>
American Friends Service Committee
>
Historique

American Friends Service Committee - Historique




Années 1980


-1980-1985, Nicaragua : suite à l’arrivée au pouvoir des Sandinistes en 1979, l’AFSC ne cache pas sa sympathie pour les révolutionnaires qui ont renversé la dictature d’Anastasio Somoza, alliée des Etats-Unis. Le Comité de Philadelphie vante alors les acquis sociaux du nouveau régime et condamne le soutien militaire de Washington à l’opposition armée des Contras. Dans un pamphlet publié pour le compte de l’AFSC en 1984, son représentant au Guatemala à partir de 1976, Philip Berryman, minore ainsi les liens des Sandinistes avec Moscou et nie leur volonté d’exporter la révolution en appuyant les mouvements de guérilla en Amérique centrale. D’après lui, les droits économiques des pauvres sont plus importants que la tenue d’élections pour satisfaire les attentes d’une petite élite en matière de pluralisme politique. Le parti-pris est manifeste, minimisant l’ampleur de la répression des Sandinistes contre les chrétiens ou les Indiens Miskitos. A partir de 1985, la montée en puissance des Contras oblige néanmoins l’AFSC à mettre en place des programmes humanitaires pour les réfugiés salvadoriens au Honduras et les populations déplacées par les combats au Nicaragua.

-1981-1985, Ethiopie : en vertu d’un accord signé avec la dictature marxiste de Mengistu Haile Mariam en octobre 1981, l’AFSC démarre en janvier 1983 des programmes de réinstallation sur des sites choisis et désignés par le gouvernement dans le Sud du pays en juillet 1982. L’objectif est d’accueillir les victimes de la guerre d’Ogaden contre la Somalie en 1978, et non les paysans expulsés du Nord de l’Ethiopie, en proie à une insurrection. La population ciblée est essentiellement constituée de Boran, de Marehan et de Guji que l’on trouve également au Kenya. Installés à Mugayo en pays oromo ou à Borena-Awraja dans la région de Sidamo, les nouveaux venus sont cependant mal acceptés par les autochtones, notamment les Marehan du clan du président Siad Barre au pouvoir dans la République voisine de Somalie. De plus, la dictature d’Addis-Abeba multiplie les obstacles administratifs. Chargés de distribuer des vivres avant de monter des programmes de développement rural, les expatriés américains de l’AFSC sont suspectés d’être des espions au service de Washington. Le gouvernement leur reproche également de ne pas investir assez d’argent en faveur des victimes de la famine qui ravage le reste du pays. En décembre 1983, il met abruptement un terme aux activités de l’AFSC. Dans une lettre datée du 23 février 1984, le ministre de l’aide et de la réhabilitation, Dawit Wolde Georgis, argue que les programmes menés à Mugayo et Borena-Awraja sont trop petits et, partant, insignifiants, voire inutiles. Le représentant de l’AFSC à Addis-Abeba, Eric Metzer, réplique que son organisation consacre déjà à l’Ethiopie une part substantielle de son budget outre-mer : $188 000 sur $4 373 000 en 1983. Au siège à Philadelphie, il explique que les autorités ont sans doute voulu arrêter l’expérience de Mugayo parce que sa réussite mettait en évidence l’échec des programmes menés par le gouvernement. Dans le même temps, il admet que le ministère de l’aide et de la réhabilitation a toujours entravé le projet, empêchant les paysans d’utiliser les outils fournis et remisés dans des entrepôts fermés à clé. Sur place, le personnel éthiopien du Comité a également volé une partie des médicaments donnés par Philadelphie. Pressées de mettre la main sur les véhicules et le matériel de l’AFSC, les autorités confisquent bientôt tous les équipements du projet. Les derniers expatriés de Philadelphie quittent le pays en juin 1984. Ils ne réussissent ni à négocier le démarrage d’autres activités en milieu rural, ni à passer le relais de leurs programmes à d’autres ONG. Toujours actif en Somalie, l’AFSC n’est donc plus présent que dans un des deux Etats ennemis de la Corne de l’Afrique, ce qui compromet sa neutralité. Aux Etats-Unis, Philadelphie continue néanmoins de lever des fonds pour envoyer en Ethiopie des vivres distribués par l’intermédiaire de la CRDA (Christian Relief and Development Association). Cette dernière est en l’occurrence très critiquée par les médecins sans frontières. Non contente de participer aux programmes de réinstallation forcée des paysans du Nord vers le Sud, elle publie en effet en décembre 1985 un communiqué qui cautionne la politique agricole de la dictature de Mengistu Haile Mariam.

-1982-2003, Somalie : suite à un accord de coopération signé en août 1982 avec le gouvernement de Siad Barre à Mogadiscio, les Américains de l’AFSC et les Britanniques du QPS décident de se partager les tâches. Au Nord-Est, les premiers s’occupent d’irrigation et de développement hydraulique à Bender Beila dans la région de Bari. Au Nord-Ouest près de Borama, les seconds interviennent quant à eux dans un camp de réfugiés éthiopiens, Darye Macaane, où leurs expatriés vivent dans des huttes et tentent de former la population à l’horticulture. Concrètement, le programme de l’AFSC démarre sous la houlette de Patrician Hogan en janvier 1984. Repris par Ned Seligman à partir d’avril 1985, il s’étend bientôt à Erigavo dans la région de Sanaag. Encadrés par des hommes du ministère de l’Intérieur, les expatriés américains et britanniques ont cependant beaucoup de mal à empêcher le détournement de leur aide. A Bender Beila, du ciment et des outils fournis par l’AFSC disparaissent. A Darye Macaane, le gouvernement gonfle les effectifs de réfugiés afin de mettre la main sur leurs rations alimentaires. Au milieu des années 1980, il prétend que le camp continue d’accueillir 40 000 personnes même si les volontaires britanniques du QPS et de Save the Children savent très bien qu’il n’en abrite vraisemblablement plus que 16 000, contre un maximum de 80 000 au moment de sa création au sortir de la guerre d’Ogaden, en 1979. Autre souci, la montée en puissance de l’opposition armée contre la dictature de Siad Barre restreint les possibilités d’action. A Khartoum au Soudan, le QPS déplore d’abord la mort de deux volontaires, Chris et Clare Rolfe, tués le 15 mai 1988 à l’hôtel Akropol lors d’un attentat du groupe palestinien Abou Nidal, qui accuse les organisations humanitaires d’espionner pour le compte des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Bien que l’événement ne soit pas directement lié à la situation en Somalie, il marque les esprits et incite les Quakers à adopter un profil bas. Robert Maletta, qui reprend en janvier 1988 les programmes de l’AFSC dans la Corne de l’Afrique, est ainsi amené à quitter Mogadiscio en octobre 1989, avant de s’en aller travaillera pour l’IRC puis Oxfam au Soudan. Après l’effondrement de la dictature de Siad Barre en janvier 1991, le Comité de Philadelphie n’a alors plus accès au terrain et doit désormais se concentrer sur le Sud de la Somalie, où il ravitaille des orphelinats. Dans le cadre de l’Opération Restore Hope, le débarquement de troupes américaines complique encore davantage la situation à partir de décembre 1992. En principe, l’intervention militaire des Etats-Unis vise à restaurer un semblant d’ordre et à empêcher le détournement des secours par les seigneurs de guerre dans le Sud de la Somalie. Mais l’AFSC et le MCC désapprouvent une opération qui, en réalité, exacerbe les tensions et compromet les ONG occidentales aux yeux de la population. Avec des financements de Bread for the World, le Comité de Philadelphie peut seulement commencer en 1993 à assister les villageois de Janane dans la région de la Shebelle. Dirigés par Mohammed Abdirahman, un Somalien qui travaille pour l’AFSC depuis 1982 et qui est remplacé par Abdikadir Hassan Mohammed à sa mort en 1999, ces programmes ne parviennent jamais à s’enraciner et consistent seulement à distribuer un peu de nourriture à des victimes d’inondations en 1998. A Omeria, par exemple, les villageois ne s’investissent pas dans l’école construite en 1996 et les enseignements s’arrêtent dès que Philadelphie cesse de payer l’instituteur. A partir de 1995, le retrait des troupes américaines puis onusiennes n’y change pas grand chose. A Asayle, les 17 kilomètres de canaux d’irrigation que l’AFSC a entrepris de réhabiliter en 1996 se bouchent bientôt car les communautés avoisinantes refusent de les entretenir. Pour achever les travaux, qui se terminent en 2003, le Comité de Philadelphie doit donc se résoudre à passer un contrat de $30 000 avec une entreprise locale. En pratique, l’organisation n’est de toute façon pas en mesure de suivre ses programmes car, depuis 2001, plus aucun de ses expatriés ne peut se rendre sur place du fait de l’insécurité.

-1983-1991, Etats-Unis, Grande-Bretagne : l’AFSC conteste de plus en plus l’administration de Ronald Reagan, qui persiste à vouloir déployer des missiles américains en Europe et dans le Pacifique. Un des responsables du Comité, Joseph Gerson, organise par exemple des manifestations contre l’établissement d’un port militaire destiné à accueillir des bâtiments nucléaires à Boston. Le directeur des campagnes de désarmement de l’AFSC, Terry Provance, propose quant à lui un moratoire qui a le soutien d’un député républicain, Edward Markey, et de deux sénateurs démocrates, Edward Kennedy et Mark Hatfield. En mai 1983, les membres du Congrès s’opposent cependant à un projet qui, concrètement, entérine le monopole des Soviétiques sur les missiles de portée intermédiaire que Moscou a introduits en Europe six ans plus tôt. Les Quakers du Vieux continent prennent alors le relais de l’AFSC en donnant un prolongement fiscal à la lutte pacifiste antinucléaire. Leur tradition de protestation contre l’armée y est en effet fort ancienne. Dès 1949, les Amis norvégiens avaient ainsi décidé d’arrêter de payer, ou de déduire, une partie de leur impôt sur le revenu en le reversant à des œuvres philanthropiques plutôt qu’à l’Etat lorsque celui-ci en affectait plus de la moitié à des dépenses militaires. Opposés à l’envoi de troupes aux Malouines, les Quakers de Grande-Bretagne ne sont pas en reste. A défaut de pouvoir jouer sur les droits de douane ou la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée), ils commencent en 1982 à retenir du paiement de leur impôt sur le revenu une proportion de 12% qui, selon eux, équivaut à la part des dépenses du gouvernement britannique dans le secteur de la défense. Poursuivis en justice par le fisc en 1985, les protestataires perdent leur procès et sont déboutés en appel. Leur plainte est également rejetée par la Cour européenne des droits de l’homme, au motif que le citoyen ne peut décider à lui seul de l’usage de ses taxes. A partir de 1991, les derniers réfractaires décident en conséquence d’inonder le fisc de lettres de doléances à chaque fois qu’ils s’acquittent de leur impôt sur le revenu.

-1984, Grenade : en janvier 1984, l’AFSC envoie à Saint-Georges une délégation pour enquêter sur l’intervention militaire des Etats-Unis qui, en octobre 1983, a renversé le gouvernement marxiste au pouvoir dans l’île. Hostile à la politique de Washington, l’organisation quaker cherche d’abord à réhabiliter le programme socialiste que le New Jewel Movement a développé à la suite d’un coup d’Etat en mars 1979. L’AFSC minimise donc les violations des droits de l’homme et les accointances de son leader, Maurice Bishop, avec l’Union soviétique, Cuba et la Libye. En revanche, le Comité de Philadelphie souligne l’illégalité de l’intervention militaire américaine, opération qu’elle avait déjà été amenée à condamner publiquement en participant le 12 novembre 1983 à une grande marche organisée à Washington avec le parti comuniste américain, des groupes trotskistes et des représentants de la « Nouvelle Gauche ».

-A partir de 1985, Israël/Palestine : l’AFSC démarre de nouveaux projets auprès des populations arabes dans les territoires occupés. Depuis Jérusalem, où il collabore bientôt avec le PARC (Palestinian Agricultural Relief Committee), il participe par exemple à une campagne contre la destruction de maisons palestiniennes et fournit une aide juridique aux victimes spoliées de leurs terres. A Haïfa, il travaille plutôt avec une organisation de femmes, Isha L’Isha, qui combat les trafics de prostituées en provenance d’Union soviétique. Dans la bande de Gaza, encore, il finance des crèches, la restauration de bâtiments et des programmes éducatifs pour les jeunes. Côté israélien, il s’oppose par ailleurs à la construction d’un mur de séparation à partir de 2002 et soutient les objecteurs de conscience (les refuseniks) qui refusent d’effectuer leur service militaire. Il se mobilise notamment en faveur de Noam Bahat, pour qui il organise une tournée de conférences aux Etats-Unis après sa libération en 2004.

-1986, Brésil : l’AFSC ouvre un centre d’éducation sanitaire, le Centro de Educação para a Saúdé, à Santo André dans la lointaine banlieue de São Paulo.

-1987, Liban : avec le Conseil des Eglises du Moyen-Orient, l’AFSC poursuit des programmes d’irrigation et de redistribution foncière en faveur des populations victimes de la guerre.

-A partir de 1988, Etats-Unis : l’AFSC, qui publie un rapport intitulé Bridges of Respect, commence à s’impliquer dans la défense des homosexuels, des bisexuels et des transsexuels victimes d’ostracisme. Son engagement est le résultat d’une véritable révolution morale chez les Quakers libéraux et modernes. Par crainte du scandale, l’organisation avait d’abord préféré renvoyer en 1952 un de ses employés homosexuel et noir, Bayard Rustin, qui venait d’être arrêté par la police à San Francisco. Mais l’évolution des mœurs a bientôt conduit à un changement d’attitude par rapport à l’époque pas si ancienne où les Quakers interdisaient le divorce, désapprouvaient les unions en dehors de la communauté, condamnaient les relations sexuelles avant le mariage, blâmaient l’usage de contraceptifs, s’abstenaient de fumer, ne buvaient pas d’alcool et prohibaient la consommation de drogues. En 1975, quatre employés de l’AFSC proclamaient publiquement leur homosexualité, suivis de dix-huit autres en 1978. L’égalité des droits civiques pour les gays et les lesbiennes a par ailleurs été approuvée par la Société religieuse des Amis de New York en 1972 et confirmée à Philadelphie en 1997. Aujourd’hui, certaines communautés quakers acceptent de célébrer des mariages homosexuels ; d’autres se contentent de bénir les unions, ou bien s’y refusent complètement. Selon Jerry William Frost dans un discours prononcé en l’an 2000, il sera plus facile pour les Quakers d’admettre l’homosexualité que le divorce ou les relations sexuelles hors mariages, qui sont bien plus explicitement condamnés par la Bible.

-1989, Suisse : avec le Quaker United Nations Office (QUNO) à Genève, l’AFSC participe à la rédaction de l’article 38 de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui interdit le recrutement de mineurs de moins de quinze ans dans les conflits armés. Cette même année, l’organisation quaker contribue également à l’adoption par la Commission des droits de l’homme de la résolution 59, qui officialise le principe de l’objection de conscience pour les citoyens refusant d’effectuer leur service militaire. Les efforts en ce sens sont assez anciens. En 1950, une première tentative, relayée par le gouvernement philippin, avait échoué. A partir de 1970, le responsable du QUNO, Duncan Wood, avait ensuite formé un consortium d’ONG favorables à l’objection de conscience. Leur proposition a alors reçu l’appui du représentant de la Hollande, Theo van Boven, et d’Eileen Egan, une responsable du CRS (Catholic Relief Service). Elle sera finalement adoptée par la Russie et les Etats-Unis en 1993.