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Comité inter-mouvements auprès des évacués
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Comité inter-mouvements auprès des évacués - Commentaires




5) Les relations avec les forces politiques


-Dans les années 1970 et 1980, la CIMADE a souvent travaillé en se concertant avec le CCFD et elle a connu une dérive idéologique assez comparable lorsqu’elle a appuyé les associations de défense des droits de l’homme uniquement dans les pays pro-occidentaux, de l’Amérique latine à la Turquie, et non dans les régimes dits progressistes, comme si ces derniers n’avaient rien à se reprocher. Le président des Associations familiales protestantes, Pierre-Patrick Kaltenbach, dénonce ainsi les partis pris de l’organisation. Pour lui, « la CIMADE, jadis orgueil du protestantisme entier face à Vichy et au nazisme, s’est peu à peu réduite à quelques dizaines de salariés parisiens non protestants, "surpolitisés", qui ne s’affichent "d’origine" protestante, à contrecoeur, qu’en de rares moments d’urgence, c’est-à-dire soit au moment des collectes, soit pour faire passer des vœux politiciens "à l’arraché" lors des synodes ».

-En réalité, c’est dès l’origine que la CIMADE a revendiqué une certaine forme d’engagement politique, loin de la retenue et de la neutralité adoptées par les organisations humanitaires comme le Comité International de la Croix-Rouge. Enoncées en 1941, les thèses de Pomeyrol, notamment, ont parfois été comparées au Document Kairos des groupements protestants qui, en Afrique du Sud en 1985, ont proclamé " l’heure de vérité " et dénoncé le système de ségrégation raciale du régime de l’apartheid. Le parcours de Madeleine Barot, secrétaire générale de la CIMADE entre 1940 et 1952, puis vice-présidente de l’association à partir de 1980, est, en soi, assez significatif. Membre du comité directeur des YWCA entre 1945 et 1950, celle-ci a en effet participé à la création, en 1970, de l’INODEP (Institut œcuménique au service du développement des peuples), un organisme controversé dont elle a été la vice-présidente et qui, sous la direction de Paulo Freire, préconisait la théologie de la libération, la conscientisation des masses et la lutte contre les forces de l’oppression. En 1980, Madeleine Barot a ensuite été nommée à la vice-présidence de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), qui s’est longtemps focalisée sur les dictatures latino-américaines du camp occidental. Secrétaire général de la CIMADE entre 1956 et 1968 , Jacques Beaumont a quant à lui soutenu la résistance des Kurdes en Irak et des guérilleros de la SWAPO (South West Africa People's Organisation) contre l'Afrique du Sud en Namibie.

-La CIMADE ne peut cependant pas être accusée du parti pris qui a caractérisé le CCFD en privilégiant les victimes « de gauche » plutôt que « de droite ». D’abord, la CIMADE a plus souvent pris ses distances avec les mouvements de solidarité internationale qui cautionnaient l’usage de la violence révolutionnaire. En outre, la CIMADE, de par son antériorité, a mené des actions qui ont contrebalancé son orientation tiers-mondiste et progressiste des années 1960. A la différence du Secours populaire français à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la CIMADE, qui avait aidé des Juifs à fuir les nazis, a par exemple secouru des collaborateurs et des prisonniers allemands. Dans les années 1950, elle a également accueilli des réfugiés en provenance de pays communistes. Depuis la chute du Mur de Berlin, enfin, les clivages Est-Ouest se sont dilués et, aujourd’hui, l’implantation de la CIMADE à travers le monde reflète surtout l’ancienneté des relations de l’organisation avec tel ou tel pays.

-Parfois, l'association continue néanmoins de développer des analyses partiales du fait de ses positions politiques. Selon Pierre Péan, son parti pris en faveur des Tutsi du FPR (Front patriotique rwandais), victimes du génocide de 1994, l'a conduit à filtrer et rejeter les dossiers des Hutu auprès de l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). « La mouvance Survie-CIMADE-FIDH, écrit le journaliste, s'est érigée en vigile à la porte d'entrée des demandeurs d'asile rwandais en France... Ce sont ainsi des militants pro-FPR qui définissent les critères d'accueil des Rwandais sur le territoire national. Inutile de préciser que les Hutu ont les plus grandes difficultés à obtenir le statut de réfugié ».

-Les dirigeants de la CIMADE continuent par ailleurs d’avoir leurs propres engagements politiques. Ancien dirigeant de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) en 1955, le président de l’association depuis 2006, Patrick Peugeot, est ainsi un membre actif du parti socialiste, proche de Martine Aubry et Michel Rocard.