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Avocats sans frontières - Commentaires




5) La communication externe


-A la différence d’autres organisations de défense des droits de l’homme, qui s’avèrent beaucoup plus virulentes, ASF ne privilégie pas le registre de la dénonciation médiatique. Son objectif est plutôt de collaborer avec les autorités sur place pour développer l’état de droit et l’accès à une justice équitable. Au Rwanda après le génocide, par exemple, l’association se démarque d’ONG comme Médecins sans frontières, qui est expulsée en décembre 1995 pour avoir dénoncé les mauvais traitements du nouveau régime, ou NOVIB, qui, en février 2004, demande aux principaux bailleurs de fonds du pays de suspendre leur aide à un gouvernement violant les droits de l’homme. Pour ne pas mettre en péril la poursuite de ses programmes sur place, ASF préfère se montrer peu critique à l’égard de Kigali et son rapport d’activités de l’année 2000 déclare « globalement satisfaisants » les 3 000 procès de « génocideurs » déjà réalisés sur place. Certes, l’association adresse des courriers officiels pour exprimer son inquiétude lorsqu’en 1999, les autorités décrédibilisent la justice et arrêtent des prévenus qui viennent tout juste d’être acquittés et remis en liberté. Au détour d’une ligne dans son rapport d’activités de l’année 2003 pour le Rwanda, ASF note également que « le pouvoir s’enferme sur lui-même, étouffant tout germe de démocratie ». L’association se montre par ailleurs consciente du risque d’une « confiscation de la justice comme instrument d’exercice du pouvoir ». Mais elle refuse d’admettre ouvertement que le processus en ce sens est déjà enclenché alors même que des magistrats ont été arrêtés ou suspendus en 2000 parce qu’ils avaient manifesté trop d’indépendance. Au mieux, elle pointe les défaillances techniques des tribunaux gacacas dont elle observe le fonctionnement au jour le jour à partir de juillet 2003 et qu’elle analyse très en détail quand ils commencent à rendre leurs premiers jugements en mars 2005. ASF pointe en l’occurrence les limites de compétences et d’expériences des juges inyangamugayo, plutôt que de mettre en évidence la responsabilité de l’Etat dans les dysfonctionnements d’une justice populaire. D’une manière générale, l’association prend soin de ne pas se prononcer sur la politique du gouvernement rwandais et les conditions d’incarcération des suspects plus de dix ans après les massacres. Elle se focalise uniquement sur le « respect des règles de procédures en matière de débat contradictoire, de motivation de jugement, de violences sexuelles, de faux témoignage, de composition du siège, de révision et d’appel ». Résultat, elle produit des analyses quelque peu éthérées, parce que sorties de leur contexte politique. Un tel positionnement ressort bien des contraintes du terrain. Dans un rapport de 2007, Indra Van Gisbergen admet ainsi que « la justice Gacaca présente bien d’autres caractéristiques importantes qui dépassent le travail d’observation fait par Avocats sans frontières ». Dans ce même rapport, l’association affirme également sa volonté de ne pas ignorer les problèmes de corruption, de sécurité, de menaces physiques et de diverses pressions qui perturbent le déroulement des procès. Les silences à ce sujet traduisent surtout la difficulté à poursuivre une collaboration effective avec l’administration d’un régime autoritaire.