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Médecins du Monde - Commentaires




6) Les relations avec les forces politiques


-Là où les besoins sont indéniables, des interventions de MDM dénotent par ailleurs une certaine coloration politique, notamment aux côtés des moudjahidine dans l’Afghanistan envahie par l’Armée rouge, où l’organisation pénètre clandestinement depuis la frontière pakistanaise. Pour MDM à l’époque, la prévention humanitaire est plus efficace à l’intérieur des zones tenues par les rebelles, plutôt qu’en “ fin de parcours ”, dans les camps de réfugiés afghans au Pakistan. Mais d’après des analystes, la décision de n’intervenir que du côté des moudjahidine traduit également un refus de négocier avec le gouvernement mis en place par les Soviétiques à Kaboul. Le caractère clandestin des opérations oblige à corrompre les douaniers pakistanais et les passeurs afghans, alimentant tout un réseau mafieux de profiteurs de guerre. Les caravanes de médicaments se greffent sur les transports d’armes de la rébellion. Responsable Afghanistan de MDM entre 1983 et 1984, Patrice Franceschi franchit le pas et part se battre aux côtés des moudjahidine du commandant Amin Wardak. Dans un film réalisé par Christophe de Ponfilly, produit par Interscoop, diffusé sur France 2 et intitulé Vies clandestines, Patrice Franceschi explique avoir voulu “ leur apporter ce que je savais et pouvais faire dans le domaine de la lutte armée pour les aider à mieux se défendre ”.
 
-A la différence de MSF, MDM ne se revendique pas de la neutralité « dunantiste » du mouvement de la Croix-Rouge. En témoigne son slogan : « nous luttons contre toutes les maladies, même l’injustice ». Les positionnements politiques de MDM dans un conflit armé ne relèvent cependant pas d’une idéologie partisane à proprement parler. Dans un ouvrage collectif dirigé par Marie-José Domestici-Met, Bernard Granjon, Michel Brugière et Pierre Pradier écrivent que “ MDM choisit son camp ” : celui “ des plus défavorisés ”. Or les opprimés d’aujourd’hui sont souvent les oppresseurs de demain, ceci expliquant certains revirements de l’organisation, qui a pu d’abord s’engager du côté des chiites au Liban en 1975 puis des chrétiens la décennie suivante. Dans le cas de l’Angola à partir de 1993, Michel Brugière souligne que l’association a pris soin de travailler à la fois du côté gouvernemental, à Benguela jusqu’en 1998, et du côté des rebelles de l’UNITA (União Nacional para a Independência Total de Angola), en l’occurrence à Negage à partir de 1994. Des volontaires de MDM, qui plus est, ont pu avoir un passé politique sans que cela influence les stratégies d’action de l’organisation, à l’instar de Michel Brugière, socialiste et ancien adjoint du maire d’Aurillac. Au Soudan puis en Afrique du Sud, par exemple, MDM a travaillé avec Michele D’Auria, un médecin italien qui se cachait sous le nom d’emprunt d’Antonio Canino et que Rome a ensuite accusé d’être mêlé à des braquages de banques à Milan en 1990 au profit de son frère Lucia, militant d’un groupe terroriste du type Brigades rouges : Prima Linea. D’une manière générale, l’association joue plutôt un rôle politique par défaut. Elle érode en effet les souverainetés étatiques en prônant un droit d’ingérence humanitaire et en contribuant à privatiser les services de santé des pays en développement où elle intervient. Dans une controverse qui l’a opposée à Claude Moncorgé du temps où celui-ci présidait l’ONG, Mariella Pandolfi reprochait ainsi à MDM de court-circuiter les autorités publiques nationales et de participer d’un mouvement global qui minait les capacités de reconstruction locales.-En France, MDM mène par ailleurs des actions de lobbying, par exemple en faveur de la loi sur la Couverture Maladie Universelle. Lors d’une entrevue avec le président Nicolas Sarkozy en octobre 2007, encore, le président de l’association, Pierre Micheletti, a pris position contre l’utilisation de tests ADN (Acide désoxyribonucléique) dans le cadre du regroupement familial des étrangers. MDM a alors lancé une pétition qui a recueilli près de 40 000 signatures pour protester contre l’utilisation de la médecine à des fins policières en vue de traquer et expulser les émigrés illégaux ; in fine, le texte visait à promouvoir un droit à la désobéissance déontologique autorisant le personnel de santé à refuser d’appliquer les instructions du ministère de l’Intérieur.