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Secours populaire français
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Secours populaire français - Commentaires




3) Les financements


-Le SPF bénéficie de ressources relativement équilibrées et diversifiées entre les subventions des pouvoirs publics et les dons privés. De pair avec son institutionnalisation, l'association a commencé à recevoir des fonds de l'Union européenne en 1979 et de la France en 1983. A partir de 1984, elle a aussi bénéficié des surplus agricoles européens et perçu environ un tiers des sommes allouées à la France, le SPF n'ayant pas voulu adhérer aux banques alimentaires du Secours catholique, d'Emmaüs et de l'Armée du Salut pour pouvoir conserver la liberté de choisir les vivres à distribuer. De ce point de vue, il convient de noter que la part de fonds publics dans le budget de l'association est certainement supérieure à celle annoncée. En effet, l'organisme ne comptabilise pas les services gratuits fournis par des institutions étatiques. De plus, il considère comme des ressources privées des subventions versées au comité national par les fédérations départementales ou non dépensées au cours des années précédentes, ainsi que la vente de dons en nature qui, en réalité, proviennent pour beaucoup de l'Union européenne. La part de financements publics est de toutes façons plus importante à l'international que pour les actions menées en France. En 2003, par exemple, les trois quarts des dépenses de la direction de la solidarité mondiale devaient provenir de subventions de l'Union européenne ou du Ministère français des affaires étrangères.

-Concernant ses fonds propres, le SPF compte essentiellement sur la générosité des particuliers. Si l'on ne considère que les donateurs actifs, qui versent de l'argent au moins une fois tous les deux ans, leur nombre plafonne cependant autour de 200 000, et non d'un million. Le chiffre effectif était même de 120 000 seulement en 2003, avec un fichier de donateurs qui compte beaucoup de personnes âgées, qui inclut de simples contacts potentiels et qui se renouvelle peu, les créations compensant à peine les sorties dues à des décès ou des changements d'adresses. Globalement, le coût de la collecte de fonds reste correct et les frais d'appel s'élèvent à environ 20% des ressources recueillies. Mais il est arrivé que certaines campagnes soient complètement déficitaires.

-Avec l'obtention du label de "grande cause nationale" en 1991, le SPF a aussi voulu diversifier ses ressources privées en commençant à recourir au mécénat d'entreprise. A l'époque, de tels partenariats, qui se limitaient jusqu'alors aux magasins Tati et à la Foire du Trône, ont suscité l'hostilité d'une partie de la base, qui assimilait l'entreprise au patronat. A ses débuts, le SPF avait en effet pénétré les milieux professionnels par le biais de la CGT (Confédération générale du travail), qui finançait un bon nombre de ses activités et dont les réseaux syndicaux lui avaient permis de se constituer de nouveaux fichiers de donateurs. Pendant longtemps, les partenariats avec des entreprises se sont alors limités aux magasins Tati et à la Foire du Trône. Il a fallu attendre la seconde moitié des années 1990 pour que le SPF conclue des accords avec la FNAC (Fédération nationale d'achats), Coca Cola et Eurodisney. En Afrique du Sud en 2009-2010, il menait par exemple des programmes de lutte contre le sida en partenariat avec Areva, le géant du nucléaire.

-Le SPF est membre d'un organisme qui est censé garantir une transparence et une bonne gestion financières, le Comité de la Charte de déontologie des organisations sociales et humanitaires faisant appel à la générosité du public. Mais son agrément, qu'il a failli perdre lorsque son commissaire aux comptes a lancé une procédure d'alerte en 1999, n'a pas empêché les détournements de fonds, essentiellement au niveau des comités locaux, où des conflits d'intérêts existent du fait des liens de parenté entre leurs membres. Des poursuites ont ainsi été engagées contre un secrétaire départemental et deux salariés pour vols, escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux dans la fédération du Vaucluse, qui a été déclarée en cessation de paiement et mise en redressement judiciaire en mars 2002. Dans la fédération des Alpes-Maritimes, encore, des dysfonctionnements ont conduit le commissaire aux comptes à déclencher une procédure d'alerte en juin 2004, alors que l'association nationale tardait à réagir, sans même parler du Comité de la Charte. Une affaire de malversation, enfin, a ravagé la fédération départementale du Secours en Haute-Garonne. Dénoncée et arrêtée en avril 2005, sa directrice financière, Danièle Hecquette-Blagan, a été condamnée en juin 2006 à sept de prison ferme pour avoir empoché 1,136 million d'euros à partir de 2001. La décentralisation de l'organisation ne facilite pas les contrôles internes de ce point de vue. En effet, les fédérations régionales reçoivent 90% des dons et laissent une part résiduelle au siège parisien, qui connaît parfois des difficultés pour assurer le financement de son fonctionnement.

-Dans les pays du Sud, les contrôles financiers s'avèrent encore plus difficiles. Diffusée sur la chaîne de télévision française TF1 le 28 juin 2005, l'émission « Le Droit de Savoir » a par exemple épinglé les dysfonctionnements du SPF quant aux victimes du tsunami sur l'île de Pak Jok dans la province de Phang-Nga en Thaïlande, où une volontaire de l'association avait versé des arrhes de 30 000 euros pour acquérir un terrain destiné à la reconstruction d'un lotissement alors que la loi interdisait aux étrangers d'acheter de la terre. Pour sa part, la Cour des comptes française a noté que l’ONG avait du mal à coordonner les efforts de ses bénévoles et de ses sections régionales, qui n’ont pas toujours bien su gérer et identifier des partenaires fiables pour aider à la reconstruction des régions ravagées par le raz-de-marée.

-Relativement à l'action internationale, l'inquiétude vient aussi de ce que le SPF monte souvent ses programmes en fonction de l'offre et non de la demande, des financements reçus et non des besoins constatés. Son intervention en Asie est ainsi portée par la formidable vague de générosité en faveur des victimes du tsunami, et non par un diagnostic raisonné qui aurait conduit à élaborer des projets avant de solliciter des fonds. Résultat, le Secours populaire a bien du mal à utiliser des ressources trop abondantes, quitte à chercher en vain des alternatives en Thaïlande. Dans un rapport publié en janvier 2007, la Cour des comptes s'interroge à ce propos « sur le caractère de nécessité ou d'urgence d'un projet de substitution qui apparaît un an et demi après la catastrophe ». En décembre 2005, le SPF est en tout cas la troisième organisation humanitaire française, après la Croix-Rouge et le Secours catholique, à avoir dépensé une aussi faible proportion (39%) des fonds qu'elle a reçus en faveur des victimes du tsunami. Le délai de ses engagements financiers ne correspond pas aux souhaits de beaucoup de donateurs qui lui avaient versé de l'argent en croyant répondre à une urgence. Il s'avère en outre que le problème n'est pas nouveau. Selon Sylvie Boutereau-Tichet et al., le SPF n'a consommé en 2002 que la moitié des fonds dédiés collectés lors des exercices précédents. L'importance des financements récoltés pour le Rwanda au moment du génocide de 1994 ou le Nicaragua à l'occasion du cyclone Mitch en 1998 a notamment conduit l'association à poursuivre des actions post-urgence « malgré les difficultés rencontrés dans ces pays pour définir des projets de qualité ».