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Action Contre la Faim
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Action Contre la Faim - Commentaires




5) Les financements


-En dix ans, de 1987 à 1997, le budget d’ACF-France et le nombre de volontaires sur le terrain ont quasiment décuplé. Entre 1983 et 2003, les ressources financières de l’organisation sont par ailleurs passées de 0,6 à 35,1 millions d’euros. Mais l’association reste très dépendante des fonds publics, ce qui réduit sa marge de manœuvre et l’oblige trop souvent à se déployer en fonction de la rentabilité économique de ses programmes plutôt que de sa propre évaluation des besoins humanitaires. Dans une interview publiée dans Libération le 7 mars 2002, Sylvie Brunel affirme ainsi avoir “ le sentiment très net que, à ACF, les critères d’ouverture et de fermeture des missions sont devenus purement financiers. Les critères qui conditionnent la vie des missions, ce n’est pas leur utilité, mais : est-ce que des bailleurs de fonds institutionnels continuent ou non à financer ces missions ? Est-ce que la marge que nous dégageons sur ces programmes est suffisante pour nous permettre de financer les frais de siège ? ”

-Le journaliste David Rieff au Soudan et le chef de la mission d'ACF au Sri Lanka, Guillaume Kopp, confirment un tel biais économique. Responsable des programmes de l'association à Colombo au moment du tsunami de décembre 2004, ce dernier démissionne en dénonçant la marchandisation d'une organisation qui, soucieuse de collecter des dons, fonctionne comme une entreprise et privilégie le marketing au détriment de l'action humanitaire. Les premiers renforts dépêchés sur le terrain au Sri Lanka sont, pour beaucoup, des professionnels de la communication. En outre, ACF fournit des vivres qui ne sont pas nécessaires sur place mais qui passent mieux à la télévision en France, les distributions alimentaires étant plus faciles à médiatiser que la construction de latrines dans le cadre de programmes sanitaires. Envoyé par ACF ouvrir une mission à Peshawar, Marc Vachon témoigne également d'une situation semblable au Pakistan début 2001, lorsque le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés annonce l'arrivée de 75 000 Afghans qui, en réalité, ne sont pas plus de 20 000. A l'époque, l'association lui reproche de ne pas avoir trouvé d'autres opérations à mener dans une région qui, du fait de son importance stratégique, attire les financements occidentaux.

-Malgré un réel effort de transparence financière, ACF-France n'a pas compilé les budgets de ses organisations soeurs en Espagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis pour les présenter ensemble. Pendant longtemps, Paris a géré environ les deux tiers de l’activité totale de l’association. A partir de 2002, ACF-France, dont les comptes étaient déficitaires, a cessé de subventionner les autres sièges du mouvement, qui ont commencé à financer intégralement leurs missions sociales. En 2003, les restrictions budgétaires ont obligé ACF-France à diminuer les postes d’expatriés, à fermer des missions, à geler le projet de salarier les coordonnateurs de terrain et à supprimer l’équivalent de six emplois au siège à Paris. Grâce à la générosité du public au moment du tsunami asiatique de 2004, l'afflux de dons a ensuite permis de rééquilibrer les comptes.

-Pour élargir sa surface financière, ACF tente de développer le mécénat d'entreprise et a conclu des accords avec la chaîne de magasins U, la Fondation du Club Méditerranée et l'Union de Banques Suisses. En 2003, l'organisation était ainsi une des ONG françaises dont la part des entreprises dans les ressources privées était la plus élevée, à hauteur de 10% contre 3% pour MSF et 0,4% pour MDM. L'association bénéficie également d'une partie des revenus d'Actions Sud, un fonds commun de placements géré par le Crédit Lyonnais. Concernant les particuliers, l'association se doit d'être prudente car en 1991, elle avait confié sa collecte de fonds à une société de marketing direct, DBS, dont les patrons avaient détourné à leur profit la quasi-totalité des sommes recueillies. De plus, révèle Sylvie Brunel dans un article publié en 2006, la rentabilité des efforts de prospection d'ACF n'a cessé de baisser : il faut désormais investir cinquante centimes pour récolter un euro, contre trente centimes il y a dix ans.