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Comité catholique contre la faim et pour le développement
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Historique

Comité catholique contre la faim et pour le développement - Historique




Années 1980


-A partir de 1980, Nicaragua : à travers l’Institut Centre-Amérique de Managua, dont certains membres se disent ouvertement favorables à une alliance stratégique de la religion et du socialisme, le CCFD ne cache pas ses sympathies pour la révolution sandiniste de 1979. Dans les années 1980, le CCFD finance par exemple la revue paysanne El Machete, où l’on enseigne, entre autres, le maniement du fusil d’assaut soviétique AKM 7.62. En février 1990, la défaite électorale des Sandinistes et la victoire de la présidente Violeta Barrios de Chamorro changent ensuite la donne et permettent le retour à une certaine stabilité. Suite aux Suédois de Diakonia, aux Allemands de Brot für die Welt, aux Britanniques d’Oxfam, aux Canadiens du CUSO (Canadian University Service Overseas) et, surtout, aux agences hollandaises ICCO (Interkerkelikje Coördinatie Commissie voor Ontwikkelingsprojecten) et HIVOS (Humanistisch Instituut voor Ontwikkelingssamenwerking), le CCFD finance alors l’ASOCODE (Asociasíon de Organizaciones Campesinas Centroamericanas para la Cooperacíon y el Desarrollo), un regroupement d’organisations paysannes lancé à Managua en décembre 1991 afin de reconstruire un secteur agricole ravagé par les guerres civiles qui ont ensanglanté l’Amérique centrale. Ladite fédération porte d’abord la marque des Nicaraguayens de l’UNAG (Uníon Nacional de Productores Agropecuarios Asociados), principal syndicat paysan de la région qui, deux ans auparavant, avait pris une initiative semblable afin de sortir le régime sandiniste de son isolement diplomatique. Rejointe par le Guatemala en 1993 et dirigée par Wilson Campos, un leader paysan du Costa Rica, l’ASOCODE, dont le siège se trouve à deux pas de celui de l’UNAG à Managua, s’oppose aux réformes économiques néo-libérales et rivalise avec son homologue du côté des entreprises privées, la FEDEPRICAP (Federación de la Entidades de la Empresa Privada de Centroamérica), qui monte en 1994 une organisation concurrente, le CACI (Comité Centroaméricano de Coordinación Intersectorial). A l’instar de l’UNAG, qui s’affranchit de la tutelle politique de ses mentors sandinistes après 1990, le lobby n’affiche cependant pas de vocation révolutionnaire et met en sourdine ses critiques contre les atteintes aux droits de l’homme lors de son second congrès en décembre 1993, qui est très officiellement inauguré par le président du Guatemala, Ramiro de León Carpio. Dans la perspective du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, l’ASOCODE séduit les bailleurs de fonds occidentaux car elle propose à l’Union européenne et à la Banque mondiale un cadre cohérent en vue de faciliter l’accès à la terre, aux crédits et aux circuits de commercialisation des produits agricoles. Autre avantage, elle préconise une intégration économique régionale et tente de revitaliser un marché commun devenu moribond du temps des dictatures militaires à la fin des années 1970. En 1994, elle participe avec des centrales syndicales, des coopératives et des coordinations d’ONG au lancement et au financement d’une initiativa civil para la integración Centroamericana qui sera ultérieurement rejointe par des organisations de femmes, de droits de l’homme et de communautés indiennes. Le problème est que l’ASOCODE ne parvient guère à réorienter les politiques agricoles des gouvernements de la région. Après s’être vanté de parler au nom des paysans en court-circuitant les intermédiaires, elle devient à son tour une strate supplémentaire du système d’aide et finit bientôt par présenter les défauts des institutions qu’elle dénonçait : bureaucratie, inefficacité, manque de démocratie interne, captage des fonds de la communauté internationale, prédominance des hommes au sein d’un conseil d’administration qui ne compte aucune femme avant 1994, alors même que celles-ci constituent un tiers des travailleurs agricoles… Tandis que Wilson Campos est accusé en 1995 d’avoir détourné des fonds et doit, l’année suivante, céder la place à un Nicaraguayen, Sinforiano Caceres, le forum se transforme insidieusement en organisation supranationale avec ses propres projets, des conférences dans des hôtels luxueux et un budget qui passe de 200 000 dollars américains en 1992 à 1,5 million en 1996. Résultat, l’ASOCODE prend, selon les termes de Kees Biekart, les apparences d’une " poule aux œufs d’or " qui, statutairement, répartit 60% de ses ressources entre les sociétés nationales, au lieu d’être financée par les cotisations de ses membres.

-1981-1987, France : Gabriel Marc prend la présidence du CCFD dans le contexte de l’arrivée au pouvoir du parti socialiste avec les élections de mai 1981. Membre du comité Justice et Paix de l’épiscopat français, ancien administrateur de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économique) et dirigeant de l’Action Catholique des Milieux Indépendants (ACI) de 1971 à 1977, Gabriel Marc se dit publiquement favorable à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, où il a souvent séjourné, et il appuie en ce sens la lutte de Pierre Declercq, un militant assassiné en septembre 1981, et de Jean-Marie Tjibaou, un ancien prêtre devenu leader du FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste) en septembre 1984. En juin 1985, le CCFD est alors accusé par l’hebdomadaire La Vie catholique de financer le FLNKS et doit renoncer à soutenir la parution d’un journal canaque, Bwenando, qui reçoit finalement de l’argent de la Ligue communiste révolutionnaire. Pendant la présidence de Gabriel Marc entre 1981 et 1987, le CCFD finance également des organismes de recherche comme le CEDAL (Centre d’études du développement en Amérique latine), créé en 1977, et l’INODEP (Institut œcuménique au service du développement des peuples), fondé en 1970 par Paulo Freire puis présidé à partir de 1977 par Jacques Chonchol, ex-ministre de l’Agriculture du gouvernement de Salvador Allende au Chili, réfugié en France après le coup d’Etat du général Augusto Pinochet et promu directeur de l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine à Paris. Qualifié de “ laboratoire idéologique ” du CCFD, l’INODEP veut conscientiser et libérer les masses des forces de l’oppression.

-1981-1987, Portugal : le CCFD soutient financièrement le CIDAC (Centre de documentation et d’information Amilcar Cabral), relais des luttes de libération en Amérique latine et dans les ex-colonies lusophones après la révolution des œillets à Lisbonne. Dirigé par un ancien prêtre, Luis Moita, le CIDAC, dont le nom rend hommage au leader de l’insurrection anti-coloniale en Guinée-Bissau, appuie notamment le Front Polisario au Sahara occidental, le FPLE (Front populaire de libération de l’Erythrée) en Ethiopie et le Fretilin (Frente Revolucionária de Timor Leste Independente) à Timor en Indonésie. Parmi les amis du CIDAC, on compte également des partis uniques issus des mouvements de libération : le MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola), le FRELIMO (Front de Libération du Mozambique), le PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert), le PAIVC (Parti africain de l’indépendance du Cap-Vert) et le MLSTP (Mouvement de libération de São Tomé e Príncipe).

-A partir de 1981, Cuba : sollicité par le Comité Estatal de Colaboración Económica du gouvernement de Fidel Castro lors d’une réunion de l’UNESCO à Paris en mai 1981, le CCFD entame un programme d’éducation spécialisée pour handicapés physiques et mentaux. Le projet contribue à rompre l'isolement diplomatique du régime cubain en lui permettant de renouer des contacts au plus haut niveau avec l’épiscopat français. A partir de 1987, le CCFD soutient également le redémarrage de la culture du café dans une région montagneuse, ce qui aide Cuba à contourner l’embargo américain en important de l’outillage agricole et des petites centrales électriques.

-Mars-décembre 1982, Pologne : grâce à ses liens avec l’Eglise polonaise, le CCFD achemine des vivres, des vêtements et des médicaments dans le contexte de l’état de guerre proclamé par la junte du général Wojciech Jaruzelski en décembre 1981.

-1982-1989, Namibie : le CCFD commence à accorder une aide à la SWAPO (South West African People’s Organization), qui lutte contre le régime de l’apartheid avec le soutien de l’URSS et des troupes cubaines en Angola. A Paris le 11 mars 1989, le Figaro Magazine dénonce l’implication du CCFD dans le camp de réfugiés namibiens de Kwansa Sul en Angola, qui sert de centre de recrutements, sous contrôle soviéto-cubain, pour les guérilleros de la SWAPO. Dans un livre d’entretiens avec le journaliste Frédéric Lenoir, le secrétaire général du CCFD entre 1984 et 1992, Bernard Holzer, précise que le Namibia Refugee Project consiste surtout à construire des maisonnettes et alphabétiser les jeunes. Mais il compare ce programme à celui de l’Université de Namibie financé par les Nations Unies en Zambie, qui vise à former « les futurs juges, professeurs et responsables de la police et de l’armée dont le pays aura besoin le jour de son indépendance ».

-A partir de 1982, Afghanistan : le CCFD appuie les activités de l’AFRANE, du Mouvement de soutien à la résistance du peuple afghan et de l’Association française des amis des Afghans et de l’Afghanistan. Bernard Holzer, secrétaire général du CCFD, refuse cependant de financer les achats d’armes des moudjahidine, qui l'ont démarché pour ce faire.

-Juin 1983-juin 1987, France : avec la CIMADE, le CFCF, FDH et Terre des Hommes, le CCFD crée en juin 1983 une Société d’Investissement et de Développement Internationale, la SIDI, qui prend des participations dans les entreprises du tiers-monde et appuie les projets de diasporas africaines afin de soutenir les milieux d’affaires locaux. Dans la perspective d’une économie solidaire, le Comité lance également en novembre un fonds commun de placements, Faim et Développement, qui est géré par le Crédit Coopératif et dont une partie des revenus sert à financer des actions humanitaires. Reconnu d’utilité publique en juin 1984, avec un budget qui dépasse les 106 millions de francs cette année-là, le CCFD n’échappe pas pour autant aux critiques. Le 13 avril 1985, il est accusé par le Figaro Magazine d’utiliser ses fonds exclusivement en fonction des luttes de libération et des orientations socialistes de ses bénéficiaires. Le 25 octobre suivant, le Figaro Magazinerevient à la charge en publiant les extraits d’un livre écrit par un de ses journalistes sous le pseudonyme de Guillaume Maury aux éditions de l’Union nationale inter-universitaire, un syndicat étudiant très conservateur. Le débat rebondit dans la presse quotidienne avec des articles du Figaro et du Quotidien de Paris le 25 mars 1986. Le 17 avril 1986, la revue Famille chrétienne publie le rapport non sollicité d’un ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation qui dénonce les subventions du CCFD à des organisations chiliennes promouvant « l’alliance de l’Eglise avec le marxisme ». Le 15 mai 1986 dans un magazine chrétien plus progressiste, La Vie, le CCFD répond en disqualifiant l’auteur du rapport, qui n’aurait pas vraiment consulté les partenaires du Comité au Chili. Mais en 1987, le CCFD perd le procès pour diffamation qu’il avait intenté au Figaro Magazine. Co-fondateur d'un groupe de recherche à Paris, DIAL (Diffusion de l’information sur l’Amérique latine), qui a reçu des financements du CCFD, le père Charles Antoine publie alors un livre qui dénonce la propagande de droite sans s’expliquer sur les projets susceptibles de financer des guérillas ou des dictatures de gauche. Dans son autobiographie, Gabriel Marc vilipende, pour sa part, une campagne de " dénigrement " et ne s’étend pas plus sur les engagements politiques de ses partenaires dans le tiers-monde. Victime d’une baisse de ses ressources financières après les attaques du Figaro Magazine et les retombées de la mobilisation en faveur des victimes de la famine éthiopienne en 1984, le CCFD doit licencier seize employés en juin 1987.

-1984, Turquie : le CCFD accorde une aide financière au DISK (Devrimci Isçi Sendikalari Konfederasyonu), un syndicat d’obédience communiste, interdit par la junte du général Kenan Evren.

-1985-1986, Ethiopie : avec FDH, la CIMADE, le CFCF, Emmaüs International, Solidarités Internationales, Terre des Hommes et Peuples Solidaires, le CCFD constitue un collectif, " Espoir-Ethiopie ", qui affrète un bateau de vivres et de médicaments pour venir au secours des victimes de la famine de 1984. Mais, contrairement à MSF, qui est expulsé du pays en décembre 1985, le Comité ne veut pas démobiliser l’opinion publique et ne dénonce pas les exactions de la junte du colonel Mengistu Hailé Mariam, le détournement de l’aide à des fins militaires et les transferts forcés de population vers le Sud. Dans un entretien publié dans le Nouvel Observateur du 10 octobre 1986, le philosophe André Glucksmann accuse le CCFD de se moquer des donateurs. " Il faut, dit-il, que les gens de la CIMADE et ceux du CCFD disent où va l’argent. Il faut qu’ils expliquent qu’ils ne travaillent pas sur le terrain directement et qu’ils versent une grosse partie des fonds recueillis aux organismes gouvernementaux. Il faut qu’ils disent à leurs donateurs qu’ils ont participé à l’effort de guerre éthiopien, au mouvement de villagisation, à la destruction des mosquées, au meurtre des mollahs et au viol des femmes… "

-26 juin 1986, France : le CCFD signe avec l’épiscopat français un protocole qui l’oblige en principe à réaliser ses projets en accord avec l’évêque du lieu ou après consultation du Conseil pontifical Cor Unum ou de la Commission Justice et Paix au Vatican. Dans certains pays d’Amérique latine, le CCFD s’était déployé sans en aviser la hiérarchie ecclésiastique.

-A partir de 1987, Guatemala : avec les négociations de paix, le CCFD soutient le retour des retornados, les réfugiés qui avaient fui au Mexique, essentiellement des Indiens Mans, Canto Bals, Jacaltèques et Quiches. Dans le Nord du pays, il aide également les déplacés internes, des paysans du Peten, de la Sierra et de l’Ixcán qui, pour échapper aux exactions de l’armée, s’étaient cachés dans la forêt et s’étaient regroupés en coopératives, les CPR (Comunidades de Población en Resistencia).

-1988-1989, France : professeur à l’Université catholique de Lyon, René Valette, un socialiste, devient président du CCFD en janvier 1988. Ne partageant pas les engagements politiques de l’organisation, le Secours catholique quitte le Comité en octobre. Ce mois-là, la Commission Nationale de la Communication et des Libertés oppose son veto à un spot que le CCFD voulait diffuser à la télévision. En février 1989, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel refuse de nouveau au Comité un droit d’antenne, arguant de la motivation religieuse, et pas seulement humanitaire, de l’organisation.

-Depuis 1989, Liban : le CCFD soutient l’organisation de « Secours social » Najdeh, qui aide les femmes dans les camps de réfugiés palestiniens. Au plus fort de la guerre, le CCFD a également appuyé les efforts de dialogue du Mouvement social libanais de Grégoire Haddad, évêque grec catholique de Beyrouth, nommé depuis à Tyr parce que son militantisme gênait la hiérarchie ecclésiastique. Autre partenaire : les Basiliens Salvatoriens de Salim Razal, qui ont organisé des programmes de formation professionnelle en vue de favoriser la démobilisation des miliciens.