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Young Men’s Christian Association
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Historique

Young Men’s Christian Association - Historique




1870-1879


-1870-1909, France : le mouvement n’échappe pas aux tensions nationalistes de la guerre franco-prussienne. Côté français, on reconnaît les torts de l’Empereur Louis Napoléon III au début du conflit en 1870. Mais l’UCJG allemande refuse de se joindre à un appel à la paix tant que Berlin n’aura pas « récupéré » l’Alsace-Lorraine. L’association française rétorque que l’annexion des territoires de l’Est va être un « motif perpétuel de guerre ». Le débat s’envenime assez vite et l’UCJG suisse parvient difficilement à maintenir le dialogue entre les deux comités. Il faut dire qu’en France, le mouvement est lui-même assez désuni et affaibli. En 1876, il ne compte plus que 44 associations, contre 49 en 1855. A cause de la guerre puis de l’insurrection de la Commune à Paris, son centre de gravité a dû se déplacer et céder la place à Nîmes, où se tient la deuxième convention nationale des unions françaises en août 1871. Les conférences qui suivent se déroulent toutes dans les fiefs protestants de l’Est et, surtout, du Sud de la France, en l’occurrence à Bordeaux en août 1873 puis novembre 1899, à Saint Jean du Gard en août 1876, à Montmeyran en août 1879 puis novembre 1881, à Lyon en septembre 1884 puis août 1889, à Marseille en avril 1887, à Valentigney en septembre 1892 et à Nîmes en novembre 1895. C’est seulement en octobre 1902 que le mouvement revient dans la capitale pour y tenir sa treizième convention nationale. En attendant, le comité central est itinérant, à Valence de 1884 à 1887 puis à Lyon de 1887 à 1895 après un bref séjour à Paris de 1881 à 1884. Bien que dirigée de 1867 à 1873 par un président très actif, Louis Roucaute, l’association de Nîmes perd alors son rôle de leadership et se scinde en deux factions rivales qui sont expulsées du mouvement en 1881 puis contraintes de se réconcilier et de fusionner trois ans plus tard. A l’échelle nationale, l’UCJG française met aussi du temps à se stabiliser sur la base de statuts définitifs adoptés lors de sa quatrième conférence nationale à Saint Jean du Gard en 1876. La création en 1889 d’un poste de secrétaire général, d’abord occupé par Jean Hugues, puis par Emmanuel Sautter de 1896 à 1910, contribue à fixer le mouvement, qui compte jusqu’à 130 associations en 1895, contre 66 en 1879, 79 en 1881, 65 en 1887, 90 en 1899 et 103 en 1902. Reconstitué sous l’égide d’Alfred André de 1888 jusqu’à sa mort en 1896, le comité national des UCJG françaises s’établira durablement à Paris à partir de 1909. La capitale reprendra ainsi sa prééminence sur Nîmes, qui n’avait pas caché son souhait d’accueillir le siège du mouvement en 1894.
 
-A partir de 1871, Canada : établie en 1867, l’Alliance des YMCA de Montréal et Toronto est rejointe en 1871 par les associations de la Colombie britannique afin d’essayer de fédérer un mouvement éclaté. Le défi s’avère immense dans un pays gigantesque qui connaît de gros problèmes de communication et compte peu de liaisons ferroviaires. Présidé par John MacLean jusqu’à sa mort en 1889, le comité créé par l’Alliance des YMCA canadiennes en 1868 a pour seule fonction de maintenir un lien entre deux conventions nationales. Concrètement, la puissance des régionalismes et l’absence de structure centrale empêchent de superviser le développement d’un mouvement qui recense 14 000 membres adultes en 1891, avec 11 associations en 1866, 68 en 1890, 36 en 1900 et 52 en 1904. Les YMCA du Québec catholique et de la Colombie britannique, notamment, sont moins en contact avec Toronto qu’avec leurs homologues américains de l’autre côté de la frontière. Un des principaux objectifs du mouvement canadien va ainsi être de s’affranchir de la tutelle des Etats-Unis. La question de l’esclavage avait été un premier motif de dissension, à une époque où New York et Washington cherchaient encore à temporiser pour ne pas provoquer la sécession des Etats du Sud. Après avoir accueilli la troisième convention nationale des YMCA nord-américaines en 1856, l’association de Montréal avait en l’occurrence marqué son désaccord en refusant l’année suivante d’envoyer des délégués à Richmond dans l’Etat de Virginie. A l’instar de son homologue de Toronto entre 1855 et 1864, elle avait en conséquence suspendu sa participation au mouvement jusqu’en 1859. L’interdiction de l’esclavage et la défaite des Sudistes lors de la guerre de sécession allaient certes changer la donne. Le mouvement canadien, qui accueille la convention des YMCA nord-américaines à Toronto en 1876, réintègre bientôt le giron des Etats-Unis. Mais d’autres facteurs contribuent à séparer les deux organisations. Selon Murray Ross, il y a d’abord la montée du sentiment national dans un pays qui prend ses distances avec la puissance coloniale britannique et accède au statut de dominion en 1867. Il y a en outre des divergences d’intérêts par rapport aux Etats-Unis, par exemple à propos de la guerre des Boers en 1900. Il y a, enfin, un certain ressentiment à l’égard des YMCA américaines qui, cédant au lobying de Boston, se dédisent et reviennent sur la décision votée à la convention de Grand Rapids en 1899 en vue de célébrer le jubilé du mouvement à Montréal en 1901. Au-delà d’un problème de procédure, la rancœur est d’autant plus grande que l’association de Montréal avait historiquement été la première créée sur continent. Après Boston en 1901, Buffalo en 1904 et Washington en 1907, la trente-septième convention des YMCA nord-américaines va alors être la dernière à se dérouler sur le sol canadien, en l’occurrence à Toronto en 1910. En décembre 1911, les associations canadiennes décident en effet de créer un Conseil national qui démarre en janvier suivant avec un budget de 45 000 dollars. Présidée et financée par le plus gros bijoutier du pays, William Birks, la nouvelle structure est basée à Toronto et négocie à l’amiable un accord qui formalise son indépendance par rapport aux Etats-Unis et qui lui permet d’intégrer la section canadienne du comité international de la YMCA américaine, d’une part, et le comité interprovincial des YMCA du Canada, d’autre part. L’organisation se développe ensuite à un rythme soutenu sous la présidence de Geoffrey Wood à partir de 1915, Abner Kingman à partir de 1921, Roland Fairbairn McWilliams à partir de 1924 et Jose Machado à partir de 1929. Complètement affranchie de son homologue américain en 1916, elle attire jusqu’à 28 000 adultes en 1920, voire plus si l’on inclut les femmes et les mineurs, avec un total de 38 000 membres en 1910, 44 000 en 1920, 52 000 en 1930, 51 000 en 1940 et 80 000 en 1948. La YWCA n’est pas en reste. Dirigée par Susan Little à partir de 1904, Una Saunders à partir de 1912, Marjory Ford à partir de 1920, Marion Ferguson à partir de 1922, Jacqueline Norton à partir de 1924, Constance Body à partir de 1925, Madame Murray Brooks à partir de 1929, Hedwig Hobrecker à partir de 1931, Louise Gate à partir de 1938, Lillian Thomson à partir de 1946 et Agnes Ray de 1953 à 1971, elle revendique jusqu’à 44 000 membres en 1953, contre 20 000 en 1916, 18 000 en 1913 et 10 000 en 1910.
 
-A partir de 1872, Pays-Bas : à la suite d’Elberfeld en 1865 et de Paris en 1867, la sixième convention internationale des Unions chrétiennes de jeunes gens se déroule à Amsterdam en 1872. Elle y consacre l’existence d’un petit mouvement hollandais qui, adossé aux Eglises protestantes, compte une poignée d’adhérents, 400 en 1855. Mais elle peine à réconcilier les UCJG françaises et allemandes, à couteaux tirés depuis l’annexion de l’Alsace-Lorraine. La guerre franco-prussienne, précisément, a obligé le mouvement à repousser de deux ans sa convention, initialement prévue pour 1870. Profondément divisées, les YMCA de l’Europe continentale n’échappent pas à la montée des nationalismes. A Paris, Jean-Paul Cook parvient de justesse à empêcher le départ de l’UCJG française, qui n’envoie qu’un seul délégué aux conventions d’Amsterdam en 1872 puis de Hamburg en 1875. Résultat, le centre de gravité du mouvement reste à Londres. Sur le continent, les associations de Suisse et d’Europe du Nord n’en prennent que plus d’importance. Aux Pays-Bas, la première YMCA date en l’occurrence d’octobre 1851 et s’est constituée à Amsterdam sous la présidence de Willem van Oosterwijk-Bruyn. Dotée d’un comité national en octobre 1853, elle prétend être la plus ancienne organisation de jeunesse du pays. Malgré la concurrence des Eglises protestantes et catholique, qui se dotent toutes de leur propre mouvement de jeunes, à commencer par les Luthériens en 1885, la YMCA connaît alors une croissance continue, avec 10 associations en 1855, 35 en 1863, 150 en 1888 et 700 en 1928. Formalisé sous l’égide de l’AJMV (Amsterdamsche Jongemannenvereniging) à Amsterdam en novembre 1909, elle s’étend en province et adopte en novembre 1918 le nom d’AMVJ (Amsterdamsche Maatschappij voor Jongemannen) puis, en janvier 1946, d’union générale de la jeunesse (Algemene Maatschappij Voor Jongeren), tout en gardant le même acronyme. Issu de la bourgeoisie marchande, le mouvement ne parvient certes pas à s’implanter dans les milieux ouvriers, qui préfèrent monter leurs propres associations chrétiennes. Il attire cependant les jeunes lorsqu’il commence en 1911 à ouvrir des colonies de vacances qui se pérennisent à partir de 1926 dans les environs d’Utrecht, Leusden et Hulshorst. A l’instar des autres YMCA à travers le monde, il établit également des foyers, d’abord à Amsterdam en 1928, puis à Geleen en 1949. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il peine ensuite à se reconstruire après avoir failli disparaître pendant l’occupation allemande. Suite à la fermeture des universités de Delft et Leiden, les YMCA étudiantes ont en effet préféré s’autodissoudre en janvier 1942 plutôt que d’appliquer la clause d’aryanité qui aurait exclu les Juifs de leurs rangs. D’une manière générale, l’organisation, rebaptisée CJMV (Christelijk Jonge Mannen Verbond), résiste mal à la laïcisation de la société hollandaise et perd un bon nombre d’adhérents. Lâchée par les Eglises, sa branche étudiante, la NCSV (Nederlandsche Christen-Studenten Vereeniging), ferme par exemple ses portes en septembre 1985. Le reste de la YMCA fusionne quant à lui avec la YWCA pour former la Christelijk Jongeren Verbond (CJV) en 1958. Le mouvement compte quelque 40 000 adhérents en 1975.
 
-A partir de 1873, Etats-Unis : au nombre de 25 au moment de leur regroupement sous la forme d’une confédération en 1855, les YMCA américaines recensent jusqu’à 941 associations affiliées en 1873, contre 2 en 1851, 12 en 1852, 15 en 1853, 26 en 1854, 56 en 1856, 98 en 1857, 205 en 1860, 240 en 1861, 55 en 1865, 90 en 1866, 659 en 1869, 763 en 1870, 815 en 1871 et 837 en 1872. Les programmes de reconstruction après la guerre civile donnent en effet un nouvel élan au mouvement malgré la disparition d’un bon nombre de partenaires dans les Etats du Sud. Ainsi, la YMCA américaine continue de croître régulièrement, à raison de 844 associations affiliées en 1874, 721 en 1875, 982 en 1876, 1 127 en 1877 et 1 236 en 1878. Le mouvement reste certes fragile. Selon Owen Pence, près de 50% des structures enregistrées entre 1860 et 1890 périclitent et ferment au bout de dix ans. Si le rythme des créations excède celui des décès, le mouvement connaît bientôt une certaine stagnation et il faut attendre dix ans pour retrouver le pic de 1878, avec 941 associations affiliées en 1879, 972 en 1880, 903 en 1881, 881 en 1882, 837 en 1883, 868 en 1884, 931 en 1885, 1 066 en 1886, 1 176 en 1887, 1 240 en 1888, 1 273 en 1889, 1 341 en 1890, 1 385 en 1891, 1 424 en 1892, 1 439 en 1893, 1 397 en 1894, 1 431 en 1895, 1 448 en 1896, 1 429 en 1897, 1 415 en 1898, 1 429 en 1899, 1 476 en 1900, 2 421 en 1912, 2 111 en 1915, 2 194 en 1920, 1 082 en 1936, 1 292 en 1940, 1 688 en 1950, 1 799 en 1957 et 1 819 en 1962. Les chiffres publiés par la YMCA américaine ne sont d’ailleurs pas très fiables car ils continuent de comptabiliser les structures qui ont fermé leurs portes. De plus, ils enregistrent de grosses variations suivant les modes de calcul. Jusqu’en 1930, par exemple, les YMCA américaines incluent leurs homologues canadiens, ce qui gonfle artificiellement les chiffres d’environ 5%.
 
-A partir de 1874, Canada : à la suite d’une éphémère association lancée par Agnes Amelia Blizard à Saint John dans le New Brunswick en 1870, des femmes de Montréal établissent une YWCA en 1874. Hormis la ville de Quebec en 1875, le mouvement se développe surtout dans les aires d’influence anglophone et protestante, avec des groupes qui se montent à Toronto en 1873 puis Halifax en 1875. Au début, il se préoccupe surtout d’ouvrir des bibliothèques et des foyers pour les jeunes filles. A partir de 1878, il commence ensuite des cours du soir et s’étend bientôt dans les milieux étudiants et immigrés. Réuni en convention à Ottawa le 23 janvier 1895, le mouvement adopte alors une constitution qui formalise la YWCA canadienne lancée par Bertha Wight à Toronto le 7 décembre 1893. Le Québec catholique et francophone ne continue pas moins d’être marginalisé au sein d’une organisation dominée par des protestantes anglophones. A l’exception de Bertha Wight en 1894 et d’Adelaide Hoodless en 1895, qui sont d’Ottawa et Hamilton, toutes les présidentes de la YWCA canadienne viennent de Toronto avec les épouses John Mac Dougall à partir de 1896, Edward Raynolds à partir de 1900, Robert Vilgour à partir de 1904, Newton Wesley Rowell en 1913 puis 1922, Robert Falconer à partir de 1914, Robert Angus en 1923 puis 1931-1934, Muriel Brock à partir de 1924, William Lugsdin à partir de 1935, Harvey Agnew à partir de 1940, Walter Ream à partir de 1945, John Savage à partir de 1949, Ryrie Smith à partir de 1953, Edith Vuchnich à partir de 1961 et Arthur Waters Ruby à partir de 1965. Dans le même ordre d’idées, la très grande majorité des conventions nationales se déroulent en terre anglophone, en l’occurrence à Ottawa en janvier 1895, novembre 1910, juin 1935 et juin 1949, Hamilton en septembre 1896, novembre 1919 et juin 1940, Peterborough en juin 1898, London en octobre 1900, Toronto en novembre 1903, mai 1922, juin 1927 et juin 1932, Preston en mai 1924, Banff en juin 1929, Winnipeg en novembre 1913, Niagara Falls en juin 1945, Vancouver en juin 1957, Wolfville en juin 1961 et Saskatoon en juin 1965. De fait, les YWCA excluent de leurs rangs les catholiques jusqu’en 1927 et certaines continuent par la suite de leur interdire toute position élective. Pour cette raison, les associations de Montréal et Quebec City refusent d’abord de s’affilier au mouvement national qui se constitue en 1895. En un siècle, elles n’accueilleront des conventions de la YWCA qu’à deux reprises, en janvier 1907 et juin 1953 respectivement. D’une manière générale, les tensions régionales ne seront jamais vraiment résolues, en particulier à propos des questions budgétaires. Statutairement, les associations locales sont censées fournir la moitié des ressources financières du comité national. Une résolution adoptée en convention en 1935 prévoit ainsi qu’elles reversent 1,5% de leur budget à Toronto, pourcentage qui est relevé à 2,5% en 1945 et 3,5% en 1965. Mais les associations locales ne parviennent pas à fournir la moitié du budget de la YWCA au niveau national : la part de leurs contributions tourne autour d’un tiers, avant de remonter un peu dans les années 1960.
 
-1875-1916, Inde : la YMCA britannique établit en 1875 une branche en Inde, la première d’Asie avec la Malaisie, sur un continent où le mouvement poursuivra son expansion au Japon en 1880, au Sri Lanka en 1882, au Pakistan et en Palestine en 1890, en Chine en 1897, en Birmanie en 1900, au Liban en 1911, aux Philippines en 1921, en Corée en 1922, en Thaïlande en 1930 et en Irak en 1946. Les associations de l’époque ne parviennent certes pas à s’enraciner car elles sont réservées aux seuls expatriés européens. Beaucoup connaissent une durée de vie éphémère, à l’instar de la Christian Juvenile Society de Calcutta, qui date de 1822, qui s’est formalisée en 1854 et qui a pris le nom de YMCA en 1857 avant de disparaître peu après. Il faut attendre l’arrivée à Madras en janvier 1890 d’un Américain de l’Eglise presbytérienne, David McConaughy (1860-1946), pour donner un semblant d’unité et de pérennité à ces initiatives éparses. Le mouvement s’organise alors sur la base de 17 associations. Sa première convention nationale, qui se déroule à Madras en février 1891, permet en l’occurrence d’établir un comité central en dépit de l’opposition du représentant de la YMCA de Bombay, Frank Clark, qui doute de la faisabilité du projet à cause des distances et des problèmes de communication à l’intérieur d’un territoire immense. De fait, le nouveau dispositif inclut le Pakistan, partie prenante de l’Union indienne, et couvre la Birmanie à partir de 1894 puis le Sri Lanka à partir de 1907. Le tout est placé sous l’autorité d’un Conseil national dont les 21 membres sont renouvelés par tiers tous les deux ans en vertu des dispositions de la Constitution adoptée lors de la troisième convention nationale du mouvement à Madras en décembre 1894. L’organisation, qui se retrouve à l’occasion de conférences biennales puis triennales à partir de 1896, parvient néanmoins à s’implanter durablement dans le pays. Lors de sa sixième convention, à Allahabad en décembre 1901, elle recense 151 associations locales, contre 35 en 1881. La clé de sa réussite tient en grande partie au dynamisme de David McConaughy, qui veut ouvrir le mouvement à tous les jeunes sans distinction de race ou de religion, y compris, donc, des Hindous, des Musulmans et des Intouchables. Dès 1891, la YMCA de Madras comprend ainsi 140 Indiens, 82 Eurasiens et seulement 28 Européens : sur ses 250 membres, 99 ne sont pas chrétiens. De même à l’échelle nationale, les Européens ne sont plus que 822 sur 1 896 membres actifs en 1896, 2 729 sur 8 052 en 1907… et 1 376 sur 8 506 en 1925. Très tôt, le mouvement accorde en effet un place importante aux autochtones, à l’image de secrétaires comme Vedanayagam Samuel Azariah, qui devient le premier évêque anglican indien en 1912, et de Bepin Sircar, un brahmane que sa famille renie à la suite de son baptême. A la tête de l’organisation, les présidents du Conseil national sont quant à eux des Indiens convertis au christianisme, à savoir le professeur Samuel Satthianadhan de 1891 jusqu’à sa mort en 1906, puis l’ancien prince de Kapurthala dans le Punjab, Harnam Singh, jusqu’en 1920. Certes, les postes de direction restent longtemps concentrés entre les mains des expatriés, qui arrivent de plus en plus nombreux et qui comprennent désormais des femmes comme Agnes Hill, de la YWCA américaine, en 1894. Au fil des ans, la proportion de secrétaires indiens tend même à diminuer, à raison de deux sur trois en 1892, quatre sur huit en 1894, sept sur quatorze en 1896, neuf sur vingt-quatre en 1899 et seize sur cinquante-et-un en 1907. C’est finalement la Première Guerre mondiale qui va changer les choses, avec la nomination en 1916 de Kanakarayan Tiruselvam Paul pour occuper le poste de secrétaire général à la suite d’expatriés comme David McConaughy à partir de 1891, Robert Wilder puis Benjamin Barber en 1902, Edward Clark Carter à partir de 1903, John Nicol Farquhar en 1908, Archibald Clinton Harte à partir de 1909 et de nouveau Edward Clark Carter à partir de 1912. Sous l’égide d’Agnes Hill, l’indigénisation du mouvement sera encore plus lente du côté de la YWCA, qui établit son siège à Bombay en 1903, adopte une Constitution nationale en 1915 et attend la Seconde Guerre mondiale pour nommer des secrétaires générales indiennes avec Sosa Matthew à partir de 1945 puis Ivan Khan à partir de 1947.
 
-1876-1950, Egypte : la fondation d’une première YMCA sur le continent africain, au Caire en 1876, marque les débuts d’une expansion qui se poursuivra au Ghana en 1899, au Nigeria en 1908, au Kenya en 1911, en Sierra Leone en 1915, à Madagascar en 1926, au Liberia en 1949 et en Ouganda en 1959. Le mouvement peine certes à progresser dans un pays musulman. A ses débuts, il ne comprend que des expatriés, à l’instar de la YWCA constituée par Rosa Margerison au Caire en 1902. Par la suite, il reste de facto ségrégué avec l’établissement de branches séparées, anglophones et arabophones, en 1909 et 1910 respectivement. Sous l’égide du colonisateur britannique, les premières sont en l’occurrence réservées aux expatriés. Quant aux secondes, elles implosent bientôt à cause des querelles opposant les coptes égyptiens et les syriaques, qui préfèrent se retirer de l’association. Après la Première Guerre mondiale, une YMCA ouverte aux musulmans et aux chrétiens se reconstitue certes en janvier 1923 et parvient à se doter d’un comité national en novembre 1937. Mais le mouvement reste au service du colonisateur. En décembre 1914, il aide ainsi le corps expéditionnaire australien débarqué en Egypte pour aller se battre aux côtés des troupes alliées en Europe. De même pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’occupe d’abord en 1939 du contingent britannique stationné dans le pays, puis, à partir de 1943, des prisonniers de guerre allemands capturés lors de la bataille de Libye. A cette occasion, Naguib Kelada, le premier secrétaire général égyptien de la YMCA, qui officie de 1937 jusqu’au début des années 1950, est assisté de deux expatriés américains, James Quay et Lee Dinsmore, qui, concrètement, assument la gestion des programmes de secours.
 
-1877, Grande-Bretagne : une première mouture de la YWCA britannique est créée en fusionnant en 1877 le groupe de prières d’Emma Roberts of Barnet et l’institut d’infirmières de Marie Jeanne Kinnaird, tous deux fondés en 1855. L’organisation affiche d’abord une forte vocation prosélyte. Emma Roberts a ainsi pour ambition déclarée de libérer les femmes « enchaînées » par le judaïsme, la papauté ou l’athéisme ! Très puritaine, la YWCA se mobilise notamment contre la prostitution. En 1882, elle lance à ce sujet une pétition qui aboutit au vote d’une loi réprimant le proxénétisme, le Criminal Law Amendment Act de 1885.
 
-1878, Suisse : à la suite de Hambourg en 1875, la huitième convention internationale des Unions chrétienne de jeunes gens se déroule à Genève et non à Paris, qui avait proposé sa candidature et qui s’offusque de la décision prise arbitrairement à Londres de choisir la Suisse plutôt que la France. La rencontre est l’occasion de remettre à plat les grands principes de fonctionnement d’un mouvement très hétérogène, avec des YMCA centralisées autour de Londres en Grande-Bretagne et beaucoup plus autonomes, sur une base fédérale, en Allemagne. Tandis que les francophones veulent se distancer des anglophones et demandent l’établissement d’un comité central sur le continent européen, les Américains réclament une meilleure représentation car ils constituent, numériquement, les plus grosses associations du mouvement. En dépit de l’opposition des Britanniques et notamment de William Edwyn Shipton, les délégués des divers pays s’entendent alors pour formaliser et pérenniser un organe qui, basé à Genève, revient à priver Londres de sa fonction exécutive officieuse. Avec un budget de 8 000 francs suisses en 1879, le comité international qui est institué dispose certes de moyens réduits, avec des pouvoirs résiduels. Composé d’un représentant par nationalité, il peut seulement décider du lieu de réunion des prochaines conventions du mouvement. Mais il n’est pas autorisé à superviser les YMCA locales, dont les contributions financières à Genève sont purement volontaires faute de clé de répartition. Résultat, le mouvement continue de se développer de façon hétéroclite et ne parvient même pas à se mettre d’accord sur le choix d’un logo commun. Ainsi, l’emblème adopté lors de sa neuvième convention internationale, à Londres en 1881, sera abandonné pendant la Première Guerre mondiale au profit du triangle, rouge pour les YMCA et bleu pour les YWCA. Surtout utilisé par les Anglo-Saxons, ce nouveau logo ne sera pas pour autant généralisé à toutes les associations car les orthodoxes et les protestants les plus conservateurs y voient un signe de reconnaissance jésuite, un symbole franc-maçon ou une marque du diable !
 
-A partir de 1879, Etats-Unis : doté d’un exécutif de cinq membres depuis 1864, le comité central des YMCA américaines prend le nom de Conseil « international » en 1879, puis « national » en 1924 après le départ définitif des associations canadiennes. Sa pérénisation conforte la prééminence de New York, où il s’est établi depuis la convention nationale de Portland en 1869, après s’être déplacé d’un Etat à l’autre. Présidé en 1865 par Frank Ballard puis en 1866 par Cephas Brainerd, qui en devient le secrétaire général de 1867 à 1892, ledit Conseil est certes secondé par des gens comme Robert Weidensall (1836-1922), qui développe le mouvement en milieu rural dans le Midwest, et Richard Cary Morse (1841-1926), qui vient de la famille du télégraphe et qui s’occupe des publications de la YMCA à travers tout le pays. Mais il reste dominé par des hommes d’affaires et des banquiers new-yorkais, notamment au poste de secrétaire général avec Elbert Monroe (1837-1894) de 1892 à 1894, Frederick Pratt (1865-1945) en 1895, Lucien Warner ( 1841-1925) de 1896 à 1909 et Alfred Marling (1858-1935) à partir de 1910. La restructuration de l’organisation reflète ainsi le déplacement du centre de gravité d’un mouvement né à Boston. Sous l’égide d’un nouveau secrétaire général d’origine irlandaise, en l’occurrence Robert Ross McBurney (1837-1898) à partir de 1865, la YMCA de New York a en effet fini par supplanter les autres groupements. Passant de 9 100 membres en 1900 à 31 300 en 1920, elle absorbe par exemple en 1904 la YMCU (Young Men Christian Union), créée en 1888, et devient la plus grosse association du mouvement. Sous la direction de Loring Wilbur Messer (1856-1923) à partir de 1888, la YMCA de Chicago monte également en puissance, avec 300 adhérents en 1858, 800 en 1878, 3 000 en 1885, 5 100 en 1888, 23 700 en 1915 et 37 700 en 1940. Pour autant, elle ne parvient pas à dépasser New York. Créée en janvier 1853 par le révérend Luther Stone et concurrencée par une Young Men Association, l’organisation de Chicago a d’ailleurs connu des débuts difficiles, emportée l’année suivante par une épidémie de choléra qui l’a privée de ses forces vives avant de pouvoir se reconstituer en mars 1858. Dans tous les cas, le mouvement doit apprendre à surmonter les tensions régionales qui opposent les ruraux de l’Ouest aux citadins de l’Est, et pas seulement les confédérés du Sud aux yankees républicains du Nord depuis la fin de la guerre civile. Bientôt regroupées par Etats et réorganisées en branches à l’intérieur des grandes villes, nombre de YMCA contestent le « centralisme » de New York, qui recense un tiers des membres de l’organisation et lui fournit la moitié de son budget dans les années 1880. La dépression économique de 1893 n’arrange pas les choses car les New Yorkais du Conseil « international » confirment leur domination en sauvant de la banqueroute un bon nombre d’associations locales.