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Young Men’s Christian Association
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Historique

Young Men’s Christian Association - Historique




1940-1949


-1940-1948, Canada : la YMCA, qui avait relayé les efforts de désarmement de la Société des Nations, et la YWCA, qui avait tiré 10 000 tracts pacifistes en 1937, rompent avec leurs précédentes positions et soutiennent la guerre contre l’Allemagne hitlérienne. Mieux préparées qu’en 1914, elles entreprennent notamment d’aider les soldats canadiens déployés en Grande-Bretagne mais pas en France. Sous la houlette d’un comité de guerre établi par John Beaton dès le 20 octobre 1939 et officiellement reconnu par le ministère de la défense trois jours après, la YMCA, en particulier, est progressivement intégrée à l’armée, qui lui fournit toute la logistique de transport. Exemptés d’impôts, ses secrétaires répondent aux ordres des commandants des unités où ils sont affectés et portent des uniformes d’officiers, cette fois sans grade et sans pension militaire en cas de mort au combat, à la différence de la Première Guerre mondiale ; rétrospectivement, une loi du 31 août 1946 accordera ensuite aux volontaires de la YMCA et de l’Armée du Salut le statut de vétéran avec les avantages sociaux afférents. En attendant, l’organisation suit à partir de juillet 1943 l’avancée des troupes canadiennes en Afrique du Nord et en Italie, puis en Hollande et en Belgique, où elle ouvre un foyer à Anvers en octobre 1944. En Allemagne, par exemple, elle établit son premier club dans un ancien centre de la jeunesse hitlérienne à Cleves dans le nord de la Westphalie en février 1945. L’organisation est également active sur le front intérieur. Au Canada, les services de la YMCA sont gratuits pour les militaires en uniforme, tandis que la YWCA facilite les loisirs et les visites des familles aux soldats en permission. D’une manière générale, l’organisation joue cependant un rôle moindre que pendant la Première Guerre mondiale. Confrontée à la concurrence d’autres ONG, elle doit accepter une sorte de division du travail qui consiste, pour l’armée, à confier les activités sportives des soldats à la YMCA, les cantines à la YWCA et les séances de cinéma à l’Armée du Salut. De fait, l’institution militaire a développé ses propres services sociaux et a moins besoin du concours des œuvres privées. Les antécédents de la YMCA n’y sont pas non plus pour rien depuis que l’association a été accusée de s’enrichir sur le dos des soldats pendant la Première Guerre mondiale. Ainsi, en vertu d’un accord de janvier 1940, les comptes de ses activités en milieu militaire sont désormais audités par l’armée, qui prélève une commission de 5% sur les excédents de trésorerie. La YMCA, qui a perçu des dons d’un montant de 1,5 million de dollars au cours de l’année 1940, n’est bientôt plus autorisée à collecter des fonds en son nom propre. En 1941, elle doit se grouper avec les autres ONG pour recevoir 2,2 millions de dollars. Et à partir de 1942, c’est directement le gouvernement qui la subventionne : seule la Croix-Rouge canadienne est autorisée à continuer de collecter des fonds privés. Placée sous le contrôle de l’armée, la YMCA perd alors toute marge de manœuvre. Certes, son Conseil national refuse en 1943 d’entériner un projet de déménagement de Toronto à Ottawa pour se rapprocher encore plus des organes du gouvernement. En 1944, encore, il écrit aux autorités pour protester contre un projet de loi qui vise à déchoir de leur citoyenneté les Canadiens d’origine japonaise. Mais cela n’empêche pas la YWCA de toucher des subventions du gouvernement et du ministère du travail de la Colombie britannique pour participer à la gestion des camps où les suspects sont internés sur la côte ouest et où l’organisation facilite le placement de quelques jeunes femmes employées comme domestiques. Concrètement, le mouvement dépend de plus en plus des financements de l’Etat, qui s’élèvent à $14,4 millions sur un budget total de $17,1 millions entre octobre 1939 et septembre 1947. Résultat, le Conseil national des YMCA canadiennes parvient à dépasser le cap de la crise économique de 1929 et à stabiliser ses revenus grâce à une nouvelle clé de répartition qui, introduite en 1942, contraint les associations locales à lui reverser l’équivalent de 2,5% de leurs dépenses. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, son budget atteint $180 000 en 1948, sans compter les activités outre-mer. A l’instar des Etats-Unis, où le mouvement a aussi profité de la manne étatique pendant le conflit, les YMCA canadiennes se sont finalement renforcées sur le plan économique et affaiblies quant à leur indépendance politique. Au total, elles jouissent d’un budget cumulé de $4,7 millions en 1948, contre $2,2 millions en 1940.
 
-1941-1943, Etats-Unis : soucieuse de ne pas compromettre la neutralité de Washington jusqu’à l’attaque japonaise de 1941, la YMCA américaine se montre d’abord réticente à s’engager auprès des prisonniers et des victimes de guerre. En 1938, le bureau national de la YWCA avait certes pris une position plus affirmée en demandant au gouvernement de faciliter l’arrivée des réfugiés juifs en provenance de l’Allemagne nazie. Mais plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer le rôle relativement effacé de la YMCA américaine comparé au précédent de 1914-1918. Des difficultés d’accès, pour commencer : pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale, l’organisation ne pourra jamais assister les militaires détenus par les Italiens et les Russes. Relativement au conflit de 1914-1918, elle doit donc travailler davantage avec l’Alliance mondiale à Genève, dont elle gère l’administration en exil à Washington. Surtout, le développement des services sociaux de l’armée américaine a rendu l’organisation moins indispensable. Au sortir de la Première Guerre mondiale, le travail de la YMCA auprès des soldats a progressivement été repris par l’institution militaire, à commencer par ses programmes éducatifs et nutritionnels en avril 1919. A l’exception des foyers établis outre-mer et de onze bâtiments construits aux Etats-Unis avant le début du conflit, l’organisation a vite été évincée des casernes : l’armée de terre a achevé de nationaliser ses activités en novembre 1919 ; la marine, en janvier 1920. Face à l’ARC (American Red Cross), qui revendique un monopole d’accès aux prisonniers de guerre, la YMCA ne peut donc plus prétendre agir seule pendant la Seconde Guerre mondiale. Contrairement à ce qu’affirme son hagiographe Sherwood Eddy, elle ne joue plus de rôle majeur pour « fournir une assistance éducative et morale aux prisonniers de guerre de tous les camps en présence ». En octobre 1940, elle doit en l’occurrence se grouper avec la YWCA, l’Armée du Salut, l’Eglise catholique et le National Jewish Welfare Board pour se rappeler au bon souvenir des autorités et constituer une plate-forme qui prend en février 1941 le nom d’United Services Organisation for National Defence puis, plus simplement, d’USO (United Services Organization) en décembre suivant, au moment de l’entrée en guerre des Etats-Unis contre le Japon et l’Allemagne. Soutenu par le président Franklin Roosevelt, un tel organisme sert seulement à coordonner les collectes de fonds des ONG, et non leurs activités sociales. Critiqué pour sa lourdeur bureaucratique, il n’évite pas les duplications de programmes et permet aux autorités de contrôler, voire restreindre la marge de manœuvre des organisations membres. A la différence de la Première Guerre mondiale, la YMCA n’est ainsi pas autorisée à envoyer des expatriés sur le front. Elle peut juste s’occuper des loisirs des soldats dans les bases arrières de l’armée sur le territoire américain et à l’étranger, laissant aux Croix Rouges le soin de fournir des vivres et une assistance médicale aux combattants et aux civils dans les pays en guerre. Aux Etats-Unis, la YMCA et la YWCA assistent notamment les 110 000 Américains d’origine japonaise qui, sur la côte Ouest, sont internés dans une dizaine de camps en vertu d’un ordre d’évacuation de février 1942. Cette mesure controversée, il faut le noter, avait initialement été condamnée comme raciste et discriminante par le bureau national de la YWCA. En temps de guerre, la proximité et les compromissions du mouvement avec les autorités n’en paraissent que plus évidentes. De fait, les subventions du gouvernement permettent à la YMCA de renflouer sa trésorerie et d’apurer les dettes contractées pendant la crise économique. Les ressources financières de l’organisation retrouvent leur niveau antérieur et dépassent les 61 millions de dollars en 1942, contre 60 en 1930. Avec des dépenses cumulées de 31 millions de dollars pendant toute la durée du conflit, le budget opérationnel de la YMCA américaine reste cependant inférieur à celui de la Première Guerre mondiale, qui avait atteint les 125 millions de dollars. De surcroît, l’organisation, qui héberge gratuitement les soldats en permission, voit ses cotisations diminuer à mesure que ses adhérents sont mobilisés dans l’armée et que leur nombre chute de 1 316 000 en 1938 à 1 199 000 en 1942 et 1 010 000 en 1945. A New York, par exemple, 3 000 des 22 000 membres de la YMCA sont appelés sous les drapeaux en 1942, année où le budget de l’association plafonne à 3,7 millions de dollars. Bien que les femmes restent au pays, la YWCA américaine est encore plus touchée en ce qui concerne ses activités outre-mer. Après avoir dû céder à la YMCA la direction des secours aux prisonniers de guerre, elle doit réduire drastiquement son personnel expatrié, qui passe de 200 à 44 personnes à partir de 1943. Son budget pour les opérations outre-mer chute quant à lui de 2 à 0,8 million de dollars.
 
-1942-2006, Japon : suite à l’attaque contre la base navale de Pearl Harbor, la YMCA américaine doit évacuer son dernier expatrié encore présent à Tokyo, Russell Luther Durgin. Pour sa part, l’association japonaise cesse d’exister en tant que telle. Après avoir absorbé ses homologues mandchous et coréens à partir de 1931 et 1938 respectivement, elle a été (dés)intégrée dans une Eglise unique en 1941 et ne renaît de se cendres qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale en 1945. La YWCA, elle, a dû couper les ponts avec Genève à partir de 1940. En février 1942, elle est placée sous la tutelle d’une centrale gouvernementale, la Dai-Nippon Fujinkai, qui vise à mobiliser les femmes dans l’industrie de l’armement ou au foyer en vue de faire des enfants appelés à devenir de futurs soldats. Sa militarisation n’a donc rien à envier à celle de la YMCA, puisqu’elle côtoie désormais des organisations comme l’Association des femmes pour la défense nationale, la Kokubo Fujinkai, qui a été créée en mars 1932 pour assister les familles des militaires. Non contente d’avoir colonisé ses homologues mandchous en 1931, coréens en 1938 et chinoises en 1941, la YWCA locale assiste en l’occurrence les soldats japonais en permission et les ouvrières qui travaillent dans les usines de munitions de Tokyo et Osaka. Elle ne dit évidemment rien des violations du droit humanitaire, des bombardements de civils, du traitement des prisonniers de guerre ou du viol des femmes coréennes prostituées de force. Les autres associations du mouvement disparaissent également dans les territoires soumis à la férule de Tokyo en Asie. Quand Singapour est envahi par les troupes nippones en février 1942, par exemple, le secrétaire général de la YMCA locale, Rowland Lyne, est interné et le siège de l’organisation est réquisitionné pour devenir un centre de torture de la police politique japonaise, la Kempetai. Deux volontaires australiennes de la YWCA de Singapour, Eileen Higgs et Leila Bridgman, sont quant à elles capturées en mer après avoir essayé de fuir la ville en décembre 1941. D’abord détenues sur l’île de Serang à Sumatra, puis dans le camp de Tjideng à Batavia à partir de novembre 1942, elles sont finalement libérées en septembre 1945. Grâce à la victoire américaine, le mouvement reprend alors pied au Japon et s’engage dans des programmes de reconstruction. Sa proximité avec Washington s’avère fort utile en la matière. Tout en gardant ses fonctions auprès de la YMCA américaine, Russell Luther Durgin devient ainsi conseiller spécial des troupes d’occupation du général Douglas MacArthur. Quant à la présidente de la YWCA locale depuis 1940, Tamaki Uemura, elle est la première Japonaise autorisée par l’armée à sortir du pays, pour se rendre à une réunion à Genève. Dans le même ordre d’idées, le général Douglas MacArthur, qui a accordé le droit de vote aux femmes en octobre 1945, arrange une visite d’une délégation de la YWCA mondiale auprès de l’Empereur en novembre 1947. Comme en Allemagne, le mouvement est en effet convié à mobiliser les Japonaises pour démocratiser le pays, la YWCA de Tokyo étant un des seuls endroits où les autochtones ont le droit de fréquenter des Européens ou des Américains en période d’occupation militaire. Le mouvement joue également un rôle disciplinaire et Tamaki Uemura fait partie des représentantes de la société civile nommées par les autorités pour superviser le travail de la police, essentiellement auprès des délinquants juvéniles. Sous la direction de Shizue Hikaru, sa nouvelle secrétaire générale à partir de 1947, la YWCA se préoccupe en particulier de la prostitution qui s’est développée autour des casernes. Son propos, remarque Yuki Fujime, n’est pas de venir en aide aux « femmes de mauvaise vie », mais bien de protéger l’institution militaire américaine en réclamant un contrôle renforcé des travailleuses du sexe, voire l’arrestation de celles qui ne sont pas enregistrées. Une fois la paix signée en 1951, le mouvement réoriente ensuite ses activités vers des domaines plus « traditionnels ». La YMCA, qui déplore la mort d’un expatrié américain, Dean Leeper, lors du naufrage de son bateau en septembre 1954, développe des programmes qui relèvent davantage de l’assistance sociale ou du sport. L’organisation ouvre d’abord un camp pour enfants handicapés à Kobe en 1953, puis développe des cours d’éducation physique à partir de 1962, sans pour autant renoncer à activités de secourisme, par exemple auprès des victimes du tremblement de terre de Kobe en 1995. Passée de 30 associations locales en 1954 à 34 en 2006, la YMCA japonaise renoue par ailleurs des relations officielles avec la Chine continentale à l’occasion de son centième anniversaire en 1980. L’organisation, qui recensait 24 042 membres en 1954, sans compter les étudiants, ne parvient cependant pas à se développer davantage. En 2006, les YMCA japonaises ne regroupent plus que 12 786 « volontaires », même si elles revendiquent jusqu’à 114 256 « participants » à travers le pays.
 
-1943-1993, Tchécoslovaquie : à l’instar de son homologue en Slovaquie en 1941, la YMCA de Bohême-Moravie est officiellement dissoute en 1943. Après l’invasion allemande au début de la guerre, déjà, ses branches étudiantes avaient dû fermer avec les universités en novembre 1939. Trois de ses leaders allaient d’ailleurs être tués par les nazis, notamment Jaroslav Simsa, un étudiant entré en résistance et déporté à Dachau, où il devait finir ses jours. Après 1943, la YMCA tchèque survit plus ou moins à travers le réseau des Eglises protestantes. Mais elle doit attendre la défaite allemande pour se réunifier et se reconstituer en 1945 avec l’aide des Etats-Unis et d’un expatrié américain, Lawrence Aplin, venu aider les enfants victimes de la guerre. La montée en puissance des communistes, qui s’emparent du pouvoir en 1948, compromet alors ses activités car l’organisation n’est bientôt plus autorisée à travailler et à lever des fonds auprès du public. Après le départ de Lawrence Aplin en avril 1950, la YMCA est dissoute en février 1951 et ses propriétés sont reprises par l’Union de la jeunesse tchécoslovaque ?SM (?eskoslovenská Socialistická Mladeže), une structure inféodée au régime. Le mouvement disparaît alors complètement malgré une tentative de réouverture au moment du Printemps de Prague en 1968. La YMCA et la YWCA peuvent seulement reprendre pied dans le pays en 1990, un an après la chute du Mur de Berlin, et elles doivent de nouveau se scinder en 1993 lorsque la Tchécoslovaquie éclate en deux entités tchèque et slovaque. Des volontaires de l’ancienne génération réapparaissent à cette occasion. Ainsi, la YWCA tchèque, créée en 1922, rayée de la carte en 1948 et reformée en 1990 puis 1993, se reconstitue à Prague sous la présidence de sa dernière secrétaire générale en 1952, Hana Frankova.
 
-1944, Etats-Unis : l’opposition aux théories raciales des nazis et l’alliance avec l’Union soviétique, qui condamne les discriminations liées à la couleur de peau, obligent le mouvement à revenir sur ses principes de ségrégation à l’encontre des Noirs. Dans un fascicule publié en 1944, Kendall Weisiger interpelle ainsi les YMCA en comparant l’antisémitsime des Allemands au racisme des Américains, qui reposent tous deux sur l’idée d’une race supérieure. Le directeur de l’organisation depuis 1940, Eugene Barnett, est lui-même favorable à l’intégration des minorités de couleur. Avec quelques conseils d’administration mixtes et des programmes communs pour les Noirs et les Blancs, les YWCA ne sont pas en reste et apparaissent davantage déségréguées que leurs homologues masculins si l’on en croit l’enquête réalisée par Jesse Howell Atwood dans 24 villes américaines en 1946. Plusieurs raisons expliquent leur relative ouverture selon Susan Lynn. D’abord, les femmes sont plus pratiquantes et donc plus enclines à rester fidèles à leurs idéaux religieux et démocratiques. Ensuite, les membres des YWCA sont souvent plus éduquées et plus militantes que les hommes, qui ont moins de temps à consacrer à des activités associatives. Enfin, les dirigeantes de l’organisation sont sans doute moins conservatrices que les milieux d’affaires qui continuent de dominer la YMCA. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les ouvrières vont travailler dans l’industrie de la défense et se syndicalisent tandis que la petite bourgeoisie prend le pas sur les dames patronnesses d’antan. Les femmes blanches des YWCA, relève Nancy Robertson, finissent par faire de la question raciale un problème national et non plus seulement local à l’échelle des Etats du Sud, posant les bases de leur engagement dans le mouvement des droits civiques vingt ans plus tard. En 1946, les YMCA et les YWCA adoptent en conséquence une charte contre les discriminations raciales. Il y a cependant loin de la théorie à la réalité. Selon des chiffres cités par Jesse Howell Atwood à partir d’études portant sur 376 et 348 YMCA en 1942 et 1948, respectivement, la proportion d’associations ouvertes aux Noirs diminue même de 37% à 27% au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Les bonnes résolutions se heurtent en l’occurrence à de nombreuses résistances. Malgré les demandes répétées de sa branche étudiante en 1936 puis 1938, il a par exemple fallu attendre jusqu’en 1940 pour que la YWCA américaine accepte de nommer une commission d’enquête sur sa politique à l’égard des Noirs. Le rapport qui s’ensuit n’est publié qu’en 1944 et ses recommandations en faveur d’une déségrégation ne sont adoptées qu’à la 17ème convention nationale des YWCA à Atlantic City le 17 mars 1946, en l’occurrence sous la présidence de Mary Shotwell Ingraham, qui ne peut empêcher le boycott de quelques déléguées blanches du Sud au moment du vote. Concrètement, la base tarde à changer ses pratiques. D’après une enquête citée par Yolanda Wilkerson et réalisée en 1946 auprès de 163 YWCA étudiantes, essentiellement les associations dotées d’employées à plein temps, 49% d’entre elles sont établies sur des campus ouverts aux populations de couleur mais seulement 29% admettent des Noirs dans leurs rangs, 25% disent avoir des pris des dispositions en ce sens et 36% ne reconnaissent pas la discrimination raciale comme un problème ! N’en déplaise à Susan Lynn, les femmes ne paraissent pas être à l’avant-garde de ce point de vue. A en croire un sondage de 1945, entre 80% et 90% des étudiantes ou des occupantes des foyers des YWCA réclament des dortoirs séparés et disent refuser de se marier à un Noir. Au niveau local, la fusion des associations noires et blanches rencontre par ailleurs de fortes résistances dans le Sud, où certaines menacent de quitter le mouvement. De crainte d’y perdre leur identité communautaire et un lieu de réunion, des femmes noires demandent elles-mêmes le maintien de branches séparées.
 
-1945-1958, Etats-Unis : la victoire des Alliés contre le Japon et l’Allemagne conduit la YMCA à s’occuper non seulement de la reconstruction des pays ravagés par la guerre, mais aussi de la démobilisation et du rapatriement des soldats américains. Bientôt, l’organisation est cependant amenée à réduire ses programmes militaires. A l’étranger, elle ferme ses antennes auprès de l’armée américaine aux Philippines en 1948 et en Chine en 1949. Aux Etats-Unis, elle se désengage également d’établissements militaires où elle avait implanté des associations, à commencer par Fort Columbus en 1948, une caserne de New York rebaptisée Fort Jay en 1928. Elle évacue ainsi Fort Hancock dans le New Jersey en 1950, Fort Leavenworth au Kansas en 1951, Le Presidio à San Francisco en 1952 et Fort Hamilton à Brooklyn en 1958. Dans le même ordre d’idées, la YMCA américaine précipite en décembre 1947 la dissolution de l’USO (United Services Organization) malgré l’avis contraire du gouvernement. Elle craint en effet l’autonomisation d’un collectif d’ONG susceptible de concurrencer ses activités auprès de l’armée. De plus, elle souhaite se réconcilier avec les Eglises protestantes, qui se sont senties dépossédées par la mainmise des militaires et qui ont critiqué la laïcisation des programmes à destination des soldats. Enfin et surtout, elle ne parvient plus guère à collecter de l’argent pour les soldats en temps de paix. En janvier 1949 lorsque l’armée menace de créer sa propre agence sociale, la tentative de réactiver l’USO, en l’occurrence avec les mêmes ONG qu’en octobre 1940, échoue précisément faute de fonds et s’arrête au bout d’un an. C’est en réalité la guerre froide qui relance les activités de la YMCA auprès de l’armée américaine. De fait, l’organisation ne reste pas insensible à la montée en puissance des sentiments anticommunistes. Hostile à l’Union soviétique et à un désarmement unilatéral du camp occidental, la YMCA américaine approuve publiquement l’assistance militaire des Etats-Unis aux pays alliés, notamment la Turquie et la Grèce à partir de 1947. En 1949, son bureau national soutient la création de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) par un vote de 23 voix contre 12. En 1952, encore, il passe outre l’opposition d’une minorité de femmes pacifistes de la YWCA et adopte une résolution pour que la « coopération économique, militaire, éducative et spirituelle [des Etats-Unis] serve à renforcer le monde libre ». La guerre de Corée confirme la tendance quand les troupes américaines s’engagent directement contre les forces communistes chinoises. En janvier 1951, la YMCA américaine reconstitue alors l’USO sur la base d’un collectif formé en mars 1950 sous le nom d’ASAF (Associated Services for the Armed Forces), d’abord avec la YWCA, l’Eglise catholique et les agences juives, puis avec l’Armée du Salut et l’Association nationale d’aide aux voyageurs (National Travelers Aid Association). En janvier 1957, elle signe ensuite un accord avec le ministère de la Défense pour pérenniser et officialiser son travail en temps de paix et à l’étranger. Forte de 28 associations en caserne en 1951, la YMCA peut en conséquence étendre ses activités en milieu militaire outre-mer. En Allemagne, elle assiste les familles des troupes d’occupation. En Grande-Bretagne, elle aide les soldats en poste dans des bases américaines, à savoir Ipswich à partir de décembre 1956, King’s Lynn près de la base aérienne de Sculthorpe à partir d’avril 1960, Norwich à partir de mai 1961 et Dunoon près de la base de sous-marins nucléaires de Holy Loch en Ecosse à partir de juillet 1963.
 
-1946, Norvège : déjà nominé en 1934, John Mott reçoit le prix Nobel de la paix pour le compte de la YMCA. La récompense consacre le dévouement et l’expansion d’un mouvement qui a repris pied en Asie et en Europe en suivant l’avancée des troupes américaines après leur entrée en guerre contre le Japon et l’Allemagne fin 1941. Une fois les puissances de l’Axe défaites en 1945, l’Alliance mondiale des YMCA se préoccupe par exemple de faciliter le rapatriement des prisonniers de guerre japonais depuis la Birmanie, la Malaisie, Singapour et Shanghai. Financée par les armées alliées, elle mène également avec la YWCA des programmes en faveur des populations déplacées par le conflit en Europe. De 1945 à 1950, elle gère par exemple deux camps dans les environs de Trieste, San Saba et Opicina, qui sont placés sous le contrôle des troupes britanniques et qui accueillent beaucoup de Russes blancs ayant fui la Chine avant d’échouer en Yougoslavie et d’être transférés aux Etats-Unis. En période de reconstruction, l’époque est aussi à la célébration de la paix et à l’avènement d’un nouvel ordre mondial sous l’égide de l’ONU. Favorable au multilatéralisme, la YMCA parti cipe notamment à l’organisation de la journée des Nations Unies. Sa branche américaine, en particulier, soutient l’ONU depuis sa création en 1945 et invite d’ailleurs les Etats membres à y accueillir la Chine communiste à partir de 1949. De son côté, la YWCA des Etats-Unis prend très clairement position en faveur de l’Organisation des Nations Unies et adopte des résolutions en ce sens lors de ses conventions de 1946 et 1949. La guerre froide et la fermeture du monde soviétique compromettent cependant les ambitions du mouvement, qui est alors amené à recentrer ses activités sur les pays en développement. Suite aux pressions des communistes, les associations d’Europe de l’Est et de Chine ferment tour à tour leurs portes. Créée en 1904, la YWCA de Hongrie disparaît par exemple en 1953. Après l’entrée de l’Armée Rouge à Pékin en 1949, son homologue de Chine perdure un peu plus longtemps en obtenant de récupérer les fonds saisis par la YWCA américaine afin d’éviter leur confiscation par les communistes. Mais elle coupera bientôt les ponts avec Genève.
 
-1947-1990, Congo-Kinshasa : formée à Léopoldville en 1947, la première YMCA du pays est officiemment reconnue par le colonisateur belge en 1951. Après l’indépendance en 1960, la dictature de Mobutu Sese Seko dissout cependant l’association, qui est absorbée par la JMPR (Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution), l’organisation du parti unique établie en 1967. Les bâtiments de la YMCA sont expropriés et il faut attendre la libéralisation du régime pour que le mouvement renaisse de ses cendres en 1990.
 
-1948-1965, Israël/Palestine : tandis que la YWCA ferme ses portes, la YMCA de Jérusalem se retrouve en plein sur la ligne de front au moment des combats qui opposent les Juifs et les Arabes à propos de la création d’un Etat d’Israël en 1948. Officiellement placés sous la responsabilité de la division internationale de la YMCA américaine, les bâtiments, qui ont déjà échappé de peu à un attentat dans le voisinage deux ans auparavant, s’avèrent d’autant plus stratégiques qu’ils ont abrité les membres de diverses commissions d’enquête anglo-américaine à partir de janvier 1946 puis onusienne à partir de juin 1947. De mai à juillet 1948, ils sont en l’occurrence protégés par des barbelés et neutralisés par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) pour abriter quelque 80 civils. Après avoir hébergé les médiateurs des Nations Unies et du comte Folke Bernadotte, ils sont ensuite placés sous la garde des Etats-Unis et inclus dans le périmètre du consulat général américain. Passée du côté israélien de la ligne de front, l’association est désormais composée à 80% de juifs et doit construire de nouveaux bâtiments en 1958 pour accueillir les chrétiens et les musulmans dans les quartiers sous contrôle palestinien à l’est de la ville. Coupée en deux entités, elle n’est plus en mesure de relier ses équipes de part et d’autre de l’agglomération. Sous l’égide de Labib Nasir du côté palestinien, elle ne peut récupérer ses bureaux de Jérusalem-Est qu’en 1950, avec l’évacuation de l’armée, et devient le siège de la YMCA de Jordanie, qui prendra son indépendance sous la présidence du Docteur Raouf Abujaber en 1988. En attendant de se doter en 1958 d’un nouveau bâtiment dans le quartier de la Porte de Mandelbaum, elle entreprend de travailler en province, où des branches sont établies à Gaza en 1952 puis Nazareth en 1955, respectivement sous la coupe des YMCA d’Egypte et de Cisjordanie. Dans le camp d’Aqbat Jaber, notamment, elle distribue jusqu’en juin 1950 des vivres aux Arabes déplacés par les combats. Pour assister les enfants victimes du conflit, encore, elle monte à Jéricho en décembre 1948 un centre de formation qui se transforme vite en école financée par la LWF (Lutheran World Federation) et l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East). Sous l’égide de Spiro Kidess, un réfugié palestinien qui prend la suite de John Barwick en 1952, la YMCA entreprend aussi d’aider les populations arabes qui ont fui dans les pays voisins, de l’Egypte au Liban. Parce qu’elle intervient en milieu musulman, elle travaille souvent par le biais d’associations d’exilés qui, très politisés, veulent continuer la lutte, ne partagent pas toujours les valeurs du mouvement et conduisent bientôt l’organisation à cesser son soutien. La YMCA, qui construit en 1965 un centre de retraite près de Bethléem, Sheperd’s Field, préfère alors concentrer ses efforts sur la Jordanie, où elle jouit du soutien d’Antoine Attalah, un ancien ministre des affaires étrangères du royaume hachémite, président de l’association de Jérusalem-Est de 1958 à 1967. En 1961, la YMCA ouvre ainsi ses portes à Amman, où la YWCA de Jérusalem s’est reconstituée dès 1950. Cette dernière est en l’occurrence dirigée par une réfugiée palestinienne, Julia Awad, qui a succédé à Marguerite Speirs, une expatriée envoyée par Genève. Initialement créée à Jérusalem en 1893 et affiliée à son homologue égyptien en 1918, puis en tant que telle de 1930 à 1948, elle sera reconnue par le mouvement comme une association jordanienne à partir de 1959 puis purement palestinienne à partir de 1991. Avec une présidence tournante entre Jérusalem et Amman et deux postes de vice-présidentes, l’une en Jordanie, l’autre en Cisjordanie, l’organisation continuera en fait de travailler de part et d’autre de la frontière.
 
-1949-1964, Chine : la victoire des communistes contre les nationalistes du KMT (Kuomintang) met un terme à la présence de la YMCA et de la YWCA dans le pays. En avril 1949, le mouvement commence par fermer les associations destinées aux soldats et marins américains de passage en Chine. Après l’établissement par Mao Tsé-Toung d’une République populaire à Pékin en octobre, la plupart de ses membres suivent ensuite le repli des troupes du KMT sur Taiwan ou Hongkong, d’où ils perdent bientôt tout contact avec leurs collègues restés sur le continent. Le dernier expatrié américain de la YMCA en Chine, Frank Cooley, est emprisonné par les autorités à Chungking et expulsé vers Hongkong en novembre 1951, après la rupture des relations diplomatiques avec les Etats-Unis en janvier 1950. Un Conseil national des YMCA chinoises continue néanmoins d’exister formellement à Shanghai. Bien qu’elle n’entretienne plus de relations avec Genève, son homologue de la YWCA continue également d’être reconnue par l’Alliance mondiale, qui confirme son droit très théorique à chapeauter les associations de Hongkong et Taiwan. Au sein du mouvement, des sympathisants communiste et anti-impérialistes reprennent en effet le flambeau depuis Shanghai, tels Yao-tsung Wu (1890-1979), Kiang Wen-han (1908-1984) et Y.C. Tu, qui a remplacé Shek Chee Leung à la tête de la YMCA en juin 1949. Relayant la propagande du régime de Mao Tsé-Toung, ils dénoncent les interférences des capitalistes américains, accusant John Mott et Sherwood Eddy d’être des agents secrets au service de Washington. Yao-tsung Wu et Kiang Wen-han (parfois orthographié Jiang ou Chiang Wenhan) participent notamment à la création d’une Eglise officielle, « patriotique » et indépendante des missions occidentales. Sous l’égide de Tsai Kwei (Cai Guei), la YWCA chinoise doit quant à elle s’affilier en mai 1950 à la fédération nationale des organisations de femmes démocratiques, d’obédience communiste, et se recentrer sur les ménagères au foyer car le parti lui interdit désormais de travailler avec les jeunes filles. Dans le camp opposé, les nationalistes du KMT investissent et reconstituent la YMCA de Taiwan, créée en 1898 pour les résidents japonais de l’île et tombée en désuétude après la défaite des troupes de Tokyo en 1945. En 1966, ils forment un Conseil National qui est aussitôt reconnu par l’Alliance mondiale et qui comprend les associations de Taipeh, Taichung, Tainan et Kaohsiung. Sans doute la plus dynamique, celle de Taipeh est dirigée de 1945 à 1977 par le révérend Chung Chi-An, un ancien cadre de la YMCA japonaise en poste dans l’île pendant la Seconde Guerre mondiale. Lancée en 1946, la YWCA de Taiwan connaît un sort similaire. Après avoir dû céder aux pressions des communistes du continent et renoncer en 1957 à l’appellation de YWCA chinoise, elle est reconnue par Genève en tant qu’association nationale en 1979, au risque de heurter la susceptibilité de Pékin et de compromettre tout retour en Chine populaire. De leur côté, les YMCA et YWCA de Hongkong servent de refuge aux chrétiens qui fuient le régime de Mao Tsé-Toung. Elles se développent avec l’appui d’Oxfam et des autorités coloniales britanniques, qui contrôlent l’accès à l’enclave. Sous l’égide de Shek Chee Leung à partir de 1950, la YMCA chinoise de Hongkong cherche alors à prendre la main sur son homologue européen, qui est restée indépendante depuis 1908 et qui veut désormais s’affilier à la maison-mère à Londres. Créée en 1920 et reconstituée en 1945, la YWCA s’installe pour sa part en 1953 dans des bureaux qui ont été construits sur des terres données par le gouvernement. Ses programmes de prévention des suicides ou de placement des orphelins sont financés par les autorités, en plus d’une crèche ouverte à Ho Man Tin et de la gestion de quatre foyers destinés à accueillir les réfugiés venus du continent. Dirigée de 1962 à 1991 par Ko Siu Wah, la YWCA assistera également les boat people vietnamiens qui fuient la férule des communistes de Hanoi à partir de 1975 et elle sera finalement reconnue par Genève comme une association à part entière en 1979. Progressivement, Hongkong devient ainsi la tête de pont du mouvement en Asie. Avec plus de 50 000 membres, la YMCA y installe en 1964 un institut destiné à former les cadres des associations de la région. D’abord subventionnée par les Américains et les Japonais, son initiative préfigure l’établissement d’un bureau régional qui couvre jusqu’à l’Australie et la Nouvelle Zélande dès 1961. Après avoir acquis son autonomie financière en 1973 et juridique en 1979, ce dernier prendra en 1983 le nom d’Alliance des YMCA d’Asie et sera présidé à partir de 1987 par Philip Kwok, un ancien responsable de la YMCA chinoise de Hongkong.