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American Friends Service Committee - Commentaires




6) Les financements


-Les budgets de l’AFSC sont calculés du 1er octobre au 30 septembre de l’année suivante. Ainsi, le chiffre cité par l’Observatoire pour l’année 2000 couvre la période qui démarre le 1er octobre 1999 et court jusqu’au 30 septembre 2000.

-Les ressources financières de l’AFSC ont considérablement augmenté au fil du temps. Pendant l’entre-deux-guerres, elles s’élèvent à quelques centaines de milliers de dollars. Selon les chiffres de Lester Jones et John Van Gelder Forbes, qui ne coïncident pas, elles varient, respectivement, entre 0,1 et 0,3 million de dollars en 1926, contre 0,8 et 1,1 en 1925, 3,3 et 3 en 1924, 0,8 et 0,9 en 1923, 4,7 et 1,4 en 1922, 3,6 et 1,3 en 1921, 3,2 et 3,4 en 1920 et 0,6 et 0,8 en 1919. La Seconde Guerre mondiale entraîne alors une brusque hausse des revenus de l’AFSC pour permettre aux Quakers d’échapper au service militaire. Par la suite, le budget de l’organisation augmente de façon assez continue et atteint une vingtaine de millions de dollars dans les années 1980, une trentaine au cours de la décennie suivante et une quarantaine tout au long des années 2000. Parce qu’il dépend essentiellement des dons et des legs, l’AFSC reste néanmoins très vulnérable aux retournements de conjoncture. En témoigne l’effondrement de ses ressources lors des crises financières de 1988 puis 2008. Faute d’Eglise quaker, le Comité ne peut en effet pas compter sur des quêtes régulières pour recueillir les cotisations des fidèles. Aussi a-t-il dû montrer ses propres collectes de fonds. Fin 1983, il a ainsi commencé à lancer des campagnes ad hoc, en l’occurrence en faveur des victimes de la sécheresse au Mozambique à l’époque. Depuis 1995, il est par ailleurs membre d’ACT (Action by Churches Together), une plate-forme de collecte de fonds qui regroupe toutes les Eglises du Conseil œcuménique des Eglises, le World Council of Churches, et de la LWF, la Lutheran World Federation. Du fait de leur proximité avec les milieux d’affaires quakers, les présidents de l’AFSC ont également essayé de développer le mécénat d’entreprise. Dès 1934, en l’occurrence, le Comité recevait une subvention de $75 000 de l’United States Steel Corporation pour aider les mineurs victimes de la crise économique en Pennsylvanie et en Virginie occidentale.

-Traditionnellement, les ressources du secteur privé fournissent ainsi la majeure partie du budget de l’organisation, à raison de 69% pour les dons individuels, de 22% pour les fondations, de 15% pour le mécénat d’entreprises et de 3% pour les collectes dans les écoles en 1978, par exemple. En revanche, la proportion de fonds publics est généralement faible : 3% en moyenne sur la période 1975-1980, avec un pic à 4% en 1978, contre 3% en 1984 et moins d’1% au cours des années 2000. Soucieux de préserver son indépendance politique, les Quakers évitent en effet les financements du gouvernement américain, en particulier pour leurs missions de bons offices, qui visent à promouvoir des négociations de paix et nécessitent donc une neutralité absolue. A l’occasion, il leur est même arrivé de refuser un soutien de l’USIP (United States Institute of Peace) sous prétexte que cet organisme émanait du Congrès. S’il continue aujourd’hui de recevoir quelques subventions publiques pour ses programmes sociaux aux Etats-Unis, l’AFSC refuse désormais tout subside du gouvernement américain pour ses activités à l’étranger, y compris, depuis 1990, pour se faire rembourser ses frais de transport maritime.

-A l’occasion, le Comité de Philadelphie n’en a pas moins accepté des financements importants de Washington pour ses opérations de secours en Allemagne en 1920, en Russie en 1921, en Palestine en 1949 et au Kampuchéa en 1979. Il a également travaillé avec l’argent des Nations Unies pour aider les réfugiés palestiniens après la création de l’Etat d’Israël en 1948. De ce point de vue, l’AFSC n’a pas été très différent des autres organisations humanitaires quakers. Dès 1926 en Chine, ses homologues britanniques participaient ainsi à l’établissement d’une cité universitaire financée grâce à une subvention gouvernementale de £200 000 prélevée sur les réparations payées aux puissances européennes par Pékin après la révolte des Boxers en 1901. Pendant la Seconde Guerre mondiale, encore, ils allaient travailler en liaison étroite avec Londres. Malgré le mécénat des compagnies Cadbury et Rowntree, les financements du gouvernement britannique ont alors pu atteindre en 1945 un maximum de 40% du budget des FAU, qui s’élevait à £96 000. Dans des pays comme l’Australie, les ONG sont par ailleurs habituées à être subventionnées par les pouvoirs publics. Le QSA n’a donc pas rechigné à accepter des subsides gouvernementaux qui représentaient 32% d’un budget de $211 000 en 1985 et jusqu’à 50% d’un budget de $369 000 en 1987.

-Le problème est évidemment que les financements des pouvoirs publics ont pu compromettre l’indépendance politique de l’AFSC, qu’il s’agisse de travailler avec les nazis à Berlin en 1934 ou avec les autorités américaines pour gérer les camps de détenus japonais à partir de 1942. Dès ses débuts, le Comité de Philadelphie s’est ainsi inquiété de ce que l’afflux de subventions de Washington risquait d’entraîner un effondrement des cotisations des Quakers. En effet, celles-ci fournissaient 98% de son budget en 1917 mais leur proportion est vite tombée de 95% en 1918 à 64% en 1919, 8% en 1920, 5% en 1921, 2% en 1922, 6% en 1923, 2% en 1924 et 5% en 1925, avant de remonter à 38% en 1926. Après la Seconde Guerre mondiale, l’AFSC s’est ensuite interrogé sur l’opportunité d’être financé par la coopération américaine. En Inde à partir de 1952, rapporte Howard Teaf, l’organisation a en l’occurrence négocié de pouvoir accéder directement à la population, d’appliquer ses valeurs religieuses et d’avoir toute liberté de recruter son personnel expatrié et local. Soucieux d’investir le terrain pendant une dizaine d’années au moins, l’AFSC a cependant dû s’adapter aux financements de la coopération américaine, qui étaient limités à des périodes de trois ans. Il a alors réduit l’envergure de ses projets afin d’être en mesure de pouvoir continuer à les soutenir sans dépendre du renouvellement ou non des subventions de Washington. D’une manière générale, l’AFSC s’est beaucoup méfié des soubassements diplomatiques et stratégiques de la coopération américaine. Dans un ouvrage publié en 1969, il demandait par exemple que l’aide des Etats-Unis s’affranchisse des contraintes politiques de la guerre froide pour défendre les droits de l’homme, promouvoir les gouvernements populaires et réduire les inégalités sociales en soutenant les réformes agraires, les coopératives de production et les secteurs de la santé, de l’éducation et du logement…

-Sous réserve d’inventaire, l’AFSC n’a jamais connu de scandale de détournements de fonds. A ses débuts, notamment, ses frais administratifs étaient limités et il affichait un ratio de mission sociale de 96% dès 1918. Le constat est d’autant plus remarquable que, dans les pays où il n’avait pas de personnalité juridique, l’AFSC ne pouvait pas être audité car il était obligé d’ouvrir des comptes en banque au nom de ses expatriés, par exemple en France en 1940-1942. De fait, l’intégrité et l’honnêteté des Quakers sont légendaires. Elles leur ont d’ailleurs valu de réussir dans le secteur de la finance, à tel point que, pour commémorer le 350ème anniversaire du mouvement en 2002, la Banque d’Angleterre a décidé d’orner les nouveaux billets de cinq livres sterling de la figure d’Elizabeth Fry (1780-1845), une Quaker et une personnalité marquante de la réforme du système pénal. Sur le long terme, il est cependant difficile d’apprécier la gestion de l’AFSC car l’organisation n’est pas astreinte aux contraintes de redevabilité d’une entreprise. Concernant la collecte et l’usage de ses fonds, Philip Klein la considérait, en 1968, comme une des ONG les plus transparentes des Etats-Unis. Mais son avis n’était pas partagé par tout le monde. En 1988, Sam Levering racontait qu’il avait officiellement demandé des comptes détaillés à la direction de l’AFSC… et qu’il n’avait jamais reçu de réponse.