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Young Men’s Christian Association - Commentaires




4) Les financements


-Faute de rapport synthétisant les ressources financières des différentes sections de l’organisation, la base de données de l’Observatoire de l’Action Humanitaire ne présente que le budget de l’Alliance mondiale des YMCA à Genève, qui est différent de celui de l’UCJG suisse. En effet, la YMCA et la YMCA ne publient pas de budget agrégé de leurs différentes entités, à l’image d’un mouvement très décentralisé, voire éparpillé. Dans bien des cas, le constat s’applique à leurs conseils nationaux à l’intérieur d’un même pays, comme au Canada, où la YWCA n’a entrepris d’homogénéiser ses méthodes comptables qu’à partir de janvier 1963. Résultat, il est très difficile d’apprécier la véritable ampleur financière des budgets cumulés des associations locales. Le mouvement, remarque Martti Muukkonen, ne rend pas non plus de comptes sur ses transferts d’argent d’une structure à l’autre. Les montants des budgets de l’Alliance mondiale des YMCA tels qu’ils apparaissent dans la base de données de l’Observatoire de l’Action Humanitaire sont donc assez faibles. En réalité, il est possible que les ressources cumulées du mouvement n’aient rien à envier aux plus grosses ONG du monde.

-En pratique, le budget des Alliances mondiales de la YMCA et de la YWCA dépend des contributions et du bon vouloir des associations nationales et locales. En février 1993, celles-ci ont par exemple obligé Genève à fermer son comité permanent d’aide aux réfugiés et à passer le relais aux délégations régionales des YMCA à partir de janvier 1995. Officiellement, elles ont reproché à l’organisation mondiale de se voir dicter sa conduite par des bailleurs de fonds institutionnels qui finançaient les deux tiers de ses dépenses opérationnelles en faveur des victimes de guerre. Officieusement, il s’agissait aussi de reprendre la main alors que l’Alliance des YMCA était déjà court-circuitée par les initiatives caritatives des associations nationales. Depuis lors, Genève a essayé de diversifier ses sources de revenus. Si l’on en croit les chiffres de Carole Seymour-Jones, l’Alliance mondiale des YWCA a notamment réussi à faire baisser la part des contributions des associations locales de 60% de son budget en 1978 à 50% en 1983 et 33% en 1991. Mais son homologue des YMCA a été moins heureux. En effet, il a essayé de valoriser les revenus de la Fondation John Mott en plaçant son argent à l’UBS (Union de banques suisses), qui a perdu 4 millions de francs suisses lors de la crise financière de 2009. Résultat, les trois quarts du budget de l’Alliance mondiale des YMCA provenaient encore des contributions obligatoires des associations locales en 2008.
 
-Historiquement, les Etats-Unis ont toujours été un des principaux bailleurs de fonds du siège du mouvement à Genève, à égalité avec la Grande-Bretagne et la Suisse avant la Première Guerre mondiale, puis de façon écrasante après. Dans une très large mesure, le budget et la capacité d’initiative de l’Alliance mondiale des YMCA ont donc été très tributaires de l’évolution de la situation outre-Atlantique. Du fait de l’engagement des troupes américaines sur le front européen pendant la Première Guerre mondiale, les recettes de Genève sont ainsi passées de 68 000 francs suisses en 1913 à 167 000 en 1921 et jusqu’à 360 000 en 1925. Avec la crise économique, elles sont ensuite tombées de 329 000 francs suisses en 1929 à 150 000 en 1936, à peine une centaine de milliers en 1938. Il a fallu attendre la Seconde Guerre mondiale et la reprise des activités humanitaires outre-mer de la YMCA américaine pour que les finances de Genève s’améliorent et atteignent jusqu’à 688 000 francs suisses en 1948, contre 627 000 en 1952.
 
-En comparaison, le budget de l’Alliance mondiale des YWCA a souvent été plus faible. Inférieur au millier de dollars à la toute fin du XIXème siècle, il a progressivement augmenté et, une fois passé le cap de la crise économique de 1929, il a atteint $35 000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, en 1938, avant de dépasser les $63 000 en 1946. Après avoir bondi de 330 000 francs suisses en 1948 à 4 millions en 1994, il a ensuite stagné puis décliné au cours de la décennie suivante, à raison de 5,4 millions de francs suisses en 2004, 5,8 en 2005, 6,2 en 2006, 6,7 en 2007, 2 en 2008, 2,1 en 2009, 3,4 en 2010, 3,4 en 2011, 3 en 2012 et 3,9 en 2013. En général, les budgets des YWCA sont de toute façon moindres que ceux des YMCA. Au Canada, par exemple, ils étaient respectivement de C$1,3 et C$7 millions en 2005 et 2006. En Angleterre, encore, ils étaient de £6 millions en 2004 et £8,6 millions en 2005 pour la YWCA, contre £23,9 millions en 2004 et £23,7 millions en 2005 pour la YMCA en incluant les ressources d’Y-Care.

-Aux Etats-Unis, le mouvement a en fait démarré avec peu de moyens. Faute de local approprié, le comité exécutif des YMCA américaines a commencé en 1880 à se réunir dans la bibliothèque de son secrétaire général, Cephas Brainerd, avant de louer des bureaux en 1888 et d’emménager son quartier général dans un immeuble construit à ses frais sur des terrains donnés par William Dodge sur l’East 28th Street à New York. Fort d’un capital immobilier de 19 millions de dollars en 1915, contre 17 en 1895, il a alors pu développer les activités de son conseil « international » avec un budget qui a dépassé $100 000 en 1899 et $176 000 en 1900 au moment de la guerre contre l’Espagne, au lieu de $63 000 en 1895 et moins de $1 000 à ses débuts. Le véritable tournant a été pris quand la YMCA américaine a consacré la moitié de ses dépenses à des opérations outre-mer, essentiellement sur le front européen pendant la Première Guerre mondiale. A l’époque, le budget de son conseil « international » a ainsi atteint $800 000 en 1915. Malgré deux déficits en 1867 et 1923, celui-ci a ensuite réussi à maintenir son équilibre. Il a de nouveau connu une embellie au moment de la Seconde Guerre mondiale, quand les YMCA américaines ont battu leur propre record et affiché un budget cumulé de 60 millions de dollars en 1942. En 1975, par exemple, le mouvement disposait de ressources s’élevant à 3,7 millions de dollars pour ses activités outre-mer et à 300 000 dollars pour ses relations extérieures. Essentiellement consacré aux Etats-Unis, le budget de son comité national, quant à lui, était bien supérieur, à raison de 22,9 millions de dollars en 1981, jusqu’à 45,8 millions en 1995. En comparaison, le comité national de la YWCA américaine a généralement dû compter sur des ressources moindres, malgré un budget passé en près d’un siècle de 196 000 dollars en 1906 à 12,3 millions en 1995, avant de redescendre à $7,2 millions en 2005 et $7,9 millions en 2006.

-Au sein du mouvement, les Etats-Unis ont été les premiers à professionnaliser leurs collectes de fonds sous l’égide de pionniers comme Levi Mumma, Charles Ward, Miner Williams et Ward Dartmouth. En effet, leurs YMCA ont vite constaté qu’elles ne pouvaient pas seulement se financer à partir des contributions de leurs adhérents, à moins de relever le prix des cotisations et de pénaliser les plus pauvres. Elles ont donc décidé de lancer de véritables collectes de fonds au sens moderne du terme. Après avoir démarré à une petite échelle, respectivement en 1890 et 1897, Lyman Pierce et Charles Ward ont alors réussi à ramasser un million de dollars à Washington en 1905, puis quatre afin d’ériger de nouveaux bâtiments pour la YMCA de New York. Face à un tel succès, ils ont ensuite été chargés de diriger la collecte de fonds du mouvement pendant la Première Guerre mondiale, jusqu’à ce que le gouvernement les oblige à conjuguer leurs efforts avec ceux de la YWCA, de la Croix-Rouge américaine et des autres ONG impliquées dans l’assistance aux soldats envoyés outre-mer, à savoir l’Armée du Salut, les institutions catholiques, les organisations juives, les bibliothèques et l’association des services de loisirs (Playground and Recreation Association of America). Coordonnée par John Mott et Will Hays, qui supervisera la campagne du candidat républicain Warren Harding pour les élections de novembre 1920, cette initiative commune a en l’occurrence été décidée tardivement, en juin 1918, et elle a en fait démaré au moment de la signature d’un armistice avec l’Allemagne, en novembre suivant. Mais, explique Kenneth Steuer, elle a permis à la YMCA de récupérer un quota de 59% des sommes reçues, soit 170 millions de dollars, afin de faciliter le rapatriement et la démobilisation des troupes américaines tout en taisant son aide aux prisonniers de guerre allemands, contreproductive pour solliciter la générosité d’un public nationaliste.
 
-Après la fin des hostilités, la YMCA des Etats-Unis s’est résolue en 1919 à établir son propre service de collecte de fonds. Encore lui fallait-il essayer de mutualiser ses moyens. Suite à des discussions initiées à Atlantic City en 1912 puis Detroit en 1922, la convention de Cleveland a ainsi cherché à réduire le coût de collectes qui prélevaient jusqu’à 18% du budget de l’organisation du fait de la duplication des efforts et de l’éternelle compétition entre les YMCA locales et leurs représentants au conseil national à New York. Adoptée en novembre 1923, une nouvelle Constitution dessina alors un subtil compromis entre les besoins de rationalisation administrative et le souci de respecter l’autonomie des associations de base. A partir de janvier 1934, le droit de vote des YMCA américaines fut également conditionné par le versement au conseil national d’une contribution équivalant à 1% des revenus nets tirés des cotisations de leurs membres, des legs, des donations et des ventes de services. Une telle disposition n’en fit que mieux ressortir la prédominance du mouvement dans de grandes villes comme New York et Chicago. A raison de 6,6 millions de dollars en 1942, par exemple, l’association de Chicago pesait, à elle seule, pour plus de 10% du budget cumulé des YMCA américaines, qui devait atteindre 55,3 millions de dollars en 1945.

-La collecte de fonds auprès des particuliers n’a certes pas été la seule ressource budgétaire du mouvement. La YMCA a également fait appel au mécénat d’entreprises. Aux Etats-Unis, notamment, John Mott a obtenu le soutien des milliardaires John Rockefeller Junior et Cleveland Dodge, dont il était très proche, pour établir des YMCA à l’étranger et assister les soldats américains sur le front européen pendant la Première Guerre mondiale. Le mouvement a aussi reçu des financements d’Edward Harkness, qui avait des intérêts dans la Standard Oil, de Leander James McCormick, qui avait fait sa fortune dans l’industrie agroalimentaire, de John Wanamaker, qui avait créé une chaîne de magasins, et de Gerald Birks, un homme d’affaires de Montréal. La YMCA de New York, en particulier, a bénéficié du soutien de Samuel Colgate (le savon), John Rockefeller et Charles Millard Pratt (le pétrole), Cornelius Vanderbilt (le chemin de fer) et William Earle Dodge (le cuivre). Les associations étudiantes, elles, ont été financées par une philanthrope renommée de la famille de l’industriel McCormick, Nettie Fowler. La YWCA n’a pas été en reste. En Australie à partir de 1967, elle a reçu des subsides des compagnies minières BHP (Broken Hill Proprietary) et Con Zinc Rio Tinto.

-La YMCA a également généré ses propres revenus en vendant des services, disposition qui n’a pas été sans susciter des tensions. Aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure au Canada, la gestion d’hôtels qui entraient en compétition avec le secteur privé a en effet amené à questionner les avantages fiscaux et le statut caritatif de l’organisation. Les clubs d’aérobic du mouvement ont également été accusés de concurrence déloyale. Dès les années 1920 se sont ainsi multipliés les procès où les associations américaines ont dû arguer de services à un moindre coût pour justifier leurs pratiques commerciales et hôtelières. La YMCA a notamment soutenu que ses centres sportifs lui servaient surtout à recruter des volontaires et avaient largement précédé la mode de l’aérobic. Mais, remarque Alan Ware, ses activités ciblaient initialement les pauvres et non les classes moyennes susceptibles de se payer des leçons de gymnastique ; de plus, il est difficile de croire que l’organisation aurait perdu beaucoup de volontaires en fermant ses salles de sport. En Angleterre, par exemple, c’est surtout grâce à sa réputation caritative, fort ancienne, que la YMCA de Londres a obtenu de la Charity Commission le 3 décembre 1963 des exemptions d’impôts accordées sur la base d’une constitution approuvée le 20 décembre 1911 puis amendée le 20 mars 1950, le 29 mars 1971, le 29 septembre 1975, le 11 décembre1978, le 7 avril 1998, le 1er décembre 2009 et le 23 octobre 2009.

-D’une manière générale, le mouvement se finance surtout sur fonds privés. A Genève, les Alliances mondiales des YMCA et YWCA vivent essentiellement des cotisations du mouvement. Il en résulte que leurs budgets, qui tournaient respectivement autour de 3 et 2 millions de francs suisses au cours des années 2000, proviennent quasiment à 100% de fonds privés. De telles proportions se retrouvent souvent au niveau des conseils nationaux, qui vivent également des cotisations de leurs membres. Pour la YMCA du Canada, par exemple, les fonds privés ont fourni 90% d’un budget de C$ 8,8 millions en 2002, 89% d’un budget de C$ 8,6 millions en 2003, 83% d’un budget de C$ 6,4 millions en 2004, 85% d’un budget de C$ 7,4 millions en 2005 et 84% d’un budget de C$ 6,9 millions en 2006. La proportion était à peu près équivalente pour les YWCA des Etats-Unis et d’Angleterre, à hauteur de 84% d’un budget de $4,7 millions en 2003 et 82% d’un budget de $6,9 millions en 2004 pour la première, et de 84% d’un budget de £6 millions en 2000, 100% d’un budget de £7,8 millions en 2001, 100% d’un budget de £9 millions en 2002, 100% d’un budget de £9 millions en 2003, 100% d’un budget de £6 millions en 2004, 100% d’un budget de £8,6 millions en 2005 et 100% d’un budget de £7,5 millions en 2006 pour la seconde. On estime ainsi que seulement 11% des ressources cumulées des YMCA américaines, qui atteignaient $5,62 milliards en 2006, provenaient de fonds publics, une proportion comparable à celle du budget du conseil national du mouvement (23% d’un budget de $76.5 millions en 2004-2005, 18% d’un budget de $92 millions en 2005-2006 et 15% d’un budget de $90 millions en 2006-2007). De même, avec plus de 150 000 membres cotisants, la YMCA d’Australie affichait en 1995 un budget de $61 millions dont les trois quarts provenaient d’activités génératrices de revenus et 10% de subventions gouvernementales.
 
-A l’occasion, certaines associations n’en ont pas moins bénéficié de ressources émanant des pouvoirs publics. Pendant la guerre froide, les YMCA d’Asie ont notamment été financées par un sous-marin de la CIA (Central Intelligence Agency), l’Asia Foundation. De son côté, la YMCA américaine a été très largement soutenue par Washington pour assister les soldats déployés outre-mer pendant les deux guerres mondiales. A ce titre, relève Edward McKinley, elle a dû rendre des comptes au gouvernement et n’a pas fait preuve de la même souplesse financière que l’Armée du Salut, qui était généralement mieux appréciée des hommes du rang car elle envoyait des femmes sur le front et ne privilégiait pas systématiquement les officiers. Des contraintes budgétaires ont également obligé le mouvement à se rapprocher des pouvoirs publics. En 1983, l’Alliance mondiale des YWCA a par exemple ouvert un bureau à Bruxelles afin d’essayer de toucher des subventions de l’Union européenne. Au Canada, le mouvement des YMCA a quant à lui cherché à compenser la diminution de ses revenus en obtenant un soutien du gouvernement fédéral. A partir de 1958, il avait en effet participé avec les Etats-Unis à une campagne de collecte de fonds, Buildings for Brotherhood, qui devait permettre de rénover 98 dortoirs dans 32 pays. Mais ses efforts ne lui ont pas permis d’empêcher la fermeture, au cours des années 1970, de foyers désertés et dégradés faute d’argent pour les entretenir. La YMCA métropolitaine de Toronto, en particulier, s’est de plus en plus tournée vers les pouvoirs publics pour financer plus de la moitié de son budget, entre 57% en 1981 et 55% en 1994.
 
-Au niveau local, les YMCA américaines ont souvent suivi la même tendance pour compenser la diminution des cotisations individuelles de leurs membres dans des quartiers en voie d’appauvrissement et de ghettoïsation. Au tout début des années 1960, encore, elles se finançaient quasi-exclusivement sur fonds propres. En 1961, expliquent par exemple Mayer Zald et Patricia Denton, leurs ressources cumulées provenaient, en moyenne, à 34% de la vente de services et de locations hôtelières, à 32% des cotisations et des abonnements des membres, à 25% de dons et de legs et à 8% du produit de placements. Mais la part des subventions fédérales a ensuite augmenté et atteint environ 5% au cours des années 1970-1990. En novembre 1963, les YMCA américaines ont en effet décidé de s’impliquer davantage dans les programmes sociaux du président Lyndon Johnston. En mars 1967, elles ont alors signé deux gros contrats avec le gouvernement. De telles subventions leur ont ainsi permis de financer les salaires de certains employés locaux, désormais directement pris en charge par les pouvoirs publics, et la hausse du budget d’associations comme la YMCA de Chicago, qui est passé de 16 à 24 millions de dollars entre 1961 et 1966. Parallèlement, la part des cotisations des membres a diminué d’autant. A New York, elle est tombée de 92% à 67% du budget opérationnel de l’organisation entre 1980 et 2000, tandis que la proportion de fonds publics montait entre-temps de 8% à 20%. Dans les quartiers les plus pauvres, les subventions gouvernementales n’ont cependant pas permis d’empêcher des déficits, qui ont continué de se creuser au cours des années 1980. Certaines associations ont dû fermer des branches locales, transformer leurs foyers en auberges de jeunesse ou les reconvertir en centres de désintoxication pour alcooliques afin de bénéficier du soutien des autorités, comme dans la banlieue de Bedford à New York. D’autres ont également essayé de profiter de l’initiative pour la foi du président George Bush qui, en 2001, a décidé de confier à des ONG religieuses la mise en œuvre de programmes sociaux financés sur fonds publics.

-Les YMCA américaines, en l’occurrence, ne sont pas les seules à avoir connu des déboires financiers. En pleine banqueroute, la YMCA de Belgique a par exemple dû fermer ses portes en 1973. Les YWCA, explique Carole Seymour-Jones, n’ont pas non plus été épargnées. Concurrencées par d’autres ONG féministes, celles d’Amérique latine ont vu leurs cotisations s’effondrer et la part de leurs fonds propres tomber à 47% de leur budget entre 1987 et 1991, provoquant le départ de certains salariés. Tout aussi touchées par la baisse du nombre d’adhérents, les YWCA des Caraïbes n’ont pas non plus évité les déficits au cours des années 1980, d’autant plus qu’elles n’étaient guère auditées et habituées à rendre des comptes.
 
-Historiquement, le mouvement a d’ailleurs connu plusieurs scandales. Très actif dans la YMCA de Columbia en Caroline du Sud, le révérend méthodiste et afro-américain Richard Harvey Cain a ainsi été accusé de spéculation foncière et condamné pour faude en 1871. En 1892 dans le Kentucky, le président autoproclamé de la YMCA de Louisville, « King » Albert Mack, a quant à lui détourné des fonds destinés à construire un foyer. Dans l’Ohio, encore, le secrétaire blanc de la YMCA de Bellefontaine, Joseph Pawling, est parti avec la caisse en 1902. De fait, le mouvement n’a pas toujours été très regardant quant à la gestion de son personnel. Bien que condamné à une peine légère pour avoir détourné une partie du budget de la YMCA d’Adélaïde en 1886, John James Virgo a par exemple été nommé secrétaire général de l’association de London en 1911 et il a été chargé de lever des fonds importants pour financer les programmes de l’organisation en Australie pendant la Première Guerre mondiale. En 1922, une enquête des services d’immigration canadiens révélait par ailleurs que les cantines de la YMCA de Québec City avaient servi à escroquer les étrangers. Il est également arrivé que les abus ne relèvent pas de la responsabilité directe de l’organisation, à l’instar de ce gang qui, aux Etats-Unis en 1932, usurpa le nom d’un secrétaire afro-américain de la YMCA, Jesse Moorland, pour soutirer de l’argent aux communautés noires en faveur d’une ONG fictive.
 
-Il n’en reste pas moins que le mouvement n’a pas toujours répondu aux exigences de ses bailleurs. La YMCA de Chicago, note par exemple Mayer Zald, a généralement préféré mutualiser ses différentes sources de revenus, plutôt que de respecter la volonté individuelle de ses donateurs. Dès 1871, relate Emmett Dedmon, on lui a ainsi reproché de prélever de l’argent sur un fonds de secours destiné à aider les victimes d’un incendie qui avait ravagé la ville, ceci pour financer la reconstruction de la YMCA de Boston, détruite par un autre sinistre. Par la suite, note Thomas Winter, les YMCA américaines ont souvent eu tendance à gonfler leurs chiffres pour enjoliver leurs résultats. Résultat, leurs bailleurs ont parfois coupé leurs financements quand ils se sont aperçus de la supercherie. Les problèmes de gestion ont connu un nouveau rentissement quand la YMCA n’a dépensé que 152 des 167 millions de dollars reçus pendant la Première Guerre mondiale. A l’époque, la presse américaine a beaucoup critiqué les cantines des foyers de soldats dont les repas étaient payants. En effet, l’armée n’avait donné qu’un cinquième des vivres demandés, contrairement à ce qui était prévu. La YMCA a donc dû se fournir au prix fort auprès de commerçants privés alors que la guerre sous-marine à outrance avait renchéri le coût des transports et des assurances après le torpillage par la marine allemande du vapeur Kansan qui devait convoyer les rations alimentaires de l’organisation au tout début de ses opérations de distributions en France. Dans les foyers du soldat, la vente de paquets de cigarettes donnés par des œuvres caritatives a également fait scandale, entre autre parce que les caisses de tabac ne mentionnaient pas leur gratuité.
 
-Depuis lors, les problèmes n’ont pas complètement cessé. A Chicago, explique Mayer Zald, il est par exemple arrivé que la YMCA construise ses foyers en fonction d’opportunités économiques liées aux prix de l’immobilier ou à la donation de terrains, sans chercher à répondre aux besoins de la population. D’une manière générale, la commercialisation de la collecte de fonds du mouvement aux Etats-Unis a souvent mélangé les genres et frôlé le conflit d’intérêts en impliquant des cadres de l’organisation. Les premiers responsables des finances de la YMCA américaine, Lyman Pierce et Charles Ward, ont ainsi fondé leur propre firme à New York en septembre 1919 : Ward, Hill, Pierce & Wells. Y ont également participé les secrétaires généraux des associations de l’Ohio, avec Herbert Wells, et de Johnstown et Pittsburgh en Pennsylvanie, avec respectivement Harvey Hill, d’une part, et Christian Dreshman et Arnaud Cartwright Marts, d’autre part. Assistant de Lyman Pierce et Charles Ward en 1905, ce dernier devait ensuite collecter des fonds pour le parti républicain en 1922. Avec George Lundy, secrétaire général de la YMCA de Canton dans l’Ohio, il a alors lancé sa propre firme à New York en 1926. En vertu d’un code de conduite rédigé en 1927, Arnaud Cartwright Marts s’est certes engagé à collecter des fonds uniquement pour les causes qu’il soutenait, essentiellement en faveur des églises et des universités. De plus, il s’est contenté de prendre une commission fixe plutôt qu’un pourcentage susceptible d’entraîner des abus dans un but lucratif.
 
-A cet égard, l’éthique du mouvement n’est pas évidente au niveau mondial. En 2001, l’initiative pour la foi du président George Bush visait en l’occurrence à privilégier le financement d’ONG religieuses parce qu’elles étaient réputées plus intègres, moins onéreuses et plus dévouées. Pour autant, relèvent Margaret Gibelman et Sheldon Gelman, celles-ci n’ont pas échappé aux irrégularités des associations laïques et leur plus grande efficacité reste à démontrer. Dans le cas des YMCA et des YWCA, il se trouve en outre que le mouvement est très fragmenté. Autrement dit, il peut y avoir à certains niveaux des malversations dont la direction de l’organisation n’a même pas connaissance, obligeant par exemple Genève à rembourser à la coopération canadienne les fonds alloués à la YWCA kenyane pour une boulangerie jamais construite à Mombasa dans les années 1980. Autre difficulté, il n’existe pas de règles communes en matière de collecte de fonds, pas plus que de budget mutualisé. Alors que beaucoup d’ONG excluent tout soutien de l’industrie pharmaceutique pour éviter les conflits d’intérêts, l’Alliance mondiale des YWCA a ainsi reçu des subventions de la Pharmaceutical Research and Manufacturers of America. De son côté, la YWCA australienne a accepté, dans les années 1970, de toucher une partie des gains de la lotterie nationale alor s qu’elle avait longtemps refusé d’être financée par des jeux d’argent. Aux Etats-Unis, enfin, les YMCA militaires restent subventionnées par l’industrie de la défense, dérogeant aux principes de la plupart des ONG humanitaires. En 2008, ces mécènes regroupaient des entreprises dans les domaines de la construction (Bechtel), de l’aéronautique (BAE Systems, Boeing), de l’armement (Loockheed Martin, General Dynamics, Northrop Grumman, Raytheon), du nucléaire (Nuclear Energy Institute) et des services de santé de l’armée (Humana Military Healthcare Services, TriWest Healthcare Alliance).

-Il s’avère ainsi que l’éthique du mouvement s’est déclinée au cas par cas. Chargé d’une médiation officielle entre les Etats-Unis et le Mexique en 1916, John Mott a par exemple refusé les financements d’un magnat du pétrole, Edward Doheny, qui voulait l’influencer pour soutenir le principe d’une intervention militaire américaine et prévenir le risque d’une nationalisation de ses gisements. L’année suivante, la YMCA a en revanche accepté de toucher une partie des trois millions de dollars versés par Edward Doheny à un fonds destiné à soutenir l’effort de guerre contre l’Allemagne. Quand la Maison Blanche a développé des programmes sociaux dans les années 1960, certaines YMCA américaines ont ensuite refusé les financements des pouvoirs publics pour ne pas compromettre leur indépendance et leur liberté d’action. A Genève, l’Alliance mondiale des YMCA a quant à elle décidé de fermer ses comptes au Créduit suisse car cette banque travaillait avec le régime de l’apartheid en Afrique du Sud.