en milieu urbain. L’essentiel de ses effectifs se trouve ainsi à Montréal et Toronto, dont l’Alliance établie en 1867 est bientôt rejointe par les associations du Manitoba en 1870, de la Colombie britannique en 1871 et de l’île du Prince Edward en 1873. Seules les YMCA des provinces maritimes, centrées autour de Halifax, parviennent à s’implanter dans des petites bourgades rurales. Pour le reste, le mouvement se préoccupe surtout de la moralité des jeunes citadins, notamment les migrants, et concentre ses efforts sur la construction de foyers qui obligent les associations locales à s’endetter mais permettent de mobiliser les membres autour de projets concrets. En fait de vocation humanitaire, l’organisation fonctionne davantage sur le principe d’une mutuelle en ce sens qu’elle n’a pas de caractère altruiste et qu’elle sert en priorité les intérêts de ses adhérents. Ainsi, la YMCA de Hamilton a le souci de maintenir l’ordre public quand elle entreprend en 1868 de s’occuper des enfants de la rue afin de les placer en foyer et de leur éviter la prison pour vagabondage. De même en 1873, relève Murray Ross, la YMCA de Toronto s’intéresse d’abord aux délinquants juvéniles parce qu’ils perturbent ses réunions : elle renonce d’ailleurs bien vite à les accueillir afin de ne pas dissuader les écoliers de rejoindre l’association.
 
-A partir de 1861, Etats-Unis : la guerre de sécession du Sud redonne un nouvel élan aux YMCA, tout en les militarisant et en les divisant. Le mouvement est de facto divisé en deux camps. Sous la coupe de George Stuart, la convention nationale qui se déroule à Chicago en juin 1863 oblige ainsi les YMCA américaines à revalider leur adhésion afin de tester la loyauté des associations sudistes, qui sont de facto exclues et excommuniées en dépit de leur volonté de maintenir le dialogue. La guerre contribue de surcroît à la fermeture d’un bon nombre d’associations. En 1865, seulement une YMCA sur cinq fonctionne encore. Sur 55 associations formellement recensées au niveau national, il n’en reste plus que deux dans le Sud. Dès lors, les conventions nationales des YMCA se dérouleront toutes dans des villes du Nord, en l’occurrence à Boston en 1864, Philadelphie en 1865, Albany en 1866, Montréal en 1867, Detroit en 1868, Washington en 1869, Indianapolis en 1870, Portland en 1871, Lowell en 1872, Poughkeespie en 1873 et Dayton en 1874. Il faudra attendre dix ans pour que le mouvement se retrouve dans le Sud, d’abord à Richmond en Virginie en 1875, puis à Louisville dans le Kentucky en 1877 et à Atlanta en 1885. De fait, les blessures de la guerre mettent du temps à se cicatriser. Pendant la durée des hostilités, la plupart des membres des YMCA s’engagent en effet pour partir au combat. Dans les Etats du Nord, le tiers restant forme en novembre 1861 une Christian Commission pour assister les prisonniers de guerre, distribuer des Bibles aux soldats et fournir des secours médicaux dans les deux camps. Dotée d’un budget de $ 2 250 000, ladite Commission emploie un total de 4 859 « délégués » et perd quarante hommes et trois femmes au cours des hostilités. Dans le Sud, la YMCA de Richmond, capitale des confédérés, est quant à elle la seule à mener des activités de secours et à fonctionner vraiment pendant toute la guerre en soignant les blessés et en envoyant des vivres sur le front. Pour le reste, le mouvement songe à fermer ses portes et n’a plus rien d’humanitaire depuis que ses associations servent de centres de recrutement pour l’armée. A New York est formé un comité qui se charge de trouver des hommes pour le 176ème régiment. A Chicago, encore, la YMCA travaille à Camp Douglas pour assister les recrues puis les prisonniers de guerre du Sud quand la caserne est reconvertie en lieu de détention en mars 1862. L’organisation envoie aussi des secrétaires sur le front et invite les jeunes à rejoindre l’armée malgré l’opposition d’un ou deux membres qui s’inquiètent de la militarisation du mouvement et qui sont aussitôt chassés, menacés de lynchage ! Le Sud n’échappe évidemment pas à la tendance. Tandis que des volontaires de l’association de Charleston s’empressent de rejoindre les rangs des troupes confédérées, des unités militaires forment leurs propres YMCA, y compris parmi les prisonniers de guerre fédéraux comme à Johnson’s Island, dans l’Ohio. Une telle mobilisation va durablement marquer le mouvement. Après la reddition des Sudistes, la YMCA continue ainsi de fournir des livres à la Garde nationale et d’entretenir des liens étroits avec l’armée, où elle dispose de branches à l’académie militaire de West Point à partir de 1885 et à Fort Monroe à partir de 1889. Avalisé à la Convention de Springfield en 1895, son travail auprès des soldats se pérennise. En avril 1898, notamment, le mouvement commence à envoyer des volontaires aux côtés des troupes américaines lors de la guerre contre le colonisateur espagnol, d’abord à Cuba, puis aux Philippines. Les financements suivent et le « comité international » à la tête de la YMCA voit son budget doubler avec un « extra » de $135 000, contre $80 000 en temps normal. Au total, 528 secrétaires s’en vont servir l’armée à Puerto Rico, à Cuba et aux Philippines dans le cadre d’un département spécialisé qui est établi en septembre 1898 sous l’égide de William Millar et la supervision du colonel John Cook. Rejointe l’année suivante par le vice-amiral John Philips, l’organisation peut dès lors officialiser ses activités en milieu militaire grâce à une loi du 31 mai 1902 qui l’autorise à établir des bureaux permanents dans les casernes. Elle n’a d’ailleurs pas attendu le vote du Congrès pour ouvrir des YMCA à soldats, en l’occurrence à San Francisco au Presidio en 1898 et à New York dans le quartier de Brooklyn à Fort Hamilton et sur Governor’s Island à Fort Columbus en 1899, puis à Fort Slocum sur Davids Island et Fort Wadsworth sur Staten Island en 1900. D’autres suivent dans le New Jersey à Fort Hancock en 1903 et au Kansas à Fort Leavenworth en 1907. La marine nationale n’est pas en reste et a ses propres associations de jeunes gens, établies dans le quartier de Brooklyn à New York en 1899, à Norfolk en Virginie en 1902, à Newport sur Rhodes Island en 1903, à Vallejo et San Francisco en Californie en 1904 et 1908, à Philadelphie en Pennsylvannie en 1908, à Boston en 1909 et à Bremerton dans l’Etat de Washington en 1911. En 1914 à la veille de la Première Guerre mondiale, on décompte jusqu’à 31 YMCA militaires, dont 22 dans l’armée de terre et 9 dans la marine.
 
-A partir de 1862, Grande-Bretagne : à la suite de Genève en 1858, la troisième convention internationale des Unions chrétienne de jeunes gens se déroule à Londres en 1862. La réunion permet d’affirmer l’identité laïque du mouvement. A la différence du précédent de 1855 à Paris, elle a d’ailleurs été repoussée d’un an afin de ne pas interférer avec la conférence de l’Alliance évangélique à Genève en 1861. Dans le même ordre d’idées, la quatrième convention internationale des Unions chrétienne de jeunes gens sera transférée à Paris en 1867 pour ne pas coïncider avec la conférence de l’Alliance évangélique qui se déroule à Amsterdam cette année-là. En attendant, la rencontre de Londres consacre la mainmise des Anglo-saxons sur les UCJG. Avant de se doter en 1878 d’un comité international basé à Genève, le siège provisoire de l’organisation se trouve en effet dans la capitale britannique où, faute de salariés, un employé de la YMCA locale, William Edwyn Shipton (1825-1890), lui tient lieu de secrétaire général. Dans le contexte victorien et impérialiste de l’époque, un tel positionnement géographique limite les possibilités d’expansion vers les milieux catholiques de l’Europe méridionale et de l’Irlande du Sud, où une petite YMCA a ouvert ses portes à Dublin en 1849. Créée par Francisco Albricias en janvier 1885, l’UCJG espagnole disparaît dès novembre 1889. Lancée sous l’impulsion d’expatriés britanniques en juin 1887, son homologue italien ne se développe pas beaucoup plus. Au sein du mouvement, les catholiques ont en fait le sentiment d’être des membres de seconde classe, exclus de facto des postes de décision. Bien qu’il entretienne traditionnellement de bonnes relations avec l’Angleterre, même le Portugal résiste à l’emprise des missionnaires britanniques venus y établir des associations exclusivement protestantes, à savoir Robert Moreton pour la YMCA à Porto en 1894 et Lisbonne en 1896, puis May Cassels pour la YWCA en 1897. Il faut attendre la Première Guerre mondiale pour que la YMCA portugaise se développe un peu sous la présidence de Don Alfredo da Silva. C’est alors un Américain, Myron Clark, qui lui donne une nouvelle impulsion en allant en 1918 s’occuper des soldats portugais dépêchés sur le front en France lorsque leur pays est entré en guerre aux côtés des Alliés en 1916.
 
-A partir de 1863, Canada : après avoir organisé une première réunion dans une caserne de l’armée britannique à Montréal en février 1863, la YMCA décide d’étendre ses activités en milieu militaire. Elle multiplie d’abord les visites aux camps de St Johns, St Armand, Huntingdon et Durham lorsque démarrent les attaques menées à partir de juin 1866 par des immigrés irlandais de la confrérie Fenian en vue de forcer Londres à se retirer d’Irlande. L’année suivante, l’organisation entreprend alors d’envoyer des volontaires auprès des soldats pendant plusieurs semaines par an. Bien reçues par les autorités, ses activités religieuses, sportives et éducatives se pérennisent bientôt de façon plus formelle sous la houlette de Thomas Wilkie dans les camps de Niagara on the Lake en 1871, Kingston et Belleville en 1872, Montréal en 1877, Ottawa en 1881, Brockville en 1882 puis Fredericton et Aldershot en 1885. Présente dans presque toutes les casernes du pays à partir de 1886, la YMCA envoie également des expatriés assister les troupes canadiennes déployées avec l’armée britannique lors de la guerre des Boers en Afrique du Sud en 1900. Dans une telle optique, l’organisation est naturellement amenée à jouer un rôle militaire pendant la Première Guerre mondiale. Dès août 1914, elle propose ses services au ministre de la Milice, le général Sam Hugues, quand elle apprend que Ottawa va envoyer des troupes en France. Le mois suivant, elle démarre ses activités dans le port de Valcartier où les soldats canadiens embarquent pour l’Europe. Sur le front, où leur présence est formalisée par l’état major en 1916 et réglementée par une ordonnance du 24 mars 1917, ses secrétaires portent l’uniforme et ont le grade de capitaine honoraire, comme les chapelains. En vertu d’une loi d’octobre 1917, leur service permet d’échapper aux obligations militaires. De fait, la YMCA canadienne sert directement les intérêts de l’armée, en particulier en Grande-Bretagne où elle gère des cantines et monte des « universités khaki » pour instruire les combattants et maintenir le moral des troupes. Parce qu’elle organise le ravitaillement, les loisirs, les permissions et le suivi médical des soldats, l’organisation joue aussi un rôle disciplinaire en dissuadant les hommes du rang d’aller s’enivrer au café et d’y attrapper des maladies vénériennes auprès des femmes de « mauvaise vie ». Selon Frederick Harris, la YMCA canadienne est encore plus militarisée que son homologue américain. Ainsi, elle est autorisée à s’installer directement en zone de combat, parfois sur des positions qui viennent tout juste d’être prises à l’ennemi, comme sur le pont de Vimy dans le Pas-de-Calais en avril 1917, ou à Amiens dans la Somme en août 1918. A l’occasion, elle déplore d’ailleurs la mort de volontaires sur le front, tels les capitaines Oscar Irwin lors de la bataille d’Ypres en avril 1915 et Harry Whiteman à Bailleul en avril 1916. Avec un maximum de 275 secrétaires, 650 assistants et 3 000 auxiliaires masculins ou féminins en 1918, le personnel de l’organisation n’est pas non plus épargné par les bombes, qui tuent Harry Sewell Bridgett le 30 septembre 1918, Reginald Ralph Heaslip le 6 juin 1918, F.T. Kingham le 17 juillet 1917, Jack Lumsden le 1er juin 1916, Robert Morrison le 26 août 1918 et Edwin Stanley le 16 août 1917. Même les aumôniers de la YMCA sont touchés par la guerre, avec la mort de William Davie à Conches le 29 octobre 1918 puis d’A.R. Whithall à Bruxelles le 17 mai 1919. Sur le front intérieur au Canada, l’organisation s’occupe par ailleurs de monter des programmes à vocation militaire. A partir de février 1917, elle assiste les ouvriers qui travaillent dans les usines de munitions de Trenton dans l’Ontario. A la demande des autorités, encore, ses scouts sont organisés en « soldats de la terre » (soldiers of the soil) et appelés à fournir une main d’œuvre agricole pour suppléer les travailleurs partis sur le front en Europe. La YWCA n’est pas en reste. En 1916, elle commence à s’occuper de loger les ouvrières qui travaillent dans les fabriques de munitions. Parallèlement, elle monte des camps, les "Farmerettes", pour accueillir les volontaires de sa Land Army qui suppléent au manque de main d’œuvre agricole et qui sont regroupées dans 12 établissements de ce genre en 1917, jusqu’à 38 en 1918, essentiellement dans le sud du pays. Une telle mobilisation n’est évidemment pas sans conséquences pour le mouvement, qui connaît une croissance exceptionnelle. Les ressources financières du comité national de la YWCA canadienne, en l’occurrence, atteignent les $210 000 en 1918, contre $15 000 en 1913, $10 000 en 1910, moins de $5 000 en 1908, $6 000 en 1907 et $3 000 en 1903. La progression est encore plus impressionnante du côté de la YMCA, dont le budget consacré aux opérations en milieu militaire passe de $4 000 en 1914 à $33 000 en 1915, $314 000 en 1916, $1 127 000 en 1917 et $3 343 000 en 1918, soit un total de $5,4 millions entre 1914 et 1923 selon Charles Bishop. A la fin de la guerre, l’excédent de trésorerie est tel qu’il permet de continuer à s’occuper du rapatriement des blessés et des vétérans jusqu’en 1924. Mais il crée aussi des controverses car la YMCA revend les surplus militaires à son profit. De plus, ses secrétaires sont mieux payés que leurs collègues de l’Armée du Salut et sont accusés de s’enrichir sur le dos des combattants. Bien que l’organisation se soit endettée pour financer ses activités outre-mer, elle n’a jamais été auditée et est vertement critiquée par des soldats revenus au pays, par exemple dans la Gazette de Montréal du 4 juin 1918.
 
-A partir de 1864, Afrique du Sud : parallèlement à des groupes d’étudiants luthériens qui se sont constitués dans les milieux allemands et hollandais du Cap en 1842 et 1846 respectivement, les Britanniques s’organisent pour créer une YMCA qui est formalisée un an après sous l’égide du Docteur Andrew Murray en 1865. D’abord conçue comme une branche de la maison mère à Londres, l’association se dote d’une Constitution en 1884 et s’étend bientôt aux villes de Durban, Pietermaritzburg et Port Elizabeth. C’est finalement à Johannesburg en 1895 qu’est lancé un Conseil national qui regroupe une vingtaine de groupes et qui est dirigé par le secrétaire général de la YMCA du Cap, William Sprigg, avant de rallier l’Alliance mondiale du mouvement à Genève en 1905. A l’époque, l’organisation ne se préoccupe que de la population blanche. Sa branche féminine est aussi raciste. Créée au Cap en 1886 et étendue à Pietermaritzburg en 1896, Port Elizabeth en 1899, Durban en 1900 et Johannesburg en 1904, la YWCA sud-africaine ne compte quasiment que des femmes blanches. Affiliée à Genève en 1905 et dominée par des Afrikaners très liées aux Eglises calvinistes, elle préférera se retirer du mouvement en 1931 à cause de désaccords sur la laïcisation et l’ouverture aux catholiques. Constituée en fédération autonome, elle ne réintégrera pas la YWCA mondiale à cause de ses positions racistes et ségrégationnistes. Seules les associations de Port Elizabeth et Durban, villes anglophones, continueront d’être reconnues par Genève avec un statut de correspondantes. Après avoir fusionné avec les clubs Zenzele du Transvaal en 1948 et s’être dotées d’une constitution en 1952, elles réintègreront alors le mouvement en 1955, une dizaine d’années avant le départ de leurs homologues du Botswana, du Lesotho et du Swaziland au moment de l’indépendance de ces pays en 1966-1968. Il faut dire que la montée en puissance d’un régime d’apartheid à partir de 1948 freine les initiatives en direction de la population noire. Après la Seconde Guerre mondiale, les expatriées envoyées par Genève, telle Carrie Meares, ou New York, avec Margaret Hathaway à partir de 1952 puis Rosalie Oakes à partir de 1957, ne sont pas autorisées à travailler en zone « bantoue ». En vertu des principes de séparation raciale, elles ne parviennent pas à mélanger les populations quand elles entreprennent de faire construire un foyer pour les femmes noires sur un terrain alloué par la municipalité de Durban en 1951, ou quand elles revendent à bas prix des vivres aux victimes d’une sécheresse au Natal en 1964. Dans le cadre du National Welfare Act de 1965, elles se heurtent également à des difficultés administratives pour collecter des fonds auprès du public. Dans les townships de Johannesburg, il leur faut passer par l’intermédiaire d’une Noire américaine, Madie Hall Xuma, pour monter à Sophiatown un club Zenzele, terme zoulou qui signifie « à faire soi-même » et qui pose les bases de YWCA « bantoues » au sortir de la Seconde Guerre mondiale. La YMCA américaine, qui avait tenté d’envoyer des expatriés noirs, rencontre des problèmes similaires et renonce finalement à travailler dans les milieux « bantous » après avoir vendu en 1940 les bâtiments qu’elle avait érigés sur le campus du collège de Fort Hare.
 
-A partir de 1865, Norvège : sous l’égide d’un pasteur, Peter Lorenzen Hoerem, une première Union chrétienne des jeunes gens est constituée à Stavanger en 1865. L’initiative débouche l’année suivante sur le lancement à Oslo d’une UCJG qui est présidée par Peter Lorenzen Hoerem jusqu’à sa mort en 1878, puis par un fameux professeur de chimie, Peter Waage, jusqu’en 1899. A l’échelle du pays, un comité national est alors constitué en juin 1880 afin d’essayer d’unifier un mouvement qui, passé de 7 associations en 1876 à 185 en 1895, comprend essentiellement des groupes de prières sans locaux ni budget. De fait, les YMCA norvégiennes, qui comptent plus de 11 000 membres en 1895, présentent deux particularités majeures qui les distinguent fondamentalement de leurs homologues britanniques. En premier lieu, elles accueillent des femmes, mixité qui tranche avec la séparation des sexes dans l’Angleterre victorienne : seul le mouvement scout qui se développe par la suite restera exclusivement masculin jusqu’à ce qu’il acquiert son autonomie… en 1995. A l’époque, Birgitte Esmark et la comtesse Sophie Antoinette Wedel-Jarlsberg ont certes créé leur propre structure en établissant à Oslo en 1890 une Union chrétienne des jeunes femmes qui rejoint l’Alliance mondiale des YWCA à Genève en 1894. Mais à cette date, les adhérentes décident de fusionner leur mouvement avec la YMCA pour former une association de la jeunesse chrétienne de Norvège qui prend le nom de NKUF (Norges Kristelige Ungdomsforbund) en 1898. Autre singularité, les Unions chrétiennes de jeunes gens entretiennent des liens étroits et organiques avec l’Eglise luthérienne. Leur affiliation rompt avec les principes d’un mouvement qui se dit œcuménique et qui, précisément, ne veut pas être rattaché à une seule Eglise en particulier. Résultat, les YMCA et YWCA norvégiennes ont du mal à être reconnues à l’étranger. L’Alliance mondiale des YWCA, par exemple, rejete la demande d’adhésion de l’Union chrétienne des jeunes femmes créée par Sophie Pharo en 1887, car celle-ci est complètement intégrée à l’Eglise luthérienne, à la différence de la structure établie par Birgitte Esmark. En fin de compte, il faut attendre l’indépendance de la Norvège en 1905 pour que les YMCA puissent rejoindre de plein droit le mouvement à Genève. Dotées en 1909 d’un département missionnaire à destination des pays outre-mer, notamment la Chine, elles restent marquées par leur origine religieuse et développent surtout leurs activités à l’étranger lors des deux guerres mondiales.
 
-A partir de 1866, Etats-Unis : la convention nationale des YMCA américaines, qui se déroule à Albany dans l’Etat de New York en 1866, refuse de voir siéger des femmes parmi les délégués. Le puritanisme de l’époque met ainsi un terme à la mixité qui était apparue dans quelques associations locales du fait de la mobilisation des hommes pendant la guerre de sécession. Après s’être ouverte aux femmes en mai 1861, la YMCA de Chicago attendra par exemple près d’un siècle pour accorder un droit de vote à ses adhérentes en remaniant en 1955 des statuts qui datent de 1888. En attendant, la séparation des sexes prévaut. Réunies en convention nationale à Montréal en 1867, les YMCA américaines acceptent des observateurs noirs mais toujours pas de délégués féminines malgré les propositions faites en ce sens depuis 1858. Admises au mieux comme des « auxiliaires », les femmes restent exclues du mouvement et s’empressent donc de monter leurs propres YWCA. Les deux structures se développent séparément. Avec leurs homologues canadiens en 1891, les YMCA et les YWCA américaines se dotent chacune de leur côté d’un Conseil international avec son propre budget, conseil d’administration et comité exécutif. La mixité attendra le siècle suivant. Après avoir recruté une première employée, Ellen Brown, en 1886, la YMCA américaine admettra formellement des femmes à partir de 1934, suscitant d’ailleurs une forme de compétition avec la YWCA. De plus en plus d’associations locales s’ouvriront alors aux femmes, à raison de 586 sur 914 en 1930 selon une enquête citée par Mayer Zald. Même les structures d’hébergement de la YMCA finiront par accepter de loger des filles : elles seront 62% dans ce cas en 1946. Résultat, l’organisation change radicalement de visage. En effet, le nombre d’adhérentes quintuple entre 1940 et 1960, tandis que celui des jeunes hommes ne cesse de diminuer en valeur absolue et relative. La proportion de femmes au sein des YMCA américaines passe en l’occurrence de 7% en 1941 à 12% en 1946, 13% en 1950, 20% en 1957 et 24% en 1962.
 
-1867, Etats-Unis : la YMCA de Chicago construit un dortoir qui est inauguré en septembre 1867 et nommé en l’honneur de son sponsor, John Farwell, un gros commerçant. L’établissement de structures d’hébergement devient bientôt la « marque de fabrique » du mouvement. Dans un premier temps, l’organisation connaît certes quelques déconvenues et il faut attendre vingt ans pour qu’un deuxième foyer de la sorte soit ouvert, cette fois par la YMCA de Milwaukee en 1887. Initialement destiné à accueillir les jeunes ruraux qui débarquent en ville, le Farwell Hall de Chicago brûle en l’occurrence dès janvier 1868 et il doit être reconstruit à plusieurs reprises, d’abord en janvier 1869, puis en novembre 1874 après un incendie qui ravage l’ensemble de l’agglomération en octobre 1871 ; il emménage finalement dans un gratte-ciel en janvier 1894. Les résidences de ce genre se multiplient alors pour loger, le plus souvent, des jeunes célibataires qui viennent d’obtenir leur premier emploi, parfois aussi des chômeurs ou des sans-abris, par exemple dans un dortoir ouvert à leur intention en mai 1916. Le développement est impressionnant. La capacité d’accueil des YMCA américaines passe ainsi de 9 000 chambres en 1910 à 55 000 en 1922 et 100 000 en 1940, plus que n’importe quelle chaîne hôtelière. Parallèlement, les revenus qui en découlent finissent par fournir une majeure partie des ressources financières du mouvement.
 
-A partir de 1868, Etats-Unis : soucieuse d’élargir son assise sociale, la YMCA envoie un secrétaire, Robert Weidensall, évangéliser les ouvriers qui travaillent à la construction de la ligne de chemin de fer de l’Union Pacific Railway en 1868. Tandis que les YWCA se préoccupent d’assister les familles qui voyagent en train, l’idée es d’améliorer les conditions de vie d’employés qui, de par leur profession, sont souvent amenés à aller d’une ville à l’autre. L’expérience débouche au niveau national sur la constitution en 1877 d’un département spécialisé qui est dirigé par Edwin Ingersoll jusqu’en 1888. Après la formation d’une première association à Cleveland en avril 1872, les "YMCA du chemin de fer" connaissent en effet un succès grandissant, avec 107 870 membres en 1917 contre 9 506 en 1886. Des cheminots aux conducteurs de locomotives, explique Thomas Winter, nombre d’employés adhèrent au mouvement dans l’espoir d’améliorer leur condition sociale et d’être promus en se rapprochant du patronat, qui sponsorise les associations. Les YMCA doivent certes s’adapter car les ouvriers rechignent à suivre une éducation puritaine. Elles se laïcisent d’autant plus vite qu’elles ne parviennent pas à convertir les travailleurs, qui boudent leurs enseignements religieux et qui, pour beaucoup d’entre eux, sont catholiques. Afin d’éloigner les ouvriers des débits de boissons, elles acceptent même d’installer des fumoirs et des jeux de billards à l’intérieur de leurs foyers. Résultat, elles renoncent à leur mission initiale et risquent d’y perdre leur « âme ». A Decatur dans l’Illinois en 1901, par exemple, la YMCA a toutes les peines du monde à renvoyer un secrétaire dont le salaire continue d’être payé par la compagnie de chemin de fer locale et qui a recruté une danseuse "de mauvaise vie" pour amuser les travailleurs. De fait, l’organisation se compromet en entretenant des liaisons dangereuses avec le patronat, notamment William et Cornelius Vanderbilt. Les premières YMCA du chemin de fer, en l’occurrence, sont installées à titre gracieux dans des gares ou des bâtiments financés et entretenus par les compagnies exploitantes. Bien souvent, leur personnel est également rémunéré par les entreprises, dont les représentants siègent dans les conseils d’administration des associations afin de vérifier que leur argent est bien employé. Ceux-ci menacent de couper les subsides en cas de soutien à des grévistes et l’un d’entre eux suspend effectivement ses financements lorsque le responsable de la YMCA de Waterloo refuse de loger des « jaunes » dans l’Illinois en 1911. Concrètement, explique le journaliste John Fitch, les secrétaires des associations du chemin de fer sont aux ordres du patronat et évitent à tout prix d’accueillir des syndicalistes pour ne pas perdre leurs subventions… et leur salaire. Le phénomène touche l’ensemble du monde de l’industrie. En 1875, la YMCA de New York contribue ainsi à casser une grève de dockers en fournissant du travail aux « jaunes ». D’une manière générale, l’organisation défend l’ordre établi et promeut la réforme sociale plutôt que la révolution. Responsable du département industriel de la YMCA entre 1902 et 1907, Charles Michener, en particulier, s’avère profondément hostile aux syndicats. Pour contrer les idées socialistes, relate Thomas Winter, il veut notamment enseigner la bible aux masses ouvrières. Parallèlement, la YMCA américaine cherche à instruire les immigrés européens pour éviter qu’ils n’apportent avec eux l’idéologie communiste après la révolution bolchevique de 1917. Elle se prononce par ailleurs contre la grève des employés de la compagnie de chemin de fer Pullman, qui est qualifiée d’insurrectionnelle et finit écrasée dans le sang en juillet 1894. Lors de la grève des acieries Johnston en novembre 1919, le secrétaire de l’association de Pittsburgh va jusqu’à former un « comité de citoyens » pour expulser manu militari des agitateurs comme William Foster, un des futurs leaders du parti comuniste aux Etats-Unis. L’échange de services est évident car le patronat utilise les YMCA pour améliorer son image de marque, contrôler la main d’œuvre, s’assurer de la fidélité des employés et réduire l’absentéisme en limitant les ravages de l’alcool. John Rockefeller, pour ne citer que l’un d’entre eux, commence précisément à financer le mouvement au moment où il a besoin de rehausser son prestige terni après le massacre des mineurs en grève de Ludlow dans le Colorado en avril 1914. Dans le même ordre d’idées, raconte George Crooks, William Vanderbilt se sert des YMCA pour récompenser et distribuer des primes aux ouvriers qui ne se mettent pas en grève et qui ne participent pas aux émeutes. L’optique paternaliste et chrétienne du mouvement va dans le sens des intérêts du patronat car elle enseigne la résignation, l’humilité, le sens du sacrifice, la fidélité, l’obéissance et le goût du travail bien fait. De leur côté, les YMCA tendent elles-mêmes à solliciter des financements de la part des compagnies de chemin de fer en mettant en avant leur capacité à maintenir l’ordre moral et à réguler les conflits sociaux. Dans un pamphlet daté de 1882 et cité par Murray Ross, elles soulignent notamment que les chrétiens ont la réputation justifiée d’être de bons travailleurs et de ne pas se mettre en grève, ce qui permet d’augmenter les dividendes reversés aux actionnaires ! Dans un opuscule intitulé Chistianism versus Communism, le responsable des chemins de fer de Cleveland, James Deveraux, soutient pour sa part que la présence d’une YMCA et le caractère chrétien du prolétariat local expliquent pourquoi la ville a été épargnée par une grève qui a affecté les autres agglomérations de la région en juillet 1877. Bien évidemment, le mouvement ne sort pas indemne de ces compromissions. En premier lieu, les YMCA perdent des membres quand elles acceptent de loger les « jaunes » recrutés pour casser les grèves du chemin de fer. En tant qu’associations, elles s’avèrent fort mal placées pour gérer les exigences contradictoires des employés et des entreprises, qui chacun les financent, les premiers avec leurs cotisations, les secondes avec leur subventions. Tant le patronat que les travailleurs considèrent qu’ils sont en droit de demander ou de refuser l’accès des YMCA aux casseurs de grève. Autre problème, le mouvement se heurte bientôt à l’autonomisation grandisante d’associations qui jouissent de leurs propres financements et ne veulent pas mutualiser leurs moyens avec les YMCA des villes les plus proches, notamment à Cleveland dans l’Ohio, Indianapolis dans l’Indiana, Elmira près de New York, Meadsville dans l’Illinois et Altoona en Pensylvannie. De 1879 à 1883, 5 des 32 associations du chemin de fer recensées à l’époque font même sécession parce qu’elles refusent de passer sous la coupe de la bourgeoisie urbaine. Elles n’acceptent finalement de rejoindre la direction nationale du mouvement qu’en échange de sérieuses garanties sur leur indépendance. Suite à un audit demandé par John Rockefeller en 1921, les plus grosses d’entre elles seront finalement transférées à leurs homologues des villes en 1922. Les YMCA du chemin de fer entameront alors un lent déclin, passant de 244 associations en 1920 à 126 en 1940 et 87 en 1963, avec respectivement 111 652, 93 941 et 81 158 membres.
 
-A partir de 1869, Etats-Unis : à la convention nationale de Portland en 1869, les YMCA nord-américaines affirment la nécessité de recruter leurs employés et adhérents sur la base d’un « test de foi évangélique ». A l’époque, le mouvement reste en effet très conservateur et l’œcuménisme n’est pas encore à l’ordre du jour. Il n’est pas question d’accorder un droit de vote aux membres qui ne sont pas protestants et la YMCA de New York, par exemple, n’a pas hésité à créer la controverse en refusant d’admettre un jeune catholique dans ses rangs. D’une manière générale, le mouvement, qui a distribué jusqu’à un million de bibles aux soldats pendant la guerre de sécession, continue d’afficher une vocation prosélyte en vue de « purifier » les âmes. Avec pour premier emblème une Bible ornée d’une citation du verset 17:21 de l’évangile selon Saint Jean, il se focalise en l’occurrence sur la régénérescence morale des individus et ne cherche quasiment pas à s’attaquer aux problèmes sociaux de la collectivité. Ce puritanisme est particulièrement marqué à New York, où la YMCA locale entreprend de lutter fermement contre la pornographie, le tabagisme et l’alcoolisme à partir de 1868. En janvier 1874, l’association lance ainsi une "Société pour la suppression du vice" sous l’égide d’Anthony Comstock, puis une "Armée de la Croix Blanche" sous la direction de Henry Webster en février 1885. D’autres établissent quant à eux des "commandos" contre l’alcoolisme, les cold water brigades. Dans le même ordre d’idées, les YMCA américaines démarrent des cours d’éducation sexuelle qui visent à promouvoir les valeurs familiales et à condamner le pêché de l’homosexualité. Parallèlement, elles resserrent leurs critères d’adhésion sur une base religieuse plus sévère que chez leurs homologues européens, qui ont beaucoup assoupli leurs règlements internes. Malgré la tendance à accueillir de plus en plus de membres non protestants, les tentatives d’ouverture sont mal reçues. Tandis que la YMCA de Boston menace de se retirer du mouvement si le « test de foi » est supprimé, le secrétaire général de l’association de Chicago, Anson Hemingway, démissionne en 1887 pour protester contre l’orientation sociale et la laïcisation de l’organisation. Il faut attendre le début du XXème siècle pour que la YMCA américaine lâche du lest afin de s’ouvrir davantage aux milieux immigrés, indiens, étudiants et ouvriers.