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Young Men’s Christian Association
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Historique

Young Men’s Christian Association - Historique




1890-1899


-1890-1948, Israël/Palestine : suite à la première expérience informelle d’un pasteur qui s’inspire directement de George Williams pour monter un éphémère groupe de jeunes chrétiens à Jérusalem le 8 janvier 1878, un Britannique, William Hind Smith, est envoyé sur place établir une YMCA dont la constitution est adoptée le 7 novembre 1890. Faute de local approprié, l’association s’organise de façon itinérante et ne parvient pas à retenir les Arabes, qui s’en vont former leur propre structure deux ans plus tard. Rémunéré par Londres et choisi par le consul britannique à Jérusalem, un premier expatrié, Stuart Donnithorne, arrive certes en 1909 pour développer la YMCA, qui compte environ 200 membres à l’époque. Mais il doit repartir lorsque la guerre éclate en 1914. L’association ferme alors ses portes sous la pression des autorités ottomanes, qui continuent officiellement de gérer la Palestine et qui s’allient à l’Allemagne contre la Grande-Bretagne. C’est l’entrée de l’armée britannique à Jérusalem qui, en décembre 1917, permet à la YMCA de reprendre pied en Palestine. Le mouvement participe en effet à la conquête et à la colonisation du Moyen Orient en se mettant au service des troupes d’Edmund Allenby, qui sont chargées de défaire les Ottomans. Il se développe d’autant plus vite qu’il est bientôt soutenu par la YMCA américaine, qui envoie en 1919 un premier expatrié, Archibald Harte, pour prendre la direction de l’association à Jérusalem. L’appui venu des Etats-Unis est également financier. Grâce à ses largesses, un philanthrope du nom de James Newbegin Jarvie permet notamment à la YMCA de Jérusalem de se construire un bâtiment qui est dessiné par l’architecte de l’Empire State Building à New York, Arthur Loomis Harmon, et inauguré en avril 1933 par l’ancien commandant des forces britanniques au Moyen Orient pendant la Première Guerre mondiale, le vicomte Edmund Allenby. Après le départ d’Archibald Harte, renvoyé parce que ce projet pharaonique a vidé les caisses de l’association, le mouvement essaie ensuite de s’étendre en province en renforçant les branches de Jaffa et Nablus, toutes deux créées en 1924. Il cherche aussi à gagner la confiance des Arabes et des Juifs, qui se méfient de son prosélytisme et de son impérialisme anglo-saxon au moment où ils s’engagent dans la lutte contre le colonisateur. De fait, la YMCA de Jérusalem assiste les troupes britanniques et américaines déployées dans la région pendant la Seconde Guerre mondiale. A l’époque, ses effectifs atteignent un maximum de 1 927 membres en 1944, dont un tiers, à parts égales, de juifs et de musulmans.
 
-1891-1934, Etats-Unis : réunies en convention à Kansas City dans le Missouri et à Scranton en Pennsylvanie, respectivement, les YMCA et les YWCA américaines entérinent leur mode de fonctionnement ségrégué en encourageant le développement institutionnel de branches séparées pour les populations de couleur. Le dispositif ne concerne pas que les Noirs. Depuis 1879 sous l’égide de Thomas Wakeman à Flandreau dans le Dakota, les Indiens disposent de leur propre YMCA. La YWCA n’est pas en reste et s’établit en 1893 sur le campus de l’école indienne de Chilocco, un établissement de l’Oklahoma créé en 1884 à la demande des Cherokees et d’abord géré par un Major, James Haworth, avant de fermer ses portes… en 1980. A San Francisco à partir de 1875 et 1917 respectivement, les Chinois et les Japonais développent aussi des YMCA séparées alors que le racisme contre les « jaunes » prend de l’ampleur depuis le vote en 1882 d’une loi discriminante, le Chinese Exclusion Act. D’une manière générale, des YMCA spécifiques existent pour les immigrés allemands, français… ou mexicains. Mais elles sont rapidement assimilées, disparaissent bientôt et leurs membres ne sont pas interdits d’entrée dans les YMCA blanches. Il n’en va pas de même concernant les Noirs. La décision de ne reconnaître qu’une seule association par ville revient en l’occurrence à consacrer la domination des Blancs. Prise en 1891 pour les YMCA et en 1907 pour les YWCA, elle n’épargne que les branches étudiantes sur les campus, ainsi que les associations noires et les établissements mixtes déjà existants. Résultat, la plupart des YMCA afro-américaines sont de simples succursales placées sous la tutelle de structures métropolitaines contrôlées par les Blancs : seulement 5 sur 70 sont indépendantes en 1944. Les YWCA ne procèdent pas différemment. Suite à la YMCA en 1888, elles recrutent en 1905 leur première employée noire, Eva Bowles (1875-1943), et la chargent de gérer depuis New York les activités du mouvement auprès des populations de couleur au niveau national à partir de 1913. Sur 417 YWCA recensées à l’échelle nationale en 1940, 73 ont des « branches » noires qui sont beaucoup moins bien dotées et riches que leurs homologues blancs. Au Nord comme au Sud, les autres ont des programmes séparés et pratiquent de facto une politique de ségrégation raciale dans 81% de leurs campings et 99% de leurs foyers. Les meilleurs équipements sont réservés aux Blancs. Tandis que les piscines des YWCA sont fermées aux populations de couleur, par exemple à Oakland en Californie, les salles de sports des YMCA noires sont surpeuplées et inadaptées aux besoins. Les discriminations sont admises et institutionnalisées au plus haut niveau. Ainsi, sur un budget cumulé de 60 millions de dollars en 1942, seulement 2,2% vont aux YMCA noires, qui représentent 5,5% des associations et 4,9% des membres du mouvement aux Etats-Unis selon Jesse Howell Atwood. A grade égal, les secrétaires noirs, eux, touchent un salaire moindre que celui de leurs collègues blancs. Parce qu’ils ne sont pas acceptés dans les collèges des YMCA blanches, il faut leur donner une formation spécifique dans une école d’été, la Chesapeake Summer School, qui est lancée par William Hunton, d’abord à Arundel-on-the-Chesapeake dans le Maryland en 1908, puis à Harpers Ferry en Virginie à partir de 1915, à Bordentown dans le New Jersey à partir de 1924 et enfin à Wilberforce dans l’Ohio de 1945 jusqu’à la fermeture de l’établissement en 1948. Il faut attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que le mouvement commence à infléchire sa position au moment où les soldats noirs qui se sont battus pour la démocratie en Europe reviennent en Amérique avec des revendications d’émancipation qui font craindre aux autorités un soulèvement. Les résistances restent fortes. En 1918, l’élection d’un Noir au conseil d’administration de la YMCA de Cincinnati provoque la démission de trois Blancs. En 1922, les délégués noirs invités à la convention nationale d’Atlantic City ne sont pas non plus autorisés à dormir dans les hôtels réservés pour leurs collègues blancs et doivent passer la nuit dans les quartiers réservés aux populations de couleur. Les YWCA étudiantes s’avèrent plus progressistes. En 1924, elles passent d’abord une résolution contre les préjudices raciaux. Dans le Sud, elles organisent ensuite un premier séminaire interracial sur le campus de la Shaw University à Raleigh en Caroline du Nord. En 1932, les étudiants des YMCA s’interdisent, eux, de tenir leurs réunions dans les Etats qui pratiquent la ségrégation raciale : dix ans après leurs équivalents du côté des YWCA, ils décident l’année suivante de fusionner leurs associations blanches et noires, notamment pour réduire leurs coûts en période de crise économique. A un niveau supérieur, l’exécutif finit également par réagir. En octobre 1930, le Conseil national des YMCA américaines se prononce officiellement contre les pratiques de lynchage après que trois responsables noirs de l’association de White Plains ont été menacés de morts parce qu’ils avaient déménagé dans des quartiers blancs près de New York. Lors de sa 43ème convention à Cleveland l’année suivante, le mouvement passe une résolution condamnant la discrimination raciale et encourage les Unions à se déségréguer, décision qui n’aura cependant pas de valeur contraignante jusqu’à l’adoption d’une charte commune aux YMCA et aux YWCA en 1946. De son côté, le Conseil national des associations de jeunes chrétiennes abolit en 1931 les distinctions raciales parmi ses employés et se prononce en 1932 en faveur d’une loi fédérale contre les lynchages de Noirs. A partir de 1934, encore, il confère à toutes les déléguées un traitement égal lorsque les YWCA se réunissent en convention, quitte à contrevenir aux lois de ségrégation résidentielle pour les loger.
 
-A partir de 1892, Grèce : une éphémère YMCA est organisée par Luther Wishard à Athènes en 1892. En terre orthodoxe, le mouvement protestant ne parvient cependant pas à s’enraciner et disparaît peu après. C’est la Première Guerre mondiale qui lui donne l’occasion de s’implanter plus durablement dans le pays. Présente auprès de troupes françaises stationnées à Salonique, la YMCA est en effet invitée officiellement par le Premier Ministre Elefthérios Kyriakos Venizélos à venir assister les soldats grecs à partir d’août 1918. Son travail couvre également les armées d’occupation en Asie mineure, où elle ouvre un foyer à Smirne en mars 1920. De fait, les suites du conflit et les bouleversements que provoque l’effondrement de l’Empire ottoman amènent la YMCA à prolonger ses activités auprès des militaires jusqu’en 1922. Après avoir contribué en 1919 au rapatriement des prisonniers de guerre bulgares depuis la Grèce, l’organisation monte également en 1923 un bureau de recherche des personnes disparues qui collabore avec une fondation américaine, la NEF (Near East Foundation), et qui est repris en 1924 par le Service international des migrations (International Migration Service) à Genève. La YMCA n’oublie pas non plus les civils et établit des associations à Athènes en juillet 1920 puis Salonique en novembre 1921. Légalisées en 1923, celles-ci sont à chaque fois présidées par le métropolite de la ville et reçoivent la bénédiction des autorités pour aider les réfugiés grecs qui fuient les troubles d’Asie mineure. Au vu de la nécessité qu’il y a à collaborer étroitement avec la hiérarchie orthodoxe, l’association de Corfou est même présidée par Aristokles Spyrou, qui deviendra en 1948 le patriarche Athenagoras I de Constantinople jusqu’à sa mort en 1972. Sous la direction d’expatriés américains, à savoir Ulius Louis Amoss à partir de 1925 puis Herbert Lansdale à partir de 1929, les YMCA de Grèce forment finalement un comité national dont le siège déménage bientôt de Salonique vers Athènes. Mais elles doivent fermer leurs portes quand une loi de novembre 1939 les oblige à se placer sous la coupe de l’EON (Ethniki Organosi Neolaias), l’organisation nationale de la jeunesse montée par la dictature fasciste du général Ioannis Metaxas. Après l’occupation allemande du pays en avril 1941 et la mise en place d’un gouvernement fantoche qui annule les lois du précédent régime, les YMCA se reconstituent ensuite lorsque les Alliés commencent à reconquérir la Grèce, que les troupes britanniques entrent dans Athènes en octobre 1944 et que l’institution peut récupérer ses bâtiments réquisitionnés. Arrivé dans les fourgons des troupes alliées, un Américain, David Creighton, est aussitôt à l’œuvre pour reformer un comité national qui adhère à l’Alliance mondiale en 1947 et dont il assure le secrétariat général pendant plus d’une dizaine d’années. Une YWCA grecque, la XEN (Christianiki Enosi Neanidon), est par ailleurs lancée en 1945. Dotée d’un siège établi à Athènes en 1955, elle s’étend dans la banlieue de la capitale, en l’occurrence à Héliopolis (Ilioupolis), où elle récupère en 1960 un foyer initialement ouvert par le HCR (Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés) pour accueillir des demandeurs d’asile en provenance des diasporas grecque et arménienne.
 
-A partir de 1893, Danemark : une infirmière qui travaille en milieu rural, Karen Petersen, monte à Vejle en 1893 une Union chrétienne des jeunes femmes qui, rompant avec le principe de séparation des sexes, est bientôt placée sous la coupe du secrétaire général de la YMCA, le révérend Carl Moe. D’une manière générale, le mouvement danois s’avère particulièrement dispersé, avec 135 associations et quelque 4 000 membres à l’époque. D’un côté, on y trouve une YMCA urbaine et exclusivement masculine qui est complètement intégrée à l’Eglise luthérienne et qui s’est constituée sous l’égide d’un pasteur, Wilhelm Schousboe, à Copenhague en septembre 1878. De l’autre se développent des associations mixtes et rurales qui ont démarré dans la région du Jutland en 1879. Organisé au niveau national en 1885 et doté d’un premier président en 1888, le mouvement, qui demande à adhérer à l’Alliance mondiale en 1893, partage par ailleurs le même secrétaire général, Dean Christian Hall, que son homologue norvégien. Les YMCA et les YWCA du Danemark se regroupent finalement sous l’égide d’un Conseil indépendant créé en 1906, même si elles continuent officiellement de coexister comme des entités séparées jusqu’en 1976.
 
-1894, Grande-Bretagne : la treizième conférence internationale des YMCA, qui succède à celle d’Amsterdam en 1891 et qui se déroule à Londres, célèbre le cinquantième anniversaire du mouvement en posant les bases d’une Alliance mondiale qui est fondée le 26 novembre 1894 et qui a pour objectif « d’étendre le royaume de Dieu » et de faire respecter « la loi du Christ ». Le choix des termes n’est pas anodin. Très hétérogène et attaché au respect des autonomies locales, le mouvement a en effet choisi l’appellation d’Alliance « mondiale » plutôt qu’internationale pour souligner son unité. Il continue cependant de séparer les sexes. De fait, la réunion de Londres est aussi l’occasion de poser les bases d’un Conseil mondial des YWCA. Les jeunes chrétiennes y adoptent en l’occurrence une Constitution qui s’inspire de la Charte de Paris de 1855 et qui est rédigée par Rebecca Morse, la présidente de l’association de New York et la sœur du secrétaire général du « comité international » des YMCA américaines, Richard Morse. Des conférences internationales de la YWCA suivront à Londres en 1898, Genève en 1902, Paris en 1906, Berlin en 1910, Stockholm en 1914, Champéry en Suisse en 1920, St Wolfgang en Autriche en 1922, Washington en 1924, Oxford en 1926, Budapest en 1928, St Cergue en Suisse en 1930, Genève en 1934, Muskoka au Canada en 1938 et Washington en 1941. En attendant, les associations de jeunes chrétiennes connaissent des difficultés qui ne sont pas sans rappeler celles de leurs homologues masculins face à la montée des nationalismes et à la laïcisation des sociétés occidentales. Suite à la guerre de 1870, d’abord, les YWCA allemande et française tardent à se réconcilier et ne se rallient officiellement à l’Alliance mondiale qu’en 1898 et 1900 respectivement. Initiative britannique, le mouvement peine également à s’étendre au-delà des pays anglo-saxons et des aires d’influence protestante. Basé à Londres et constitué de sept membres, son comité exécutif tient toutes ses réunions biennales en Angleterre de 1904 jusqu’à son déménagement à Genève en 1930, à l’exception de quelques rencontres en Suisse pendant la Première Guerre mondiale ou aux Etats-Unis en 1924 puis 1940-1945. De même, le poste de secrétaire générale de l’Alliance des YWCA, qui doit être d’une autre nationalité que celle du pays de siège, est toujours tenu par une Américaine de 1894 jusqu’à 1947. A l’instar des YMCA, enfin, le mouvement se déchire sur des questions d’affiliation religieuse. A la conférence de Berlin en 1910, il reproche par exemple à la YWCA bulgare d’accepter des orthodoxes et lui demande de renoncer provisoirement à son appellation. Formée à Sofia sous le nom de Kotva (« l’Ancre ») en 1899, l’association doit en conséquence réduire ses activités sociales et intégrer formellement une fédération des organisations de la jeunesse chrétienne bulgare qui est reconnue par Genève en 1913. A Stockholm en 1914, à St Cergue en 1930, à Washington en 1941 et à Londres en 1955, la Constitution du Conseil mondial des YWCA est certes remaniée à plusieurs reprises de façon à assouplir les règles d’affiliation des organisations nationales et à s’ouvrir aux catholiques ou aux orthodoxes du moment qu’ils respectent l’esprit de la Charte de Paris. Mais la laïcisation du mouvement et sa réorientation sociale ne vont pas sans provoquer des scissions avec le départ des associations de Finlande en 1930 puis d’Afrique du Sud en 1931. En 1930, le déménagement du siège de l’organisation de Londres à Genève marque une rupture de ce point de vue. Outre le changement de langue officielle, qui passe de l’anglais au français, le Conseil mondial des YWCA met en place un comité exécutif qui se réunit désormais trois fois par an et qui s’élargit à quinze membres d’au moins cinq nationalités différentes. Présent dans 45 pays en 1938, le mouvement se replie ensuite sur Washington pendant la Seconde Guerre mondiale. Son installation temporaire aux Etats-Unis permet d’ailleurs d’apaiser les rivalités qui, en Suisse, avait pu opposer les Américains et les Britanniques pour le contrôle de l’organisation. Revenue à Genève après la guerre, l’Alliance des YWCA confirme alors la mondialisation du mouvement, qui tient ses conférences internationales à Hangchow en Chine en 1947, à Beyrouth au Liban en 1951, à Londres en Grande-Bretagne en 1955, à Cuernavaca au Mexique en 1959, à Nyborg au Danemark en 1963, à Melbourne en Australie en 1967, à Accra au Ghana en 1971, à Vancouver au Canada en 1975, à Athènes en Grèce en 1979, à Singapour en 1983, à Phoenix aux Etats-Unis en 1987, à Stavanger en Norvège en 1991, à Séoul en Corée du Sud en 1995, au Caire en Egypte en 1999, à Brisbane en Australie en 2003, à Nairobi au Kenya en 2007, à Zurich en Suisse en 2011 et à Bangkok en Thaïlande en 2015.
 
-A partir de 1895, Chine : un expatrié américain, David Willard Lyon (1870-1949), est envoyé restructurer les diverses YMCA qui se sont montées à travers le pays depuis une vingtaine d’années. Son objectif n’est pas de raviver les éphémères associations de colons qui étaient apparues à Shanghai dans les années 1870, mais de dynamiser les efforts des pasteurs protestants auprès des étudiants chinois dans les écoles de missions : une « union de jeunes disciples » (yu-t’u hui) présidée par un certain Ch’en Meng-jen et créée sous l’égide de George Smyth à Foochow dans la province de Fujian en 1885, d’une part, et un groupe de prières initié par Harlan Beach en 1886 et emmené par Ch’uan Wen-Shou à Tungchow près de Pékin, d’autre part. Pour cela, David Willard Lyon ne cherche pas à s’établir dans les ports de la côte où il serait susceptible de servir les expatriés vivant dans les concessions européennes. Parce qu’il ne parle pas le mandarin, il renonce à s’installer à Pékin et préfère emménager dans la ville de Tientsin, où il ouvre une YMCA sur le campus de la nouvelle université sino-occidentale de Chung-hsi Hsüeh-t’ang le 8 décembre 1895. Organisée par ses soins à Shanghai en novembre 1896, une première convention nationale donne alors naissance à un « collège des YMCA étudiantes de Chine » et à un comité central qu’il dirige jusqu’à son remplacement par Fletcher Sims Brockman en 1901. Sur ces bases, le mouvement parvient à se développer et à franchir sans trop de difficultés l’épreuve de la révolte des Boxers, au cours de laquelle les insurgés s’en prennent aux chrétiens et détruisent les bâtiments de l’association de Tientsin en 1900. Lors de sa troisième convention nationale, à Nankin en mai 1901, il entreprend même de couvrir l’ensemble de la région sous la coupe d’un « comité général des YMCA de Chine, de Corée et de Hongkong », colonie britannique où l’organisation vient de s’implanter sous l’égide de volontaires canadiens. Le mouvement reste certes basé à Shanghai, où la première YMCA urbaine du pays, établie par Robert Lewis en 1900, a été la seule à être épargnée par la révolte des Boxers, en l’occurrence parce qu’elle se trouvait à l’intérieur des concessions européennes. Bien qu’elle renonce à couvrir la Corée et Hongkong en 1912, l’organisation ne gagne pas moins du terrain et est bientôt présente dans 17 des 21 provinces de Chine en 1920, avec une trentaine d’associations à l’époque, au lieu de deux en 1901. Après Shanghai en 1900, le mouvement s’implante en effet à Chefoo (Yantai) et Taiyuanfu (Taiyuan) en 1903, Nankin en 1906, Foochow (Fuzhou) et Pékin (Peiping) en 1907, Canton en 1908, Hangchow et Wuhan (Hankow et Wuchang) en 1911, Chengdu (Chengtu) en 1910, Sianfu (Xi'an) en 1911, Yunnanfu (Kunming), Amoy (Xiamen), Tsinan (Jinan) et Toyshan (Taishan) en 1912, Changsha, Paoting et Nanchang en 1913, Kaifeng en 1915, Ningpo en 1919, Chengchow (Zhengzhou) et Soochow (Suzhou) en 1920, Swatow (Shantou) et Wuhu en 1921, Chungking (Chongqing) en 1922, Fenyang en 1923, Tsingtao en 1924, Weihaiwei (Port Edward) en 1932 et Chiaotso (dans le Honan) et Tatung (à Datong) en 1935. Parallèlement, ses effectifs augmentent de 32 000 membres en 1912 à 46 000 en 1920 et 54 000 en 1922. Le mouvement va même jusqu’à disposer de relais dans la diaspora des étudiants chinois au Japon, où il établit une branche à Tokyo en 1906, et aux Etats-Unis, où il participe à la constitution en 1909 d’une association spécialisée, la CSCA (Chinese Students Christian Association of North America). Selon Shirley Garrett, plusieurs raisons expliquent un pareil succès. Le consentement des autorités de l’Empire du Milieu, d’abord, compte beaucoup. Les missionnaires sont plutôt bien vus depuis qu’ils ont entrepris de défendre les droits des travailleurs émigrés chinois aux Etats-Unis. Face à l’épreuve de la modernité, les autorités comptent aussi sur les chrétiens pour canaliser les aspirations d’une jeunesse attirée par les discours révolutionnaires et républicains. De ce point de vue, la YMCA prend bien soin de ménager les susceptibilités locales. Elle s’entoure de notables proches de la famille impériale et évite de se constituer en « société » (hui), un terme qui évoque la ligue et la sédition. Dans les concessions européennes, par exemple, l’association de Shanghai est subventionnée par un réformiste mandchou, gouverneur de Liang-Kiang en 1904 puis 1906, qui trouve en même temps le moyen d’appeler à boycotter les produits anglais et américains ! Le comité de soutien de la YMCA de Pékin comprend quant à lui le gouverneur de Kirin, Chen Chao Chang, et un futur Premier Ministre, T’ang Shao. Ces connections continueront d’être utiles après l’abdication de l’Empereur et la proclamation d’une République par un chrétien, Sun Yat-sen, en janvier 1912. Des sympathisants tels que Ts’ai Yuan-p’ei, Wang Ch’ung-hui, Liang Tun-yen et T’ang Shao-yi se retrouvent dans le premier cabinet du général Yuan Shikai, qui se constitue en mars 1912. Fils d’un pasteur comme son prédécesseur, qui vient d’entrer au gouvernement, le nouveau secrétaire général de la YMCA chinoise en 1916, David Yui, est quant à lui conseiller privé de Yuan Shikai, bien qu’il refuse à plusieurs reprises les portefeuilles ministériels de l’éducation puis des affaires étrangères. Depuis Nankin, où ils ont établi leur capitale, les Républicains ne s’opposent pas non plus à l’expansion des missions chrétiennes, à qui ils donnent des terrains. Transportés gratuitement dans des trains affrétés spécialement par le gouvernement, les délégués réunis à la huitième convention nationale de la YMCA en 1920 sont même accueillis en personne par le président, Xu Shichang, et son précecesseur, Li Yuan Hung. De fait, les nouvelles autorités sont de plus en plus conscientes de la nécessité de se moderniser et de briser l’isolement international de la Chine pour résister à la poussée expansionniste du Japon, qui a commencé à annexer la Corée et Formose en 1895. Elles sont donc séduites par les programmes d’éducation physique et sanitaire de la YMCA au moment où le général Yuan Shikai veut améliorer la formation des soldats et inciter les écoles à introduire des cours d’instruction militaire. Le mouvement va jusqu’à influencer des seigneurs de guerre comme Feng Yuxiang (parfois orthographié Yu-hsiang), qui est marié à une membre de la YWCA de Guiyang et qui, avant de rallier les idées marxistes à la suite d’une visite en Union soviétique en 1926, se convertit au christianisme en 1914 et se met en tête de baptiser tous les soldats de l’armée qu’il constitue après la chute du président Yuan Shikai en 1916, soit 5 000 hommes sur 8 000 selon ses propres dires ! Le mouvement lui-même contribue à ce rapprochement d’idées avec les milieux militaires. Engagé par la YMCA en février 1912 après avoir travaillé auprès de la Croix-Rouge chinoise pour soigner les bl essés dans les rangs des troupes révolutionnaires de Li Yüan-hung lors de combats contre les forces impériales à Hankou en octobre 1911, le docteur William Wesley Peter souligne notamment l’importance d’avoir une nation en bonne santé pour résister à la menace japonaise. Accompagnées de meetings et de vente de manuels d’hygiène, ses campagnes de sensibilisation aux questions de santé publique sont donc largement relayées par le ministère de l’Intérieur et la police à Changsha et Pékin. D’une manière générale, les efforts d’alphabétisation de la YMCA ne sont pas pour déplaire aux autorités et séduisent même les communistes en zone rurale. L’organisation, qui se dote en 1912 d’un département d’éducation dirigé par David Yui à partir de 1915, multiplie les initiatives en la matière, avec des cours du soir pour les adultes à Foochow et Kirin, d’une part, et des écoles pour les enfants pauvres à Pékin en 1913 puis Shanghai, Canton et Soochow (Suzhou) en 1914. La Première Guerre mondiale lui donne d’ailleurs un nouvel élan sous l’impulsion théorique et pratique de James « Yang-ch’u » Yen, un de ses sécrétaires qui, parti alphabétiser les coolies chinois déployés au sein des troupes alliées en Europe, revient au pays pour monter en 1923 une association nationale pour l’éducation des masses (Chung-kuo P’ing-min Chiao-yü Ts’u-chin Tsung-hui). De mars à juillet 1922, une grande campagne d’alphabétisation de la YMCA touche jusqu’à 1 370 habitants de Changsha, dont 967 parviennent à passer leur certificat d’études. Renouvelée auprès de 1 500 illétrés de la région en septembre suivant, l’expérience est alors étendue aux femmes de Chefoo dans la province du Shantung : non sans succès puisque, sur 2 103 inscrits, elles sont 633 à tenter leur chance et 372 à réussir leur examen, sur un total de 1 147 reçus. Bien entendu, l’appui des autorités ne suffit pas expliquer le succès de la YMCA. Très prosaïquement, les unions de jeunes chrétiens attirent aussi la population urbaine grâce à leurs cours d’anglais, dans un premier temps, puis leurs enseignements techniques, leurs offres d’emplois et leurs formations en gestion qui préparent au monde de l’entreprise. Elles séduisent particulièrement les milieux d’affaires, qui aiment se retrouver en terrain neutre pour se relaxer et échapper à l’atmosphère de compétition de leur environnement professionnel. Les comités de soutien des YMCA de Tientsin, Shanghai et Pékin comptent ainsi des hommes comme Wong Kok-shan, un magnat des acieries de Wuhan, Tong Kai-son, le patron de la compagnie minière K’ai P’ing, et Liang Shih I, le directeur national des chemins de fer. Structurées autour de quatre axes, à savoir le développement de la connaissance (chih), l’éducation physique (t’i), l’effort spirituel (te) et le sens de la communauté (ch’ün), les associations locales inquiètent d’autant moins que, pour s’étendre, elles recrutent de plus en plus de secrétaires chinois et mettent en veilleuse leur vocation prosélyte. A Shanghai, Robert Lewis retire les idéogrammes qui représentent Jésus (chi-tu) ; au niveau national, le « collège des YMCA de Chine » (Yu-t’u hui) enlève toute référence religieuse à des disciples (yu-t’u) et adopte le nom plus neutre « d’association chrétienne de jeunes protestants » (Chi-tu Chiao Ch’ing-nien hui) en 1902. Dans la population, les secrétaires sont simplement considérés comme des managers (kan shih) et le titre officiel de l’organisation est souvent abrégé en « association de jeunes », ou Ch’ing-nien hui, ce dernier terme désignant les enfants de la noblesse ou de la bourgeoisie. Enfin et surtout, le mouvement tire sa force d’une sinisation précoce de son personnel. Dès 1896, le comité central des YMCA étudiantes est composé pour moitié de membres chinois. La proportion de délégués chinois passe ensuite de la moitié (51 sur 102) à plus de quatre cinquièmes (131 sur 156) entre les deuxième et troisième conventions nationales du mouvement en juin 1899 et mai 1901. La tendance se confirme après l’effondrement de la monarchie. Si le nombre d’expatriés triple quasiment et passe de 28 à 75 entre les cinquième et septième conventions nationales de 1907 et 1912, le nombre de secrétaires chinois décuple pendant le même laps de temps et atteint 313 hommes en 1924, contre 230 en 1917 et 16 en 1907. Composé de dix membres, le comité issu de la huitième convention nationale réunie à Tientsin en 1920 ne comprend plus que trois expatriés à titre honoraire. Depuis le retrait de Fletcher Sims Brockman, les postes de secrétaires généraux reviennent également à des autochtones, d’abord Zhengting (Chen-ting) Wang en 1915 puis David Yui en 1916 avant le retour d’un Américain, William Lockwood, en 1921. Au final, les Chinois parviendront à prendre complètement le contrôle de l’organisation à mesure que, pour des raisons d’économie, leurs homologues des Etats-Unis se désengageront et arrêteront de financer les salaires des expatriés en 1928. Exemple parmi d’autres, David Yui obtiendra ainsi le renvoi de l’Américain Charles Harvey, qui démissionnera en août 1925 après avoir vainement essayé de rallonger la durée des affectations des expatriés. En novembre 1925, encore, la YMCA des Etats-Unis acceptera que ses propriétés immobilières en Chine soient formellement transférées aux autochtones. Dans le même ordre d’idées, la conférence des secrétaires généraux à Shanghai en juillet 1925 se déroulera uniquement en mandarin alors que les précédentes étaient traduites en anglais.
 
-A partir de 1896, France : revenu sur Paris et plus ou moins remis des blessures de la guerre de 1870, le comité national des UCJG françaises peine à se développer. Avec un budget déficitaire de 1896 à 1899, il doit continuer de compter sur l’aide des YMCA les plus riches, notamment américaines, qui ont financé la construction du siège de l’organisation dans la capitale en 1888. En effet, il ne reçoit aucune subvention du gouvernement et dépend surtout de cotisations d’adhérents qui, malgré une tendance à la hause, ne dépassent pas les 3 900 personnes en 1902, contre 2 900 en 1895, ceci en incluant les membres associés. En outre, les UCJG françaises, dont le budget agrégé stagne entre 129 000 et 156 000 francs en 1899 et 1902, ne sont guère pressées de reverser une quote-part au comité central à Paris, dont les ressources passent de 2 000 à 18 000 francs pendant le même laps de temps. Celui-ci ne peut donc quasiment rien entreprendre et il n’est certainement pas opérationnel pour mener des programmes humanitaires. Au mieux, il organise quelques conférences contre l’alcoolisme, la débauche, le jeu et l’inobservation du repos dominical. Pour le reste, c’est la YMCA américaine qui l’encourage et lui permet concrètement de commencer à s’occuper de réfugiés russes à Paris en 1909. Il en va de même pour assister les soldats français pendant la Première Guerre mondiale.
 
-1897-1989, Birmanie : la YMCA britannique ouvre une branche à Rangoon en 1897. Dirigée par des expatriés et supervisée depuis l’Inde, celle-ci sert quasi-exclusivement la population européenne avec l’appui des autorités coloniales, qui financent par exemple l’établissement d’un centre pour les enfants de la rue et les délinquants juvéniles en 1929. Résultat, elle ne parvient pas à s’enraciner en profondeur jusqu’à l’occupation japonaise de Rangoon, qui oblige le personnel britannique à évacuer la ville en 1941. Reconstitué au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, le conseil national des YMCA birmanes finit certes par s’affranchir de son homologue indien, dont il devient indépendant en 1951. Il s’étend alors en province à Mandalay, Taunggyi, Pyinoolwin et Myitkyina. Présidée par Clarabell Ba, une union nationale des YWCA de Birmanie est également créée en 1951 sur les décombres de l’Union indienne, qui explose en 1947. Elle est d’ailleurs rejointe en 1953 par Maung Chain, ministre démissionnaire des affaires karen et médiatrice à l’occasion d’une amnistie proposée aux rebelles en 1948. Mais les diverses insurrections armées qui ravagent le pays freinent le développement du mouvement. Après l’arrivée au pouvoir de la dictature « socialiste » du général U Ne Win en 1962, la Birmanie se ferme aux investissements étrangers et refuse l’aide internationale. Le mouvement en pâtit beaucoup. Tombée en désuétude, la YMCA de Mawlamyaing est récupérée par le ministère des affaires sociales, tandis que la YMCA de Taunggyi est nationalisée par erreur en 1965, avant d’être restituée en 1976. A Rangoon, le département du tourisme réquisitionne quant à lui les nouveaux bâtiments de la YMCA, qui ont été inaugurés en janvier 1962 et qu’il occupe partiellement. Après le départ en 1965 du président de l’association U Willie Tin Tun, un banquier, son successeur Vincent Solomon, un colonel, doit ensuite saisir la justice pour faire expulser les locataires qui squattent le siège de l’organisation et ne paient plus de loyers depuis une dizaine d’années. Une fois rentrée dans le rang sous l’égide du professeur William Paw, un économiste proche de la junte, la YMCA de Rangoon cesse bientôt d’inquiéter les autorités. D’après le numéro de janvier 1979 du YMCA World Communiqué, elle s’aligne complètement sur les positions du gouvernement. Après 1989 et l’annulation des élections qui devaient entériner le retour des civils au pouvoir, la YMCA n’est même plus autorisée à travailler officiellement en Birmanie. Elle renaît cependant de ses cendres au début des années 2000, avec une quinzaine de milliers de membres et sympathisants.
 
-1898-1912, Suisse : initialement prévue pour 1896 à Budapest, la quatorzième conférence internationale des YMCA a finalement lieu à Bâle en 1898 car l’UCJG hongroise n’est pas assez solide pour organiser la réunion. Les délégués réunis sur place décident de s’ouvrir aux plus jeunes en créant des associations pour les « cadets ». Il leur faut également organiser l’expansion et l’hétérogénéité d’un mouvement qui revendique plus de 456 000 membres dans le monde et qui est passé de 763 YMCA en 1867 à 2 043 en 1875 et 5 109 en 1894. Basé à Genève, le comité central de l’Alliance a beaucoup de mal à s’imposer face au dynamisme des Américains. En même temps qu’il s’élargissait de quatre à sept membres en 1881, il a d’abord dû introduire des règles de représentation pour gérer le nombre croissant de délégués. De plus, il doit changer de nom car il est régulièrement confondu avec son homonyme du « comité international » des YMCA américaines à New York. Devenu « universel » en 1900, il n’a en fait pas les moyens de ses ambitions. Lancé en 1908, par exemple, son projet de créer à Genève un centre de formation des secrétaires des YMCA est interrompu par la Première Guerre mondiale. Sous l’égide du Français Emmanuel Sautter, le comité « universel » de l’Alliance doit se contenter d’organiser en Suisse des sessions d’été en 1911 et 1912. Dans le même ordre d’idées, il doit renoncer à envoyer des expatriés et à superviser le travail missionnaire des Etats-Unis dans les pays du Sud. De son côté, le « comité international » des YMCA américaines à New York ne se gêne pas pour concurrencer Genève en organisant ses propres rencontres à l’échelle mondiale, en l’occurrence à Yokohama au Japon en mars 1907, à Bâle en Suisse en mai 1910, à Williamstown dans le Massachusetts en mai 1913, à Princeton dans le New Jersey en mai 1916, à New York en juin 1919, à Lake Placid dans les Adirondacks en septembre 1924 et à Ithaca dans l’Etat de New York en mai 1931. Les Etats-Unis se retrouvent ainsi à la tête de leur propre réseau d’associations, qui regroupe surtout les unions chrétiennes chinoises, japonaises, indiennes, mexicaines et sud-américaines.
 
-1899-1938, Corée : à l’initiative de missionaires protestants, une YMCA est constituée à Séoul en 1899 avant d’être reprise en mains par David Willard Lyon, qui a temporairement été chassé de Chine par la rébellion des Boxers en 1900, puis l’année suivante par Philip Gillett, un expatrié envoyé spécialement des Etats-Unis. Le mouvement devient vite populaire dans les milieux nationalistes, qui s’inquiètent de l’expansion régionale de l’Empire du Soleil Levant depuis la guerre russo-japonaise de 1904. Ceux-ci montent en l’occurrence des structures parallèles et demandent le départ de Philip Gillett, qui a renvoyé les éléments les plus radicaux, refusé de reconnaître leurs groupemements et établi des organisations séparées pour les immigrés japonais de facto exclus des associations coréennes. La situation se tend encore davantage quand l’Empire du Soleil Levant commence à annexer le pays en 1907. Les Japonais accusent notamment la YMCA d’avoir participé à un complot visant à assassiner le gouverneur général Terauchi Masatake en octobre 1911. Le leader de l’association de Séoul, Yun Ch’i-ho, est ainsi arrêté par la police pendant que le futur président de la Corée du Sud, Syngman Rhee, échappe de peu à une inculpation grâce à l’intervention de Philip Gillett. Les choses s’arrangent vaguement par la suite. Initialement condamnés à dix ans de prison, les nationalistes de la YMCA voient leur peine commuée à six ans de captivité et sont tous relâchés faute de preuves en février 1915. Les problèmes ne sont pas terminés pour autant car un autre soulèvement implique nombre de chrétiens en mars 1919. Sur le plan institutionnel, les YMCA coréennes doivent renoncer à être gérées depuis Shanghai en Chine et sont progressivement inféodées au régime mis en place par les Japonais. De pair avec la colonisation nippone, elles passent officiellement sous la coupe de Tokyo en avril 1913. A la suite de Philip Gillett, qui a d’abord suivi le point de vue des Japonais et qui, se sentant lâché par New York, a démissionné en septembre 1912, Frank Brockman ne parvient pas à négocier une fusion à parité entre les deux entités. Des rivalités personnelles jouent également. Le secrétaire général américain des YMCA japonaises, George Sidney Phelps, essaie en effet d’imposer sa mainmise en déclarant publiquement son souhait de représenter les associations coréennes à l’étranger et de contrôler leurs finances locales avec un droit de veto. A défaut d’avoir gain de cause, il obtient que l’institutionnalisation des liens avec Tokyo plutôt que Shanghai soit entérinée par la constitution qui est adoptée par l’organisation à Séoul en avril 1914. Seule la YMCA des étudiants coréens de Tokyo résiste pendant un temps du fait de l’obstination d’éléments nationalistes qui, en plein cœur de la capitale japonaise, proclament symboliquement l’indépendance de leur pays à l’occasion d’un rassemblement commémorant la mort du roi Kojong Gwangmuje le 8 février 1919. Le temps finit par jouer en leur faveur. Sur la péninsule, les fils de la noblesse locale reviennent bientôt aux commandes de la YMCA coréenne. Gracié après avoir fait trois ans de prison pour sa participation au complot de 1911, Yun Ch’i-ho est d’abord autorisé à devenir secrétaire général de la nouvelle organisation en 1915. Lui succède Yi Sang Chai, un autre opposant issu de la noblesse et converti au christianisme pendant son séjour derrière les barreaux. La YMCA coréenne entreprend alors de s’affranchir de la tutelle de Tokyo. Tandis qu’une YWCA est fondée à Séoul par le Docteur Helen Kim en juin 1922, l’organisation abroge en mai de cette année l’accord qui la liait à son homologue japonais depuis avril 1913. Avec l’approbation des autorités d’occupation, elle se constitue en comité national en 1925 et demande à être reconnue comme une structure indépendante par le siège de l’Alliance mondiale à Genève. La période de liberté qui s’ensuit lui permet de s’étendre en milieu rural, où elle établit un collège à Kwangju, ouvre des écoles de nuit, organise des coopératives et démarre des programmes de formation agricole sous l’égide d’un Américain, Francis Clark, et d’un Britannique, Arthur Bunce, à partir de 1928. Mais la militarisation de l’Empire du Soleil Levant met bientôt un terme à cette relative indépendance. En 1930 sont emprisonnés les responsables de la YMCA coréenne, Hugh Gynn, Koo Ja-Ok et Choi Doo-Sun. Les associations de province sont fermées et le mouvement reste uniquement actif à Séoul, où le secrétaire général du mouvement, Lee Sang Jae, monte un front nationaliste. En juin 1938, enfin, les autorités d’occupation obligent la YMCA et la YWCA coréennes à rompre avec Genève et à fusionner avec leurs homologues japonais. Les leaders du mouvement, quant à eux, sont emprisonnés…