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African Muslim Agency - Commentaires




4) La communication et le prosélytisme


-L’AMA ne publie pas son budget sur Internet, confortant la réputation d’opacité des ONG islamiques du monde arabe.
 
-En principe, l’AMA se refuse à toute forme de discrimination ethnique ou confessionnelle. Elle souligne par exemple qu’elle subvient aux besoins de nombreux chrétiens en Centrafrique. En pratique, cependant, l’AMA travaille surtout auprès des communautés musulmanes, en particulier les minorités du Malawi, de Madagascar et de Tanzanie. En effet, elle entremêle mission religieuse et œuvres sociales dans une perspective prosélyte. Pendant longtemps, le site Internet de Direct Aid a par exemple porté une bannière qui faisait tout à la fois référence à la charité et à un appel à la conversion : Labbayka Ifriqiya (« Me voici à ton service, l’Afrique »). L’ONG met notamment l’accent sur l’enseignement de l’arabe, langue qui est considérée comme essentielle à la promotion de l’Islam et négligée dans les écoles publiques. A l’instar des évangéliques américains avec la bible, elle se préoccupe également de diffuser le coran et affirmait en 2017 en avoir distribué 20 millions de copies, soit en arabe, soit traduites dans les langues vernaculaires. Le fondateur de l’ONG, Abduraman Zumeik, se vantait lui-même d’avoir converti 11 millions de personne à l’Islam ! En Afrique, ses employés se désignent entre eux sous le nom de « missionnaires », comme le relate Gondeu Ladiba à propos du Tchad.
 
-Certains considèrent ainsi que le changement de nom de l’AMA, devenu Direct Aid, a surtout servi à avancer « masqué » et à présenter la face non prosélyte de l’ONG. Pour Mayke Kaag, il ne fait pas de doute qu’en réalité, l’organisation a cherché à convertir les animistes de Moundou dans le sud du Tchad en leur offrant des repas gratuits, voire un voyage à La Mecque puis au Koweït pour le chef du canton de Dunia, par exemple. Bien que les hauts fonctionnaires et les officiers militaires en poste dans la région aient été musulmans, l’AMA s’est alors heurtée à la résistance de la Tijaniyya, une confrérie soufie qui dominait la plus haute autorité religieuse du pays, à savoir le Conseil supérieur des affaires islamiques. En effet, celle-ci s’est plainte des agissements des ONG du Golfe qui échappaient à son contrôle. De plus, relève Gondeu Ladiba, l’AMA a été accusée de véhiculer « une vision antichrétienne » et conflictuelle. En fait de prosélytisme, Direct Aid a sans doute été plus heureuse en matière d’arabisation au Tchad. Mais ses efforts éducatifs dans une langue étrangère ont aussi pu contribuer à marginaliser encore davantage les minorités musulmanes de Tanzanie, de Sierra Leone ou du Libéria, plutôt que de les intégrer dans leur pays.
 
-Réputée proche des Frères musulmans et de certains fondamentalistes salafistes, l’AMA n’affiche certes aucune affiliation à une obédience en particulier. A la différence de la fondation saoudienne al-Haramayn, qui diffusait une version puritaine et wahhabite de l’Islam avant d’être interdite car accusée de soutien au terrorisme djihadiste, Direct Aid respecte les cursus scolaires et universitaires des pays où elle intervient. Ses établissements éducatifs, souligne Ahmed Chanfi, ont surtout pour particularité de promouvoir un enseignement bilingue avec des cours d’arabe et de religion.