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Young Men’s Christian Association
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Historique

Young Men’s Christian Association - Historique




1910-1919


-A partir de 1910, Mexique : montées en 1902 et 1904 sous l’égide d’un expatrié américain, George Babcock, les branches anglophone et hispanophone de la YMCA fusionnent en 1910. Malgré l’hostilité de la hiérarchie catholique, elles tentent alors de s’implanter en dehors de la capitale et obtiennent bientôt des subventions du gouvernement. Leur œcuménisme est plutôt un atout. Après avoir ouvert leurs conseils d’administration aux catholiques, elles constituent en 1921 un comité national qui réduit ses exigences religieuses du moment que les membres témoignent de leur foi sur le plan individuel et qu’aucune Eglise ne rassemble plus d’un tiers des effectifs d’une association. Dernière organisation à avoir adopté ces dispositions en 1923, la YMCA de Mexico peut ainsi commencer à dévélopper des activités sociales. Mais, touchée de plein fouet par la crise économique de 1929 et la réduction des subventions américaines, elle doit licencier du personnel et, traduite en justice, payer des indemnités de chômage qui creusent son budget. Constituée en coopérative, elle est ensuite contrainte en 1933 de réviser ses statuts pour se mettre en conformité avec une nouvelle loi qui permet théoriquement à des laïcs de s’emparer de la direction de l’association. Les tensions internes prennent de l’ampleur. En juillet 1934, le syndicat des employés obtient la fermeture de l’organisation et entame une grève qui dure jusqu’en avril 1935. La direction envisage en conséquence de vendre les bâtiments pour éviter qu’ils ne tombent entre les mains des dissidents. Elle ne parvient guère à calmer le jeu et des conflits de la sorte réapparaissent vingt ans plus tard à Mexico et Chihuahua. De fait, les membres cotisants et les employés revendiquent de plus en plus un droit de regard sur la gestion de leurs associations face à des expatriés accusés d’être au service de l’impérialisme américain. La crise la plus grave se produit en l’occurrence dans la capitale, où le conseil d’administration de la YMCA de Mexico est suspecté de vouloir s’enrichir sur le dos des adhérents et décide en mars 1953 de fermer les portes de l’organisation. Soupçonnée par les syndicats et la presse de chercher à vendre discrètement les bâtiments afin de se débarrasser des contestataires, la direction ne maîtrise bientôt plus situation. Emmenés par un leader communiste, des dissidents anticapitalistes prennent en effet possession des lieux pour élire leur propre conseil d’administration. Les bâtiments, qu’une décision de justice oblige à restituer à la YMCA, sont finalement vendus. De son côté, le mouvement de la YWCA connaît également bien des déboires. Etablie en 1922 dans le quartier de Zokalo par une expatrié américaine, Caroline Smith, l’Asociacion Cristiana Feminina de Mexico se heurte d’abord à l’hostilité de la hiérarchie catholique, qui fait presion sur ses ouailles pour la boycotter et refuser de lui louer des bâtiments. En guise de compromis, l’évêché de Mexico propose en vain que l’organisation se laïcise et que son intitulé fasse référence à une « coopérative » et non à la « chrétienté ». Plus favorable à la YWCA, le gouvernement mexicain n’est pas d’un grand secours. Malgré le soutien initial du ministère de la Santé pour ouvrir un centre de soins dans un quartier défavorisé de la capitale, les autorités sont bientôt touchées par la dépression économique de l’après-guerre et cessent de verser des bourses aux étudiantes susceptibles d’aller habiter le foyer de l’association, ouvert en 1923 et jamais rentable faute d’occupants. Tout aussi affectée par la baisse de ses revenus, la YWCA nord-américaine ne prend pas le relais pour compenser le manque à gagner et Caroline Smith quitte le Mexique en 1925 sans avoir réussi à pérenniser le mouvement. En outre, l’Asociacion Cristiana Feminina de Mexico est déchirée par des querelles internes entre radicaux et conservateurs jusqu’à la démission en 1923 d’Elena Landazuri, une pacifiste qui réclame la liberté d’avorter, l’inclusion des femmes dans le droit du travail, la « démilitarisation » des maternelles, la réécriture des manuels scolaires et l’abolition de l’armée. Bien des années plus tard, la YWCA n’hésitera cependant plus à prendre des positions féministes sur la place publique. En 1959, elle démarrera par exemple une campagne pour relever à seize ans l’âge minimum du mariage des filles dans le pays. Au Conseil économique et social des Nations Unies, elle essaiera par ailleurs de pousser le gouvernement mexicain à signer une convention de 1951 qui proclame l’égalité des hommes et des femmes en matière d’accès à l’éducation et au travail.
 
-1911-1999, Kenya : la YMCA britannique, qui a ouvert une branche à Nairobi en 1910, facilite l’établissement d’une association de jeunes chrétiens en 1911 puis d’une YWCA en 1912. Pendant la Première Guerre mondiale, le mouvement est ensuite rejoint par la YMCA américaine, qui vient assister les troupes coloniales avec des volontaires noirs dont six meurent de maladie. Réservée aux Britanniques et mal gérée, l’association de Nairobi ne parvient cependant pas à se développer et ferme ses portes en 1932, quand le gouvernement vend ses propriétés immobilières pour régler ses dettes. C’est la Seconde Guerre mondiale qui permet au mouvement de revenir dans le pays, de nouveau pour mener des activités en milieu militaire. En 1943, la YMCA mondiale commence ainsi à assister des prisonnniers de guerre italiens détenus dans 58 camps. Sur un terrain donné par le gouvernement en 1947, l’association de Nairobi se reconstitue alors et inaugure en 1950 un foyer qui est aggrandi en 1961 puis 1964. En 1953, elle construit par ailleurs une maison de la jeunesse dans le quartier de Shauri Moyo. Un an avant l’indépendance en 1963 est finalement lancé un Conseil national des YMCA du Kenya qui multiplie les initiatives avec l’établissement d’une colonie de vacances sur le lac Naivasha en 1960 puis d’un collège agricole à Limuru en 1962. La YWCA kenyanne n’est pas en reste et sa présidente devient une des deux premières femmes députées du pays. En 1987, notamment, elle entreprend de soutenir des projets communautaires de santé primaire à Rwanyange dans le district de Meru, puis à Okinos en pays Masaï à partir de 1992. Depuis 1999, elle facilite également la scolarisation des orphelins victimes du sida et poursuit sa campagne contre la mutilation génitale des femmes, une pratique qui est officiellement interdite par les autorités en 2002.
 
-1912-2000, Sierra Leone : une YMCA est fondée à Freetown en 1912 sous la forme d’un groupe de prières qui finit par s’établir dans un centre communautaire, d’abord sur Siaka Stevens Street, puis sur Lightfoot Boston Street en face de l’Eglise wesleyenne. Après avoir démarré quelques activités sportives en 1915, l’association est surtout amenée à assister, soigner et ravitailler les troupes britanniques en transit dans la capitale pendant la Seconde Guerre mondiale. Malgré l’ouverture de branches dans le quartier de Kissy et à Cline Town sur le port, elle retombe ensuite dans sa léthargie après l’indépendance en 1961. Il faut attendre l’arrivée de coopérants américain puis allemand, en l’occurrence Waldo Keck en 1976 et Erich Kotnik en 1979, pour que le mouvement reprenne de la vigueur. Sous l’égide de son nouveau secrétaire général Eben Whenzle à partir de mars 1979, il établit alors une école de commerce et tente de mener des programmes de développement dans les environs immédiats de la capitale. Avec l’aide de la YMCA allemande puis canadienne, il va notamment assister les victimes de la guerre civile qui déborde du Libéria voisin et qui ravage la Sierra Leone à partir de 1991. Il facilite ainsi la scolarisation d’enfants déplacés par le conflit, fournit des vivres à des familles en difficulté, ravitaille des camps de réfugiés et donne un peu de matériel à des hôpitaux. La YMCA de Sierra Leone paie elle-même un lourd tribut à la guerre. Outre la perte de trois véhicules détruits par les rebelles en 1997 et 1998, elle déplore la mort de plusieurs collaborateurs lors de la prise de Freetown par les guerilleros du RUF (Revolutionary United front) en 1999, à savoir le trésorier de l’organisation et son secrétaire général Eben Whenzle, qui est remplacé par Fred Karimu. A cette occasion, le siège de la YMCA est intégralement pillé tandis que la branche de Kissy est partiellement incendiée. La situation s’améliore certes après le débarquement de troupes britanniques venues sécuriser la capitale en 2000. Avec l’aide des YMCA d’Allemagne, du Canada et de Grande-Bretagne, la YMCA de Freetown arrête en conséquence ses précédents programmes et entreprend de faciliter l’éducation et la réinstallation des populations déplacées par le conflit, notamment les enfants. Elle commence également à animer des séminaires de réconciliation et à soutenir les efforts de démobilisation des combattants avec un projet de réinsertion professionnelle en milieu rural à Kenema.
 
-1913-1943, Etats-Unis : dans le Massachusetts, un étudiant du collège YMCA de Springfield, George Goss, présente en 1913 la première thèse américaine sur les secours de première urgence aux noyés. D’une manière générale, les leçons de natation que donnent les diverses associations à travers le pays sont désormais accompagnées de cours de sauvetage dans le cadre d’un programme qui a démarré en 1911. Aussi la YMCA inspire-t-elle les premiers manuels de secourisme qui sont utilisés par la Croix-Rouge et l’armée américaines pendant la Première Guerre mondiale. En 1943, encore, le président de son Comité national de natation, le Docteur Thomas Cureton, publie un livre qui permet de professionnaliser les méthodes de sauvetage de la marine.
 
-1914-1919, France : forte de son expérience du côté des Etats-Unis puis du Japon lors des guerres de 1898 et 1904 contre l’Espagne puis la Russie, la YMCA américaine propose ses services à l’armée française dès le début du conflit contre l’Allemagne. Sous la direction de Joseph Callan et d’Emmanuel Sautter, elle démarre ainsi ses opérations en octobre 1914 et ouvre en janvier 1915 son premier « foyer du soldat », en l’occurrence à La Voivre, un village détruit par les bombes près de Saint Dié. Malgré les réticences de l’état-major français, qui craint l’intrusion de civils et d’espions potentiels, elle couvre bientôt l’ensemble de la ligne de front, avec un maximum de 850 cantines en même temps. Du côté des Alliés, elle assiste également les troupes britanniques, auprès de qui elle déploie plus de 150 « secrétaires » américains avant l’entrée en guerre des Etats-Unis en avril 1917. Jusqu’en juin 1919, elle gère finalement un total cumulé de 1 534 foyers dont 1 091 se trouvent dans des zones de combat et dont 130 sont capturés par l’ennemi. Sa contribution requiert l’emploi de 1 682 secrétaires, dont un tiers d’Américains, et de 13 000 collaborateurs locaux, dont 750 permanents. Elle consiste surtout à établir des foyers où sont vendus des victuailles et du tabac exclusivement français au vu des réglementations de l’armée, qui interdit l’importation de cigarettes américaines. Mais elle joue aussi une fonction de soutien moral dont la hiérarchie militaire commence à mesurer toute l’importance après les mutineries de mai-août 1917. Rétrospectivement félicités par le maréchal Ferdinand Foch pour leur « contribution à la victoire », les foyers de la YMCA américaine sont progressivement intégrés dans la stratégie de l’état-major français, qui les prévient désormais à l’avance des offensives et des mouvements de troupes suite à la « réglementation générale des œuvres de guerre aux armées » édictée par le général Philippe Pétain en janvier 1918.
 
-1915-1918, Allemagne : les YMCA et les YWCA commencent à s’occuper des prisonniers de guerre, essentiellement alliés. Sous le patronage du prince Max de Baden et la direction d’Archibald Harte à partir de janvier 1915, l’initiative en revient surtout à l’organisation américaine, qui peut intervenir en Allemagne tant que les Etats-Unis restent neutres et ne participent pas au conflit, c’est-à-dire jusqu’en avril 1917. A partir d’avril 1915, elle entreprend d’abord d’aider des prisonniers de guerre russes, serbes et monténégrins aux mains des Allemands à Göttingen en Basse-Saxe et des Autrichiens à Braunau (Broumov) en Bohême. En décembre 1915, elle ouvre par ailleurs un foyer pour assister quelque 5 000 civils britanniques détenus à Ruhleben, un ancien champ de courses dans la banlieue de Berlin. A défaut d’avoir l’autorisation d’entrer dans les camps près des zones de combat, là où les conditions de détention sont les plus dures, le travail de la YMCA américaine consiste en l’occurrence à organiser des séances de prières, à établir des associations de prisonniers de guerre et à distribuer des vivres, des médicaments ou des livres, surtout des bibles. L’objectif principal n’est pas d’envoyer de la nourriture ou des vêtements, mais de remonter le moral des détenus. Concrètement, une sorte de division du travail se met en place entre les Croix Rouges, qui fournissent une assistance matérielle, et la YMCA, qui s’occupe d’organiser les loisirs des captifs. Les visites des camps se font notamment en liaison avec le CICR (Comité international de la Croix-Rouge), dont le siège à Genève côtoie celui de l’Alliance universelle des UCJG. De fait, les deux organisations sont très proches. Le président de l’Alliance universelle des UCJG depuis janvier 1914, Paul Des Gouttes, est par exemple secrétaire général du CICR, où il est élu membre du Comité en avril 1918. Le président du CICR, Gustave Ador, cautionne quant à lui les initiatives du secrétaire général de l’Alliance universelle des UCJG, l’Allemand Christian Phildius, pour aider les prisonniers de guerre. C’est avec son appui que ce dernier peut assister des détenus français, italiens et serbes par le biais de la Croix-Rouge en Autriche, d’une part, et envoyer des vivres aux prisonniers de guerre autrichiens en Italie et en Serbie, d’autre part. Les conditions d’accès ne sont certes pas toujours garanties. L’Alliance universelle des UCJG doit attendre décembre 1916 pour être autorisée à intervenir auprès des prisonniers de guerre français, britanniques et serbes en Bulgarie. En Grande-Bretagne, elle peut seulement aider les civils allemands détenus dans l’Alexandra Palace à Londres, mais pas les militaires regroupés dans le camp de Knockaloe sur l’île de Man. D’une manière générale, son assistance se base sur un principe de réciprocité, en contradiction avec les dispositions des Conventions de Genève. C’est parce qu’elle aide des prisonniers de guerre allemands en Russie et en France, par exemple, que la YMCA américaine est autorisée à assister les militaires alliés aux mains de Berlin. Résultat, elle doit cesser ses activités quand les Etats-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne, précisément au moment où les conditions de détention s’aggravent du fait des restriction alimentaires qu’entraine le blocus des Alliés. Le mouvement lui-même n’est pas exempt de problèmes. Dirigée à partir de 1914 par Hulda Zarnack, la YWCA allemande manque cruellement de moyens. Son homologue masculin n’est pas beaucoup mieux loti et il doit recourir à un prêt de l’Alliance universelle des UCJG pour financer ses activités, qui consistent, entre autres, à prêcher la supériorité de la civilisation allemande auprès des prisonniers de guerre. A Genève, le siège du mouvement n’est pas non plus bien préparé aux situations de crise. Pris de court par l’embrasement de l’Europe en août 1914, il a dû parer au plus pressé en réduisant le salaire de ses employés et en renonçant à ses efforts missionnaires dans les pays du Sud ; il arrêtera d’ailleurs ses programmes d’assistance dès la fin du conflit, par manque de fonds. De plus, il n’a guère réussi à coordonner les comités nationaux d’aide aux prisonniers de guerre qui se sont constitués un peu partout de façon très désordonnée, sans répondre à l’autorité de Genève ou de New York. Certains n’étaient pas du tout neutres et ont tenu des propos militaristes qui ont pénalisé les activités humanitaires du mouvement. Même le responsable de la YMCA américaine, John Mott, a professé des discours belliqueux qui ont éveillé la suspicion de Berlin et qui, en représailles, ont provoqué une interruption de l’aide aux prisonniers de guerre en Allemagne en février 1918, par crainte de voir l’organisation véhiculer la propagande alliée. Il faut toute l’habileté du pasteur Adolphe Hoffman à Genève et du successeur d’Archibald Harte à Berlin après avril 1917, Conrad Hoffman, pour que l’Alliance universelle des UCJG puisse reprendre son travail et continuer d’assister tous les camps en présence. Les YWCA, elles, ont davantage échappé à la militarisation du mouvement, sans doute parce qu’elles étaient moins directement en contact avec les armées. Résultat, l’Alliance mondiale des Unions chrétiennes de jeunes filles paraît moins divisée que son homologue masculin au sortir du conflit. A la différence du mouvement de la Croix-Rouge, elle parvient ainsi à réunir des déléguées allemande et française lors de sa conférence de Champéry en Suisse en 1920.
 
-1916, Mexique : déjà présents pendant l’occupation militaire de Vera Cruz d’avril à novembre 1914, 374 volontaires de la YMCA américaine accompagnent les troupes des Etats-Unis qui, en juin 1916, franchissent la frontière sous le commandement du général John Pershing pour mener une expédition punitive suite aux incursions des groupes révolutionnaires de Pancho Villa. Depuis New York, le responsable de l’organisation, John Mott, est quant à lui chargé par le président Woodrow Wilson de mener une médiation avec les Mexicains. S’il parvient à négocier un traité de paix en novembre 1916, son entremise se termine sur un constat d’échec quand, en janvier 1917, le président Venustiano Carranza répudie l’accord parce que les troupes américaines tardent à se retirer du pays.
 
-1917-1921, Etats-Unis : dès l’entrée en guerre contre l’Allemagne en avril 1917, la YMCA américaine passe un accord avec le ministère de la Défense pour bénéficier d’un statut spécial et servir les armées en campagne sur le front européen. Dans le cadre de son département militaire, qui est présidé par William Sloane jusqu’en janvier 1921 et dirigé par William Millar à partir de septembre 1898 puis John Tichenor d’octobre 1910 à septembre 1920, l’organisation est déjà présente dans 32 casernes où les recrues sont formées avant de franchir l’Atlantique et de partir au combat. Depuis le début du conflit en août 1914, elle a par ailleurs envoyé des équipes aider les armées alliées sur le front européen et elle va par exemple assister les soldats américains qui passent par la Grande-Bretagne avant de se rendre en France, notamment dans le port de Liverpool, où transitent les quatre cinquièmes du contingent. William Sloane, le président des YMCA militaires, qui avait succédé à Charles McAlfin en janvier 1901, prend alors la direction d’un Conseil de guerre qui va rester actif jusqu’en mars 1921. Le responsable du mouvement à New York, John Mott, est quant à lui chargé officiellement par le président Woodrow Wilson d’organiser les loisirs des soldats, les red triangle services. Aussitôt à l’œuvre dans la caserne de Plattsburg près de New York, la YWCA n’est pas en reste et établit son propre Conseil de guerre le 15 mai 1917. Avec un budget d’une vingtaine de millions de dollars entre 1915 et 1918, elle intervient sur le front. Sous l’égide d’Edith Terry Bremer, elle envoie des volontaires qui ont pour mission de surveiller la morale sexuelle des soldats, d’éviter leurs relations avec les autochtones et de maintenir le lien avec les fiancées, épouses et mères restées aux Etats-Unis. Coiffés d’un chapeau tricorne, quelque 400 femmes assistent également les auxiliaires militaires et les ouvrières des manufactures d’armes en France. Au total, la YMCA et la YWCA vont gérer jusqu’à 1 500 cantines de l’armée américaine avec quelque 22 500 hommes et 3 500 femmes en uniforme, dont la moitié au pays et l’autre sur le front. Concrètement, les activités ne se limitent pas à organiser des séances de cinéma, des concerts de musique, des salles de danse, des représentations de théâtre ou des compétitions sportives. Comme pour les armées britannique et française, elles consistent surtout à établir des cantines et des foyers du soldat qui, en plus, servent de poste et de banque. En vertu d’un décret du 6 septembre 1917, la YMCA américaine est en effet autorisée à acheminer et transmettre le courrier personnel des militaires déployés sur le front. Elle leur vend donc des timbres pour s’autofinancer et veille à leur économies en les encourageant à ne pas dépenser entièrement leur solde sur place, afin d’en envoyer une partie à la famille restée au pays. De telles activités ne sont cependant pas sans susciter des controverses car la YMCA est bientôt accusée de s’enrichir sur le dos des combattants et de servir les intérêts de l’industrie du tabac. De fait, elle est la seule organisation à vendre ses friandises. De surcroît, ses cigarettes contreviennent aux interdits religieux des évangélistes, sans parler des problèmes de santé qu’elles occasionnent. En outre, ses volontaires ont été recrutés sur le tas et par milliers dans un laps de temps très court. Salariés, ils ne manifestent pas toujours d’intérêt pour la religion et font parfois figure de simples épiciers, au contraire de leurs confrères de l’Armée du Salut, qui ne fument pas de tabac et témoignent d’une grande rigueur morale. Arrivée la première en France, la YMCA se voit aussi reprocher de rester cantonnée dans les ports de débarquement des troupes américaines et de ne pas se risquer sur les lignes de front en dehors des villes. Bien que cela ne suscite pas beaucoup de débat à l’époque, son aide privilégie en l’occurrence les officiers blancs au détriment des hommes du rang et des populations de couleur. Certes, la YMCA assiste les coolies chinois que les autorités ont fait venir en Europe pour creuser des tranchées et effectuer les travaux de génie civil sur les champs de bataille. Mais les services proposés aux soldats noirs de l’armée américaine sont complètement ségrégués et de moindre qualité. Les secours qui leur sont envoyés n’arrivent même pas à destination avant la signature de l’armistice en novembre 1918 ! Peu concernée, la YMCA n’emploie que 400 volontaires noirs, soixante fois moins que pour les Blancs. Il faut dire que l’organisation doit gérer de nombreuses contraintes logistiques. A cause de l’encombrement des bateaux et des lenteurs administratives pour obtenir des passeports, elle ne parvient d’abord à envoyer qu’un civil pour 500 militaires et ne disposera jamais de plus de 6 000 volontaires au même moment. Elle qui visait initialement un ratio d’un expatrié pour 170 soldats, elle devra se contenter d’un maximum d’un pour 217 en juillet 1918. De plus, elle a toutes les peines du monde à contrôler son personnel, qui est placé sous commandement militaire. Ses volontaires obéissent au code des armées et ne répondent pas forcément aux ordres du siège de l’organisation à New York. Sur le front français, les camions et les voitures de la YMCA sont régulièrement conduits ou réquisitionnés par des militaires. Toute la chaîne logistique est aux mains de l’armée, y compris la centrale d’achats et les points de débarquement. Les militaires américains ont la priorité et court-circuitent parfois les décisions de la YMCA à New York. Un tel dispositif s’applique d’ailleurs aux volontaires de la YWCA, qui ont obtenu le droit de porter un uniforme afin de ne pas être confondues avec les prostituées ou les femmes à soldats qui, autrefois, accompagnaient les armées en campagne, par exemple pendant la guerre de Crimée. Résultat, le mouvement est entièrement intégré au militaire et il connaît le même taux de pertes que les soldats au combat, avec 286 blessés ou morts sur 25 926 collaborateurs. D’après le décompte de Nina Mjagkij dans une encyclopédie consacrée à la Première Guerre mondiale, l’organisation déplore la disparition de 123 hommes et 5 femmes, sans parler des invalides victimes des gazages allemands. Rien que sur le front français en 1917 et 1918, relate Frederick Harris, 11 meurent directement sur les champs de bataille, tandis que 79 décèdent à cause d’accidents ou de maladies. Selon d’autres chiffres cités par Charles Howard Hopkins et Frederick Harris, l’organisation déplore la mort de 60 volontaires aux Etats-Unis, dont 57 de maladie et 3 d’accidents. A l’étranger, les pertes s’élèvent à 93 hommes si l’on inclut l’ensemble des opérations outre-mer, jusqu’en Turquie : 8 sont tués au combat ; 2 finissent assassinés par des brigands ; 3 meurent des suites de leurs blessures ; 9 périssent dans des accidents ; 71 décèdent de maladie. Les affrontements à proprement parler ne constituent pas la principale cause de mortalité. Avec les victimes de bombardements allemands, Wikona Martin à Paris le 11 mars 1918, Robert Wellwood à Blargies le 19 mai 1918, Halliday Smith à Baccarat le 26 mai 1918 et Walter Murray à Meaux le 16 juillet 1918, il s’avère que seulement 6 hommes et 2 femmes sont vraimen t tués au cours de combats, essentiellement dans la Marne, avec Marion Crandall à Sainte-Menehould le 26 mars 1918 puis James Birchby à Sommepy le 4 octobre 1918, et sur le front de l’Argonne, avec John Linn près d’Apremont le 8 octobre 1918 puis Harry Gibson près de Sedan le 7 novembre 1918. Quatre autres succombent des suites de gazages, tels Hedley Cooper à Baccarat en Meurthe-et-Moselle le 26 mai 1918 et, une fois rapatriés, George Files à Boston le 23 avril 1919, Harold Coffin à Chicago le 17 juin 1919 et Howard Cotten à Blackmountain en Caroline du Nord le 20 octobre 1919. Sinon, beaucoup meurent d’accidents : des hémorragies pour Eric Osen à Bazoilles-sur-Meuse le 4 décembre 1918 et Maurice Fulton à Florence le 12 mars 1919 ; des crises cardiaques pour Theodore Clark à Bassorah en Irak le 9 septembre 1917, Faith Rogers sur un bateau en route vers la France le 6 novembre 1918, Hugh Lawwill à Paris le 13 novembre 1918 et Bessie Gale au Corneau en Gironde le 11 février 1919. Les transports se revèlent particulièrement dangereux à cet égard. L’automobile tue Henry Shaw à Montrichard le 28 mai 1918, Leon Carley à Bar-le-Duc le 31 octobre 1918, Benjamin Sweet à Paris le 4 avril 1919 et Gertrude Valentine au Mans le 11 juillet 1919 ; l’avion, James McCreary à Prague le 5 juillet 1919 ; le bateau, Frederick Ballou et Robert Pritchett, qui se noient dans le port de Dar-es-Salam le 24 septembre 1918, et Clifford Carpenter, qui périt lors d’un naufrage au large de l’Ecosse le 6 octobre 1918. Pour le reste, la maladie est, de loin, la plus meurtrière, à commencer par la pneumonie. Dans les casernes aux Etats-Unis, cette dernière tue 33 collaborateurs de la YMCA, contre 15 pour la grippe espagnole, 5 pour les accidents, 2 pour les infestions post-opératoires et 4 pour les autres types de maladies. En France, elle emporte Edwin Phinney et Roy Pace à Blois les 25 février et 27 août 1918, Robert Campbell à Chaumont le 14 septembre 1918, Elvin Allen à Saint Dié le 3 octobre 1918, Joseph Hardy à Issoudun le 6 octobre 1918, Hugh Chambers, Joseph Colwell, Raoul Chauvin, Thomas Jones et Solomon Seligman à Paris les 19 et 21 octobre 1918, le 17 novembre 1918, le 14 décembre 1918 et le 24 mai 1919, Pierce Guth à La Rochelle le 21 octobre 1918, Judson Beecher à Saint Nazaire le 26 octobre 1918, John Johnson à Marseille le 30 octobre 1918, Charles Edwards à Bar-le-Duc le 31 octobre 1918, Dorothea Gay et Thomas Scott à Bordeaux le 9 novembre 1918 et le 11 mars 1919, Herman Willing à Châtillon-sur-Seine le 22 novembre 1918, Joseph Hefflon à Neuilly le 6 janvier 1919, William Rowe à Semur-en-Auxois le 20 janvier 1919, Claude Kime à Bazoilles-sur-Meuse le 5 février 1919, Harry Fisher au Mans le 19 février 1919, Alice Knight et Lorraine Ransom à Pruniers les 21 et 24 février 1919, Ralph Nauffts à Minorville le 28 février 1919, Clark Marsh au Havre et Marjorie Vrooman à Cauterets le 4 mars 1919 et Howard Woodhead à Saint Germain-en-Laye le 8 juin 1919. En Grande-Bretagne, elle achève William Rose à Londres le 27 septembre 1918 puis Jean Lueders sur un bateau en route vers la France le 10 octobre 1918 ; à Liverpool, elle tue Helen Burrage et Blanche Rowley le 23 février 1919, après Eugenie Hosie le 4 octobre 1918 mais avant Jeanette Zinn le 4 mars 1919. La fin des combats ne met pas un terme au fléau de la maladie. En Allemagne après l’armistice, la pneumonie emporte John Kohl dans un camp de prisonniers de guerre le 16 novembre 1918, Charles Loomis à Coblence le 12 janvier 1919 puis William Corlett à Daun le 9 mars 1919, ceci sans parler de John Roberts à Lucknow en Inde le 6 novembre 1918. La grippe espagnole, qui fera plus de morts que pendant toute la durée du conflit, n’est évidemment pas absente et elle tue Elizabeth Russell à bord d’un bateau en route vers l’Angleterre le 10 octobre 1918, George Walsh à Queenstown en Irlande le 18 octobre 1918, Daisy Adams à Liverpool le 4 janvier 1919 puis Frank Duvall à Ponteux dans les Landes le 7 mars 1919. Parmi les autres maladies dont succombent les volontaires de la YMCA américaine, on relève la scarlatine avec Chauncey Brooks à Joinville-le-Pont en France le 27 mai 1919, la dysenterie avec William Sant à El Arish en Palestine le 17 juin 1917, le typhus avec Harry Emmel à Vladivostok en Sibérie le 27 février 1920, l’appendicite avec Samuel Powell à bord d’un bateau américain le 8 mai 1919, la typhoïde avec Nellie Robertson à Marseilles en France le 23 mars 1919, la néphrite avec Harry Richardson à Florence en Italie le 22 janvier 1919. John Van Schaick et Charles Nobel meurent quant à eux de bronchite, respectivement à Trèves en Allemagne le 11 décembre 1918 puis à Tours en France le 3 février 1919, tandis que la méningite emporte Harriet Ellis à Neufchâteau le 2 août 1918, Edith White à Chaumont le 13 mars 1919, Alice Rogers à Paris le 21 mars 1919, Virginia Branum à Lamalou-les-Bains le 30 mars 1919, Richard Grose à Melun le 6 juin 1919 et Stewart McComber à Neuilly le 5 novembre 1919. Il faut dire que les soins médicaux de l’époque ne sont pas toujours à la hauteur. Outre les dépressions nerveuses et l’épuisement physique qui achèvent John Vorhees à New York le 6 mai 1918, Jesse Meredith à Chicago le 18 octobre 1918, John Moon à Cherbourg le 22 février 1919 et Robert Bush une fois rapatrié à Atlanta en Géorgie le 24 janvier 1919, certains meurent à cause d’infections post-opératoires, tels Arthur Peterson à New York le 5 mars 1918, Robert Cutting à Chaumont le 1er avril 1918, Elizabeth Brubaker à Neuilly le 8 février 1919, Esther Slocum à Paris le 5 mai 1919 et Jessie Chisholm à Philadelphie en Pennsylvannie le 2 août 1919…
 
-1918-1938, Tchécoslovaquie : la YMCA des Etats-Unis est invitée à monter des programmes militaires et civils par le président Tomáš Garrigue Masaryk, qui est marié à une protestante américaine et qui a proclamé l’indépendance de la République tchécoslovaque sur les marches du Capitole à Washington en octobre 1918. Avec 89 expatriés et 467 collaborateurs locaux, l’organisation va ainsi gérer jusqu’à 70 foyers du soldat en août 1920. Sa coopération avec l’armée est d’autant plus facile que la YMCA américaine avait déjà aidé les légionnaires tchèques en lutte contre les Autrichiens pendant la Première Guerre mondiale. Par la suite, ses activités en caserne sont progressivement transférées à la section culturelle du ministère de la Défense, qui en prend entièrement la charge à partir de février 1923. Financés par l’armée tchèque et les subventions de l’étranger, des programmes en faveur des civils peuvent alors démarrer sous la coupe d’un comité central des YMCA de Bohême-Moravie qui se constitue dans la capitale en juillet 1921. Ce dernier accompagne en l’occurrence l’indépendance du pays en s’affranchissant du cadre de l’Empire austro-hongrois et des contraintes qui, jusqu’à présent, rattachaient formellement à son homologue de Vienne la petite association de jeunes chrétiens créée à Prague en 1888. Le comité central des YMCA de Bohême-Moravie n’en demeure pas moins fragile malgré ses ouvertures en direction des Eglises protestantes et des mouvements étudiants, qui se sont regroupés en fédération sous sa houlette. Pénalisé par la crise économique, il ne parvient pas à lever des fonds dans la diaspora tchèque aux Etats-Unis et reste encadré par des secrétaires généraux américains, à savoir Walter Gethman à partir de 1921, Howard Bertram Durkee à partir de 1926, Charles Tidball à partir de 1929 et Brackett Lewis de 1933 à 1938. Sur le plan financier, il doit plutôt compter sur le soutien du gouvernement à Prague, qui subventionne 70% du coût de la construction de ses foyers en ville. Proche du Premier Ministre Edvard Beneš, c’est à sa demande que la YMCA s’implante en 1922 dans les régions peuplées de minorités afin d’œuvrer à la réconcilitation nationale. En 1938, l’association aide également les populations déplacées lorsque le pays doit céder le territoire des Sudètes à l’Allemagne hitlérienne.
 
-1919-1939, Turquie : après la défaite de l’Allemagne et de son allié ottoman en 1918, des volontaires des YMCA britannique et américaine restent dans la région au service des troupes alliées engagées au Proche Orient. A Istanbul, ils se préoccupent bientôt d’ouvrir leurs activités aux civils dans le cadre d’une association lancée en novembre 1919. L’objectif, en l’occurrence, n’est pas de rétablir la première YMCA montée à Constantinople par des protestants allemands en 1881, reconnue par Genève en 1900 et développée à la faveur des réformes entreprises par l’Empire ottoman pour se moderniser à partir de 1908. Bien qu’affiliée en 1913 à l’Alliance mondiale sur la base d’une Constitution provisoire adoptée en 1911, l’organisation a en effet disparu au cours de la Première Guerre mondiale. Installés dans le quartier de Pera en lieu et place de l’ancien consulat américain, ses bureaux, un moment menacés d’être réquisitionnés pour la police en 1915, ont dû être loués en 1916 à l’ambassade des Etats-Unis, adjacente. Intialement destinés aux victimes des guerres balkaniques de 1912 et 1913, les programmes de secours des YMCA étrangères ont quant à eux été interrompus par les combats. Les expatriés américains, notamment, ont dû suspendre leurs activités lorsque leur pays est entré en guerre contre l’Allemagne et l’Empire ottoman en 1917. De crainte qu’ils ne soient réquisitionnés par les autorités, les bâtiments de la YMCA à Constantinople ont alors été confiés à l’ambassade de Hollande afin d’héberger des prisonniers de guerre alliés. Si quelques fonds en provenance des Etats-Unis ont pu être discrètement transférés par l’intermédiaire du bureau de la Standard Oil à Istanbul, l’insécurité ambiante a bientôt mis un terme à tous les programmes en cours après la mort, le 15 juillet 1917, d’une employée de la YWCA au collège américain d’Anatolie à Marsovan (l’actuelle Merzifon). A la faveur de l’entrée des troupes alliées en Syrie, seules quelques régions frontalières ont continué de bénéficier d’une aide en faveur des rescapés du génocide arménien. Non sans problèmes, d’ailleurs : le 1er février 1920, le secrétaire général de la YMCA en Turquie, James Perry, et son représentant à Marash, Frank Johnson, sont ainsi tués et volés par des bandits lors d’une embuscade près d’Aintab à proximité de la Syrie. D’une manière générale, le mouvement peine à s’enraciner en pays musulman et ne parvient pas à se développer aussi facilement que dans la Tchécoslovaquie, la Roumanie ou la Pologne chrétiennes. La personnalité de son mentor à la tête de la YMCA américaine, John Mott, n’y est pas pour rien. Témoin des atrocités commises contre les Arméniens d’Istanbul en 1895, ce dernier est un évangéliste qui n’a eu de cesse de défendre les minorités chrétiennes de la région et qui a participé en 1919 à la création d’une agence de secours, le Near East Relief, pour leur venir en aide. Suite à un article publié sous ses auspices dans l’organe du mouvement, le World’s Youth, la YMCA a été accusée de vouloir christianiser les Turcs. Le principal intéressé n’a pas vraiment démenti. Au contraire, dans un ouvrage publié en 1917, il désignait Istanbul et Le Caire comme les deux points d’appui stratégiques pour gagner les élites du monde musulman à la cause de la chrétienté, à défaut de pouvoir rallier les masses. Résultat, la YMCA américaine est suspectée d’impérialisme. A Istanbul en 1919, elle ne parvient même pas à rouvrir une implantation sous son véritable nom, à la différence de son prédécesseur en 1911, qui était d’ailleurs ouvert aux musulmans, aux juifs et aux orthodoxes grecs ou arméniens tout à la fois. Après l’établissement d’une république en 1923, elle doit également ménager la susceptibilité du gouvernement nationaliste de Mustafa Kemal, qui prohibe toute propagande religieuse avant d’interdire l’ensemble des ONG confessionnelles en 1939. Soucieuse de ne pas renoncer au mot « chrétien » de son intitulé, la YMCA américaine ne facilite pas non plus les choses. En 1926, le conseil d’administration de l’organisation à Constantinople refuse d’avaliser le projet d’Asa Kent Jennings, un expatrié qui avait proposé de transformer les YMCA en clubs d’amitié américano-turque. Inflexible, il repousse également en 1933 le subterfuge consistant à créer une compagnie commerciale pour chapeauter les associations locales sur la base de statuts laïcs. Ecoeuré, Asa Kent Jennings préfère s’en aller fonder sa propre organisation, les Amis américains de la Turquie (American Friends of Turkey), et meurt d’épuisement en 1933. Résultat, les activités de la YMCA ne progressent pas. Si Asa Kent Jennings a réussi à introduire la pratique du volley et du basket en Turquie, les cliniques dentaires, les bibliothèques et les clubs sportifs qu’il a initiés dépérissent bientôt. Dans le quartier de Beyoglu (Pera) à Istanbul, la YMCA doit par exemple revendre ses bâtiments à une organisation paragouvernementale, la « Maison du Peuple » (Halk Evi). Obligée de réviser sa constitution pour se mettre en conformité avec une nouvelle loi qui la contraint à supprimer toute référence religieuse et à ouvrir son conseil d’administration aux Turcs, elle ferme finalement ses portes en 1939 et se laïcise en prenant le nom d’Ecole américaine de langues et de commerce, la Dershane (Amerikan Lisan ve Ticaret Dersanesi).