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American Friends Service Committee
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Historique

American Friends Service Committee - Historique




Années 1960


-1960-1962, Maroc : l’AFSC et son représentant sur place, Bronson Clark, aident les réfugiés algériens qui continuent de fuir la répression coloniale française. Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, le Comité facilite ensuite leur retour et leur réinsertion.

-1961, Etats-Unis : soucieux de se dissocier de la politique étrangère américaine, l’AFSC décide de ne pas participer directement à la gestion des peace corps que le président John Kennedy lance en 1961. Le Comité de Philadelphie craint en effet que les autorités n’en profitent pour instrumentaliser son aide et imposer une instruction militaire aux jeunes volontaires outre-mer. Dans le même ordre d’idées, l’AFSC maintient une certaine distance avec l’International Voluntary Services (IVS), un collectif d’Eglises protestantes favorable à la création des peace corps et à la fondation duquel les Quakers avaient participé en 1953. Envoyer des jeunes dans les pays en développement est pourtant une idée chère au Comité de Philadelphie, qui avait commencé dès 1934 à monter des camps de travail volontaire pour les jeunes pacifistes aux Etats-Unis. L’expérience, en l’occurrence, s’était bientôt poursuivie à l’étranger avec le Service civil international, une organisation lancée en 1920 par Pierre Ceresole (1879-1945), un Quaker suisse dont le père avait été président de la Confédération helvétique en 1873. Après le Mexique en 1939, l’AFSC avait ainsi envoyé des jeunes contribuer à la reconstruction des pays européens dévastés par la Seconde guerre mondiale, essentiellement en Allemagne, en France, en Autriche, en Finlande, en Pologne, en Italie, en Belgique et en Hollande. Mais le Comité de Philadelphie a ensuite voulu rester maître du déploiement géographique de ses volontaires. A mesure que la guerre froide prenait de l’ampleur, il a notamment pris soin de ne pas négliger les pays de l’Est. En 1962 au moment de la crise des missiles à Cuba, l’AFSC et le FSC n’hésitent donc pas à conclure un accord avec le ministère soviétique de la Jeunesse pour organiser en commun des colonies de vacances et développer l’amitié entre les peuples.

-1962, Congo-Kinshasa : suite à l’année mondiale du réfugié, décrétée par les Nations Unies en 1960, l’AFSC envoie en 1962 des vivres pour les personnes déplacées par les troubles liés à l’indépendance de l’ancienne colonie belge. Alors que d’autres foyers insurrectionnels s’allument en Afrique, le Comité de Philadelphie est de plus en plus amené à travailler avec le HCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés), agence dont le numéro deux était un Quaker américain, James Read, au moment de sa création en 1951.

-1963-1994, Afrique du Sud : l’AFSC, qui avait commencé à explorer la région en 1932, entreprend d’assister les populations noires de la région de Johannesburg à partir de 1963. Depuis le Botswana, les Quakers accueillent également des réfugiés de l’ANC (African National Congress) qui fuient le régime raciste de l’apartheid. A l’époque, les programmes sont surtout menés par l’intermédiaire du FSC britannique. Représentant de l’AFSC pour l’Afrique australe de 1960 à 1964, Lyle Tatum bénéficie également du soutien de l’ambassadeur américain en poste à Pretoria depuis 1961, un Quaker du nom de Joseph Satterthwaite. A mesure que s’accentue la répression du régime de l’apartheid, le Comité de Philadelphie s’engage alors en faveur des mouvements de libération noirs et confie la direction de ses programmes à des militants comme Peter Molotsi, un activiste du PAC (Pan-Africanist Congress) qui a dû quitter son pays après le massacre de Sharpeville en 1960, et Bill Sutherland, un Afro-américain qui a fait de la prison pour avoir refusé d’effectuer son service militaire pendant la Seconde Guerre mondiale. Basé à Lusaka et représentant de l’AFSC pour l’Afrique australe de 1974 jusqu’à sa démission en 1982, ce dernier est explicitement chargé de multiplier les contacts avec les opposants en exil, essentiellement à Dar Es Salaam en Tanzanie, où il a recueilli un dissident de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People), Robert Franklin Williams, qui avait monté une milice d’autodéfense en Caroline du Nord et plaidé pour la sécession des Etats du Sud avant de partir vivre en Chine et de s’y autoproclamer président d’une République noire américaine, la RNA (Republic of New Afrika). Le Comité de Philadelphie, explique le journaliste Stephen Chapman, renonce ainsi à rester neutre, préconisant des sanctions économiques contre Pretoria et condamnant la violence du régime de l’apartheid mais pas la lutte armée de l’ANC ou du PAC. L’AFSC se heurte en conséquence à l’hostilité des Quakers sud-africains, qui ne sont qu’une centaine, quasiment tous blancs. Cité par David Hostetter, leur leader, Hendrik van der Merwe, est un des plus critiques à cet égard. A l’origine de plusieurs tentatives de médiation avec Steve Biko puis Winnie Mandela au cours des années 1980, il dénonce notamment les activistes occidentaux qui sont prêts à saboter tous les efforts de négociation pour ne pas perdre leur fonds de commerce et leur raison d’être, à la différence des exilés sud-africains, qui sont pressés de rentrer chez eux et davantage ouverts au dialogue. Chez les Quakers américains et britanniques, on condamne par ailleurs les embargos du fait de leurs effets dévastateurs pour la population civile. Contrairement à l’AFSC, on n’approuve donc pas ouvertement la mise en place de sanctions économiques contre l’Afrique du Sud dans les années 1980. Favorables à des pressions diplomatiques et médiatiques contre l’apartheid, les Quakers américains et britanniques acceptent seulement le principe d’un boycott du régime et d’un arrêt des investissements étrangers dans le pays. Ils ne demandent pas le départ des multinationales présentes en Afrique du Sud et recommandent plutôt la mise en place d’une politique d’emploi multiraciale en vue de promouvoir un système de discrimination positive. A en croire le livre de Lyle Tatum, plusieurs tendances s’opposent en la matière. D’un côté, Margaret Hope Bacon approuve le boycott des entreprises américaines qui continuent de travailler en Afrique du Sud. Quant au directeur du programme sud-africain de l’AFSC, Michael Simmons, il veut délégitimer le régime de l’apartheid en évitant tout contact avec ses responsables. D’un autre côté, l’économiste Herbert Ward Fraser souligne le rôle positif des multinationales américaines qui, en Afrique du Sud, établissent des passerelles de dialogue et contribuent à libéraliser le marché du travail. Aussi dénonce-t-il dans les sanctions économiques des mesures de rétorsion symboliques, inefficaces et contre-productives, qui risquent de polariser encore davantage la société sud-africaine et de la précipiter dans la guerre civile. Conjuguée aux pressions de la communauté internationale, l’insurrection des townships noires vient de toutes façons à bout du système de l’apartheid. Après avoir soutenu la candidature au prix Nobel de Steve Biko en 1978 puis Desmond Tutu en 1984, l’AFSC envoie finalement des observateurs suivre les élections qui symbolisent la fin de la ségrégation raciale et amènent au pouvoir le président Nelson Mandela en 1994.

-1964-1969, Etats-Unis : alors que la baisse des revenus de l’AFSC oblige à fermer des programmes dans les pays en développement, l’organisation quaker s’investit massivement dans le mouvement des droits civiques de Martin Luther King. Sous l’impulsion de Tony Henry, son directeur à Chicago, le Comité de Philadelphie commence par exemple à se mobiliser contre les propriétaires qui refusent de vendre ou de louer leurs logements à des Noirs dans la banlieue d’East Garfield Park en 1964. Pour empêcher les expulsions arbitraires et combattre la discrimination raciale, l’AFSC finance le syndicat des locataires du quartier et tente de lui donner une ampleur nationale en soutenant, lors d’une conférence à Saint Louis en 1969, la formation d’une National Tenants Organisation dirigée par Tony Henry. Dans le Sud, l’organisation quaker essaie également d’accompagner les efforts de déségrégation du gouvernement fédéral dans les écoles. Pour des raisons de faisabilité, le Comité de Philadelphie se focalise en l’occurrence sur les établissements scolaires où les réformes n’entraînent pas de violences et rencontrent moins de résistance de la part des Blancs. La radicalisation des mouvements contestataires noirs pose cependant problème. Non sans contradictions, l’AFSC continue ainsi de financer pendant un moment un groupe de Roxbury qui a coupé les ponts avec le Comité et qui prône la violence du "Black Power".

-1965, Grande-Bretagne : sous la houlette de William Barton, son secrétaire général, qui a remplacé Paul Sturge en 1956, le FSC est absorbé par la Société religieuse des Amis britanniques et irlandais, dont il devient un appendice.

-1966, Inde : peu après les combats qui ont opposé l’Inde au Pakistan à propos du Cachemire en septembre 1965, l’AFSC propose sa médiation et envoie en janvier 1966 une équipe composée de deux Britanniques, Leslie Cross et Adam Curle, et un Américain, Joseph Elder. L’initiative inquiète plutôt les Quakers indiens, qui critiquent les interférences, l’amateurisme et l’absence de neutralité des émissaires de Philadelphie. En effet, Adam Curle a été conseiller du gouvernement pakistanais, tandis que Joseph Elder est réputé plus proche de New Delhi. En outre, Indiens et Pakistanais ne cachent pas leur hostilité à l’égard de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis respectivement. Bien qu’il parvienne à rencontrer des représentants de tous les camps en présence, l’AFSC n’a ainsi aucune influence sur les belligérants ; finalisé en février 1966, son rapport d’enquête n’est même pas rendu public. L’organisation quaker en tire les conclusions qui s’imposent. Lors de la guerre d’indépendance du Bengladesh, elle renoncera à proposer ses bons offices de crainte que sa médiation entérine l’oppression des Bengali et conforte le statu quo en faveur des Pakistanais.

-1967-1970, Nigeria : tandis que la guerre et la famine prennent de l’ampleur dans l’enclave sécessionniste du Biafra, l’AFSC envoie des vivres du côté des fédéraux comme des rebelles ibo. L’organisation quaker n’est en fait plus présente dans le pays car elle n’a pas réussi à pérenniser les camps de jeunes volontaires qu’elle avait montés sous l’égide de Paul Blanshard à Ibadan en 1961 et Port Harcourt en 1962. Ses opérations de secours à destination de la région Est deviennent cependant son plus gros programme d’urgence depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Basé du côté gouvernemental, son responsable à Lagos, Kale Williams, parvient ainsi à visiter le Biafra en novembre 1969, regrettant d’ailleurs que l’aide alimente directement les combattants. Sur place depuis janvier 1969, l’AFSC gère en l’occurrence l’hôpital d’Abiriba avec le MCC. Du côté fédéral, l’organisation quaker s’occupe en outre d’un dispensaire à Ikot Usen à partir de mars 1969, puis à Asaba et Awgu en novembre suivant. Dans le même temps, l’AFSC tente de promouvoir des négociations de paix avec les rebelles. Deux médiateurs effectuent des va-et-vient entre les belligérants : Walter Martin, le représentant quaker au siège de l’ONU à New York, et John Volkmar, un professeur de Harvard qui a enseigné au Ghana et mené des missions de conciliation entre le Pakistan et l’Inde. Après l’échec des négociations initiées au plus haut niveau par l’Organisation de l’Unité africaine et le Vatican, ils ont le mérite de garder un profil bas pour mettre en œuvre une diplomatie qui essaie d’impliquer toutes les parties en présence, et pas seulement les officiels ou les gradés. Leur discrétion et leur impartialité leur valent d’être successivement reçus par les chefs de l’Etat nigérian et de la République biafraise, Yakubu Gowon et Odumegwu Ojukwu. En effet, remarque Thomas Princen, les Quakers n’affichent pas de préférence pour les sécessionnistes, à la différence des autres Eglises. Soucieux de préserver leur neutralité, Walter Martin et John Volkmar refusent notamment de transmettre à Odumegwu Ojukwu une proposition de Yakubu Gowon qui équivaut à un ultimatum en vue d’obtenir la reddition des rebelles et le retour à un cadre fédéral en échange d’une amnistie, d’un cessez-le-feu, d’une promesse de clémence et de quelques strapontins politiques pour les Ibo au niveau du gouvernement de la région Est. Vite réduits au rôle de simples messagers, les deux médiateurs de l’AFSC ne parviennent cependant pas à marquer des points. Les projets de rencontre secrète dans un endroit neutre, évoqué par Odumegwu Ojukwu, ou de déploiement d’une force internationale d’interposition, un moment accepté par Yakubu Gowon, n’aboutissent pas. A la conférence de paix organisée par l’Empereur Haïlé Sélassié à Addis-Abeba en août 1968, Walter Martin et John Volkmar ne convainquent pas non plus le gouvernement nigérian d’accepter les propositions de la délégation biafraise, qui se dit prête à renoncer à sa souveraineté si elle peut garder le contrôle de son armée. A l’occasion, les Quakers sortent alors du cadre de leur mission de bons offices et tentent d’orienter les discussions. Lors de négociations menées sous l’égide du Commonwealth à Kampala en mai 1968, l’envoyé spécial de l’AFSC, Adam Curle, propose par exemple aux Nigérians un compromis sur le modèle de l’autonomie accordée par les Etats-Unis à Puerto Rico. A Addis-Abeba en août 1968, encore, Walter Martin et John Volkmar suggèrent que les Biafrais puissent conserver une force de défense qui prendrait la forme d’une milice régionale. En vain. Sur place, les combats se prolongent jusqu’à la capitulation pure et simple des sécessionnistes en janvier 1970.

-1968, Tchécoslovaquie : l’AFSC condamne la répression du printemps de Prague par les troupes soviétiques. Fouillé et brièvement arrêté à la frontière, le représentant du Comité à Vienne est accusé d’espionnage par l’organe du parti communiste tchèque, le Rude Pravo du 31 juillet 1970.

-1969-1978, Etats-Unis : fort de son opposition à la guerre du Vietnam, l’AFSC connaît une certaine embellie, multiplie les actions pacifistes et voit son budget passer de $7 millions en 1969 à 10,4 en 1975. Le Comité se politise à mesure qu’il se laïcise et accueille des militants qui ne sont pas quakers. Il s’implique par exemple dans la campagne contre les missiles anti-balistiques (ABM) en 1969, puis contre le développement du bombardier B1 en 1976. Un des militants les plus en vue de l’AFSC, Stewart Meacham, participe notamment à l’organisation de la grande marche de Washington contre la guerre du Vietnam en 1969, puis à l’opération qui vise à bloquer toute l’activité de la capitale et qui conduit à l’arrestation de 12 000 manifestants en 1971. Les positions de l’organisation suscitent cependant des tensions dans les communautés quakers, qui sont plutôt conservatrices et républicaines à la campagne, mais progressistes et démocrates en milieu urbain. Au sein même de l’AFSC s’opposent plusieurs tendances. Au bureau de New York, qui est minoritaire, Daniel Seeger demande que l’organisation respecte les choix démocratiques des Américains, même s’ils soutiennent la guerre du Vietnam. Sam Levering, de Caroline du Nord, relève quant à lui que les manifestations de masse des pacifistes inquiètent le pays profond et que l’implication de l’AFSC dans des mouvements extrémistes n’a pas l’approbation des Quakers. D’autres, comme Russell Johnson en Nouvelle Angleterre, cautionnent en revanche la violence révolutionnaire sous prétexte qu’elle est moins meurtrière que la sauvagerie du capitalisme. Les plus radicaux voudraient que l’AFSC ne se contente pas de soutenir les objecteurs de conscience et s’engage en faveur des insoumis qui brûlent leur livret militaire et refusent de répondre aux convocations de l’armée. Favorables à l’action directe, ils s’en prennent aux institutions. Le 25 mai 1969, une militante du bureau de Chicago, Linda Quint, va ainsi jusqu’à brûler les archives d’un centre de recrutement militaire. Des étudiants du collège quaker de Swarthmore en Pennsylvanie se mettent quant à eux à fabriquer des bombes artisanales. S’inspirant des moines bouddhistes du Vietnam, un Quaker de Baltimore, Norman Morrison, s’immole pour sa part sur le parking du Pentagone le 2 novembre 1965. Malgré les réticences de la hiérarchie, la contestation oblige alors le conseil d’administration de l’AFSC à rajeunir ses effectifs en 1969 et à s’adjoindre cinq membres supplémentaires, tous âgés de moins de trente ans. Dans le même ordre d’idées, l’organisation commence à recruter des gens de couleur qui ne sont généralement pas quakers et qui se regroupent en 1971 dans une instance informelle, la Third World Coalition. Dans une lettre ouverte en 1978, ce sont finalement les employés de l’AFSC qui demandent l’instauration de quotas de recrutement pour les minorités, les femmes et les gays.