Présentation du mouvement humanitaire en SUISSE

 
 
Nombre d'ONG de solidarité internationale -Entre 165 et 450 en 1992, dont 30 partenaires de la coopération bilatérale suisse
-314 dont 276 à Genève selon l’IUED (Institut universitaire d'études du développement) en 2003
Plates-formes d'ONG laïques -Intercoopération, fondation établie en 1982 : 21 membres en 2008
-Alliance Sud (Swiss Alliance of Development Organisations), créée sous son nom actuel en 2005 et héritière de la CDT (Communauté de travail des oeuvres d'entraide) fondée en 1971 : 6 membres en 2008
Plates-formes d'ONG religieuses -n.d.
ONG " parapubliques " -n.d.
Statut des ONG -code civil : article 60
-autorisation bewilligungspflicht délivrée par les cantons
Avantages fiscaux -défiscalisation partielle des activités et des dons suivant les cantons et en fonction de la reconnaissance d’utilité publique
Système d'accréditation -par défaut, sous forme de régies financières. Il n'y a sinon pas d’obligation de faire évaluer les ONG recevant des fonds publics
Aide publique au développement
(APD)
USD 1 680 millions (2007)
% APD/PNB 0,37% (2007)
% APD destiné aux ONG
(non compris les avantages fiscaux)
-30% (1988)
-15% (1991)
-8% (1995)
-5% (1998)
-13% (2005)
Proportion moyenne de financements privés dans les ressources des ONG de solidarité internationale -51% (1991)
-60% (1992)
-58% (1993)
-58% (1994)
-55% (1995)
Champs d'interventions géographiques des ONG, par ordre décroissant d'importance Afrique subsaharienne, Amérique latine/Caraïbes, Asie Centre & Sud, Asie Est & Océanie, Afrique du Nord/Proche orient
Institution gérant l'APD -DDC (Direction du développement et de la coopération), Ministère des Affaires étrangères : héritière du Service de coopération technique créé en 1961
Organisme de contrôle des ONG -ZEWO (Zentralstelle für Wohlfahrtsunternehmen), établissement public crée en 1934 avec un statut d’association en 1936 puis de fondation en 2001
-Service fédéral d’inspection des fondations (Eidgenössischen Stiftungsaufsicht)
Interface ONG / Etat -Service des ONG, Ministère des Affaires Etrangères
Financement public des ONG du Sud -oui, notamment des ONG comme l’APICA (Association pour la Promotion des Initiatives Africaines) ou l’IPD (Institut panafricain pour le développement),  dont certaines sont enregistrées en Suisse.

 



Historiquement, le mouvement humanitaire suisse puise sa vitalité à trois principales sources : une démocratie directe qui encourage le phénomène associatif ; une diplomatie hyperactive qui appuie les initiatives à l’étranger ; et l’influence des Eglises protestantes.
 
Dans un pays où la démocratie se pratique souvent par voie de référendum, d’abord, la population a l’habitude de participer à de nombreuses associations qui ont une vocation locale, nationale ou internationale. L’engagement humanitaire se retrouve au niveau des dons et du mécénat, qui brassent d’importants volumes d’argent. Chargées de collecter des fonds pour les opérateurs actifs sur le terrain, des fondations comme la « Chaîne du Bonheur » (Glückskette dans sa version allemande, ou Catena della Solidarietà en italien) sollicitent ainsi la générosité des particuliers en organisant des campagnes publicitaires et des émissions de soutien à la radio et à la télévision. D’autres, telle Swisscontact, qui a été lancée en 1959 sous le nom de Fondation suisse d’assistance au développement technique, financent quant à elles des partenaires directement dans les pays du Sud. Toutes proportions gardées, les montants sont conséquents. Les ONG que certifie le Bureau central des œuvres de bienfaisance, la ZEWO, ont par exemple reçu 1,7 milliard de francs suisses en 2002, dont 36% provenaient de dons privés, 34% de subventions publiques et 22% de l’autofinancement par la vente de services ou produits.
 
En pratique, la mobilisation de la population en faveur des victimes des crises du tiers-monde passe notamment par les Eglises protestantes. Lieu de rencontre et siège de plusieurs institutions internationales, la ville de Genève, en particulier, est à la confluence de nombreux réseaux d’ONG confessionnelles qui y ont établi leur tête de pont au niveau mondial. On y trouve ainsi le Conseil œcuménique des Eglises (World Council of Churches), qui a hérité en 1946 d’une structure plus légère, l’Alliance mondiale pour la coopération internationale entre les Eglises (World Alliance for Promoting International Friendship through the Churches), créée en 1914. Membre dudit Conseil et très active dans les camps de réfugiés du tiers-monde, la Fédération mondiale des Eglises luthériennes (Lutheran World Federation) a également établi son siège à Genève, en 1947. Lancée à Paris en 1855 pour rassembler les différentes YMCA à travers le monde, l’Alliance Mondiale des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens (World Alliance of Young Men’s Christian Association) a quant à elle déménagé son secrétariat international de Londres à Genève en 1878. A leur manière, toutes ces organisations ont largement contribué à mobiliser les milieux protestants en faveur de diverses causes humanitaires.
 
Les initiatives privées ne suffiraient cependant pas sans un soutien résolu de l’Etat. En effet, la diplomatie suisse accompagne et participe activement au développement du droit humanitaire tel qu’il a été construit par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) depuis sa création par Henry Dunant en 1863. De par son statut neutre, la Confédération helvétique joue notamment un rôle de gardien des conventions de Genève de 1949 et 1951 qui protègent les victimes de guerre et les réfugiés. De plus, le gouvernement fédéral à Berne s’appuie largement sur les ONG pour mettre en œuvre sa politique de coopération outre-mer, compensant ainsi la réduction des effectifs de la fonction publique. A partir de 1976, la DDC (Direction du développement et de la coopération) a en l’occurrence pris l’habitude de confier ses projets à des associations de solidarité internationale. Selon les sources, les ONG véhiculaient entre 8% et 27% de l’aide publique au développement de la Suisse en 1995. Les chiffres à ce sujet varient suivant les auteurs et les modes de calculs. D’après Gérard Perroulaz et al., les ONG ont géré jusqu’à 29% de l’aide publique et privée de la Suisse aux pays en développement en 2002. Statutairement, la DDC répartit ses financements en parts à peu près égales entre le CICR, les agences onusiennes et les associations de solidarité internationale, essentiellement Helvetas, Swisscontact et les ONG réunies au sein de la plate-forme Intercoopération.
 
Sur le plan financier autant que juridique et fiscal, le contexte se prête ainsi au développement d’organisations humanitaires. Les pouvoirs publics font confiance au secteur associatif pour s’autoréguler et prévenir les fraudes avec la ZEWO (Zentralstelle für Wohlfahrtsunternehmen). Créé en 1942, cet organisme certifie la déontologie financière et l’utilité publique des ONG en leur décernant des labels qui sont payants et qui concernaient 450 d’entre elles en 2004, contre 300 ONG en 2001. La ZEWO suit par ailleurs les activités de milliers d’associations et fondations, coordonne le planning des appels aux dons, sert d’interface avec les médias, distribue les bons comme les mauvais points et publie très largement ses critiques. Résultat, les autorités n’ont pas ressenti le besoin de légiférer en la matière. Même si elle ne s’inquiète pas du tout de la qualité des programmes réalisés dans les pays en développement, la ZEWO couvre en effet les principaux domaines qui peuvent préoccuper les pouvoirs publics : l’utilisation des dons, la gouvernance interne des ONG et leur gestion financière. En pratique, les autorités se sont donc contentées de poser le cadre réglementaire qui permet de contrôler les activités budgétaires des organisations humanitaires. En juin 2004, le Conseil fédéral proposait ainsi que l’obligation de réaliser des audits indépendants ne dépende plus des statuts juridiques mais de la taille des structures concernées, quitte à examiner aussi des associations et des fondations. De leur côté, les bailleurs de fonds ont resserré leurs exigences sur le suivi comptable des opérations humanitaires qu’ils financent. Désormais, l’Office fédéral des assurances sociales, la DDC et le SECO (Secrétariat d’Etat à l’Economie) imposent une certification de l’ISO (International Standard Organisation) pour débloquer des subventions en faveur des ONG. Terre des Hommes en 1999, Caritas en 1998 et Medair en 2002 ont ainsi dû adopter la norme ISO 9001 pour continuer de jouir de la confiance de leurs bailleurs.

Marc-Antoine Pérouse de Montclos

Sources écrites

-Perroulaz, Gérard (ed.) [2004], Les ONG de développement : rôles et perspectives, Annuaire suisse de politique de développement vol.23, n°2, Genève, IUED (Institut universitaire d'études du développement), 150p.
-Randel, Judith & German, Tony [1999], « Switzerland », in Smillie, Ian & Helmich, Henny (ed.), Stakeholders : government-NGO partnerships for international development, London, Earthscan, pp.222-34.