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Commission internationale de juristes
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Historique

Commission internationale de juristes - Historique




Années 1980


-1980-1981, Nicaragua : chargé des affaires latino-américaines à la CIJ, Alejandro Artucio écrit en 1980 un rapport de mission très favorable au gouvernement révolutionnaire des socialistes sandinistes, qui ont pris le pouvoir à Managua un an plus tôt. L’auteur, un avocat uruguayen en exil, a en l’occurrence fait onze moins de prison dans son pays à cause de ses sympathies pour les guérilleros Tupamaro, un groupe d’extrême gauche. Son rapport donne donc le sentiment d’un parti pris idéologique en vue de couvrir les abus du régime sandiniste, en particulier à propos des disparitions observées après le renversement de la dictature d’Anastasio Somoza. De fait, les rares critiques d’Alejandro Artucio restent confidentielles et ne sont transmises qu’aux autorités de Managua. Opposant à la dictature somoziste puis au régime sandiniste, qui l’emprisonne à la suite d’un procès bâclé en février 1981, José Esteban González dénonce en conséquence la partialité de la CIJ.
 
-1981, Hollande : après avoir reçu du Conseil de l’Europe son premier prix des droits de l’homme en 1980, la CIJ tient en 1981 son septième congrès international à La Haye et confirme l’élargissement de son mandat à la défense des droits économiques et sociaux. Les conférenciers, qui affirment le lien entre respect du droit et développement, se saisissent aussi de l’occasion pour démocratiser et rajeunir l’organisation. Ils entreprennent ainsi de réviser les statuts de la Commission, dont les membres voient leur mandat réduit à cinq ans, renouvelable deux fois. Le comité exécutif de l’institution passe quant à lui de cinq à sept personnes et doit désormais, à partir de 1986, communiquer les minutes de ses réunions aux autres membres de la CIJ. D’une manière générale, enfin, l’institution s’ouvre davantage aux juristes originaires des pays du Sud, même si ceux-ci ne sont pas encore conviés à suivre des procès en Europe ou en Amérique du Nord.
 
-1982, Grande-Bretagne : après la guerre des Malouines, la CIJ se saisit du cas d’un capitaine argentin, Alfredo Astiz, qui a été capturé par l’armée britannique sur l’île de South Georgia le 25 avril 1982. Protégé par les Conventions de Genève, le militaire est en effet considéré comme un prisonnier de guerre. Une fois les hostilités terminées, il est donc relâché par Londres et renvoyé dans son pays alors qu’il est accusé d’avoir participé aux opérations de répression de la dictature en Argentine. Parce qu’il n’a pas commis de crimes de guerre lors des combats pour le contrôle des îles des Malouines, la Grande-Bretagne estime en l’occurrence qu’elle n’a pas à le poursuivre pour des violations des droits de l’homme perpétrées sur le territoire argentin, même si certaines relèvent effectivement de juridictions étrangères puisque le capitaine Alfredo Astiz est suspecté d’avoir trempé dans l’assassinat de deux bonnes sœurs françaises, Alice Domon et Renée Duquet (en octobre 2011, il sera finalement condamné à la prison à perpétuité par un tribunal de Buenos Aires).
 
-1983, Argentine : depuis Genève, la CIJ se mobilise contre la loi anti-terroriste du 29 septembre 1983, qui prolonge les délais de garde à vue et favorise les détentions arbitraires des forces de l’ordre. Il lui est cependant difficile d’enquêter sur place en Argentine, où ses collaborateurs font l’objet d’une surveillance continue. En 1981, la junte a ainsi perquisitionné les bureaux du Centre d’études juridiques et sociales, une organisation affiliée à la CIJ, et emprisonné pendant sept jours son directeur, Emilio Mignone.
 
-1984, Russie : signe de son inflexion idéologique et de l’amélioration de ses relations avec les pays de l’Est, la CIJ est, pour la première fois, invitée officiellement à Moscou par l’association des avocats soviétiques. L’envoi d’une délégation permet d’ébaucher un début de rapprochement avec l’AIJD (Association Internationale des Juristes Démocrates), une ONG rivale, créée en 1946, inféodée à l'URSS et initialement dirigée par des antifascistes du parti communiste français comme Pierre Cot (1895-1977), un ministre radical-socialiste du Front populaire en 1936, puis Joël Nordmann (1910-2005), un avocat et un résistant en 1942-1944. A défaut d’une véritable réconciliation, la rencontre de Moscou aboutit en l’occurrence à établir une sorte de « coexistence pacifique » entre deux organisations qui, historiquement, s’étaient construites l’une contre l’autre. Dans un rapport publié en 1955 et intitulé Under False Colours : A Report on the Character of the International Association of Democratic Lawyers, la CIJ avait ainsi dénoncé les agissements d’un « sous-marin » au service du parti communiste. Trois ans plus tard, l’AIJD lui avait alors rendu la monnaie de sa pièce en l’accusant de faire le jeu de Washington dans un opuscule rédigé par un « prêtre rouge », l’abbé Jean Boulier.
 
-1985, Kenya : à l’occasion de son huitième congrès international, qui se tient à Nairobi, la CIJ réaffirme l’élargissement de son mandat à la défense des droits économiques, sociaux et culturels.
 
-1987, France : la CIJ soumet au Conseil de l’Europe un projet de convention contre la torture qui prévoit de visiter les centres de détention et qui est bientôt approuvé par les parlementaires de Strasbourg.
 
-A partir de 1988, Afrique du Sud : la CIJ multiplie les critiques contre le régime de l’apartheid et condamne sa politique de création de homelands, qui fait des Noirs des étrangers dans leur propre pays. Suite à une enquête effectuée en février 1987, la Commission publie ainsi en mai 1988 un rapport qui dénonce, entre autres, l’usage de la torture, l’immunité des forces de sécurité et le harcèlement des avocats lors des procès d’opposants.
 
-1989, Venezuela : lors du neuvième congrès international de la CIJ, qui se tient à Caracas, la sénatrice irlandaise Mary Robinson s’inquiète du peu d’intérêt de l’organisation pour les droits de la femme. La Commission commence alors à se préoccuper des discriminations sexuelles.