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Young Men’s Christian Association
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Young Men’s Christian Association - Commentaires




10) La capacité d’analyse


-En prenant position sur des sujets de société ou de politique générale, le mouvement a évidemment été amené à développer sa capacité d’analyse, y compris sur ses propres activités. Il n’a cependant pas toujours su anticiper les problèmes et il a fallu attendre mars 2003 et mars 2010, respectivement, pour que les couvertures du YMCA World Communique traitent du sida puis du changement climatique. Les indignations du mouvement ont également pu être sélectives, témoignant de lacunes qui devaient sans doute plus à un déficit d’informations qu’à un biais idéologique. Lors de sa conférence de Vancouver au Canada en 1975, l’Alliance mondiale des YWCA a par exemple soutenu que la crise au Proche Orient et en Palestine constituait « la plus grave menace contre la paix mondiale », tout en restant complètement silencieuse à propos des pogroms du Burundi en 1972 ou du génocide en cours au Cambodge. Certaines déclarations se sont aussi avérées irréalistes. Dans son ouvrage, Marion Robinson prétendait ainsi qu’à elle seule, la YWCA américaine allait combler le montant qui manquait pour atteindre l’objectif d’une aide publique au développement équivalant à 1% du produit national brut des Etats-Unis !
 
-Il y a pourtant lieu de s’interroger sur l’efficacité des actions sociales de l’organisation. Avec un maximum de 68 secrétaires pour ravitailler plus de 6 millions de personnes en février 1917, la YMCA américaine, estime Kenneth Steuer, a en réalité eu un impact « minimal » sur les prisonniers de guerre lors du premier conflit mondial. Comme les autres organisations humanitaires, l’organisation a ensuite été confrontée à l’instrumentalisation de son aide par les communistes pendant la famine russe de 1921-1922. Mais elle n’en a rien dit. Dans son roman biographique, dont le héros s’inspire du personnage réel d’Eugene Barnett (1888-1970), John Hersey atteste également de nombreux détournements de l’aide alimentaire apportée en 1920 aux victimes de troubles en Chine, où son père avait été missionnaire de la YMCA. De fait, l’organisation a pu donner des vivres sans être en mesure de contrôler leur distribution. Elle a alors préférer nier les trafics plutôt que de les admettre pour mieux les anticiper. Un cadre de la YMCA canadienne, Alan Hurst, devait ainsi soutenir que seulement 1% des vivres distribués par l’organisation dans les territoires repris aux Allemands en Europe avaient été revendus au marché noir en 1945.
 
-A cet égard, il s’avère que le mouvement s’est souvent contenté de procéder à des audits financiers plutôt que de faire évaluer la qualité de ses programmes d’aide. « L’association, s’étonne Mayer Zald, n’a jamais développé de critères systématiques pour apprécier ses performances au-delà d’une approche purement comptable ». Pour comparer et améliorer leur efficacité, les YMCA américaines ont par exemple commencé en 1924 à noter leurs associations locales en fonction de 57 critères qui touchaient à leur organisation, leur équipement, leur administration, la gestion de leur personnel, la réalisation de leurs programmes et la satisfaction des destinataires de leur aide. Mais ces efforts ont surtout relevé de l’autoévaluation. C’est sous la pression d’un de ses principaux bailleurs, John Rockefeller, que la YMCA américaine s’est résolue en juillet 1921 à faire évaluer l’ensemble de ses activités tout en parvenant à évacuer les associations locales et régionales du champ de l’investigation. Le rapport, rendu par un certain Mark Jones en novembre 1923, n’a jamais été publié. Il invitait le département des affaires étrangères de la YMCA américaine à mieux encadrer les associations locales et régionales avec qui son « comité international » était en compétition pour obtenir des fonds. Refusant de prendre en charge les dettes de l’organisation, John Rockefeller a ensuite obligé la YMCA de New York à se soumettre en 1926 à une autre évaluation qui, réalisée par Arthur Swift en 1927, l’a obligée à fermer certaines branches et à monter des programmes communs avec la YWCA afin de mutualiser les coûts. Les activités sociales de l’association ont également été évaluées par George Strayer en 1944 puis Robert King Hall en 1962.
 
-La YMCA canadienne n’a pas été en reste. Conduite en 1920 par un homme d’affaires de Montréal, John Ross, une enquête interne lui a recommandé d’améliorer la présentation de ses statistiques, de mener des audits régulièrement, de mettre en place un système comptable digne de ce nom et de mieux superviser le travail des associations locales en les associant davantage aux travaux du Conseil national, qui devait d’ailleurs commanditer une nouvelle évaluation en 1944. D’une manière générale, cependant, le mouvement en est resté à une approche très comptable de ses performances. Réunies à l’occasion d’un séminaire organisé à Bogota en Colombie en 1985, les YMCA des pays en développement devaient ainsi préconiser des évaluations moins quantitatives afin de mieux apprécier les changements sociaux qu’elles induisaient. Parfaitement conscientes de leur dépendance financière à l’égard des associations du Nord et de leur sous-représentation au sein de l’exécutif du mouvement, elles ont en effet constaté l’impact très limité de leurs programmes éducatifs et de leurs plaidoyers politiques, de pair avec des projets de développement menés à très court terme et sans coordination.
 
-Les YWCA, quant à elles, ont aussi cherché à progresser. En 1999, leur Alliance mondiale a adopté des normes de bonne gouvernance en vue d’améliorer leur gestion et d’encourager une culture d’autoévaluation. De nouvelles procédures ont confirmé l’importance des élections internes, imposé le principe de candidatures multiples, promu la transparence des budgets préparatoires, obligé à identifier les éventuels conflits d’intérêts et rajeuni des organes directeurs qui devaient désormais comprendre au moins un quart de femmes de moins de trente ans. Dans le même ordre d’idées, l’Alliance mondiale des YWCA a signé en 2006 la Charte de responsabilité des ONG avec, entre autres, Amnesty International, Save the Children, ActionAid et Greenpeace.