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Commission internationale de juristes
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Commission internationale de juristes - Commentaires




1) Le mandat


-La CIJ n’est pas une organisation humanitaire à proprement parler. Selon Lucian Weeramantry, elle n’est pas non plus une ONG de défense des droits de l’homme car son cœur de métier est d’abord de promouvoir l’état de droit contre l’arbitraire des gouvernements. La Commission se préoccupe néanmoins de la protection juridique des victimes de guerre, en particulier dans les conflits armés internes. A ce titre, elle peut participer activement à la promotion du droit international humanitaire. Dans l’analyse que son Journal proposait de la vingtième conférence internationale des Croix Rouges, qui s’est déroulée à Vienne en octobre 1965, la CIJ mettait ainsi en évidence la complémentarité de son travail avec celui du CICR. Soucieux de protéger sa neutralité, ce dernier avait par exemple refusé de mener une enquête sur les événements de Bizerte ; en juillet 1961, la Commission a alors pris le relais et accédé à la demande du gouvernement tunisien pour dénoncer la répression de l’armée française. Basées à Genève, les deux institutions sont en fait très proches, si bien que la CIJ a parfois été dirigée par des anciens juristes du Comité international de la Croix-Rouge, à l’instar de Jean Flavien Lalive puis Louise Doswald-Beck. A l’occasion, l’organisation a aussi pu se préoccuper de défendre les droits des travailleurs humanitaires dans des pays en guerre. En novembre 2006, notamment, elle a décidé de braver le refus des autorités du Sri Lanka pour envoyer un avocat australien, Michael Birnbaum, observer l’instruction judiciaire du meurtre de 17 employés de l’ONG française Action contre la Faim, tués à Muttur trois mois auparavant. Revenu effectuer une mission sur place en mars 2007, celui-ci devait conclure que l’enquête diligentée par le gouvernement cinghalais avait été partiale, opaque et inefficace, la police ayant d’emblée accusé la guérilla d’être responsable des assassinats, sans prendre la peine d’interroger la population tamoule ou les membres des forces de sécurité.

-D’une manière générale, la CIJ cherche à aider les victimes de conflits. Si elle ne fournit pas directement une assistance juridique à des prisonniers politiques, elle envoie à leurs procès des observateurs pour surveiller le respect des droits de la défense. En cas de refus des gouvernements concernés, la Commission use également de son influence dans les milieux officiels, ou bien monte des campagnes de presse pour dénoncer le sort réservé aux suspects. A sa manière, elle contribue donc à sauver des vies et prétend avoir joué un rôle crucial pour obtenir la libération ou la grâce de personnalités comme le professeur espagnol Enrique Tierno en 1961 ou le joueur d’échecs tchèque Ludwig Pachman en 1973…

-Le droit international humanitaire n’est certes pas la principale préoccupation de la CIJ. Dans l’affaire du capitaine Alfredo Astiz en avril 1982, il a même pu entraver les efforts d’investigation de la Commission. L’évolution du mandat de l’organisation a d’ailleurs pris d’autres directions. Bien avant Amnesty International ou Human Rights Watch, explique Daniel Chong, la CIJ a en l’occurrence été une des premières ONG à s’écarter du domaine des droits de l’homme stricto sensu pour se préoccuper aussi des droits économiques et sociaux. Depuis lors, l’organisation s’est ouverte à des thématiques comme les discriminations sexuelles contre les femmes ou les homosexuel(le)s. A l’instar d’Amnesty International, elle s’est également engagée en faveur de l’abolition de la peine de mort, disposition qu’elle a intégré dans ses statuts après de nombreux débats en 2002. En revanche, elle a renoncé à s’impliquer dans des efforts de médiation après une expérience malheureuse dans la colonie britannique du Guyana en 1965. Sous l’égide de Nicholas Howen à partir de 2004, la CIJ a plutôt cherché à développer des programmes thématiques et régionaux tout à la fois. Transversaux, les premiers concernent surtout la promotion des droits économiques et sociaux, l’indépendance de la magistrature, la défense des homosexuel(le)s et la responsabilité sociale des entreprises multinationales. Les seconds, eux, couvrent essentiellement l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique centrale, en se focalisant notamment sur la Sierra Leone, la Thaïlande, le Népal, le Pakistan, l’Inde, le Bangladesh et la Russie au cours des années 2000.

-Pour exercer son mandat, la CIJ utilise quatre principaux registres d’action : l’envoi d’observateurs à des procès ; l’organisation de missions d’enquête ad hoc ; la participation à des projets de lois ou de conventions ; les pressions diplomatiques, enfin, davantage que le recours aux médias. A cela s’ajoutent historiquement d’autres fonctions que le directeur du personnel de la Commission entre 1964 et 1970, Lucian Weeramantry, récapitule ainsi : tenir des congrès ; publier des études approfondies ; éditer un bulletin ; diffuser la jurisprudence ; mobiliser les juristes ; lancer des campagnes nationales ; établir des sections à l’étranger ; et collaborer avec les ONG de défense des droits de l’homme.