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Commission internationale de juristes
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Historique

Commission internationale de juristes - Historique




Années 1970


-1970, Suisse : ancien trésorier de JUSTICE en Grande-Bretagne, Niall McDermot prend la suite de Sean MacBride et devient secrétaire général de la CIJ en décembre 1970. Son objectif est de relancer une organisation très ébranlée par le scandale de 1967, avec un budget annuel tombé à $ 9 000, dont un tiers en provenance de la section américaine. Remarié à une Russe en 1966, Niall McDermot est en l’occurrence l’homme de la situation pour récuser les accusations de collusion avec les services d’espionnage des pays occidentaux. En septembre 1968, il avait ainsi renoncé à son mandat de député et démissionné de ses fonctions de ministre travailliste du Logement car il se disait victime de harcèlement de la part des services de renseignement britanniques.

-1971, Etats-Unis : la CIJ, qui tient son cinquième congrès international à Aspen, commence à se préoccuper des droits civiques, économiques et sociaux des peuples, et plus seulement des droits politiques des individus. L’organisation s’affranchit également de ses origines européennes pour démarrer des enquêtes dans les pays du tiers-monde, notamment en Afrique du Sud et en Asie. Dans les années 1970 et 1980, plus de 80% des articles de sa Revue traitent ainsi des régions en développement.

-1973-1974, Chili : à la demande du Conseil œcuménique des Eglises, la CIJ monte une première mission d’enquête un an après le coup d’Etat du général Augusto Pinochet et le renversement du gouvernement socialiste de Salvador Allende en 1973. Ancien président de la Cour suprême, Osvaldo Illanes Benítez arrange la visite des observateurs de la Commission, qui dénoncent la répression militaire et les violations des Conventions de Genève. Le gouvernement chilien réplique par une campagne de presse qui accuse la CIJ de subversion marxiste. Dans son livre, Robert Alexander considère également que la Commission a exagéré en parlant de camps de concentration à propos des centres de détention. Osvaldo Illanes Benítez, pour sa part, démissionne de la CIJ, outré par les partis pris et les inexactitudes de l’organisation à propos de la situation des droits de l’homme dans son pays.

-1974-1977, Ouganda : face aux lenteurs de la Commission des Nations Unies pour les droits de l’homme, la CIJ expose publiquement les atrocités du régime d’Idi Amin Dada dans un communiqué de presse de juin 1974. Ses révélations sont confirmées par le beau-frère en exil du dictateur, l’ancien ministre des Affaires étrangères ougandais Wanume Kibedi. Aux Nations Unies, le gouvernement ougandais demande alors la révocation du statut consultatif de la CIJ, qui n’a pas respecté l’obligation de confidentialité des mémorandums soumis à la Commission des droits de l’homme. L’organisation ne cède pas et publie en 1977 un rapport fracassant qui aboutit à la condamnation officielle du régime après trois ans d’atermoiements. Par la suite, la CIJ obtiendra de la Commission des Nations Unies pour les droits de l’homme la permission de nommer publiquement les Etats responsables d’exactions.

-A partir de 1975, Uruguay : suite à une première mission en 1974, la CIJ poursuit ses enquêtes à Montevideo. Son chargé des affaires latino-américaines, Alejandro Artucio, met notamment en évidence les incohérences du rapport de la visite de la fameuse prison de Liberty par le sous secrétaire général des Nations Unies, Javier Pérez de Cuéllar. D’origine péruvienne, ce dernier prétend s’être entretenu avec le pianiste Miguel Estrella, qu’il a trouvé en bonne santé mais qui, libéré peu après, dément l’avoir jamais rencontré.

-1976, Suisse : devant la Commission des Nations unies pour les droits de l’homme à Genève, Niall McDermot se fait représenter par un avocat argentin en exil, Rodolfo Matarollo, qui n’est pas membre de la CIJ et qui parle en son nom propre. La junte de Buenos Aires accuse alors l’organisation de collusion avec des groupes terroristes. Ministre socialiste de l’éducation dans la province de Buenos Aires de 1965 à 1969, Rodolfo Matarollo est en effet marié à Lidia Massafero, une leader Montonero, et est lui-même proche des guérilleros trotskistes de l’Armée Révolutionnaire du Peuple, l’ERP (Ejercito Revolucionario del Pueblo). En 1978 à l’occasion d’un exercice quadriennal de révision des accréditations d’ONG, le gouvernement argentin demande en conséquence que le Conseil économique et social des Nations unies expulse la CIJ au prétexte que celle-ci a violé le règlement de l’ECOSOC en omettant de lui remettre ses rapports d’activités.

-1977, Autriche : de plus en plus concurrencée par Amnesty International et des organisations comme le Lawyers Committee for Human Rights, la CIJ tient son sixième congrès international à Vienne et essaie de tirer un trait sur la crise de 1967 en consolidant ses positions dans les pays en développement, essentiellement en Amérique latine, en Afrique et au Moyen Orient. En 1976, elle a ainsi réuni ses membres africains pour promouvoir les droits de l’homme dans les régimes de parti unique, qui lui paraissaient préférables aux dictatures militaires. En 1980, encore, elle organise à l’Université du Koweït une conférence sur les droits de l’homme et l’islam.

-1978, Suisse : la CIJ crée un Centre pour l’indépendance des magistrats et des avocats (CIMA), le Centre for the Independence of Judges and Lawyers (CIJL). Destiné à soutenir les juristes persécutés dans l’exercice de leur profession, le dispositif prévoit de mobiliser la Commission à travers cinq registres d’action : les pressions individuelles, la mobilisation des réseaux d’avocats, la publication de rapports, l’envoi de missions d’enquête et le dépôt de plaintes auprès des organisations intergouvernementales.

-A partir de 1979, Israël/Palestine : la CIJ, dont la section israélienne n’est plus active, accueille une branche palestinienne créée et affiliée en octobre 1979, al-Haq (Law in the Service of Man). Egalement soutenue par Oxfam, celle-ci se veut impartiale et refuse en conséquence d’être financée par les parties au conflit, qu’il s’agisse d’Israël ou des pays arabes. Pour garantir son indépendance politique, elle décide ainsi de limiter statutairement à 20% la part maximale d’un bailleur de fonds dans son budget. D’autres ont moins ce souci d’impartialité. Fondées par des avocats palestiniens, respectivement en 1990 et 1995, la LAW (Palestinian Society for the Protection of Human Rights and the Environment) et le PCHR (Palestinian Center for Human Rights) sont en l’occurrence financés par la Fondation Ford et l’Union européenne. Bientôt affiliés à la CIJ, ils jouent un rôle important en septembre 2001 lors de la conférence de Durban contre le racisme et la xénophobie, qui demande à la communauté internationale de mettre en place des sanctions économiques et même de rompre ses relations diplomatiques avec Israël. Responsable de détournements de fonds, LAW, en particulier, accuse le gouvernement israélien d’apartheid, d’épuration ethnique et de crime contre l’humanité, contribuant à alimenter le glissement sémantique qui fait de l’antisémitisme un racisme anti-arabe et non plus juif. Selon Gerald Steinberg, l’ONG est d’autant plus biaisée qu’elle ne fait pas référence au terrorisme palestinien et à la construction d’usines d’armement artisanales dans des zones peuplées qui conduisent Tsahal à bombarder des civils.