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Action Contre la Faim
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Action Contre la Faim - Commentaires




2) Le fonctionnement interne


-La plus petite des grandes ONG françaises et la plus grande des petites, ACF ne peut, à la différence de MSF ou MDM, compter sur le soutien d’un puissant lobby professionnel comme celui des médecins. L’association, un moment tentée d’investir le terrain français, a d’ailleurs dû renoncer à sa mission pilote à Lille. ACF a, en revanche, cherché à sensibiliser le grand public en lançant des campagnes de publicité au ton parfois misérabiliste, notamment en 1994 avec des portraits d'Africaine décharnée. L’idée était ainsi de collecter des fonds privés afin de s’affranchir des financements institutionnels, par exemple avec des subventions de la Fondation Elf au milieu des années 1990.

-A la différence de MDM et MSF, le président de la section française d'ACF ne joue pas un rôle d'exécution mais de représentation et les décisions opérationnelles sont du seul ressort du directeur général. Bien que soucieuse de se professionnaliser, l’association cherche par ailleurs à préserver la part du volontariat et a décidé au milieu des années 2000 de recruter un salarié pour dix bénévoles.

-La gestion du personnel local pose parfois des problèmes. En 2003 au Libéria, ACF a été confronté à une grève de 250 employés qui réclamaient un meilleur salaire. En 2006 au Laos, encore, le personnel local de l’organisation a été accusé par l’Akha Heritage Foundation d’abus sexuels sur des jeunes filles de la minorité montagnarde des Akha dans la province de Luang Namtha. Un interprète avait déjà été licencié pour ces raisons en 2003. La contre-enquête de l’association Batik, financée par ACF, a montré que les abus étaient bien réels mais pas aussi répandus qu’on le prétendait. En revanche, les expatriés et le personnel local n’avaient pas ou peu été avertis de l’interdiction de toute relation sexuelle avec les villageois. La règle n’avait pas non plus été étendue à tous les pays où ACF intervenait.

-On peut également s’interroger sur la façon dont l’organisation protège son personnel local dans les situations de conflit armé. A Muttur au Sri Lanka en 2006, elle a fait évacuer les expatriés mais pas les employés tamouls. Obligés de rester sur place pour ne pas perdre leur travail, dix-sept d’entre eux, dont quatre femmes, ont alors été froidement assassinés : Gangatharan Sritharan, Sellaiya Ganesu, Singharasa Preemas Anandarajah, Muralitharan Dharmarathnam, Yogarajah Kodeswaran, Mathawarajah Ketheeshwaran, Ambigapathy Jayaseelan, Muthulinngam Narmathan, Kanakarathnam Kowarthani, Richard Arunraj, Thureiraja Pratheepan, Sathyawel Kooneshwaran, Ganesu Kavitha, Sivapragasam Romila, Vairamuthu Kokilawathani, Mohanthasa Rishikeshan et Abdul Latheef Mohamed Jaufer. Depuis lors, on sait que l’armée est responsable de ces crimes, ainsi qu’en témoigne l’étude de l’UTHR-J, qui identifie nommément les tueurs et leurs complices au sein de la police, de la marine et de la milice des musulmans de la région. Pour ne pas compromettre la poursuite de ses activités dans le pays, ACF n’a cependant pas dénoncé les exactions du gouvernement et s’est contentée d’une commission d’enquête destinée à enterrer l’affaire, quitte à compenser les familles des victimes avec des sommes dérisoires. Citant des témoins, l’UTHR-J parle à ce propos de négligence ; d’autres [Timmo Gaasbeek] déplorent quant à eux les silences complices de l’ensemble des ONG présentes au Sri Lanka. Contre-productives, leurs compromissions n’ont pas permis d’améliorer la sécurité des personnels. Bien au contraire, elles ont entériné une situation de fait. Alors que les belligérants ont toujours pris soin d’épargner les expatriés afin de ne pas ternir leur réputation, les employés locaux des organisations humanitaires ont continué d’être pris pour cible, avec 37 morts recensés entre avril 2006 et juillet 2007.