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American Friends Service Committee - Commentaires




9) Les relations avec les forces économiques


-Les sanctions économiques contre des Etats belliqueux font également partie des mesures proposées pour empêcher les conflits armés. Considérées comme un ultime recours avant une déclaration de guerre, elles ont donc pu retenir l’attention du Comité de Philadelphie. Dans un ouvrage favorable au renforcement des opérations de la paix des Nations Unies, le coordinateur national du programme de désarmement de l’AFSC, Bruce Birchard, soutenait ainsi la mise en place de sanctions contre les dictatures violant le droit international humanitaire. A l’occasion, le Comité de Philadelphie a d’ailleurs pu participer à des embargos, essentiellement contre le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Comme la plupart des ONG humanitaires, cependant, l’AFSC est généralement hostile à des mesures qui pénalisent surtout les populations civiles, plutôt que la classe dirigeante. Le Comité s’est en conséquence mobilisé contre les sanctions économiques qui visaient l’Allemagne en 1920, Cuba après 1962, la Corée du Nord à partir de 1997 ou l’Irak en 1998. Dans un livre commandité par l’AFSC et Oxfam, Eva Mysliwiec a par exemple condamné l’embargo et l’arrêt de l’aide américaine au Cambodge en vue de faire tomber le régime du Kampuchéa « démocratique » mis en place par l’armée d’occupation vietnamienne après l’effondrement de la dictature khmère rouge en 1979. Dans le même ordre d’idées, le Comité de Philadelphie a dénoncé les mesures de boycott du président Ronald Reagan contre le Vietnam communiste, où l’organisation quaker a finalement été autorisée par Washington à revenir en 1990. Bien souvent, en l’occurrence, les protestations de l’époque répondaient aussi à des considérations partisanes, par exemple en faveur du Nicaragua sandiniste.

-Les principes pacifistes du mouvement quaker ont par ailleurs pu orienter la politique salariale et budgétaire de l’AFSC. Depuis 1967, le Comité de Philadelphie autorise ainsi les employés qui le souhaitent à ne pas payer la totalité de leur impôt sur le revenu, au prorata des fonds alloués par le gouvernement américain au secteur de la défense. La différence est placée sur des comptes bloqués. Sachant qu’aux Etats-Unis, l’impôt sur le revenu est retenu sur le salaire et reversé au fisc par l’employeur, c’est donc l’AFSC qui est responsable devant les autorités du manque à percevoir. Poursuivie en justice, l’organisation a en conséquence dû négocier en 1999 un accord à l’amiable, au nom de la liberté de conscience religieuse. Dans la logique pacifiste du mouvement quaker, elle a également veillé à ne pas placer ses fonds dans des entreprises ou des banques qui auraient contrevenu à ses idéaux. En vertu d’un règlement interne édicté en 1974 et révisé en 1983 puis 1985, l’AFSC s’est interdit tout investissement dans les industries qui polluaient, ne respectaient pas le droit du travail, ne rendaient pas de comptes, fabriquaient des armes, favorisaient le tabagisme, alimentaient la filière nucléaire et/ou travaillent dans l’Afrique du Sud de la ségrégation raciale. Dès 1965, le Comité de Philadelphie a en l’occurrence décidé de fermer ses comptes à la Chase Manhattan Bank du fait des intérêts de cet établissement au pays de l’apartheid. En 1978, l’organisation quaker a ensuite vendu les actions qu’elles détenaient des compagnies qui avaient persisté à travailler en Afrique du Sud malgré les sanctions de la communauté internationale. Dans le même ordre d’idées, l’AFSC a décidé en 1967 de ne plus placer son argent dans des bons du trésor susceptibles de financer l’intervention militaire américaine au Vietnam.

-Les idéaux pacifistes du mouvement quaker ont également orienté les campagnes de plaidoyer du Comité de Philadelphie contre les entreprises liées à l’industrie de l’armement, telle la General Electric en 1975. A ce sujet, il existe en effet une vieille tradition qui a en l’occurrence vu le jour en Grande-Bretagne. Dès 1795-1798, la Société religieuse des Amis avait ainsi persuadé deux de ses membres, les Samuel Golton père et fils, de céder la manufacture d’armes dont ils étaient propriétaires. Au XIXè siècle, encore, elle a interdit aux armateurs quakers de convoyer des biens illégaux, esclaves ou opium, et d’embarquer des armes ou des escortes militaires pour se défendre contre les pirates. En 1909, trois grandes firmes de chocolatiers quakers, Rowntree, Cadbury et Fry, décidaient quant à elles de boycotter la production de cacao récoltée par des esclaves sur la colonie portugaise de Saõ Tomé e Principé. Aux Etats-Unis, les hommes d’affaires quakers qui ont participé à la création de l’AFSC ont ensuite démontré la même sensibilité pour promouvoir un commerce éthique et équitable avec les pays en développement. Après la Seconde Guerre mondiale et la période isolationniste de la crise économique de 1929, le Comité de Philadelphie a alors multiplié les campagnes ciblées contre des entreprises qui ne respectaient pas le droit du travail. Avec les syndicalistes de l’IUF (International Union of Food, Agriculture, Hotel, Restaurant, Catering, Tobacco and Allied Worlers’ Associations), il devait par exemple dénoncer les conditions de vie et l’élimination physique des représentants des ouvriers dans une succursale de la firme Coca Cola au Guatemala en 1979-1981. Relayant les efforts d’un syndicat, le Farm Labor Organizing Committee, qui se préoccupait de défendre les travailleurs agricoles immigrés et sans papiers, l’AFSC a par ailleurs organisé des manifestations et boycotté les produits des soupes Campbell dans le New Jersey en 1985 puis de la compagnie Mont Olive Pickle en Caroline du Nord en 1999. Depuis 1996, enfin, le Comité de Philadelphie participe à une campagne contre les magasins Disney, Nike et James Cash Penney, dont les fournisseurs sont accusés d’exploiter des enfants dans des pays comme Haïti, la Birmanie, la Thaïlande, la Chine, le Vietnam et le Mexique. Les protestations de l’organisation quaker recoupent en l’occurrence les doléances des syndicalistes américains contre la fermeture des usines aux Etats-Unis, où la main d’œuvre est bien plus chère et le droit du travail plus avancé.

-Cela étant, l’AFSC ne s’est pas toujours interdit de coopérer avec les entreprises ou les établissements financiers dont il réprouvait les pratiques. Pour secourir les réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza en 1949, par exemple, l’organisation quaker a stocké ses vivres dans des entrepôts gracieusement mis à disposition par la compagnie des pétroles irakiens, l’Iraq Petroleum Company. La politique budgétaire de Philadephie n’a pas non plus été sans contradictions. Aux Etats-Unis à partir de 1967, l’AFSC a ainsi revendu ses bons du trésor parce qu’ils finançaient la guerre du Vietnam. Mais il n’a pas trompé grand monde en plaçant ses fonds dans d’autres agences fédérales qui lui paraissaient moins susceptibles de contribuer directement à l’industrie militaire. De fait, l’organisation quaker a conservé ses actions dans des entreprises d’armement et a continué de payer ses impôts en arguant que, dans le cas contraire, elle aurait été obligée d’arrêter ses programmes humanitaires. A partir de 1985, elle s’est ensuite autorisée à acheter des bons du trésor dans la limite de 10% de son portefeuille d’actifs.