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Commission internationale de juristes
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Commission internationale de juristes - Commentaires




5) Les financements


-De fait, l’arrêt brutal des subventions de la CIA a vite obligé la Commission à diversifier ses sources de financements afin d’échapper aux conditionnalités politiques de ses bailleurs. Cela n’a d’ailleurs pas été facile. En dépit des efforts de Sean MacBride, par exemple, la CIJ n’a pas réussi à avoir un soutien de l’UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization), où elle avait obtenu en 1965 un statut consultatif en vue de promouvoir des projets d’éducation en matière de droit. La Commission a ensuite continué d’être critiquée par les juristes du bloc soviétique car elle était désormais financée par le président de la Fondation Ford, McGeorge Bundy, un homme qui avait supervisé les activités de la CIA lorsqu’il était directeur du Conseil national de sécurité du temps des administrations de John Kennedy puis Lyndon Johnson de 1961 à 1966. De fait, le scandale de 1967 n’a pas seulement mis en évidence des irrégularités budgétaires, mais aussi et surtout un gros problème de gouvernance puisque les sections nationales et une bonne partie des membres de la CIJ ignoraient l’origine des fonds qui permettaient le fonctionnement de l’organisation. Dans le même ordre d’idées, l’institution a ainsi monté une mission d’enquête en Guinée équatoriale sans savoir que celle-ci était en réalité financée par un agent du régime sud-africain de l’apartheid, Craig Williamson, qui avait infiltré une structure basée en Suisse et subventionnée par le parti social-démocrate suédois, l’International University Exchange Fund.

-A l’époque, la CIJ manquait indéniablement de transparence, y compris en interne. Jusque dans les années 1970 et 1980, la moitié de ses missions d’enquête n’indiquaient pas l’origine de leurs financements. Sur 17 rapports étudiés par Hans Thoolen et Berth Verstappen, par exemple, seulement 5 en disaient un mot. Depuis lors, la CIJ a certes fait des progrès en mettant en ligne sur Internet les comptes d’emploi de ses ressources. Parallèlement, l’organisation a pris soin de diversifier ses financements et d’éviter les subventions susceptibles de compromettre sa liberté d’action. En 1983, la CIJ a ainsi refusé de bénéficier des largesses d’une fondation créée par le président Ronald Reagan, la NED (National Endowment for Democracy), pour soutenir l’opposition dans les pays communistes. Dans le même ordre d’idées, l’institution a essayé de réduire la part de subventions qui provenaient d’agences gouvernementales et qui ne représentaient plus que 29% d’un budget total de 2 051 000 francs suisses en 1990. La coopération suédoise SIDA (Swedish International Development Agency) est néanmoins restée un partenaire fidèle lorsqu’il a fallu assurer des fins de mois difficiles et réduire les effectifs du personnel en période de déficit continu, de 2001 à 2005. Concrètement, la CIJ n’a en fait pas réussi à s’affranchir des soutiens gouvernementaux. Dans son budget, la proportion de financements privés est en l’occurrence tombée d’un maximum de 46% en 2002 à un plancher de 18% en 2005, à tel point que, depuis 2008, ses rapports annuels ne mentionnent plus nommément les bailleurs de l’institution et les montants qu’ils lui allouent. « En effet, explique Howard Tolley, la CIJ ressemble beaucoup à une organisation quasi-non-gouvernementale qui utilise des fonds publics pour assurer un service public. Après avoir prétendu qu’elle vivait grâce aux cotisations de ses membres, l’institution reconnaît aujourd’hui qu’elle dépend essentiellement des financements des gouvernements et des fondations ».