>
Oxford Committee for Famine Relief
>
Commentaires

Oxford Committee for Famine Relief - Commentaires




6) Les relations avec les forces politiques


-Chaque section d’Oxfam-International interagit avec la sphère politique du fait, soit de ses engagements sur la scène publique, soit de ses relations personnelles avec un parti, soit, encore, des activités de ses partenaires dans les pays en développement. Le Comité d’Oxford, notamment, est très proche des travaillistes, ainsi qu’en témoignent ses liens historiques avec Barbara Castle, la première titulaire du ministère du développement outre-mer créé par le gouvernement de Harold Wilson en 1964. Si l’on fait exception du bref intermède de Guy Stringer entre 1984 et 1985, la plupart des directeurs de l’organisation ont eu une carrière politique et ont surtout été choisis en fonction de leur capacité d’entregent, plus que de leur expérience au sein d’Oxfam. En poste de 1951 à 1975, Howard Leslie Kirkley était un pacifiste membre du parti travailliste. Méthodiste devenu quaker, Brian Walker, qui lui a succédé de 1975 à 1983, était également un pacifiste convaincu : soucieux de réunir les catholiques et les protestants modérés d’Irlande du Nord, d’où il était originaire, il avait fondé le New Ulster Movement en 1969 puis l’Alliance Party en 1970. Arrivé à la tête du Comité d’Oxford en juillet 1985, Frank Judd, lui, avait été député travailliste de Portsmouth West entre 1966 et 1979, successivement ministre de la Défense, des Affaires étrangères et de la Coopération entre 1974 et 1977, et directeur du VSO (Voluntary Service Overseas) après 1979. Après avoir démissionné en 1991 pour entrer à la Chambre des Lords, il a été remplacé par des directeurs au profil plus technocratique, à savoir David Bryer jusqu’en 2001, puis Barbara Stocking. Le Comité d’Oxford n’en est pas moins resté très proche du New Labour, à qui il a fourni plusieurs conseillers de Tony Blair : Justin Forsyth à propos du développement international ; Shriti Vadera sur les questions bancaires ; John Clark pour l’initiative d’un nouveau partenariat avec l’Afrique, le NEPAD (New Partnership for Africa's Development)… Connue pour ses sympathies sandinistes, la prédécesseur de Justin Forsyth à Oxfam, Dianna Melrose, est quant à elle entrée au Ministère des Affaires étrangères en 1999, où elle a rejoint la coopération britannique en 2002 pour appuyer l’initiative de transparence des industries extractives, avant d’être nommée ambassadeur à Cuba en 2008. Après avoir cédé sa place à un autre vétéran du Comité d’Oxford, Brendan Cox, Justin Forsyth a ensuite pris en charge la stratégie de communication du Premier ministre Gordon Brown avant de retourner au monde associatif et de devenir directeur de SCF-UK en 2010.
 
-D’autres sections d’Oxfam-International entretiennent également des relations suivies avec certains partis. En Australie, par exemple, CAA émane initialement de milieux religieux assez conservateurs qui voient dans l’aide aux pays pauvres un moyen de contenir la poussée du communisme. Influencée par l’idéologie tiers-mondiste, l’organisation se politise ensuite au moment où, précisément, les travaillistes reviennent au pouvoir pour la première fois depuis 1949, avec le gouvernement de Gough Whitlam entre 1972 et 1975. Favorables à l’augmentation de l’aide publique au développement, ceux-ci ne sont pas insensibles aux arguments de la section australienne d’Oxfam. Dans une certaine mesure, leur électorat recoupe en l’occurrence le profil des donateurs de l’association. D’après un sondage cité par Susan Blackburn et réalisé en 1987 auprès d’un millier de lecteurs de la CAA Review, les adhérents de la section australienne d’Oxfam s’avèrent ainsi plus éduqués et moins conservateurs que la moyenne du pays. Seulement 13% disent voter pour le parti libéral ou national, tandis que, sur le plan religieux, la plupart ne sont plus ou n’ont jamais été pratiquants. A l’instar de son homologue anglophone à Toronto, Oxfam-Québec est par ailleurs proche des syndicats et des autorités. Un ancien directeur de la coopération au Ministère des relations internationales, Ghislain Croft, siégeait ainsi dans son conseil d’administration en 2002. Membre du Parti Québécois, son président de 1992 à 1994, Jean-Pierre Charbonneau, a quant à lui présidé l'Assemblée législative de la province de 1996 à 2002, assumé diverses fonctions ministérielle en 2002-2003 et occupé un siège de député pour les circonscriptions de Verchères entre 1976 et 1989 puis de Borduas depuis 1994.
 
-Les liens d’Oxfam avec les travaillistes de Grande-Bretagne, d’Australie ou du Canada ont ainsi pu influencer les activités de l’organisation à travers le monde. Au Cambodge dans les années 1980, par exemple, le Comité d’Oxford a servi d’ambassade informelle auprès de la République du Kampuchéa démocratique, qui n’était pas reconnue par la communauté internationale. A la demande de la coopération australienne en 1986, CAA a, pour sa part, accepté de financer les bourses d’études de militants du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) en provenance de Nouvelle Calédonie. Le procédé a permis au gouvernement travailliste de Robert Hawke, à l’époque au pouvoir, de mener par procuration une politique extérieure favorable à l’indépendance de ce territoire, un sujet évidemment très sensible pour la France.
 
-Certes, de telles accointances n’empêchent pas la pluralité d’opinions. D’après Peter Burnell, les responsables d’Oxfam-UK sont généralement de centre-gauche mais les gérants de ses boutiques, majoritairement des femmes, sont plutôt de centre-droit. Les relations de l’organisation avec les syndicats britanniques témoignent également d’une certaine distance, à la différence d’ONG comme la Norwegian People’s Aid ou le Secours populaire français. Soucieux de préserver sa neutralité politique, le Comité d’Oxford n’a en effet pas souhaité entretenir de liens organiques avec le mouvement ouvrier et a par exemple évité que des représentants de syndicats siègent à son conseil d’administration. Si, par la suite, il a essayé de pénétrer le monde du travail pour y collecter des fonds en faveur de l’aide au tiers-monde dans les années 1970, c’est seulement dans les années 1990 qu’il a commencé à monter des campagnes communes avec les syndicats britanniques. Dans ce cadre, il a notamment coopéré avec la TGWU (Transport and General Workers Union) afin de contraindre le gouvernement de Tony Blair à retirer en avril 2002 les coupons imposés en avril 2000 aux demandeurs d’asile pour réduire leur allocation sociale et limiter leurs achats aux seuls biens de première nécessité.
 
-Dans les démocraties occidentales, la dimension politique d’Oxfam s’apprécie aussi au regard de ses engagements et de ses activités auprès des élus. Le mouvement exerce régulièrement des pressions sur les parlements, par exemple en Espagne ou en Grande-Bretagne pour demander une augmentation de l’aide publique au développement. Ainsi, CAA a commencé dès 1964 par réclamer une défiscalisation de ses activités humanitaires, a protesté en 1972 contre les conditionnalités politiques de la coopération australienne et s’est opposé à la baisse du budget de l’assistance au tiers-monde lors du retour au pouvoir des conservateurs en 1976. Après s’être dotée d’un département de plaidoyer en 1991, l’organisation a ensuite envoyé au gouvernement une pétition de 12 000 photos pour protester contre la politique d’immigration raciste que préconisait le parti nationaliste One Nation en 1997. Les diverses sections d’Oxfam-International mènent par ailleurs des campagnes sur des sujets précis comme le contrôle des ventes d’armes, la libéralisation des brevets des laboratoires pharmaceutiques, le commerce équitable, la transparence des industries extractives, la fin des subventions aux agriculteurs du Nord, etc. Le mouvement est également actif dans les pays en développement. Il fournit une expertise technique pour rédiger des lois, aide les gouvernements du Sud à défendre leurs intérêts dans les enceintes internationales, plaide en faveur des groupes marginalisés, leur offre une tribune d’expression…
 
-D’une manière générale, l’organisation ne prétend pas être neutre, notamment dans les situations de guerre civile. « Oxfam, explique ainsi Linda Agerbak, ne cherche pas systématiquement à avoir des liens avec toutes les parties au conflit. L’organisation n’est donc pas neutre au sens où l’entend le CICR (Comité international de la Croix-Rouge). En revanche, elle est impartiale car elle cherche à soulager les souffrances de toutes les victimes, sans considération pour leur nationalité, leurs opinions politiques ou leur origine ethnique ». Dans l’édition de 1995 de l’Oxfam Handbook of Development and Relief, encore, il est précisé que l’organisation « n’est pas neutre car elle prend parti pour les pauvres, la justice sociale et un développement équitable ». En l’occurrence, Oxfam a parfois sélectionné les bénéficiaires de ses secours en fonction de leur positionnement politique, comme au Mozambique, au Nicaragua ou au Cambodge. Dans le même ordre d’idées, l’organisation a pris parti pour des belligérants. Avec Susanna Smith, elle a dénoncé l’occupation de la Namibie par l’Afrique du Sud. Elle a également condamné l’invasion des territoires palestiniens par Israël, du Sahara occidental par le Maroc et de l’Ituri par l’Ouganda, sans même parler du blocus de l’enclave biafraise par l’armée nigériane et des interventions américaines au Nicaragua ou en Irak. En revanche, elle ne s’est pas prononcée sur l’occupation du Cambodge par les troupes vietnamiennes en 1979 ou le soutien militaire de l’Inde au Bangladesh en 1970.
 
-De pair avec sa laïcisation, le mouvement a d’abord connu la même dérive tiers-mondiste et révolutionnaire que beaucoup d’ONG spécialisées dans le développement au cours des années 1970. En Australie, par exemple, CAA s’est engagée en faveur de l’indépendance du Timor oriental après avoir reçu la visite de Jose Ramos Horta, le leader du FRETILIN (Frente Revolucionária de Timor-Leste Independente), qui a d’abord combattu le colonisateur portugais puis l’occupant indonésien. L’organisation, qui avait envoyé sur place quelques secours en novembre 1975, peu avant l’invasion des troupes de Djakarta, a ensuite essayé d’acheminer clandestinement de l’aide dans un bateau qui a été arrêté par les Australiens alors qu’il convoyait à la fois des médicaments et des armes « d’autodéfense », en l’occurrence quatre revolvers. Tandis que l’équipage était arrêté et gagnait son procès en appel, CAA a fait pression sur Canberra pour arrêter toute coopération militaire avec l’Indonésie et a publiquement dénoncé l’occupation du Timor oriental. Ce faisant, l’organisation a dû, en 1977, se retirer d’Indonésie, où Oxfam-UK a pris le relais. Le positionnement politique de CAA, à laquelle s’opposait son représentant à Djakarta, Glen Williams, a ainsi compromis la poursuite des activités humanitaires de l’association dans la région pendant onze ans, jusqu’à son retour en 1988.
 
-Bien entendu, de tels engagements ont suscité leur lot de critiques. A l’époque, Oxfam-America, qui continue d’ailleurs de financer la Fondation Augusto Cesar Sandino au Nicaragua, a notamment été accusé par le journaliste Allan Brownfield d’appuyer des groupes marxistes en Amérique latine. Avec la fin de la guerre froide, le mouvement s’est ensuite impliqué dans le mouvement altermondialiste mais sans en adopter tous les excès. Cela n’a pas empêché le Comité d’Oxford de continuer à être suspecté par la presse de divers dérapages, par exemple en octobre 1992 lors de la commémoration de la découverte du continent américain par Christophe Colomb, quand des partisans de l’IRA (Irish Republican Army) ont profité d’une conférence préparée par Oxfam-Irlande pour dénoncer les violations des droits de l’homme et le colonialisme britannique en Ulster. Dans l’édition de Caretas du 13 juillet 2002, encore, le journaliste péruvien Augosto Elmore a accusé Oxfam-UK de soutenir des mouvements violents et d’être infiltré par les guerilleros du Sentier Lumineux, tandis que les autorités menaçaient d’expulser l’organisation. Le mois d’avant, le Comité d’Oxford avait en effet financé un référendum organisé par la municipalité de Tambogrande pour réclamer (à 98%) le départ de la multinationale canadienne Manhattan Minerals Corp., qui exploitait des gisements dans la région depuis quatre ans. Or le « front de défense » qui avait pris l’initiative de la consultation était responsable d’une manifestation qui, en février 2001, avait dégénéré en émeute au cours de laquelle les bureaux de la compagnie avaient été mis à sac…
 
-Les engagements politiques des partenaires d’Oxfam dans le tiers-monde sont également importants puisque certains vont jusqu’à participer à des élections ou à la formation de partis d’opposition. Ce peut être à titre individuel. Ainsi, au Kenya, un collaborateur d’Oxfam était candidat aux législatives de 1997 dans la circonscription de North Turkana. Ce peut aussi être à titre collectif. En Sierra Leone, par exemple, Oxfam a formé 53 femmes pour se présenter aux élections municipales de 2004, les premières dans ce pays depuis 1972. En Inde dans l’Andhra Pradesh et le sud de l’Orissa, encore, des femmes membres d’AWARE (Action for Welfare and Awakening in Rural Environment) se sont présentées aux municipales et 260 ont été élues dans les assemblées villageoises panchayats au cours des années 1980. En gagnant un appel à la Cour suprême, l’association a par ailleurs fait pression sur le gouvernement pour confisquer et redistribuer les terrains occupés illégalement par les gros fermiers. AWARE a organisé des manifestations qui, selon ses chiffres, ont pu réunir jusqu’à 10 000 personnes pour protester contre la non application de la loi censée protéger les terres tribales, le Land Transfer Regulation Act. Des paysans ont envahi les fermes et chassé manu militari les propriétaires fonciers. En heurtant les intérêts des notables de la région, AWARE a alors été soupçonnée de sympathies marxistes et, en 1989, le ministère de l’Intérieur de l’Etat d’Andhra Pradesh lui a brièvement interdit de recevoir des fonds de l’étranger. Bien qu’inspirée des idéaux de la république villageoise (Gram Swaraj) de Mahatma Gandhi, AWARE a notamment été attaquée par un parti urbain et conservateur, le Bharatiya Janata, qui lui reprochait de vouloir convertir les paysans à la chrétienté. Dans le même temps, AWARE faisait de la concurrence au parti communiste, qui perdait du terrain en milieu rural et a accusé l’ONG d’espionner pour la CIA (Central Intelligence Agency).
 
-Pour continuer avec l’exemple de l’Inde, on peut également citer le cas d’Unnayan dans l’Etat de Calcutta. Fondée par Jai Sen et soutenue par NOVIB depuis sa création en 1977, cette ONG, dont le nom signifie « développement » en bengali, avait initialement pour objectif de reloger les victimes d’inondations. Elle s’est rapidement politisée en organisant des grèves, des actions de lobbying et des manifestations de rues pour protester contre l’expulsion des habitants des bidonvilles en prévision de la construction d’un périphérique urbain. En 1984, Unnayan se dotait alors d’une branche spécifiquement dédiée au plaidoyer, l’Organisation pour la défense des droits des travailleurs déracinés CSAS (Chhinnamul Sramajibi Adhikar Samity). En effet, la législation indienne interdisait aux étrangers de financer des campagnes politiques et l’ONG risquait en conséquence de perdre les subventions de NOVIB. En 1986, Jai Sen prenait ensuite la tête d’une coalition nationale pour le droit opposable au logement. Une telle évolution allait d’ailleurs signer l’arrêt de mort de l’organisation, accusée par les squatters de s’éloigner des problèmes du terrain et de consacrer trop d’argent au lobbying, en l’occurrence sans résultats tangibles et au détriment des actions sociales menées dans les quartiers. Le schisme était consacré lorsque des militants de CSAS manifestèrent devant les bureaux de l’ONG en 1990 et décidèrent de se séparer d’Unnayan. Vidé de sa substance et de sa légitimité première, l’organisation ne résistât pas longtemps à sa reprise en mains par NOVIB après la démission d’une partie de ses collaborateurs. Venue du monde de l’entreprise et engagée fin 1994, sa nouvelle directrice essaya de professionnaliser Unnayan. Mais son projet heurtait la culture associative et démocratique des employés de base, qui la renvoyèrent à l’été 1997, provoquant l’arrêt soudain des subventions de NOVIB et, partant, la disparition de l’ONG.
 
-Au Sri Lanka, le SSM (Sarvodaya Shramadana Movement) illustre tout aussi bien la dimension politique des partenaires d’Oxfam. Candidat du parti communiste dans la localité de Kanatoluwa, qui était habitée par des Intouchables (Rodiya) et où il s’était installé en 1958, le fondateur de cette ONG, Ahangamage Tudor Ariyaratne, était un utopiste qui, s’inspirant de la pensée de Mahatma Gandhi, voulait favoriser l’établissement de petites républiques villageoises, dites Grama Swarajya. Proche de Solomon Bandaranaike, le Premier ministre socialiste du Sri Lanka entre 1956 et 1959, il avait commencé à mettre en pratique ses idées politiques en milieu rural avec des étudiants et des enseignants venus d’une école bouddhiste de Colombo, Nalanda Vidyalaya. Par référence à la tradition des travaux agricoles d’utilité collective, le SSM allait en l’occurrence développer une « philosophie » (Sarvodaya) du « réveil social par l’entraide » (Shramadana), les mots shrama et dana évoquant respectivement « l’énergie » (physique et psychique) et le « partage ». Sous l’influence revendiquée du mouvement gandhiste Bhoodan-Gramadan d’Acharya Vinoba Bhave, qui, lancé en 1951, voulait collectiviser les terres vacantes pour les donner aux paysans les plus pauvres, Ahangamage Tudor Ariyaratne a monté son premier camp de travail en 1958 à Kanatoluwa. L’expérience, qui s’est rapidement étendue à Manawa et Panchichenkerney, devait déboucher sur la constitution en mars 1970 d’une alliance d’une cinquantaine de conseils villageois, les gramodaya. A la croisée de la modernité socialiste et de la tradition bouddhiste, le SSM n’était cependant pas dépourvu d’ambiguïtés et ses camps de travail ont été accusés d’exploiter une main d’œuvre gratuite, abusée par de belles paroles sur fond d’obéissance religieuse. Favorable à l’Etat-providence et opposé à une confrontation politique avec les autorités gouvernementales, Ahangamage Tudor Ariyaratne a donné le sentiment qu’il confortait le système en place : dans le deuxième volume de ses pensées, il expliquait ainsi comment ses efforts visaient à prévenir les conflits et éviter l’explosion sociale. Prônant le rétablissement des valeurs anciennes et la réforme d’un système éducatif perverti par la colonisation britannique, il a également promu une philosophie bouddhiste qui l’a placé en porte-à-faux par rapport à la minorité tamoule du Sri Lanka. Proclamant l’amour de son prochain, il a certes mis en place un programme d’échanges entre des familles cinghalaises du Sud et tamoules du Nord en 1960. En 1983, le SSM a par ailleurs aidé des Tamouls victimes de violences ethniques. Depuis lors, relate Kamla Chowdhry, le docteur Vinya Ariyaratne, qui a repris la direction du mouvement à la suite de son père, a tenté de prendre ses distances avec les gouvernements nationalistes de Junius Richard Jayawardene puis de Ranasinghe Premadasa, qui n’a pas manqué de le critiquer. Mais ses efforts se sont toujours concentré sur le régions cingalaises et l’organisation, qui prétendait être présente dans un tiers des villages du pays, est restée dominée par des bouddhistes.
 
-La dimension politique des partenaires d’Oxfam dans le tiers-monde est particulièrement évidente lorsqu’il s’agit d’organisations de défense des droits de l’homme. En témoigne la Fondation de l’Institut indonésien d’aide juridique, la YLBHI (Yayasan Lembaga Bantuan Hukum Indonesia). Celle-ci émane en l’occurrence du LBH (Lembaga Bantuan Hukum), un institut créé le 28 octobre 1970 par une association d’avocats, PERADIN (Persatuan Advokat Indonesia), à l’initiative d’Adnan Buyung Nasution. Avec l’approbation initiale des autorités, son objectif est de fournir une aide juridique aux pauvres, d’éveiller les consciences citoyennes et de favoriser la réforme du droit. En 1973, le LBH défend ainsi des familles expulsées de Kampung Simprug (un quartier central de Djakarta), Halim Perdana Kusumuh (une aire convoitée par l’armée de l’air), Sunter Timur (une zone industrielle) et Lubang Buaya (des terres destinées à l’établissement d’un parc de loisirs). Les années suivantes, l’institut s’implique également en faveur d’employés de la compagnie Jakarta Lloyd, d’étudiants soupçonnés de subversion et de paysans accusés d’activités illégales parce qu’ils menacent les intérêts des autorités. Concurrencé par la prolifération d’associations d’aide juridique dans la mouvance du parti-Etat Golkar, le LBH est alors taxé de marxisme car il critique l’impact social des décisions de l’administration. Bénéficiant du soutien des médias, l’organisation élargit cependant son champ d’action en dehors de la capitale et ouvre des bureaux en province à partir de 1978. Avec 200 employés et un budget de 1,5 million de dollars en 1991, elle est bientôt suffisamment forte pour défendre les opposants traînés en justice par le pouvoir et soutenir le PDI (Partai Demokrasi Indonesia) de Megawati Sukarnoputri, une fille de l’ancien président Ahmed Sukarno. Aux élections législatives de mai 1997, la YLBHI joue par exemple un rôle central dans l’organisation d’un collectif favorable au PDI, le Conseil populaire indonésien MARI (Majelis Rakyat Indonesia). L’organisation perd cependant du terrain après les élections de juin 1999 qui consacrent l’effondrement de la dictature du Golkar et du général Soeharto. Constituée d’avocats d’affaires proches des grandes familles de notables, elle n’a en effet pas d’influence sur les masses rurales. Son fondateur, Adnan Buyung Nasution, défend ainsi le fils du général Soeharto, « Tommy » Hutomo Mandala Putra, qui est condamné en juillet 2002 à quinze ans de prison pour avoir commandité l'assassinat d’un juge de la Cour Suprême.