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Norwegian Church Aid
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Norwegian Church Aid - Commentaires




8) La capitalisation d'expérience


-A ses débuts, la Norwegian Church Relief n'évalue ses activités qu'en interne et de façon ad hoc, un peu au hasard des circonstances. Au Nigeria, par exemple, un de ses collaborateurs, Håkon Anstad, revient visiter les communautés d'Ikwo dix ans après la fermeture d'un projet agricole en 1977. Il constate qu'il n'en reste pas grand chose, hormis le développement de la riziculture. En 2003, la NCA entreprend certes d'être évaluée par ses partenaires locaux en Amérique centrale, en Asie du Sud et en Afrique australe et orientale. Mais les résultats de ce travail ne sont pas publiés dans leur intégralité et il n'y a pas d'évaluation extérieure, indépendante et globale du travail de l'organisation. A notre connaissance, la NCA n'a jamais produit d'analyses critiques de ses programmes et des effets pervers de l'aide dans les pays en guerre. En général, elle ne semble pas beaucoup se préoccuper de la fiabilité de ses partenaires du tiers-monde en matière de démocratie interne, de transparence et de redevabilité. Les opérations menées dans le Nord de l'Ethiopie avant l'indépendance de l'Erythrée ou en Afrique du Sud du temps de la lutte contre l'apartheid sont significatives à cet égard. Encore récemment, les bureaux de la NCA à Khartoum ont été victimes d'importants détournements de fonds commis par des employés véreux en 2002 et 2003.

-A défaut d’être toujours publiées, les évaluations externes de l’organisation demeurent quant à elle balbutiantes et portent sur des points très ponctuels. En témoigne à sa manière le scandale des abus sexuels commis par des employés de la NCA et révélés par l’Akha Heritage Foundation au Laos. En avril 2006, une enquête interne a d’abord entrepris de réfuter les accusations de viols. Deux mois après, une évaluation commanditée par le bailleur institutionnel de l’ONG au Laos, l’agence de coopération NORAD (Norwegian Agency for Development Cooperation), a ensuite exonéré la NCA de toute responsabilité dans cette affaire. Les enquêteurs ont argué que les abus n’avaient pas été systématiques, ne relevaient pas du viol et ne permettaient pas d’identifier clairement les coupables. Un des principaux témoins, cités à charge par l’Akha Heritage Foundation, a simplement été récusé comme un alcoolique enclin à « l’exagération » et connu dans le village pour ses « affabulations ». Rédigé par Kristin Ingebrigtsen et Chris Lyttleton, le rapport d’enquête a conclu qu’il n’existait « pas de preuves de viols à grande échelle » et que les accusations reposaient sur une « méconnaissance des faits ». Il a pourtant reconnu que les paysans akha devaient régulièrement répondre à des demandes insistantes des agents de développement des ONG ou des autorités locales pour obtenir des filles : à raison de deux ou trois cas par mois, le phénomène n’était pas négligeable au vu du faible nombre de jeunes filles dans une communauté de 14 000 habitants répartis dans une soixantaine de villages. Résultat, les conclusions du rapport ont paru assez douteuses et l’Akha Heritage Foundation a mis en doute l’impartialité des enquêteurs. De fait, le Dr. Chris Lyttleton, un anthropologue australien, avait déjà travaillé pour la NCA, tandis que Kristin Ingebrigtsen venait de la section norvégienne de Save the Children. Aucun d’entre eux ne parlaient la langue akha et ils sont à peine restés quelques jours dans les villages. De plus, ils n’ont pas précisé comment ils avaient sélectionné les personnes interviewées, assuré la sécurité des témoins et consigné les entretiens traduits par un interprète. Dans une étude de 2004, relève Eisel Mazard, Chris Lyttleton avait parlé « d’exploitation sexuelle et de prostitution à grande échelle » en pays akha. Mais en 2006, il ne devait plus trouver trace de « harcèlement » contre les jeunes filles de la région. Ses arguments n’en ont été que plus dérangeants. En premier lieu, il a souligné qu’il était très difficile d’identifier qui travaillait vraiment pour la NCA : la même personne qui se présentait un jour dans un village comme un employé de l’ONG y revenait une semaine après comme fonctionnaire de l’administration locale. Sa remarque n’en a que mieux mis en évidence les dysfonctionnement d’une organisation qui, en l’absence d’expatriés sur place, supervisait très peu ses programmes et salariait les employés d’un régime communiste, quitte à transporter dans ses véhicules les soldats et policiers de Vientiane. De plus, l’argument de la relativité culturelle a semblé bien spécieux, expliquant les pratiques de l’ONG par la permissivité sexuelle des Akha. Sous prétexte de ne pas condamner les coutumes locales, les enquêteurs n’ont rien trouvé de répréhensible au comportement des employés de la NCA. Leur rapport, écrit Eisel Mazard, a permis de justifier des relations sexuelles et rémunérées avec des mineures de moins de dix-sept ans, obtenues par le biais d’intermédiaires qu’on pourrait facilement assimiler à des proxénètes. Au lieu de condamner cette prostitution déguisée et d’exprimer des regrets, la NCA a surtout cherché à éluder ses responsabilités et a refusé de reconnaître la moindre faute alors que, de l’aveu même de Kristin Ingebrigtsen et Chris Lyttleton, deux de ses employés avaient formellement été impliqués dans le scandale, l’un deux ayant été licencié en 2002 après avoir abandonné une jeune fille tombée enceinte par ses soins.