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Action Contre la Faim
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Historique

Action Contre la Faim - Historique




1980-1989


-Février 1980, Thaïlande : avec le philosophe Bernard-Henri Lévy, ACF participe à une marche symbolique et très médiatisée organisée par MSF (Médecins Sans Frontières) contre les troupes vietnamiennes, qui viennent de renverser le régime de Pol Pot et d’occuper le Cambodge. Ces dernières veulent en effet superviser la distribution de l’aide alimentaire, détournent les vivres et refusent les secours à destination des camps de réfugiés tenus par les Khmers rouges si elles n’obtiennent pas au préalable une reconnaissance internationale du nouveau gouvernement en place à Phnom Penh. La manifestation de MSF et d’ACF, qui se déroule devant le pont frontalier de Poï-Pet sur la rivière Klong Luek, est critiquée car elle risque de conduire à une fermeture totale de la frontière, où passent encore depuis la Thaïlande les charrettes de ravitaillement des paysans de la région. En outre, l’affaire prend un tour idéologique car elle associe des Américains anti-communistes notoires, notamment le président de l’International Rescue Committee, Leo Cherne.

-A partir de 1981, Afghanistan : après une mission exploratoire en 1980, l'aide aux réfugiés afghans au Pakistan constitue la première intervention d'envergure d'ACF à l'étranger. Il faut cependant attendre le départ des troupes soviétiques puis la chute du régime communiste en 1992 pour que l'association puisse s'implanter à l'intérieur même de l'Afghanistan. En septembre 1995, ACF ouvre alors des bureaux à Kaboul, qui tombe aux mains des fondamentalistes taliban le 26 septembre 1996. Le nouveau pouvoir impose une application stricte du droit coranique, la charia, et veut séparer les hommes des femmes dans les structures médicales. Le 6 septembre 1997, un décret du ministre de la Santé contraint par exemple les femmes à être soignées dans le seul hôpital Rabia Balkhi, qui n’est pas encore complètement fonctionnel. Après des négociations menées par le CICR et les ONG, les taliban autorisent certes l’admission des femmes dans d’autres hôpitaux de Kaboul où les sexes sont séparés. Mais ils emprisonnent pendant cinq semaines deux expatriés et cinq employés afghans d’ACF, accusés d’avoir côtoyé des femmes. Et en avril 1998, les autorités, qui tentent de contrôler le recrutement du personnel local et de sélectionner les bénéficiaires de l’aide, obligent les ONG à se regrouper dans un quartier plus facile à surveiller. Refusant d’accepter les termes d’un accord qui, signé entre les Nations Unies et les taliban le 14 mai, s’avère discriminant pour les femmes, ACF est finalement expulsée par le régime le 20 juillet 1998. Avec ses employés afghans, l’association essaie alors de poursuivre certains de ses programmes à Kaboul depuis Peshawar au Pakistan. Les bombardements américains contre des camps d’Oussama ben Laden ne facilitent pas les choses et, en août, tous les expatriés des ONG en Afghanistan doivent être évacués. Au cours des mois suivants, ACF négocie péniblement son retour dans le pays en essayant de ne pas compromettre sa liberté d’accès aux bénéficiaires et le choix de ses collaborateurs, notamment en ce qui concerne les femmes. L’association, qui doit payer des salaires du ministère de la Santé et assiste impuissante au détournement organisé de l’aide, refuse ainsi de s’acquitter d’un droit d’entrée pour intervenir dans les camps de déplacés créés par les taliban à Hérat. Citée par le journaliste Olivier Weber, une nutritionniste d’ACF, Charlotte Dufour, s’interroge sur le maintien de l’association en Afghanistan, au risque d’être « amené à nourrir des soldats » : « a-t-on plus d’influence en dénonçant et en étant alors obligé d’évacuer le pays ? Ou a-t-on plus de chance d’avoir un effet auprès des Afghans ou de la population concernée en restant sur place, en faisant profil bas, en ravalant un peu le nœud qu’on a dans la gorge, mais au moins en traitant quelques milliers d’enfants, en soutenant les familles, en désenclavant les régions ? Dans chaque situation, il y a un choix à faire et je pense qu’en ce qui concerne l’Afghanistan, notre rôle à nous n’était pas de dénoncer —cela n’aurait pas contribué à faire tomber les taliban… D’autres organisations pouvaient le faire ». ACF parvient en l’occurrence à travailler du côté des fondamentalistes comme de la minorité Hazara et de l’opposition armée du commandant Ahmed Shah Massoud, dont elle ravitaille la vallée du Panchir en franchissant la ligne de front au rythme de deux cessez-le-feu par semaine. Le 10 juillet 2001, cependant, toutes les ONG présentes à Kaboul reçoivent l’ordre de se séparer de leur personnel féminin afghan. Après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, ce sont alors des employés locaux qui poursuivent les programmes d’ACF pendant que les Américains bombardent le pays en représailles. Repositionnées en Ouzbékistan, les équipes d’ACF-France reviennent en Afghanistan via Mazar-i-Charif en décembre 2001. Malgré la chute du régime des taliban, la situation reste tendue. Le 29 janvier 2003, une charge explosive est lancée contre le bureau d’ACF à Kandahar, sans provoquer de dégâts autres que matériels. Dans un communiqué commun avec MDM, ACTED, AFRANE, AMI, EMDH, HI, Solidarités et MADERA, ACF s’inquiète de la participation de réservistes de l’armée américaine aux équipes de reconstruction régionale ; le mélange des genres est susceptible de faire passer les humanitaires pour des militaires aux yeux de la population. Dans la foulée, l’association décide de refuser tout financement du gouvernement pour ne pas compromettre sa neutralité. Suite à l’assassinat d’un délégué du CICR, froidement abattu par des islamistes à Tirin Khot au nord de Kandahar le 27 mars, les expatriés d’ACF sont renvoyés vers Hérat et Kaboul pour des raisons de sécurité. Le 18 juillet 2008, deux d’entre eux sont enlevés à Nili dans la province centrale de Day Kundi, et retenus jusqu’au 2 août suivant, vraisemblablement par un ancien chef de guerre de la minorité des Hazara, Sadaqat, en conflit avec les autorités locales.


-A partir de 1983, Mali : intervenue au moment de la sécheresse qui frappe le Sahel, ACF participe avec 21 autres associations à la création d'un Comité de coordination des actions d'urgence des ONG le 31 janvier 1984. L'objectif est de favoriser la concertation pour éviter les duplications de projets redondants. Mais, reconduit au bout d'un an, le collectif devient opérationnel, s'autonomise et s'institutionnalise, au risque de concurrencer les initiatives de ses propres membres.


-A partir de 1984, Ethiopie : ACF intervient pour venir au secours des victimes de la famine. Contrairement à MSF, qui est expulsé du pays en décembre 1985, l'association ne dénonce pas les exactions de la junte du colonel Mengistu Hailé Mariam et les transferts forcés de population vers le Sud. Au contraire, Françoise Giroud critique les médecins sans frontières pour avoir abandonné des populations dans le besoin. Dans Le Nouvel Observateur du 26 juillet 1985, elle nie tout détournement de l’aide internationale et prétend que ACF contrôle parfaitement ses distributions de nourriture. En ne se joignant pas aux protestations contre la dictature, l’association peut donc rester dans le Nord du pays mais sa position légitime les autorités et mine la crédibilité des récits de MSF à propos des déportations. Travaillant dans le camp de Rama depuis Asmara, la capitale de l’Erythrée, il est vrai que les volontaires d’ACF ne sont pas directement témoins des rafles de l’armée, ce qui les amène à penser que leur présence permet d’éviter les brutalités des militaires. Dans son roman autobiographique, Jean-Christophe Rufin, qui était à l’époque responsable de la mission de Rama, laisse entendre que le chantage de la police, qui retient prisonnières les petites amies des humanitaires, ne serait pas non plus pour rien dans la décision de rester. En même temps, il s’avère parfaitement conscient de la récupération politico-militaire des secours, et pas seulement par le gouvernement. Les « aides déversées sans discernement sur cette zone, écrit-il, avantagent autant les rebelles que les civils. Le plus souvent, on ne peut d’ailleurs pas les distinguer. C’est la guerre que l’on nourrit ». Par la suite, ACF suspend pendant un temps ses missions et s’inquiète ouvertement des menaces à son encontre après l’enlèvement d’une de ses infirmières, Sophie Bedon, dans le Tigré en 1987. Après la chute de la dictature Mengistu Hailé Mariam en 1991, les conditions de travail restent difficiles et, en 1999, un volontaire, Eric Courly, est kidnappé pendant cinq semaines dans le Sud du pays. En 2000, l’association n’hésite alors plus à rendre compte des manipulations du nouveau régime en place à Addis-Abeba, qui grossit les chiffres d’une famine dans l’Ogaden en vue d’obtenir des secours pour financer son effort de guerre contre l’Érythrée.

-A partir de janvier 1985, Soudan : ACF commence à travailler dans les zones du Sud tenues par les guérilleros de la SPLA (Sudan People’s Liberation Army). Appuyés par des bailleurs de fonds institutionnels, les programmes permettent à l’association d’obtenir des financements en dépit des pillages et des exactions des rebelles. Cité par David Rieff, qui s’étonnait du désœuvrement de certains volontaires dans le Sud du Soudan, un responsable d’ACF l’avoue crûment : « Les guérillas veulent que nous restions dans la région, et nous aussi, pour d’autres raisons. Mon travail est d’assurer le maintien d’Action contre la Faim. Si nous partons du Soudan et que d’autres ONG nous remplacent, nous aurons moins de chances d’obtenir des financements, c’est la triste vérité […]. Une ONG doit être sur le terrain, en l’occurrence le terrain qui intéresse les donateurs ». En 1997, la SPLA (Sudan People’s Liberation Army) expulse cependant ACF, qui veut mener une enquête nutritionnelle susceptible de révéler l’ampleur des détournements de l’aide alimentaire par les combattants dans un camp de déplacés à Labone. ACF-France travaille alors dans les zones gouvernementales de Wau et Juba, ainsi que Bentiu à partir de septembre 2000. De son côté, ACF-USA revient à cette époque dans les régions du Bahr el Ghazal aux mains des rebelles. Malgré des espoirs de paix au Sud en 2003, l'extension du conflit à l'Ouest du pays complique encore la tâche. Après s'être fait voler sept véhicules, par exemple, les employés d'ACF sont victimes de violences et contraints, le 18 décembre 2006, d'évacuer Gereida, une localité du sud du Darfour tenue par les rebelles de la SLA (Sudan Liberation Army). Suite au mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale (CPI) contre le chef de l’Etat soudanais Omar el-Béchir le 5 février 2009, l’ONG est officiellement expulsée de la région.

-A partir de 1986, Haïti : ACF commence à monter des programmes alors que se multiplient les manifestations populaires contre la dictature de Jean-Claude Duvalier, qui s'écroule en février 1986.


-Mai 1987, France : lors de son assemblée générale, l’association décide de refondre ses statuts et de se professionnaliser, notamment dans les domaines du marketing et de la collecte de fonds. Elle abandonne le fonctionnement militant des origines, qui reposait sur 44 comités locaux à travers la France, et adopte un mode de gestion plus proche de celui de l’entreprise. Son budget passe ainsi de 36 à 80 millions de francs entre 1986 et 1992. Son budget passe ainsi de 9 millions de francs en 1984 à 36 en 1986, 80 en 1992 et 350 en 1999.

-A partir de 1989, Cambodge : ACF commence à monter des programmes dans un pays qui s'ouvre sur le reste du monde et se prépare à organiser des élections sous l'égide des Nations Unies.