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Haramayn (Mu’assasat al-Haramayn al-Khariyya)
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Historique

Haramayn (Mu’assasat al-Haramayn al-Khariyya) - Historique




Années 1990


-1988-1992, Pakistan : sous la houlette de la Ligue islamique mondiale, la FIH est fondée à Karachi par le cheikh Aqil Abdul Aziz al-Aqil, qui travaillait pour le Croissant Rouge saoudien auprès de réfugiés afghans. En 1992, la Fondation déménage ensuite son siège en Arabie Saoudite, où elle est officiellement lancée avec le soutien du prince Salman Bin Abdulaziz, frère du roi Fahd et gouverneur de Riyad. Sous la direction d’Aqil Abdul Aziz al-Aqil, l’organisation s’étend essentiellement dans les aires culturelles musulmanes. Opérationnelle, elle ne se contente pas de collecter des fonds et mène ses propres activités à l’étranger.

-A partir de 1991, Comores : dans le quartier de Hadoudja à Moroni et à Mndé au sud de la capitale, la FIH commence à financer les écoles coraniques ( madaris al-Iman ) d'un cheikh controversé, Swadiq Mbapandza. Revenu au pays après avoir été l'imam de l'université islamique de Médine en Arabie Saoudite dans les années 1980, ce dernier est également parrainé par le mufti Shaykh Ibn Baz, un ancien responsable de l'Académie saoudienne des fatwa ( Dar al-Iftá ), et il professe des idées fondamentalistes. Contrairement à ses homologues koweïtiens de l'African Muslim Agency, la FIH soutient des établissements qui, en l'occurrence, n'enseignent qu'en arabe et ne suivent pas le cursus de l'Etat comorien.

-1992-2004, Somalie : après la chute de la dictature Siyad Barre en 1991, la FIH distribue des vivres aux victimes de la famine et de la guerre civile. Avec un budget de 3 millions de dollars pour la Somalie et ses réfugiés à la fin des années 1990, l’organisation travaille surtout à Mogadiscio, où elle entretient deux cliniques et assure l’éducation de 12 000 élèves dans des écoles coraniques. Elle s’occupe notamment des orphelins, qu’elle accueille dans des centres fermés et qu’elle est suspectée de préparer à la guerre sainte. Elle gère huit établissements de ce type, dont cinq à Mogadiscio, un à Merka, un à Burao et un à Hargeisa. Ses pratiques déplaisent aux notables soufis car le système traditionnel du kafala consiste plutôt à parrainer ou adopter un orphelin. Mais à Mogadiscio, la Fondation peut compter sur l’appui d’étudiants et de commerçants somaliens wahhabites qui ont fondé des groupes radicaux comme Salafiyya et Ansar-e-Sunna. Accusée par les Etats-Unis d’avoir participé à l’assassinat de travailleurs humanitaires occidentaux et entretenu des liens avec les combattants islamistes du mouvement al-Itehad, dont elle aurait facilité les voyages et l’installation en Arabie Saoudite en décembre 2001, la FIH doit ensuite fermer une première fois ses bureaux en mars 2002, puis de nouveau en mai 2003 et février 2004, lorsque le gouvernement de Riyad ordonne l’évacuation du personnel expatrié, l’obligeant à abandonner 3 500 orphelins. En avril 2005, les autorités du Somaliland arrêtent par ailleurs un employé de la fondation impliqué dans le meurtre de travailleurs humanitaires.

-Juillet 1993, Croatie : la police fouille les bureaux de la FIH à Zagreb et Rijeka car elle soupçonne la Fondation de cacher des armes pour soutenir les combattants musulmans en Bosnie.

-1994-2002, Bosnie : intervenue pour aider les musulmans encerclés par les Serbes, la FIH est bientôt suspectée de soutenir les combattants bosniaques. Le 11 mars 2002, ses bureaux sont fermés sur pression des Etats-Unis, qui accuse la Fondation d’entretenir des liens avec les terroristes islamistes de Gamaat Islamiya en Egypte. L’enquête révèle l’existence d’un « trou » de 1,59 million de dollars dans les comptes de l’organisation de 1999 à 2001, auxquels s’ajoutent 3,5 millions de dollars sans justificatifs de dépenses dans le budget de sa branche locale, al-Haramaynwa wa al-Masjed al-Aqsa Charity Foundation. En août suivant, la FIH se reconstitue alors sous le nom de Vazir, une association dirigée par Safet Durguti, enseignant dans une medersa de Travnik. Mais l’organisation est officiellement interdite par les autorités bosniaques en novembre 2002.

-1995-2003, Kenya : bien que basée à Nairobi, la FIH travaille surtout dans les provinces du pays à dominante musulmane, à savoir le Nord-Est somali et la Côte swahili. Au Nord-Est, elle secourt en l’occurrence des réfugiés somaliens à Dadaab et des victimes somali de la sécheresse de 1992 à Garissa. Dans les camps de Dadaab en 1997, par exemple, elle gère dix écoles coraniques qui ne suivent pas les cursus kenyans et où l’on enseigne un islam rigoriste accompagné de quelques cours de mathématiques. Sur la Côte, la FIH finance par ailleurs la mosquée de Sakina à Mombasa, qui est tenue par Sheikh Ali Shee, le président du Conseil des Imams du Kenya, et qui est proche de la mouvance radicale de l’IPK (Islamic Party of Kenya) de Sheikh Khalid Balala. La fondation al-Haramayn accueille également des prêcheurs comme Muhammed Hussein Malik, un Pakistanais expulsé de Tanzanie à cause de ses positions radicales sur l’enseignement de l’Islam. Suspectée d’enfreindre les lois sur l’immigration et de soutenir la lutte armée des fondamentalistes d’al-Itehad en Somalie, la FIH est temporairement fermée par les autorités après l’attentat d’août 1998 contre l’ambassade américaine à Nairobi. D’après le journaliste Gregory Pirio, il ne fait aucun doute que la fondation souscrit à l’entreprise terroriste de la Base (al-Qaida) d’Oussama ben Laden : près de Mombasa, elle aurait notamment financé une entreprise de pêche pour couvrir les importations d’armes des mouvements islamistes de la région. La branche kenyane de l’organisation est finalement fermée fin 2003.

-A partir de 1996, Afghanistan : la FIH s'implante et s'étend dans le pays à la faveur de la victoire militaire des fondamentalistes taliban, qui s'emparent de Kaboul le 26 septembre 1996 et qui imposent une application stricte du droit coranique, la charia. A la différence des ONG laïques occidentales, qui s'opposent par exemple à la séparation des hommes et des femmes dans les structures médicales et scolaires, al-Haramayn profite de l'occasion pour prêcher un islam wahhabite rigoriste, quitte à soutenir les appels à la guerre sainte et à collaborer avec le bureau « humanitaire » (Makhtab al-Khidemat) d'al-Qaida, l'organisation terroriste d'Oussama Ben Laden.

-A partir de 1997, Etats-Unis : à Ashland dans l’Etat d’Oregon, la FIH ouvre une branche qui, sous la direction de l’Egyptien Soliman al-Buthe, alias Suliman Albuthi, est chargée de collecter des fonds pour la maison mère à Riyad. Après les attentats commandités par Oussama ben Laden contre le World Trade Centre à New York en septembre 2001, al-Haramayn est accusée par le FBI (Federal Bureau of Investigation) d’avoir financé les activités terroristes du Hamas en Palestine, des irrédentistes cachemiris en Inde et des guérillas islamistes en Tchétchènie. Les fonds de l’organisation aux Etats-Unis sont bloqués en novembre 2001 puis décembre 2002. Le 19 février 2004, les bureaux de la FIH dans l’Oregon sont également fouillés par les services fiscaux. Accusé d’avoir fraudé le Trésor public pour transférer illégalement de l’argent aux Tchétchènes, l’établissement est officiellement fermé en septembre 2004. En tant que trésorier de la FIH, Soliman al-Buthe est traduit en justice dans l’Etat d’Oregon en février 2005.

-A partir de 1998, ex-Yougoslavie : d’abord présente en Bosnie, la FIH commence à se préoccuper aussi des musulmans albanais du Kosovo qui veulent se libérer par les armes de la tutelle des orthodoxes serbes. Avec Ahmed Ibrahim al-Nagar, un pharmacien militant du Jihad égyptien, la Fondation investit notamment dans les domaines de l’éducation religieuse et du logement, auquel elle consacre 39 millions de dollars à partir de 1999. Selon Xavier Pauly, elle distribue 15 000 exemplaires du Coran, bâtit des mosquées et prend en charge 1 200 orphelins. L’objectif de ces actions est d’abord de prêcher un islam rigoriste en arabe. Attachée à purifier l’islam balkanique plutôt qu’à le préserver en l’état, la FIH cherche ainsi à en effacer les particularités. Son but n’est pas de reconstruire les mosquées abîmées par le conflit, mais de les raser pour en bâtir d’autres sur le modèle wahhabite, par exemple dans la municipalité de Lipjan. Dans le même ordre d’idées, explique Roland Jacquard, la Fondation profite de sa présence auprès des réfugiés kosovars en Albanie pour financer les volontaires qui s’enrôlent dans l’Armée de libération du Kosovo, l’UCK (Ushtria Clirimtare E Kosoves). Un tel activisme finit par gêner les autorités de Tirana. Lié à al-Qaida et chargé d’enseigner l’arabe pour le compte de la FIH à partir de janvier 1996, Ahmed Ibrahim al-Nagar est ainsi extradé en 1998 d’Albanie vers l’Egypte, où il est jugé pour ses appels au jihad et au terrorisme.

-1999-2002, Azerbaïdjan : établie à Bakou par la FIH en 1991, la Fondation pour la Tchétchénie est accusée par les services russes de transférer des fonds pour les sécessionnistes tchétchènes et des groupes wahhabites du Daghestan basés dans la capitale, Makhachkala, et le village de Karamakhi près de Buinaksk. Bien que fermée à deux reprises par les autorités azéries en janvier 2000 puis octobre 2001, ladite Fondation continue en l’occurrence de fonctionner à l’intérieur même de la Tchétchénie sous la houlette de deux employés d’al-Haramayn, Abd al-Latif bin Abd al-Karim al-Daraan et Abou Omar Mohammed al-Seif, qui est tué en octobre 2002. D’après Millard Burr et Robert Collins, elle soutient notamment les combattants de Shamil Basayev et Samir Saleh Abdullah al-Suwailem, un commandant qui est plus connu sous le nom d’Ibn-al-Khattab et qui meurt dans un attentat en mars 2002. Cette année-là, les services de renseignement russes du FSB (Federal'naya Sluzhba Bezopasnosti) précisent leurs accusations sur les liens entre Abou Omar Mohammed al-Seif et la « base » (al-Qaida) d’Oussama ben Laden.