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American Friends Service Committee
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Historique

American Friends Service Committee - Historique




Années 1910


-1917, Etats-Unis : formé par les Quakers de la Société religieuse des Amis de Philadelphie, le Friends National Service Committee est créé le 30 avril 1917 et prend le nom d’AFSC le 11 mai suivant. Son objectif initial est de permettre à des objecteurs de conscience de s’engager dans des actions humanitaires pour remplacer leurs obligations militaires. Aux côtés de la Grande-Bretagne, de la France et de la Belgique, l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Allemagne oblige en effet 2 743 Quakers américains à servir sous les drapeaux en dépit de leur refus de porter les armes. Avec l’appui du président Woodrow Wilson et de son ministre de la Justice Mitchell Palmer, qui est lui-même quaker, l’AFSC obtient alors l’autorisation d’envoyer outre-mer des jeunes qui ont accepté de répondre à l’appel de l’armée et qui sont employés à des travaux civils sur le front français. Sa première équipe, qui débarque à Paris le 14 septembre 1917 et s’installe dans les locaux de la Croix-Rouge américaine, se compose ainsi de 43 conscrits. Un tel système permet de concilier l’objection de conscience avec les impératifs militaires du moment, à l’instar de la Grande-Bretagne, où la conscription a été introduite en 1916 et où les deux tiers des Quakers en âge d’être appelés ont obtenu d’être affectés à des tâches humanitaires. Le pacifisme de l’AFSC répond en l’occurrence aux préceptes du mouvement quaker, religion chrétienne fondée en 1652 par un puritain anglais, George Fox, opposé, entre autres, au service militaire, à l’autoritarisme du clergé traditionnel, à la frivolité des mœurs, à l’absurdité de la prison et au traitement des malades mentaux en asile psychiatrique.

-1918-1919, France : la défaite de l’Allemagne et la fin de la Première Guerre mondiale sont l’occasion de tirer un premier bilan. Au cours des hostilités, l’AFSC a envoyé sur le front français des volontaires qui n’étaient pas tous quakers, avec un pic de 547 jeunes dont 347 Américains en août 1918. Ses équipes ont reconstruit des logements, livré des maisons préfabriquées, fourni des semences, appuyé des coopératives agricoles, distribué des vêtements, évacué des blessés vers Londres et nourri les déplacés de la Somme en train de fuir vers Reims et Soisson lors des offensives d’avril et mai 1918. Elles ont également géré des hôpitaux à Sermaize dans la Marne et à Clermont dans l’Argonne, ainsi qu’une maternité ouverte par les Quakers britanniques à Chalons le 14 décembre 1914. L’AFSC a notamment collaboré avec la Croix-Rouge américaine, dont le responsable en France, Grayson Mallet-Prevost Murphy, était un ancien étudiant du collège quaker de Haverford. Des tensions sont en revanche apparues avec les Britanniques. Présents sur le terrain depuis 1914 et habitués à la saleté des tranchées, ceux-ci fumaient du tabac, buvaient de l’alcool et professaient des idées socialistes. Leur comportement aristocratique a pu heurter les Américains désireux de promouvoir une approche technique, systématique et moins sentimentale de l’aide humanitaire. Malgré leur refus du service militaire, les Quakers de l’AFSC ont en fait coopéré avec l’armée américaine et secouru les combattants blessés de la même façon que les Britanniques de la FAU (Friends Ambulance Unit) ont été intégrés dans le commandement des Alliés avec des uniformes de la Croix-Rouge. Les équipes de volontaires ont dû se plier aux règlements militaires et ne se sont guère offusquées d’utiliser les services logistiques du corps expéditionnaire de Washington : la poste, le téléphone, le matériel, les véhicules, etc. Etablie dans une caserne désaffectée à Auzéville près de Verdun, un détachement de l’AFSC a ainsi travaillé de concert avec les troupes américaines en utilisant la main d’œuvre gratuite des prisonniers de guerre allemands fournis par l’armée française. Après guerre, les volontaires du Comité devaient ensuite revendre aux paysans de la région des surplus militaires rachetés à bas prix. Leur comportement a suscité un malaise dans la communauté quaker car il contrevenait aux idéaux pacifistes du mouvement. Dans son livre, John Van Schaick, qui travaillait pour la Croix-Rouge américaine en Belgique, relève d’ailleurs le caractère illogique d’une attitude qui, concrètement, revenait à dénoncer les hostilités tout en soutenant l’effort de guerre et le moral des civils à l’arrière du front. En Grande-Bretagne, des dissensions ont pareillement agité la Société religieuse des Amis, qui a officiellement désavoué la FAU en mars 1916. Au sein même de la FAU, deux frères, St John et Corder Catchpool, démissionnaient en mai 1916, écœurés d’avoir à soigner des soldats aussitôt renvoyés combattre sur le front, tandis que des équipes médicales se retiraient en mai 1917 d’un navire-hôpital, leWestern Australia, qui ne transportait pas de blessés mais seulement des troupes britanniques et des prisonniers de guerre allemands en guise de boucliers humains. Avec un total de 720 employés en Grande-Bretagne et de 640 outre-manche, la FAU a déploré 21 morts au cours des hostilités et certains de ses membres ont été décorés de médailles militaires pour leur bravoure sur les fronts belge, italien et français. La Croix de guerre a été attribuée à 86 d’entre eux, notamment les volontaires en uniformes qui, du 10 novembre 1914 jusqu’à leur démobilisation le 31 janvier 1919, ont constitué au sein de l’armée française des “ sections sanitaires anglaises ” chapeautées par la Croix-Rouge britannique et pourvues d’un statut officiel le 23 mars 1915. Nourris, transportés et payés par l’armée française, ceux-ci ont reçu des grades et ont secouru en priorité les combattants plutôt que les civils. Le 29 janvier 1917, ils acceptaient même d’évacuer les patients d’un hôpital de campagne pour céder la place à des soldats blessés, tandis qu’ils mettaient leurs ambulances à disposition du haut commandement militaire de Strazeele pour transporter les troupes françaises fuyant l’avancée des Allemands à Armentières en avril 1918. Le contraste n’en est que plus saisissant avec le War Victims Relief Committee, autre organisation quaker qui, elle, a strictement limité son aide aux civils et aux personnes hors de combat en Grande-Bretagne, tels les prisonniers de guerre allemands détenus sur l’île de Man. En France, la période de reconstruction, qui commence en 1919, permet certes de démarrer des programmes moins controversés. Pour ne pas concurrencer l’agriculture locale et ne pas habituer les paysans à dépendre de l’aide internationale, l’AFSC décide alors de revendre ses vivres à prix coûtant plutôt que de les donner gratuitement. Les meubles fabriqués par ses volontaires sont ainsi cédés aux trois quarts de leur coût de production. Les paysans, eux, préfèrent que les Quakers fournissent des logements préfabriqués et ne reconstruisent pas leurs anciennes maisons, dont les ruines laissées intactes permettent de réclamer des réparations de guerre.

-A partir de 1919, Suisse : dans la lignée des Amis qui avaient participé aux conférences de la paix de La Haye en 1899 puis 1907, l’AFSC soutient la création de la SDN (Société des nations). Pour éviter les guerres, la constitution d’une instance supranationale destinée à arbitrer les disputes correspond en effet aux idéaux des pionniers du mouvement quaker, tels un John Bellers en 1710 ou un William Penn en 1690, qui avaient conçu des projets de Parlement européen incluant les Russes et les Turcs. A la première conférence mondiale des Amis, qui se tient à Londres du 13 au 20 août 1920, certains critiquent certes la SDN, érigée en “ club des vainqueurs ” et coupable d’appliquer des sanctions économiques contre l’Allemagne, dont le gouvernement n’est pas admis à siéger à Genève avant 1926. D’autres reprochent à l’organisation d’envisager le recours à des interventions militaires multilatérales en cas de menace à la paix mondiale. Après l’ouverture d’un bureau quaker auprès de la SDN à Genève en septembre 1922, l’AFSC décide cependant d’accompagner les travaux de la Société. Celle-ci compte d’ailleurs un bon nombre d’Amis. Son sous-secrétaire général, Inazo Nitobe, est un Quaker Japonais qui est marié à une coreligionnaire américaine ; Philip Noel-Baker, un diplomate qui travaille au secrétariat de la SDN de 1920 à 1922. Récompensé en 1959 du prix Nobel de la paix à cause de ses efforts en faveur du désarmement, ce dernier participera ensuite à la rédaction de la Charte des Nations Unies en 1945.