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American Friends Service Committee - Commentaires




3) Le fonctionnement en réseau


-De par sa capacité opérationnelle, ses effectifs et ses ressources financières, l’AFSC est la plus grosse organisation humanitaire du mouvement quaker dans le monde. Elle n’est cependant pas la seule. A Londres, le QPSWS continue de monter ses propres programmes dans la lignée du FSC, déficitaire tout au long des années 1950 et très concurrencé par la montée en puissance d’Oxfam et de Save the Children, où se sont retrouvés un bon nombre de Quakers. En Norvège, où la Société religieuse des Amis a été fondée à Stavanger en 1814 par des prisonniers de guerre libérés après la défaite des troupes napoléoniennes, un Kvekerhjelp fonctionne depuis 1940, avec des programmes à Hambourg en 1947, en Kabylie de 1963 à 1973 et en Ouganda à partir de 1986. Actif en Algérie, en Palestine et au Kenya, un Quäkerhilfe existe également en Allemagne depuis 1964 et en Suisse depuis 1945. Apparu au tout début des années 1920, le « Service Quaker » a en revanche disparu de France au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Hormis les Etats-Unis, le mouvement compte aujourd’hui ses associations humanitaires les plus actives dans d’anciens dominions britanniques, à savoir le Canada et l’Australie. Lancé à Toronto en 1931 et dirigé depuis 2006 par Jane Orion Smith, le CFSC (Canadian Friends Service Committee) s’est par exemple organisé en quatre sections pour s’occuper des affaires internationales, de la promotion de la paix, de la défense des aborigènes et des prisonniers victimes d’injustice. Centré sur le Canada, il combat essentiellement la déforestation, l’exploitation minière, les camps d’entraînement militaire et la pollution au mercure, notamment dans les réserves indiennes de Grassy Narrows et White Dog près de Kenora dans l’Ontario. Ses activités de solidarité internationale représentent la portion congrue, avec un budget d’une vingtaine de milliers de dollars en 2000, même si le CFSC a pu ponctuellement aider l’AFSC à contourner des embargos des Etats-Unis pour envoyer des vivres au Vietnam du Nord en 1967 ou de l’argent à Cuba en 1998. Créé à Melbourne en 1959 et basé à Adelaide à partir de 1969 puis à Hobart depuis 1975, le QSA (Quaker Service Australia), lui, devait initialement servir à collecter des fonds au profit du FSC à Londres. Un moment connu sous le nom de QSCA (Quaker Service Council Australia) entre 1965 et 1987, il a recruté son premier salarié en 1986 et est finalement devenu indépendant. Composé en majorité de volontaires et de femmes issus de la communauté quaker locale, qui comptait un millier de fidèles, il a surtout travaillé auprès des Aborigènes en Australie, des réfugiés cambodgiens en Thaïlande et des Noirs en Afrique du Sud et au Zimbabwe.

-A ces organisations spécialisées s’ajoutent les initiatives missionnaires des différentes Sociétés religieuses des Amis à travers le monde. James Maddox mentionne par exemple les Quakers de l’Oregon qui, en 1947, ont acheté une ferme commerciale à Copajira près du lac Titicaca en Bolivie. Leur projet a pour objectif de devenir rapidement rentable et de redistribuer des terres aux Indiens de la région à condition que ceux-ci s’installent en dehors de leur village traditionnel, suivent les pratiques agraires enseignées et fournissent cent jours de travail sur les champs de la mission.

-A l’occasion ont aussi été formées des organisations ad hoc qui n’étaient pas spécifiquement quakers et qui ont généralement connu une durée de vie éphémère, à l’instar de l’Aide Civile Belge en 1915 pour les populations déplacées par l’occupation allemande, ou de l’Entraide européenne en France en 1932 pour les réfugiés fuyant le nazisme. Certaines étaient cependant promises à un bel avenir. Montée en 1958 pour protester contre les essais nucléaires des Etats-Unis dans le Pacifique, une branche de l’AFSC, le CNVA (Committee for Nonviolent Direct Action), a ainsi donné naissance à Greenpeace en 1971. Fin 1960, ce Comité pour l’action directe et non violente a d’abord commencé par organiser une marche pour la paix de San Francisco jusqu’à Moscou. En 1961 dans le Connecticut, il a ensuite conduit des raids pour envahir les docks de New London et essayer de monter à bord des sous-marins nucléaires Polaris. Avec le secrétaire général de l’AFSC Clarence Pickett, qui présidait par ailleurs le SANE (Committee for a Sane Nuclear Policy), il allait finalement obtenir des Etats-Unis l’arrêt complet de leurs essais nucléaires dans l’atmosphère, officiellement interdits en 1963.

-En fait de réseau, toutes ces associations se concertent peu et coordonnent rarement leurs actions. En effet, le mouvement quaker est extrêmement fragmenté et décentralisé. Présentes dans plus de 56 pays, ses congrégations sont organisées en assemblées autonomes et ne répondent pas au dogme d’un clergé. S’inspirant du modèle de l’Internationale ouvrière, leur tentative de lancer une Internationale chrétienne n’a pas abouti lors de la conférence de Llandudno en septembre 1914. A Londres en 1920, Philadelphie en 1937 et Oxford en 1952, les autres conférences mondiales des Quakers n’ont pas non plus débouché sur la création d’un organe de coordination. Etabli en 1937 sous le nom de FWCC (Friends World Committee for Consultation) et réuni pour la première fois à Vallekilde au Danemark en 1938, un vague Comité consultatif mondial des Amis a certes essayé de faciliter la communication entre les différentes congrégations. Mais il n’avait pas de fonction fédératrice et décisionnelle. L’éclatement du mouvement, particulièrement frappant aux Etats-Unis, a d’ailleurs incité l’AFSC à transcender les querelles théologiques des Quakers en refusant de se placer sous la tutelle directe de la Société religieuse des Amis, à la différence du FSC ou du QSA vis-à-vis de leurs coreligionnaires en Grande-Bretagne et en Australie. Légalement, le Comité de Philadelphie dépend d’une Corporation qui ne représente qu’une petite partie des Quakers américains, en l’occurrence les « libéraux », et qui se réunit une seule fois par an pour avaliser les programmes décidés par la direction. La diversité des différents courants d’opinion n’en a pas moins pu influencer et freiner les actions d’une organisation qui, selon Clarence Pickett, son secrétaire exécutif pendant vingt ans, prenait ses décisions sur une base consensuelle, à l’unanimité. Par la suite, la politisation et la radicalisation de l’AFSC ont alors obligé à recourir au vote à la majorité.