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Reporters sans frontières - Commentaires




4) La politique de communication


-RSF a participé à la consécration de la liberté de la presse comme un droit fondamental et a contribué à sensibiliser le public sur ce thème. L’essence même de sa mission est la dénonciation. L’association n’est donc pas confrontée au dilemme des ONG humanitaires qui doivent parfois garder le silence pour pouvoir poursuivre leurs opérations le terrain. Au contraire, ses militants n’hésitent pas à défiler dans la rue, perturber des conférences et mener des actions spectaculaires afin d’interpeller les médias et la population. En décembre 2003 à la station de ski de Courchevel, RSF a par exemple manifesté devant la résidence de vacances du roi du Maroc, Mohammed VI, afin de réclamer la libération de son correspondant local Ali Lmrabet, un journaliste satirique condamné à quatre ans de prison. Dans le même ordre d’idées, Robert Ménard a escaladé la cathédrale Notre-Dame pour perturber le passage de la flamme olympique à Paris en avril 2008. D’une manière générale, explique un responsable de l’association, Vincent Brossel, RSF essaie de concilier la rigueur de la recherche d’Amnesty International avec le mode d’action non-violent de Greenpeace.

-Grâce à ses relais dans les médias, l’organisation bénéficie d’une forte crédibilité auprès du public et des institutions nationales et internationales. À l’origine initiative de RSF, la journée internationale de la liberté de la presse est aujourd’hui parrainée par l’ONU.

-La stratégie de RSF, qui s’est doté d’un site Internet dès 1994, nécessite la médiatisation de “ drames individuels ” susceptibles de toucher l’opinion publique. Or la logique journalistique veut qu’une victime acquière une plus grande valeur si elle est française ou si son cas illustre une question d’actualité. La campagne en faveur de Brice Fleutiaux est emblématique à cet égard : photographe français, il fut enlevé par des combattants tchétchènes en 1999 et RSF se mobilisa jusqu’à sa libération. Cette opération fut un double succès puisqu’elle permit aussi d’alimenter le débat public sur les difficultés d’informer en zones de conflit. D’autres opérations ont en revanche dérapé, notamment avec le Tunisien Taoufik Ben Brik. Concernant Taslima Nasreen, une écrivain bengali, l’organisation a ainsi perdu le contrôle de sa campagne de dénonciation. Objet d’une fatwa prononcée par des intégristes musulmans au Bengladesh, Taslima Nasreen a été invitée en France par RSF en mars 1994. À l’occasion de sa venue, les médias ont déformé les faits et imputé la fatwa au gouvernement bengali sans trop se soucier des conséquences d’une telle accusation pour la jeune femme une fois de retour à Dacca. “Dans l’hystérie générale, explique Robert Ménard, les Français retiennent que Taslima Nasreen a fui une dictature terrifiante qui cherche à l’éliminer physiquement. L’écrivain devenu, en partie par notre faute, le symbole de la lutte pour la liberté d’expression, est intouchable et personne, au début, ne s’aventure à rectifier les faits.”

-Concernant ses propres activités, RSF n’est pas aussi transparent qu’on aurait pu l’imaginer de la part d’une organisation très médiatisée. Autant l’association communique beaucoup sur les violations de la liberté d’expression, autant elle est plus réservée pour ce qui est de son fonctionnement interne, notamment l’origine de ses financements. RSF a par exemple été critiqué parce que ses comptes de 2002 et 2003 ne mentionnaient pas les subventions du CFC (Center for a Free Cuba), une organisation anti-castriste qui a été accusée de détournements de fonds par la Cour des Comptes américaine (Government Accountability Office) début 2008. En 2006, relèvent Diana Barahona et Jeb Sprague, la représentante de Reporters sans frontièresà Washington, Lucie Morillon, a également commencé par nier… puis fini par concéder que l’association recevait des fonds de l’International Republican Institute, l’organe du parti républicain du président George Bush. A la même époque, Salim Lamrani émettait quant à lui des doutes sur la capacité de RSF à financer la moitié de son budget grâce à la vente de calendriers et d’albums photos. En 2010, enfin, la présentation des comptes d’emploi des ressources de l’organisation ne comprenait toujours pas de liste exhaustive des bailleurs de fonds institutionnels, ceci sans parler d’un pourcentage de fonds dédiés qui aurait permis de mieux apprécier la marge de manœuvre politique de Reporters sans frontières.