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Comité catholique contre la faim et pour le développement
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Comité catholique contre la faim et pour le développement - Commentaires




8) La capacité d’analyse


-Le CCFD a contribué à des études sur les enjeux du développement et participe à des revues de réflexion comme Economie & Humanisme , qui a été fondée en 1942 par le père Louis-Joseph Lebret.

-A notre connaissance, cependant, aucune évaluation indépendante des activités du CCFD n’a été publiée. Le constat s’applique aux rapports du F3E (Fonds pour la promotion des études préalables, des études transversales et des évaluations), qui sont commandités par les ONG concernées et dont l’accès Internet était toujours bloqué par un mot de passe en 2006. Quant aux évaluations internes, elles ne sont pas non plus diffusées ou ne répondent pas aux interrogations fondamentales sur la qualité des activités menées par l'organisation. Ne laissant aucune place à un regard extérieur, le rapport publié par le CCFD sur le forum Terre d'Avenir en 1992 a ainsi été rédigé « à partir des documents d'évaluation produits par les membres du personnel de la rue Jean Lautier ». L'événement a été jugé réussi sur la base du nombre de participants et de donateurs supplémentaires, même si les recettes ont été moindres que prévues, à hauteur de 16,2 millions de francs au lieu des 17,6 escomptés. En revanche, le rapport n'a rien dit de l'utilisation des fonds récoltés et on ne connaît rien de la part réellement réinvestie dans les pays en développement. D'une manière générale, l'impact des actions du CCFD dans les pays en développement reste entièrement à évaluer.

-On peut donc s’interroger sur la capitalisation d’expérience d’une organisation qui se caractérise souvent par des discours simplistes et manichéens, quitte à opposer de façon caricaturale les " gentils pauvres du Sud " aux " méchants riches du Nord ". Les partenaires du CCFD dans le tiers-monde semblent plus lucides, ou du moins plus francs quant aux limites d’une auto-évaluation routinière. Dans son rapport annuel de 2002, l’INADES-Formation conseillait ainsi de savoir se remettre en cause en étudiant de façon qualitative les résultats obtenus à la fin d’un programme.

-De fait, le CCFD n’a jamais publié aucun document sur les effets pervers de son aide. A notre connaissance, il n’a jamais interrompu un programme pour ces raisons. Au contraire, il tend plutôt à reconduire ses projets d’une année à l’autre afin de promouvoir une politique de coopération durable avec les pays du Sud.

-Le principal risque auquel est confronté le CCFD est de financer des partenaires et des projets qui confortent les hiérarchies sociales existantes, voire les mécanismes d’exploitation des populations les plus vulnérables. Au Rwanda, par exemple, l’INADES-Formation, qui cherche à désengorger le secteur agricole d’un pays rural très densément peuplé, ne préconise pas seulement la diversification des activités génératrices de revenus, mais aussi la " villagisation " des habitants : une mesure critiquée par les organisations de défense des droits de l'homme, notamment Human Rights Watch, car elle a été imposée de façon coercitive par le FPR (Front patriotique rwandais) pour mieux surveiller la population et empêcher les incursions des guérillas de la région. Lancée en 1997, la politique d'habitat du gouvernement vise en l'occurrence à regrouper les paysans des provinces du Nord-Ouest dans des structures appelées imidugudu. Les habitants n'ont pas le choix et doivent quitter leur maison en dur pour des logements provisoires plus petits. Leur transfert s'avère contre-productif sur le plan agricole. Trois ans après dans la préfecture de Ruhengeri, les paysans ne cultivent plus que 60% des terres arables et leur taux de malnutrition est supérieur à la moyenne nationale (60% contre 40%). Dans un rapport compilé par Michael McClintock, Human Rights Watch dénonce ainsi les ONG qui préfèrent fermer les yeux et « poursuivre leurs programmes de logement en sachant parfaitement qu'ils facilitent la réinstallation forcée de la paysannerie et occasionnent des violations des droits de l'homme ».

-Dans le même ordre d'idées, les associations paysannes que soutient l'INADES-Formation et le CCFD dans la filière du café au Burundi présentent le risque d’être récupérées par les autorités en vue d’encadrer et de mobiliser les petits planteurs. Outre qu’elles été ont été mises en place dans le cadre d’un programme du gouvernement et de la Banque mondiale, ces associations sont devenues des interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics, notamment des responsables des stations de dépulpage et de lavage du café, qui ont fini par appuyer leur création après quelques réticences initiales, par peur de la concurrence. Depuis, certaines fédérations au niveau des provinces, telles Shiramazinda à Gitega et Mfashangufashe à Kirundo-Muyinga, ont été reconnues par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique, la première installant officiellement ses bureaux dans l’immeuble d’une entreprise para-étatique, la SOGESTAL (Société de gestion des stations de lavage). Au niveau des villages, les membres des associations de base sont quant à eux " chargés de la sécurité " et " collaborent avec les forces de l’ordre " au moment du paiement de la récolte, quand circule beaucoup d’argent liquide. Leurs cadres constituent une sorte d’élite, avec des notables " qui font partie des comités de développement communautaire… et des ligues des droits de l’homme " selon le rapport d’activités de l’INADES-Burundi en 2003, ainsi que des Anciens qui " monopolisent le pouvoir et les terres " selon Pascal Baridomo et al. Conscient de la possible manipulation des leaders qu’il contribue à faire émerger, l’INADES-Burundi veut d’ailleurs promouvoir la rotation des responsables des organisations paysannes, limiter statutairement leurs mandats et interdire le cumul des charges politiques et associatives.