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Commission internationale de juristes
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Commission internationale de juristes - Commentaires




2) Le fonctionnement interne


-A Genève, les pouvoirs de la CIJ se concentrent entre les mains du président de la Commission, du responsable de son comité exécutif et du secrétaire général de l’organisation. L’institution, qui n’applique pas de quotas régionaux pour élire ou recruter ses dirigeants, a vite confirmé sa dimension internationale au niveau de la présidence, avec le Canadien Joseph Thorson (1952-1959), l’Indien Vivian Bose (1959-1966), le Sri Lankais Thusew Fernando (1966-1977), le Sénégalais Kéba Mbaye (1977-1985), le Vénézuélien Andres Aguilar Mawdsley (1985-1991), l’Espagnol Don Joaquín Ruiz-Gimenez (1991-1995), l’Australien Michael Kirby (1995-1998), la Canadienne Claire L’Heureux-Dubé (1998-2002), le Sud-Africain Arthur Chaskalson (2002-2007), l’Irlandaise Mary Robinson (2008-2010) et le Vénézuelien Pedro Nikken (depuis 2011). Pendant longtemps, les secrétaires généraux ont en revanché été des Occidentaux, en l’occurrence le Hollandais Bart van Dal à partir de 1953, le Britannique Norman Mash à partir de 1956, le Suisse Jean Flavien Lalive à partir de 1958, le Néo-zélandais Leslie Munro à partir de 1961, l’Irlandais Sean MacBride à partir de 1963 et le Britannique Niall McDermot à partir de 1971, avant de céder la place à un Sénégalais, Adama Dieng, à partir de 1991, puis de nouveau une Britannique, Louise Doswald-Beck, à partir de 2001, et enfin un Australien, Nicholas Howen, à partir de 2004, et un Urugayen, Wilder Tayler, à partir de 2010. La domination des Américains a été encore plus marquée pour ce qui était des premiers présidents du comité exécutif de la Commission, avec Dudley Bonsal de 1953 à 1959, Benjamin Shute de 1959 à 1961 et Eli Whitney Debevoise de 1962 à 1976, qui étaient tous membres de l’American Fund for Free Jurists et parfaitement au courant des financements de la CIA. Egalement américain, leur successeur William Butler a quant à lui occupé le poste de 1977 à 1989, un record de longévité, avant de céder la place à un Hollandais, Paul Joan George Kapteyn, qui a assuré l’intérim jusqu’en 1991. Depuis lors, la présidence du comité exécutif de la Commission a été confiée à des juristes australiens, Michael Kirby (1992-1997) et John Dowd (2002 -2008), un professeur ghanéen, Kofi Kumado (1998-2001), et une avocate du Botswana, Unity Dow (2006-2012).

-Historiquement, il a ainsi fallu attendre la fin de la guerre froide pour que la direction de la CIJ s’ouvre vraiment aux femmes, aux minorités et aux populations du tiers-monde. Une telle évolution a obligé l’institution à réviser ses statuts en 2001 afin d’élargir la Commission de 45 à 60 juristes et son comité exécutif de sept à neuf membres. Parallèlement, l’organisation s’est démocratisée et a réduit le mandat de ses « Commissaires », désormais limité à quatre ans et renouvelable une seule fois. Rassemblement de juristes, la CIJ ne continue pas moins de présenter un caractère élitiste qui ne lui permet guère de prétendre représenter les vœux de la « société civile » et de s’exprimer en son nom dans les instances internationales. A la différence d’Amnesty International, qui a su créer une base militante en mobilisant ses adhérents pour défendre des prisonniers politiques, la Commission travaille en effet sur des causes trop techniques pour soulever l’intérêt des masses ou même des médias, avec qui elle entretient des rapports beaucoup moins suivis que dans d’autres ONG de promotion des droits de l’homme. Le nombre d’interventions de la CIJ en faveur de cas individuels est ainsi tombé d’une moyenne de 38 par an au début des années 1970 à 22 à la fin des années 1980. D’une manière générale, l’institution ne traite d’ailleurs plus de dossiers individuels, même si, à l’occasion, elle peut parfaitement les transférer à des cabinets d’avocats qu’elle conseille. Autre caractéristique « élitiste », la CIJ concentre ses efforts sur la défense des juristes, un peu comme Avocats sans frontières en Belgique. Monté en 1978, son Centre pour l’indépendance des magistrats et des avocats (CIMA) en témoigne à sa manière. Aujourd’hui encore, les rares campagnes de presse de la Commission en faveur d’individus concernent essentiellement des juristes, à l’instar de Mohannad al-Hasani, un avocat syrien membre de la CIJ et président de l’Organisation de défense des droits de l’Homme “Sawasiya”, emprisonné en juillet 2009 et condamné en juin 2010 à trois ans de prison.