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American Friends Service Committee - Commentaires




5) Le prosélytisme religieux


-Au-delà des positions politiques de l’AFSC, la question est aussi de savoir si l’organisation quaker diffuse une pensée religieuse à caractère prosélyte. Le Comité de Philadelphie, en l’occurrence, a pu être comparé à l’Armée du Salut car il n’émanait pas d’une Eglise et ne répondait pas aux ordres d’un clergé. Ses pratiques ont beaucoup évolué en la matière. A la différence du FSC ou du QPWS en Grande-Bretagne, l’AFSC n’a jamais dépendu directement de la Société religieuse des Amis, comme le rappelle Ormerod John Greenwood. Ouvert à d’autres milieux protestants, son conseil d’administration a donc eu moins de réticences que Londres à employer des volontaires qui n’étaient pas quakers. Dès 1918, la direction de l’AFSC a en l’occurrence inclus des membres venus des Eglises Mennonite et Brethren. Emanant du courant le plus libéral et œcuménique du mouvement quaker, elle a plutôt suivi l’exemple d’Anthony Benezet (1713-1784), un Quaker d’origine française qui, très tôt, avait plaidé pour une aide sans discriminations religieuses, notamment en faveur de ses compatriotes catholiques réfugiés en Pennsylvanie après avoir été chassés d’Acadie par les Britanniques en 1755. Depuis lors, le Comité a collaboré avec les organisations d’autres confessions, juives pendant la Seconde Guerre mondiale ou catholiques pendant la reconstruction de l’Italie en 1945. Durant la famine russe de 1922, par exemple, il a distribué des vivres pour le compte d’une agence juive, le Joint, qui voulait aider ses coreligionnaires mais ne souhaitait pas se déployer sur le terrain de crainte de réveiller les sentiments antisémites des habitants orthodoxes de la région. Le Comité de Philadelphie a également pu soutenir les efforts de dialogue et de réconciliation entre les protestants et les catholiques d’Irlande du Nord, où un forum établi le 1er janvier 1913 et affilié au FSC de Londres, le Northern Friends Peace Board, a régulièrement organisé des réunions annuelles avec les Quakers de Dublin. A partir des années 1920, l’AFSC a par ailleurs accompagné les campagnes de plaidoyer du FOR (Fellowship of Reconciliation), une organisation pacifiste et œcuménique qui comptait de nombreux Quakers et qui a été fondée en 1914 en Angleterre et en 1915 aux Etats-Unis. Pendant les années 1960, observe encore Guenter Lewy, le Comité de Philadelphie s’est ouvert aux bouddhistes du Vietnam, même s’il n’a pas soutenu la « troisième force » que ceux-ci voulaient constituer pour s’interposer entre les communistes de Hanoi et le régime corrompu de Saigon. Sous l’influence indirecte de la théologie de la libération, l’AFSC a ensuite multiplié les collaborations avec les Eglises protestantes et catholique, réunies autour de deux thématiques communes : l’opposition à l’arme nucléaire et à la politique américaine en Amérique latine. Aujourd’hui, le Comité de Philadelphie continue de s’associer aux efforts de Pax Christi contre les trafics d’armes ou de Christian Aid pour la promotion de la paix en Asie.

-De nombreux Quakers lui reprochent d’ailleurs de s’être éloigné de la Société religieuse des Amis et de s’être radicalisé à mesure qu’il se laïcisait et s’engageait dans des activités de plaidoyer politique. Certains pensent même que l’AFSC pourrait désormais se débarrasser du « F » de son sigle pour devenir une ONG purement laïque, sous le nom d’American Service Committee. Initialement, la création du Comité de Philadelphie avait permis de réunir et réconcilier les différentes tendances quakers des Etats-Unis. Mais les prises de position progressistes de l’organisation ont bientôt éloigné les congrégations les plus conservatrices, à l’instar des Quakers de l’Oregon, qui ont quitté l’AFSC dès 1938. Par la suite, la dérive gauchiste et tiers-mondiste des militants de Philadelphie a largement contribué à diviser la communauté. Opposés, entre autres, à la défense de l’homosexualité, les courants évangéliques ont tous fini par s’en aller de l’AFSC, en l’occurrence avec les congrégations du Kansas en 1954, de Californie en 1964 puis de l’Indiana en 1991. Aujourd’hui, de nombreuses communautés quakers préfèrent financer les Mennonites du MCC et l’AFSC n’exprime plus que la tendance libérale de la Société religieuse des Amis.

-Désormais, l’AFSC emploie ainsi une majorité de non-Quakers et les Amis ne fournissent qu’une petite partie de ses ressources financières. Soucieux de professionnaliser l’aide humanitaire, les “laïcs” l’ont emporté sur les “religieux” désireux de préserver l’identité confessionnelle du mouvement. Dans le même ordre d’idées, les départements de philosophie et d’études religieuses des grands collèges quakers de Pennsylvanie —Swarthmore, Haverford ou Bryn Mawr— ne comptent d’ailleurs plus de théologiens de la Société religieuse des Amis. De ce point de vue, l’AFSC se distingue bien des Britanniques du FRS qui, selon Roger Wilson, avaient imposé en 1945 un quota de 40% de quakers parmi leurs employés. Très tôt, l’AFSC a en effet voulu recruter des techniciens en fonction de leurs compétences et non de leurs qualités religieuses, quitte à se passer des bénévoles qui s’engageaient pour accomplir leur foi le temps d’une mission ou deux. Selon Michael Schaffer, Charles Fager, Guenter Lewy et Larry Ingle, la proportion d’employés quakers est en conséquence tombée à 11% en 1988, contre 15% en 1987, 19% en 1985, 36% en 1981, 56% en 1962 et 32% en 1947. Depuis lors, elle a évolué entre 14% et 17% dans la deuxième moitié des années 1990. Au début des années 2000, elle est en revanche remontée jusqu’à 20%.

-De fait, la dimension religieuse de l’AFSC demeure fondamentale. Bien que favorables à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les Quakers, explique Robert Byrd, ne distinguent pas le domaine public des affaires privées et considèrent les gouvernements comme des individus à qui s’appliquent une morale personnelle. Leur engagement humanitaire est à l’avenant. Enoncé à Londres en 1920 lors de la première conférence mondiale du mouvement, qui pose les bases du FSC, l’objectif est à la fois de propager la pensée des Amis et de fournir une aide aux populations en danger. Les deux s’avèrent indissociables et c’est au nom des Quakers qu’un président de l’AFSC, Henry Cadbury, reçoit le prix Nobel en 1947. Dans la conclusion de son livre, Lester Jones affirme ainsi que l’action humanitaire laïque ne doit pas empêcher d’étendre l’influence du quakerisme. De même Clarence Pickett, secrétaire exécutif de l’AFSC entre 1929 et 1950, écrit que si jamais la dimension religieuse venait à disparaître, les activités de l’organisation n’auraient bientôt plus lieu d’être. Selon lui, “ les malheureux qui ont perdu leurs moyens de subsistance, leur métier, leur maison, leur famille ou leur pays doivent d’abord trouver un réconfort spirituel pour survivre en tant qu’individus ”. Aujourd’hui encore, le Comité dit être “ une expression concrète de la foi de la Société religieuse des Amis ”. Encore plus explicite, le Canadian Friends Service Committee admet ne “ soutenir que des projets quakers ”.

-De par leur influence sur les formes d’engagement humanitaire, les aspects confessionnels de l’AFSC obligent à dire un mot de la philosophie des Amis. Sans pasteurs ni liturgie ni dogmatisme ni prêtres ni sacrements, le mouvement se compose de prédicateurs laïcs appelés quakers, les “ trembleurs ”, par allusion à la ferveur des adeptes “ saisis ” par la foi. Le culte consiste à se réunir en silence et à pratiquer un ministère spontané, directement inspiré par Dieu. Au vu de la diversité de ses différentes “ écoles ”, le quakerisme reste une religion difficile à définir. Certains Amis ne se considèrent pas comme protestants ou catholiques, ni même chrétiens ! Aux Etats-Unis, le “ schisme ” de 1828 a séparé les “ libéraux ” Hicksite des “ traditionalistes ” Orthodox et de leurs succédanés, les Gurneyite et les Wilburite, ceci sans parler des Beanite, qui ont essayé de se situer à la croisée des chemins. Aujourd’hui, les courants de pensée quakers couvrent un vaste panorama, du plus conservateur au plus progressiste. La Société religieuse des Amis apparaît comme un mouvement assez composite de ce point de vue. “ De par sa structure, lit-on dans l’Encyclopaedia Universalis, elle se rapproche de la secte. Par le contenu de ses croyances et de ses pratiques, elle appartient à l’aile mystique du protestantisme ”. Historiquement, le mouvement a pu prendre des allures sectaires et prophétiques. Son fondateur, George Fox (1624-1691), a été traité de “ fanatique ” et de “ charlatan ” par ses détracteurs, et même de “ détraqué de la pire espèce ” par d’autres Quakers ! Au XVIIIè siècle, les Amis ont ensuite connu une période de repli qui les a conduits à ne se marier qu’entre eux, quitte à constituer de grandes dynasties d’entrepreneurs. A partir de 1740, ce sont en fait les nécessités économiques de la révolution industrielle qui les ont obligés à sortir d’une logique autarcique et endogame, comme le montre Barry Levy à propos de la vallée du Delaware aux Etats-Unis.

-Un tel contexte explique l’orientation religieuse et prosélyte des premières actions humanitaires des Quakers. Dans certains cas, ceux-ci ont choisi de secourir les victimes en fonction de leurs allégeances confessionnelles. A partir de 1815 en Russie, ils ont ainsi aidé la secte des “ combattants de l’esprit ”, les Doukhobors, fondée en 1740 dans la région de Kharkov par un sous-officier prussien converti au quakerisme. En 1874, 1878, 1898 et 1906, ils ont également facilité l’émigration vers le Canada et le Kansas des Mennonites persécutés par le régime tsariste à cause de leur refus du service militaire. De 1950 à 1953, encore, l’AFSC s’est occupé d’un groupe de Doukhobors qui s’étaient rebellés contre le gouvernement canadien, interdisant à leurs enfants d’aller à l’école publique obligatoire, refusant de porter des vêtements, pourchassant les incroyants et brûlant des bâtiments administratifs afin de chercher la “ vérité nue ” et de “ purifier ” une société trop matérialiste à leurs yeux. A l’instar de ses prédécesseurs britanniques en Bulgarie lors d’une guerre balkanique en 1876, le Comité de Philadelphie a certes entrepris de secourir indifféremment des réfugiés chrétiens, juifs ou musulmans. A l’occasion, les Quakers n’en ont pas moins mené des campagnes d’évangélisation en interprétant les crises humanitaires comme des sanctions divines, par exemple au moment de la famine irlandaise de 1846. La distribution de secours a alors été l’occasion de diffuser la philosophie du mouvement. Lors de la guerre franco-prusse de 1870, en l’occurrence, les Quakers britanniques ont distribué des pamphlets religieux qui présentaient la défaite française comme une punition de Dieu. Après la guerre des Boers en Afrique du Sud en 1902, ils ont aussi pris l’initiative de donner ou restituer les bibles confisquées aux Afrikaners expulsés de leurs fermes et parqués dans des camps de concentration par le colonisateur britannique. Un pareil prosélytisme s’est parfois heurté à de fortes résistances. En France après la Première Guerre mondiale, les secouristes quakers ont dû garder profil bas car les autorités gouvernementales étaient très hostiles à toute forme de propagande religieuse depuis la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905. Dans le même ordre d’idées, raconte Richenda Scott, les Amis venus ouvrir un orphelinat à Mogotovo dans la province de Samara en Russie en 1916 ont d’abord été rejetés par les paysans, qui les suspectaient de vouloir convertir les enfants orthodoxes… au catholicisme ! En Allemagne, relate Joan Mary Fry, ce sont les bailleurs de fonds de l’American Relief Association, organisme laïque et gouvernemental, qui ont dû expressément interdire à l’AFSC de prêcher et d’enseigner la philosophie quaker à partir de 1920. En Russie en 1924, enfin, le Comité de Philadelphie a menacé d’arrêter ses programmes parce que les bolchéviques promouvaient l’athéisme dans les écoles où il travaillait et où les communistes avaient bien entendu prohibé tout enseignement religieux.

-La question se pose donc de savoir dans quelle mesure l’action humanitaire de l’AFSC continue d’être associée à des campagnes d’évangélisation. Plusieurs éléments laissent à penser que ce n’est plus le cas. La genèse de l’organisation, d’abord : si le FSC (Friends Service Council) est créé à Londres en 1927 pour fusionner les activités humanitaires et missionnaires des Quakers britanniques, le Comité de Philadelphie, lui, est initialement formé en 1917 pour permettre aux objecteurs de conscience d’échapper au service militaire, et non pour propager la philosophie du mouvement. De plus, l’AFSC est moins représentatif d’une communauté religieuse qui, aux Etats-Unis, est très divisée sur le plan théologique. Bien qu’il partage toujours ses bureaux avec ceux de la Société religieuse des Amis à Philadelphie, il échappe à l’influence des courants évangéliques, les plus prosélytes, et fonctionne davantage avec des fonds gouvernementaux qui lui interdisent d’utiler l’aide à des fins d’évangélisation. Enfin, le quakerisme, tel qu’il est pratiqué dans sa version libérale à Philadelphie, est peu agressif. En effet, on devient généralement quaker par conviction et non par conversion, après plusieurs années de fréquentation assidue des assemblées de la Société religieuse des Amis. Les libéraux, notamment, ne reconnaissent pas l’adhésion au quakerisme par hérédité et laissent à leurs enfants le soin de confirmer leur foi par eux-mêmes. Concernant la propagation du mouvement, ils se montrent réticents à l’idée de rémunérer des missionnaires et de constituer un clergé, préférant se laisser guider par l’inspiration divine plutôt que de s’en remettre à la volonté humaine. Conjuguée aux résistances culturelles des autres milieux religieux, une telle attitude explique en partie la faible progression du quakerisme en dehors du monde anglo-saxon. Si le mouvement apparaît dès 1661 en Irlande, en Allemagne, au Danemark et dans les Antilles britanniques, il peine à sortir des terres protestantes et à s’implanter dans l’Europe catholique. Sous l’influence du quiétisme professé par un théologien espagnol, Miguel de Molinos (1628-1696), le mouvement gagne certes les protestants de France, où une éphémère Société religieuse des Amis est constituée en 1788 avec une approche plus individualiste qu’en Grande-Bretagne.  Mais il ne parvient pas vraiment à s’enraciner sur le Vieux continent. En Europe centrale, il perd beaucoup de son influence lorsque ses membres émigrent vers l’Amérique du Nord au cours du XIXè siècle. Pendant l’Entre-deux-guerres, qui plus est, les Quakers sont tentés de réduire leurs efforts missionnaires car les positions pacifistes du mouvement mettent en danger les convertis confrontés à la montée des militarismes, ainsi que le remarque Willis Hall. En Allemagne, par exemple, les assemblées de la Société religieuse des Amis ne comptent plus qu’une poignée de fidèles, avec un maximum de 199 participants en 1932, essentiellement des intellectuels, des enseignants et des hommes d’affaires. Toutes proportions gardées, la diminution du nombre de Quakers s’avère encore plus considérable en Grande-Bretagne, où le mouvement entre dans une phase d’introspection et de retrait de la vie publique après la mort de George Fox en 1691. En un siècle, le nombre de fidèles passe de 50 000 à 20 000, avant de remonter un peu lorsque le quakerisme reprend de la vigueur en combattant la traite des esclaves à partir de 1783. En 2000, la Grande-Bretagne ne recense plus que 17 000 Amis, contre 18 000 en 1987 et 22 000 en 1959. Les Etats-Unis, eux, connaissent un déclin similaire, avec respectivement 93 000, 109 000 et 120 000 fidèles. Par rapport aux évangéliques, le courant libéral, qui compte environ 13 000 membres dans la région de Philadelphie, est particulièrement touché. Selon Jerry William Frost, il parvient difficilement à renouveler ses effectifs parmi les enfants des fidèles et doit recruter de nouveaux venus. A la différence d’un Rufus Jones ou d’un Henry Cadbury, qui étaient nés quakers, les théologiens d’aujourd’hui, formés à Pendle Hill en Pennsylvanie, sont désormais des convertis.

-S’il a diminué en Europe et stagné en Amérique du Nord, le nombre de Quakers dans le monde a en revanche augmenté de 160 000 en 1935 à 199 000 en 1967, 214 000 en 1987 et 340 000 en 2000 selon le FWCC. Bien que les chiffres soient parfois douteux du fait qu’ils ne distinguent pas les simples participants des membres à part entière, la progression s’avère particulièrement spectaculaire dans les pays en développement, où certaines estimations font état de 177 000 sympathisants en 1995 contre 49 000 en 1970. Initialement, les efforts missionnaires des Quakers n’avaient pourtant pas été couronnés de succès, que ce soit en Chine à partir de 1841, en Inde à partir de 1843, en Syrie à partir de 1868 ou sur les îles de Pemba (Zanzibar) et Ceylan (Sri Lanka) à partir de 1896. Les missions de Zanzibar et Ceylan fermèrent ainsi en 1963 et 1921. Mais la tendance évangélique du quakerisme, à la différence de sa version libérale, a persévéré et relancé le mouvement. Dès 1867, la Friends Foreign Mission Association de Londres a par exemple envoyé des Quakers à Madagascar, où les autochtones devaient finalement fonder une Assemblée en 1933 et une Eglise des Amis, la FFM (Fiangonana Frenjy Malagasy), en 1968. De leur côté, des communautés quakers des Etats-Unis, notamment dans le Midwest et l’Ouest, ont commencé à rétribuer des pasteurs, construire des temples, programmer le culte et financer des activités missionnaires dans les pays du tiers-monde. Implanté à Kaimoisi sur le lac Victoria depuis 1900 et aux abords du Mont Elgon à la frontière ougandaise, le mouvement a connu une percée remarquable au Kenya, où l’on recense 20 000 Amis en 1950, 29 000 en 1958, 32 000 en 1967, 45 000 en 1987 et 130 000 en 2000 ! Terre de mission par excellence, l’Afrique comptabilise aujourd’hui 45% des Quakers dans le monde. L’Amérique latine, elle, n’est pas en reste. Avec 1 000 Amis en 1957, 3 000 en 1967, 20 000 en 1987 et 30 000 en 2000, la Bolivie compte désormais deux fois plus de Quakers qu’en Grande-Bretagne, tandis que le Guatemala a vu le mouvement passer de 4 000 à 21 000 fidèles entre 1957 et 2000.

-Un tel regain de prosélytisme invite à la vigilance quant à la nature religieuse des actions humanitaires de l’AFSC. A ses débuts, l’organisation paraît certes se focaliser sur le pacifisme, plus que l’évangélisation. A la différence du FSC, elle n’émane pas du mouvement missionnaire et il lui arrive même de perdre des volontaires comme Richard Reynolds Ball, un Quaker britannique qui se convertit au catholicisme après avoir erré sur le front arménien en 1918. Le 26 janvier 1922, Philadelphie établit cependant un « comité religieux pour l’Europe » qui, le 9 mars suivant, prend le nom plus anodin et moins explicite de « comité d’information ». A l’époque, les opérations de secours menées en France puis en Allemagne sont par ailleurs l’occasion d’affermir le mouvement dans ces deux pays et d’y reconstituer des Sociétés des Amis, respectivement en 1933 et en 1925. De part et d’autre du Rhin, écrit Willis Hall, le réveil religieux de l’entre-deux-guerres « provient directement de l’engagement quaker dans les efforts de reconstruction ». Dans le même ordre d’idées, l’encadrement des objecteurs de conscience par l’AFSC pendant les deux guerres mondiales permet d’attirer de nouveaux venus dans la Société religieuse des Amis. A partir de 1950, encore, le regain de militantisme pour la paix en Corée s’accompagne d’une mobilisation spirituelle qui fera ensuite défaut à propos de la question controversée du Vietnam.