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Comité catholique contre la faim et pour le développement
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Historique

Comité catholique contre la faim et pour le développement - Historique




Années 1970


-A partir de 1971, France : le CCFD adopte des positions tiers-mondistes en faveur d’un « nouvel ordre mondial », quitte à cautionner des mouvements insurrectionnels. Dans son autobiographie, Menotti Bottazzi, secrétaire général du CCFD entre 1974 et 1983, récuse ainsi la non-violence tout en affirmant refuser de participer au financement d’achats d’armes. Sensibilisé à la théologie de la libération en Amérique latine, le CCFD se dote d’une commission politique, crée un département de propagande et met l’accent sur la formation des militants et des leaders. Deux ans après avoir quitté la direction collégiale du Comité, le Secours catholique proteste officiellement en septembre 1973 et accuse l'organisation de détourner les fonds car la collecte sert à subventionner des projets politiques et non à aider les pauvres. De fait, le slogan du CCFD à partir de 1973, « La terre est à tous », appelle clairement les pouvoirs publics à engager des réformes agraires.

-1973-1983, Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Sénégal, Cap-Vert, Burkina Faso : le CCFD lutte contre la sécheresse dans le Sahel en finançant la vaccination du bétail et l’achat d’outils agricoles.

-1974-1995, Chili : par l’intermédiaire du père jésuite Gonzalo Arroyo, un ancien conseiller du président Salvador Allende, le CCFD soutient l’opposition à la dictature du général Augusto Pinochet. Dans les années 1980, le CCFD finance par exemple la revue APSI, créée en 1976 et dirigée par Marcelo Contreras, un ancien du MAPU (Movimiento de Acción Popular Unitaria, ou Mouvement d’Action Populaire Unitaire) et de la faction Briones du Parti socialiste. Les autres membres de la revue appartiennent au Parti communiste (Soledad Bianchi, Michel Launer, Sergio Vuskovig), à la gauche chrétienne (Sergio Bitar, Luis Maira), au MAPU (Jaime Cataldo, Garrigue Correa, Ivan Valdès) et à diverses mouvances socialistes (Jerman Correa, Angel Ilisfisch, Ricardo Nunez et Anibal Palma, un ancien ministre de Salvador Allende), ceci sans parler de la femme de Régis Debray, Carmen Castillo. Face aux forces de la répression, le CCFD aide par ailleurs les prisonniers politiques, expérience qui débouchera, dans les années 1990, sur un appui continu à la Fedecam (Fédération latino-américaine des familles de détenus disparus). Avec la transition démocratique du Chili, cependant, le Comité réduit son niveau d’activités à partir de 1995, date à laquelle il commence également à resserrer le nombre de ses programmes en Amérique latine et cesse d’appuyer des projets en Equateur, au Costa Rica, au Honduras, en République dominicaine, à Belize, au Venezuela, en Uruguay et au Panama (dans ce dernier pays, le CCFD avait, en 1982, commencé à financer un Instituto Cooperativo Inter-americano, l’ICI, dont la vocation était de monter des coopératives paysannes avec pour objectif de " lutter pour une nouvelle société où il n’y aurait ni misère ni exploitation ").

-A partir de 1975, Brésil : avec les Allemands de Bread for the World et Misereor, le CCFD commence à s'impliquer dans la lutte des paysans sans terres défendus par la CPT (Comissão Pastoral da Terra), une pastorale qui a été créée par l'Eglise catholique en 1975 et qui donnera naissance au MST (Movimento Sem Terra) en 1985. L'objectif est notamment de soutenir les populations déplacées par la construction du barrage hydroélectrique d'Itaipu. Dans leur approche du problème, le CCFD et ses partenaires locaux sont en l'occurrence très marqués par la rhétorique marxiste de la lutte des classes et la méthode de Paulo Freire pour alphabétiser les masses, voire les "endoctriner" selon ses détracteurs. Responsable de la commission nationale de culture populaire du gouvernement João Goulart en 1963, Paulo Freire (1921-1997) a été brièvement emprisonné et a dû partir en exil à cause de l'arrivée au pouvoir des militaires, qui l'accusaient de subversion. Depuis Genève, où il travaille pour le Conseil oecuménique des Eglises, il influence beaucoup les programmes éducatifs des ONG et participe aux campagnes d'alphabétisation de pays "progressistes" comme la Tanzanie, la Guinée-Bissau, l'Angola, le Mozambique, le Nicaragua et l'île de la Grenade. De retour au Brésil en 1979, il contribue à la fondation du Partido dos Trabalhadores et s'occupe de l'éducation à la municipalité travailliste de São Paulo. Avec les Britanniques d'Oxfam, les Hollandais de NOVIB et les Allemands de Bread for the World, le CCFD décide pour sa part de financer l'Institut brésilien d'analyses sociales et économiques, IBASE. Etabli à Rio de Janeiro en 1981, cet organisme d'information et de consultance veut promouvoir les idéaux d'une société égalitaire et d'une démocratie participative. Il s'inscrit clairement dans la mouvance de l'opposition travailliste et refuse toute subvention du gouvernement jusqu'à la chute du régime du général João Baptista de Oliveira Figueiredo en 1985. Ainsi, IBASE travaille uniquement avec la centrale syndicale du Partido dos Trabalhadores , la CUT ( Central Unica dos Trabalhadores ), et non avec la CGT ( Confederaçâo Geral dos Trabalhadores ). A partir de 1983, l'Institut s'engage dans une campagne nationale de réforme agraire qui vise à redistribuer les terres et l'oppose aux petits et moyens propriétaires regroupés dans une Union démocratique rurale, l'UDR ( Uniao Democratica Ruralista ). Par l'intermédiaire de son directeur, IBASE s'investit également dans la lutte contre le sida en lançant une ONG spécialisée, l'Association interdisciplinaire sur le sida ABIA.

-1976-1988, Philippines : dans la banlieue de Manille, le CCFD commence à travailler avec la ZOTO (Zone One Tondo Organization), une ONG fondée en 1968 et reprise en 1970 par Trinidad Herrera, une femme emprisonnée par les militaires après la proclamation de la loi martiale en septembre 1972 (suspecté d’entretenir des liens avec l’opposition communiste clandestine, le premier président de l’association, le père Jose Nacu, est quant à lui détenu sans procès de 1973 à 1975). Les habitants du bidonville de Tondo refusent en l’occurrence de laisser la place pour construire un nouveau port et obtiennent finalement d’être relogés à Dagat Dagatan, à quatre kilomètres de là. A partir de 1981, le CCFD soutient également l’Association des petits pêcheurs de Samar, la KAGUPASA (Kapunungan Han Gudti Nga Parapangisda Han Samar), qui, lancée en 1976, tente de résister à la concurrence illégale des gros chalutiers industriels à Zumagarra dans l’île de Buad. Le 12 mars 1988 à Paris, le Figaro Magazine accuse alors le CCFD de soutenir la New People’s Army (NPA) communiste. Opposant à la dictature du président Ferdinand Edralin Marcos, le cardinal Jaine Sin (1928-2005), chef de l’Eglise catholique philippine, s’est en effet inquiété publiquement du financement, par des ONG occidentales, du Secrétariat national d’action sociale de la conférence épiscopale (NASSA). Créé en 1966 et présidé par un archevêque jésuite, Mgr Francisco Claver, cet organisme est, dit-on, « profondément infiltré » par les communistes, notamment par la vitrine légale de la NPA, à savoir le Front démocratique national, dont le représentant en Europe est un ancien prêtre, Luis Jalandoni. Outre la NASSA et ses antennes dans les îles de Luzon (VISSA), des Visayas (VISSA) et de Mindanao-Sulu (MISSA), le CCFD a appuyé la TFDP (Task Force Detainees of Filipinos), qui aide les détenus politiques, et le KMU (Kilusang Mayo Uno), Mouvement du Premier Mai et centrale communiste dont l’un des principaux syndicats, la NFSW (National Federation of Sugar Workers), est très implanté dans un fief de la NPA, l’île de Negros, où il combat les milices paramilitaires du patronat et de la Sugar Development Foundation. Par l’intermédiaire du VISSA, dont le chef était également le trésorier du parti communiste au milieu des années 1970, le CCFD a notamment financé l’achat de bateaux de pêches qui ont pu servir à transporter des armes pour la NPA dans l’île des Visayas.

-Depuis 1976, Algérie : sollicité par la Caritas d’Alger, le CCFD commence à travailler avec l’AARASD (Association des Amis de la République arabe sahraouie démocratique) dans les camps de réfugiés sahraouis de la région de Tindouf, qui sont tenus par les indépendantistes du Front Polisario. A partir de 1991, le CCFD se prononce ouvertement pour l’autodétermination du Sahara occidental et la tenue d’un référendum, négociant des projets de développement avec le ministre de l’Education du gouvernement en exil de la RASD (République arabe sahraouie démocratique). Pendant ce temps, l’Algérie s’embrase avec l’annulation des élections de 1991 et la multiplication des affrontements entre islamistes et militaires. Sur les conseils de l’évêque d’Alger en 1993, le CCFD réfrène d’abord ses velléités d’intervention à cause de son affichage catholique. A partir de 1997, le Comité soutient ensuite une association de familles disparues et une coopérative jésuite à Ben Smaïn, dans la banlieue d’Alger.

-1977, France : médecin et ancien président de l’Action Catholique Générale des Hommes (ACGH), devenue Vivre Ensemble l'Evangile Aujourd'hui (VEA), René Tardy prend la suite de Philippe Farine à la tête du CCFD, ce jusqu’en 1981. Le CCFD participe par ailleurs à la création d’un Partenariat Asiatique pour le Développement Humain (PADH) qui, initialement appelé Fonds Asie lors de son lancement en 1973, réunit les Belges de Broederlijk Delen (Entraide et Fraternité), les Irlandais de Trocaire, les Britanniques du CAFOD, les Canadiens de Développement et paix et les organisations caritatives des Eglises en Indonésie, Corée du Sud, Macao, Malaisie, Pakistan, Philippines, Bangladesh, Hongkong, Inde, Sri Lanka, Taiwan et Thaïlande.

-A partir de 1978, Mexique : avec l’évêque de San Cristobal de Las Casas, Mgr Samuel Ruiz Garcia, le CCFD soutient les Indiens Tzeltal de la Selva Hacandona qui, dans la région du Chiapas, ont monté une coopérative de peones, c’est-à-dire d’ouvriers agricoles. En partenariat avec la CONPAZ (Coordinacíon de los Organismos No Gubernamentales por la Paz) et le Centre des droits de l’homme Bartolome de Las Casas (Centro de derechos humanos Fray Bartolome de Las Casas), fondé par Mgr Samuel Ruiz Garcia en 1989, il aide également les populations victimes du conflit entre l’armée et les guérilleros de l’EZLN (Ejercito zapatista de liberación naciónal) du sous-commandant Marcos (Rafaël Sebastian Guillen) à partir de 1994. Avec la FAPROP (Fundacíon de Apoyo al Proceso Popular), il intervient par ailleurs auprès des Indiens Purepecha des bidonvilles de Morelia, la capitale de l’Etat du Michoacan. A l’échelle nationale, enfin, il appuie l’Alianza Civica, qui surveille le déroulement des élections de 1994.

-Depuis 1979, Cambodge : avec l’invasion de l’armée vietnamienne, la chute du régime Pol Pot dévoile toute l’ampleur du génocide commis par les Khmers rouges et incite le CCFD à s’engager dans le pays. Le 27 décembre 1979 dans le Quotidien du Médecin à Paris, le docteur Xavier Emmanuelli, président de MSF, dénonce alors les compromissions du CCFD, de la CIMADE et du SPF avec le gouvernement fantoche de Heng Samrin, mis en place par les Vietnamiens à Phnom Penh. Ces ONG, les seules à avoir été admises au Kampuchéa démocratique, ne travaillent que d’un côté et n’aident pas les réfugiés khmers sur la frontière thaïlandaise. Le retrait de l’armée vietnamienne en 1989 et les élections supervisées par l’ONU en 1993 permettent ensuite un redéploiement dans l’arrière-pays cambodgien. Faute d'associations locales dans une société décimée par les dictatures communistes, le CCFD se résout à travailler en partenariat avec une ONG française, le GRET (Groupe de recherches et d'échanges technologiques). A partir de 1994, il commence également à appuyer les projets agricoles de la CREDO (Cambodian Rural Economic Development Organization) dans les provinces de Kandal, Kampong Speu, Kampong Thom, Svay Rieng et Prey Veng. L'intervention du CCFD, en l'occurrence, ne correspond pas seulement à l'ouverture du pays sur l'extérieur, mais aussi à l'intensification de l'aide française, avec la réouverture d'une ambassade à Phnom Penh en 1992 et l'implantation d'une agence de l'AFD (Agence française de développement) en 1993, qui permettent d'avoir accès plus facilement à des subventions publiques.