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American Friends Service Committee
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Historique

American Friends Service Committee - Historique




Années 1940


-1940-1947, Etats-Unis : alors que se précise l’éventualité d’une entrée en guerre de Washington, des représentants de l’AFSC et du MCC, Paul French et Henry Fast respectivement, font pression sur les autorités afin que le projet de conscription introduit au Congrès en juin 1940 par le sénateur Edward Burk et le député James Wadsworth prévoit la mise en place d’un service alternatif pour les objecteurs de conscience. La loi du 14 septembre 1940 (le Selective Training and Service Act) affecte en l’occurrence les pacifistes à des travaux d’utilité publique qui ne sont pas rémunérés et sont placés sous la responsabilité juridique et financière de leurs Eglises respectives. Ceux qui refusent de répondre aux convocations de l’armée, environ 6 000, aux trois quarts des Témoins de Jéhovah, finissent en prison. Les autres, la très grande majorité, sont incorporés et systématiquement assignés aux services médicaux de l’armée suite à une décision du 21 janvier 1943. Malgré son opposition au principe de la conscription militaire, l’AFSC, lui, finance les cantonnements où l’Etat enferme les objecteurs de conscience, dont une minorité de Quakers. Sur 67 camps établis avec les Mennonites et les Brethren, le Comité en gère 20 qui accueillent un total de 3 400 hommes et recensent 30 morts au cours des hostilités, la plupart des suites de maladie ou, pour l’un d’entre eux, d’une expérimentation médicale à laquelle il avait servi de cobaye. Quelques-uns sont amenés à soigner en asile les soldats revenus du front et victimes de traumatismes psychologiques ; les autres sont surtout employés par le département des eaux et forêts pour garder les parcs naturels, développer des projets d’irrigation et veiller à la conservation des sols. L’AFSC se retrouve ainsi à assurer une fonction de geôlier et à canaliser le mécontentement des jeunes objecteurs qui se plaignent des conditions de détention, demandent le versement d’un salaire, revendiquent une exemption complète du service militaire et réclament leur liberté de mouvement. Avec un rôle de surveillance assez similaire, le Comité de Philadelphie s’occupe également des Américains d’origine japonaise détenus par les autorités après l’attaque de Pearl Harbor et l’entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941. Ceux-ci protestent tout autant contre leur enfermement et la répression d’une de leurs manifestations fait deux morts dans le camp de Manzanar au nord-est de Mont Whitney près de Pine en Californie en décembre 1942. A la fin des hostilités, l’AFSC se retire le 2 mars 1946 de la Commission nationale sur les objecteurs de conscience (le National Service Board for Religious Objectors) et cesse de gérer les camps de travaux d’utilité publique, peu avant les Mennonites et les Brethren le 29 mars 1947. Le Comité demande également l’amnistie des objecteurs de conscience en prison et envisage de fournir une assistance juridique aux Quakers qui refusent de répondre à l’appel de l’armée alors que le Selective Service Act de 1948 prolonge le principe du service militaire obligatoire. Selon Jerry William Frost, l’expérience malheureuse des camps crée un fort ressentiment contre le gouvernement américain, divorce qui ira grandissant avec la guerre du Vietnam dans les années 1960.

-1941-1945, Pays-Bas : les nazis contraignent les Quakers à se séparer des élèves juifs de l’école du château d’Eerde, qui est subventionnée par l’AFSC depuis l’occupation allemande de la Hollande. Fondé en 1934 près d’Ommen dans la province d’Overijssel, cet établissement scolaire avait été ouvert pour accueillir les enfants de réfugiés victimes du nazisme. Mais en novembre 1941, les Quakers acceptent de faire un tri et d’emmener les élèves juifs dans une succursale, De Esche, d’où sont déportés et envoyés à la mort ceux qui obéissent aux consignes de leurs maîtres et ne tentent pas de fuir. L’idée est d’éviter l’expulsion de tous les enfants de l’établissement. En vain : réquisitionnée et occupée par les jeunesses hitlériennes deux ans plus tard, le 30 novembre 1943, l’école d’Eerde restera fermée jusqu’en mai 1946. Tandis que certains Quakers hollandais prennent individuellement l’initiative de cacher des Juifs et de soutenir la résistance, l’événement marque la fin de la présence permanente de l’AFSC dans le pays. En novembre 1945, le Comité de Philadelphie enverra ponctuellement des vivres aux habitants de Rotterdam et Arnhem qui vivent dans les décombres d’agglomérations détruites par les bombardements alliés. L’école d’Eerde, elle, rouvrira ses portes courant 1946 et cessera d’être un établissement quaker en 1970, après avoir déménagé dans le château de Beverweerd près d’Utrecht en 1958.

-1942-1945, Ethiopie : débarquée dans le port de Berbera au Somaliland britannique en août 1942, une équipe de la FAU arrive en novembre suivant à Addis-Abeba, où les troupes de Londres viennent de chasser les Italiens pour réinstaller le Négus au pouvoir. Le voyage à l’intérieur du pays se fait en l’occurrence sous escorte militaire. Les activités de secours durent jusqu’au départ en mai 1945 des FAU, dont les programmes médicaux ne sont pas repris par les autorités locales.

-1943-1952, Kenya, Ouganda : de septembre 1943 à février 1948, le FRS aide les Polonais qui se sont réfugiés en Afrique de l’Est. Après la guerre, ceux qui ne veulent pas revenir dans leur pays, tombé sous la férule des communistes, restent sur place ou émigrent en Grande-Bretagne. Par la suite, la Société religieuse des Amis maintient une présence au Kenya, où éclatent bientôt des troubles annonciateurs de la lutte pour l’indépendance. Lorsque l’état d’urgence est déclaré pour mater la rébellion Mau Mau en 1952, les Quakers aident alors les populations déplacées par les événements à l’intérieur des bidonvilles de Nairobi. Leur travail, constatent Firoze Manji et Carl O'Coill, consiste en grande partie à interroger et trier les personnes suspectées de soutenir les insurgés, en séparant les « terroristes » des Africains restés fidèles à la Couronne britannique.

-1944-1947, Italie : l’AFSC suit l’avancée des troupes américaines depuis la Sicile. Avec la France et la Grèce, l’Italie constitue en effet un des trois grands axes le long desquels le Comité de Philadelphie reprend pied en Europe. Après le départ des troupes allemandes, l’AFSC participe ensuite à la reconstruction du pays, notamment avec des volontaires de l’Eglise desBrethren à Carrare en Toscane. Le Comité monte également des programmes de secours pour les réfugiés yougoslaves dans les camps de Santa Maria di Leuca et Maria di Bagni. A partir du 1er janvier 1946, l’UNRRA (United Nations Relief and Rehabilitation Administration), qui intègre trois membres de l’AFSC, prend alors le relais. L’organisation s’occupe non seulement des réfugiés yougoslaves et polonais, mais aussi des Juifs libérés de prison et, pour certains, envoyés en Palestine par l’intermédiaire des FAU. Concernant l’aide à la reconstruction de logements, le programme du Comité de Philadelphie est finalement repris par le gouvernement italien en 1947.

-1945-1965, Allemagne : après la chute du régime nazi, des Quakers britanniques ravitaillent d’abord les occupants des camps de concentration de Sandbostel et Belsen, qui viennent tout juste d’être libérés en avril 1945. Puis l’AFSC, le FSC et le FRS entreprennent d’aider les prisonniers de guerre allemands, les détenus administratifs nazis et les civils déplacés par les combats dans les régions de Brunswick, de la Ruhr et de Goslar. Un Quaker anglais qui avait travaillé en Allemagne avant la guerre, William Hugues, s’occupe par exemple d’approvisionner des camps où sont enfermés quelques 50 000 nazis. Ces programmes d’assistance se heurtent bientôt à des difficultés car le général Bernard Montgomery, commandant en chef de l’armée britannique, interdit de “ fraterniser ” avec l’ennemi. De plus, l’AFSC est obligé de travailler sous la tutelle des troupes alliées et du CRALOG (Committee of Relief Agencies Licensed to Operate in Germany), un Comité monté en février 1946. Le dispositif contraint les ONG à envoyer régulièrement des rapports à l’armée et à obtenir la permission du gouvernement militaire américain pour pouvoir importer et débarquer des vivres dans le port de Brême. Logés dans des maisons réquisitionnées, pourvus d’un statut d’officier, financés par des subventions gouvernementales, nourris et transportés par les troupes alliées, les volontaires de l’AFSC sont d’autant plus coupés de la population qu’ils ne peuvent pas passer le relais aux Quakers allemands, laminés par la guerre. Sous l’égide du COBSRA (Council of British Societies for Relief Abroad), les équipes du FSC et du FRS, quant à elles, n’ont pas le droit de travailler avec des Allemands jusqu’en janvier 1946. Elles doivent porter des uniformes militaires et dépendent complètement de la logistique de l’armée britannique, qui les utilise pour réguler l’afflux de réfugiés et stabiliser sa zone d’occupation. Ainsi, souligne Matthew Frank, c’est l’état-major qui, malgré les réticences du ministère de l’Economie, presse Londres de continuer à financer jusqu’en juillet 1950 des opérations démarrées en octobre 1945 pour assister les Allemands expulsés de Pologne ou de Tchécoslovaquie. Paradoxalement, relate Roger Wilson, les pacifistes quakers du FSC et du FRS s’entendent d’autant mieux avec les troupes britanniques qu’ils ont la même nationalité, qu’ils parlent la même langue et qu’en définitive, leurs relations de travail avec les militaires de leur pays s’avèrent plus souples que sous le commandement des agences intergouvernementales onusiennes. Un tel encadrement ne va cependant pas sans poser des problèmes éthiques. A Goslar, notamment, des Quakers britanniques sont amenés en 1946 à faciliter le rapatriement forcé de ressortissants d’Europe de l’Est qui ne souhaitent pas revenir dans leurs pays tombés sous la férule communiste et qui, pour protester, refusent de participer à l’entretien de leurs camps alors même qu’ils sont mieux traités que les autochtones. A la demande des Russes, l’armée britannique commence en effet à trier les Ukrainiens qui, accusés d’avoir collaboré avec les nazis, se prétendent polonais pour ne pas rentrer en URSS. De son côté, l’AFSC est bien autant instrumentalisé par les troupes d’occupation de son pays en vue de contrer la menace communiste. S’inspirant pour partie des conclusions d’un rapport de Herbert Hoover en février 1947, le plan de reconstruction du secrétaire d’Etat américain George Marshall prévoit en l’occurrence de déverser une aide massive en Allemagne de l’Ouest, quitte à y écouler les surplus de l’armée. Résultat, l’AFSC bénéficie de financements gouvernementaux généreux et peut consacrer à la région 8% d’un budget opérationnel de $4 586 000 en 1948, ceci sans compter des réserves qui s’élèvent à $1 015 000. En conséquence de quoi, les Quakers américains participent activement à la reconstruction de l’Allemagne de l’Ouest, même s’ils désapprouvent son réarmement par Washington. A Darmstadt puis Berlin, ils commencent par établir des centres sociaux, des garderies d’enfants et des bibliothèques, respectivement en juin et septembre 1947. L’AFSC, qui a dû se retirer de la zone d’occupation soviétique dès septembre 1946, recentre ensuite toutes ses activités sur la partie occidentale du pays. A Berlin courant 1949, explique Mike Yarrow, il restreint ses distributions de vivres aux zones contrôlées par les Alliés car il craint que son aide soit utilisée à des fins de propagande politique par ses deux « partenaires » en la place, à savoir les ONG Arbeiterwohlfart, qui émane des sociaux-démocrates, et Volkssolidarität, qui est la branche humanitaire des communistes du parti socialiste unifié SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands). Jusqu’en 1950, le FRS participe pour sa part au repeuplement de l’Allemagne de l’Ouest en facilitant le “ rapatriement ” des communautés germanophones expulsées de Pologne, de Silésie, de Poméranie et du pays des Sudètes. Certes, l’organisation parraine également des départs pour l’Amérique du Sud et du Nord. Mais un pareil flux migratoire compense à peine les arrivées, la Grande-Bretagne n’acceptant que les travailleurs célibataires. Dans tous les cas, la guerre froide consacre de toute façon la division de l’Allemagne en deux blocs antagonistes. Une fois passé le temps de l’urgence puis de la reconstruction, les Quakers réorientent alors leurs activités en faveur de la paix et organisent des rencontres de jeunes, à défaut d’être autorisés à entreprendre un dialogue direct avec les intellectuels du camp soviétique. Après la construction du Mur de Berlin en août 1961, en particulier, l’AFSC envoie en août 1962 un représentant, Roland Warren, qui recommande à l’Allemagne de l’Ouest de ne pas rompre ses relations diplomatiques avec les pays qui ont reconnu son alter ego de l’Est, sous peine de s’isoler sur la scène internationale. Concrètement, les efforts du Comité de Philadelphie reviennent à renforcer la position de la RDA (République démocratique allemande). A l’invitation du Conseil de la Paix mondiale, d’obédience communiste, l’AFSC monte par exemple en septembre 1963 une mission d’enquête qui publie ses conclusions en février 1964 et qui critique les restrictions de visas que l’Ouest impose aux ressortissants de l’Est afin de délégitimer la RDA. L’année suivante, encore, le Comité de Philadelphie cherche à briser l’isolement diplomatique de la RDA en organisant la visite d’un député américain démocrate, Henry Reuss, puis d’une délégation de l’Allemagne de l’Est qui n’obtient d’ailleurs pas de visas pour se rendre aux Etats-Unis. Le souci de plaire aux Soviétiques va si loin que le représentant de l’AFSC à Berlin refuse d’accéder aux demandes de Philadelphie pour intercéder en faveur de deux Américains emprisonnés en RDA, Heinz Brandt et Mark Hussey.

-1946-1948, Etats-Unis : l’AFSC, qui avait déjà soutenu la création de la SDN en 1919-1920, participe de près aux travaux qui marquent les débuts de l’ONU (Organisation des Nations Unies). Dans l’esprit des prières quakers, le Comité de Philadelphie obtient ainsi que chaque session de l’Assemblée générale s’ouvre et se termine par une minute de silence. En octobre 1948, l’AFSC se dote par ailleurs d’un bureau à New York pour se rapprocher du quartier général des Nations Unies, où une salle de méditation est construite à sa demande. Son premier représentant sur place, Philip Jessup, est en l’occurrence promis à une belle carrière puisqu’il deviendra ambassadeur itinérant du président Harry Truman en 1949, puis juge à la Cour internationale de justice à La Haye de 1961 à 1970. Médiateur entre l’Inde et le Pakistan lors de la crise du Cachemire en 1948, son successeur à l’AFSC, Elmore Jackson, n’est pas en reste et s’oppose par exemple au projet de l’ancien président américain Herbert Hoover qui, dans un article du New York Times le 28 avril 1950, propose de refonder l’ONU sans les pays du bloc soviétique. Pour le Comité de Philadelphie, l’objectif n’est pas seulement de promouvoir la paix et le dialogue entre les nations. Au titre de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1948, dont l’article 18 proclame la liberté de religion, les Quakers utilisent également la tribune onusienne pour réclamer un droit d’objection de conscience et une exemption du service militaire. Leurs efforts sont relayés à Londres par les Britanniques du Friends World Committee for Consultation, qui est admis au Conseil économique et social des Nations Unies, l’ECOSOC (Economic and Social Council), en mars 1948. A Genève, les Quakers disposent aussi d’un centre qui, financé aux deux tiers par Philadelphie et pour un tiers par Londres, sera finalement géré par le FSC pour des raisons pratiques.

-1947, Norvège, Finlande : l’AFSC et le FSC sont récompensés du prix Nobel de la paix. La cérémonie consacre la montée en puissance du Comité de Philadelphie, dont le budget atteint sept millions de dollars, contre une centaine de milliers avant guerre. Avec 225 salariés au siège en décembre 1945, l’organisation compte désormais douze branches régionales aux Etats-Unis, en l’occurrence à Richmond dans l’Indiana, à Austin au Texas, à Cambridge dans le Massachusetts, à Chicago dans l’Illinois, à Colombus dans l’Ohio, à Des Moines dans l’Iowa, à Greensboro en Caroline du Nord, à Portland dans l’Oregon, à Seattle dans l’Etat de Washington, à Wichita dans le Kansas, à San Francisco et à Pasadena en Californie. Quelque 200 volontaires travaillent par ailleurs à des programmes de reconstruction à travers le monde, notamment en Allemagne, en France, en Autriche, en Finlande, en Pologne, en Hongrie, en Italie, en Chine et en Inde. En Finlande, par exemple, l’AFSC aide les réfugiés qui ont fui la Carélie occupée par l’Union soviétique. Financées par des crédits inutilisés du Fonds de secours à la Finlande créé par Herbert Hoover en 1939, ses équipes sont d’abord basées à Stockholm, où elles ont racheté deux camions de l’armée suédoise pour véhiculer des vivres en 1945. L’année suivante, elles s’installent à Rovaniemi en pays lapon, où elles collaborent avec la Croix-Rouge finlandaise et alimentent plus de 23 000 enfants avec un budget de 8,4 millions de dollars en 1947.

-1948-1950, Israël/Palestine : alors que démarrent les combats entre les Arabes et les Juifs qui réclament chacun la création d’un Etat indépendant après le départ du colonisateur britannique, l’AFSC fournit d’abord un peu d’aide médicale à Ramallah, où existe une école fondée à la fin du XIXè siècle par deux Quakers américains, Eli et Sybil Jones. Fort de son prix Nobel, le Comité de Philadelphie est initialement bien accepté par toutes les parties en présence. Le 6 mai 1948, par exemple, le président de son conseil d’administration, Harold Evans, est nommé conseiller municipal de Jérusalem, poste qu’il n’occupera cependant jamais à cause des réticences égyptiennes et de son refus d’être escorté par l’armée britannique pour rejoindre la ville depuis Le Caire. Dans le même ordre d’idées, l’AFSC devient, en janvier 1949, une des trois organisations officiellement choisies par les Nations Unies pour aider les réfugiés palestiniens, avec le CICR en Israël et la Ligue des Croix Rouges dans les pays arabes. Sous la houlette de l’UNICEF (United Nations Children's Fund), quelque 50 volontaires de l’AFSC distribuent en l’occurrence des tentes et des rations alimentaires dans la bande de Gaza, qui est occupée par l’armée égyptienne, et en Jordanie jusqu’en mai 1950, lorsque l’UNRWA (United Nations Relief and Work Agency for Palestinian Refugees) prend le relais. Une sorte de division du travail se met ainsi en place. Tandis que le CICR concentre ses efforts au nord, l’AFSC travaille surtout au sud à Rafah et Khan Yunis dans la bande de Gaza, où il enregistre quelque 200 000 réfugiés en mai 1949. Les Quakers, relève Ilana Feldman, rencontrent cependant de nombreux problèmes éthiques. Dans la bande de Gaza, d’abord, ils sont obligés de travailler de concert avec l’armée égyptienne, qui avait assuré les premières distributions de vivres, et ils découvrent avec effroi qu’une mitrailleuse est installée dans le jardin de la villa de leurs volontaires. De plus, ils sont confrontés à de nombreuses fraudes en vue de gonfler le nombre de personnes habilitées à recevoir des cartes de rations alimentaires. Les chefs de villages, les mukhtars, monnaient ainsi le droit d’être enregistrés sur les listes des bénéficiaires de l’aide. Enfin, les Quakers se heurtent au refus des Nations Unies lorsqu’ils veulent étendre leurs services aux autochtones, qui sont bien aussi pauvres que les réfugiés. Pressé de faire le tri, l’AFSC accepte de réduire le nombre de bénéficiaires mais s’inquiète de devoir appliquer les instructions onusiennes en vue de couper les vivres aux fraudeurs et de laisser l’armée égyptienne emprisonner les récidivistes. Partant, l’organisation se retrouve à creuser des clivages autrefois inexistants entre les réfugiés et les autochtones de la bande de Gaza. Le Comité de Philadelphie, qui avait initialement hésité à accepter la proposition des Nations Unies face à l’ampleur de la tâche, décide donc de se retirer des camps alors que les Palestiniens deviennent plus vindicatifs et que la presse du Caire accuse l’AFSC d’être un instrument de l’impérialisme américain. L’organisation poursuit néanmoins ses activités en Israël, où elle s’occupe des habitants arabes de la ville d’Acre et démarre un projet agricole dans le village de Tu’ran près de Nazareth en Galilée.

-1949-1950, Pologne, Yougoslavie : à l’instar des autres ONG occidentales en Pologne, l’AFSC et le FRS doivent quitter le pays à la demande des autorités communistes en mai 1949. Significatif des débuts de la guerre froide, leur retrait signale un désengagement des Quakers sur l’ensemble de l’Europe centrale et orientale. En Yougoslavie, notamment, la FAU a dû céder la place à la Croix-Rouge locale, renoncer à se rendre dans l’arrière-pays et partir dès décembre 1945, neuf mois après avoir commencé à distribuer des vivres avec deux volontaires de Save the Children dans les ports de Split et Dubrovnik. Certes, la rupture entre Josip Broz Tito et Joseph Staline en 1948 a un moment laissé espérer une reprise des activités en Yougoslavie. Quand Moscou accuse Belgrade d’abriter des bases américaines secrètes, l’AFSC est ainsi convié à vérifier sur place les assertions des Soviétiques. Lors de sa mission d’enquête en 1950, le Comité, qui confirme les dénégations yougoslaves, obtient alors de pouvoir visiter les sites incriminés dans des zones militaires sur l’île de Vis et le long des frontières. Pour autant, il n’est pas autorisé par Belgrade à entreprendre des programmes de développement.