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Young Men’s Christian Association
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Historique

Young Men’s Christian Association - Historique




1950-1959


-1950-1988, Corée du Sud : sensibles aux persécutions des protestants par les communistes au pouvoir dans le Nord du pays, la YMCA et la YWCA soutiennent l’intervention militaire de l’ONU et des Etats-Unis auprès des nationalistes dans le Sud. De fait, le mouvement n’a pas été épargné par les tensions qui ont déchiré la Corée après le départ de l’occupant japonais à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Reconstitué dès novembre 1945 sous l’égide de son secrétaire général Pyun Syung Ok, le comité national des YMCA coréennes s’est vite heurté à l’opposition des communistes. Dans le Nord, il a bientôt été interdit de facto et a déploré la disparition de la présidente de la YWCA, Yeasoon Choi Kim, enlevée par les troupes de Pyongyang au moment où celles-ci lançaient leur assaut contre le Sud en juin 1950. Politiquement, le mouvement est d’autant plus enclin à soutenir les nationalistes qu’il est proche du président Syngman Rhee, l’ancien secrétaire général de la YMCA de Séoul, qui va gouverner le pays de façon très autoritaire jusqu’à sa démission forcée en avril 1960. La fondatrice de la YWCA coréenne, Helen Kim, est notamment directrice des services de propagande de Séoul en août-novembre 1950, avant de jouer un rôle actif dans la Ligue asiatique contre le communisme. Concrètement, la YMCA va donc travailler avec l’armée américaine pendant toute la durée de la guerre, jusqu’à la signature d’une armistice en juillet 1953. Les vivres et les habits qu’elle envoie pour secourir les civils sont ainsi transportés gratuitement et distribués sur place par les troupes de Washington. Sous la direction de sa secrétaire générale Esther Park de 1947 à 1968, la YWCA n’est pas en reste. Contrainte d’évacuer Séoul et de s’installer à Pusan, elle dépend toujours de la logistique militaire américaine pour ouvrir un orphelinat sur une île près de Séoul. Dans la capitale, qui est reprise aux communistes fin septembre 1950, elle établit par ailleurs un foyer destiné à accueillir les jeunes filles obligées de se prostituer pour survivre au milieu des ruines. Naturellement, après la guerre, le mouvement ne peut plus travailler qu’en Corée du Sud et renonce à aller au Nord. Revenue à Séoul, la YMCA se préoccupe alors d’aider les veuves de guerre et les prostituées, qu’elle rachète aux tenanciers des bordels et qu’elle place en milieu rural à Tongnae, un centre de formation initialement ouvert en juin 1950 pour accueillir des femmes déplacées par le conflit. L’association accompagne également l’industrialisation du pays en réclamant une amélioration des conditions de travail des ouvrières en usine, d’une part, et des modifications aux règlements qui permettaient de licencier les femmes enceintes, d’autre part. Après la période de reconstruction de l’après-guerre, la YWCA doit en effet s’adapter et fermer son centre de Tongnae car ses ateliers de couture ne permettent pas de réinsérer les prostituées, qui n’ont pas les moyens d’acheter des machines à coudre. L’association se reconvertit en conséquence dans des activités de plaidoyer et pousse à l’adoption en 1960 d’un nouveau code civil qui criminalise l’adultère des maris et autorise les femmes à posséder de la terre, adopter des enfants et être chefs de ménage. Cette année-là, la YWCA se retrouve directement mêlée à la politique après le suicide de sa présidente, Maria Pak Lee, impliquée dans une affaire de corruption avec son ministre de mari. Les femmes de l’organisation sont en l’occurrence accusées d’avoir favorisé les fraudes qui ont permis la réélection contestée du président Syngman Rhee en mars 1960. L’affaire, qui provoque la démission d’une membre du conseil d’administration de l’association de Pusan, ne laisse pas beaucoup de traces car les militaires du général Park Chung Hee s’emparent du pouvoir lors d’un coup d’Etat en mai 1961. De fait, l’organisation se retrouve bientôt en phase avec la pruderie d’un régime qui, non content de fermer les bars louches et les maisons closes, soutient les efforts de la YWCA en matière de planification familiale et de réinsertion des prostitutées. Alors que les autres groupes féministes sont dissous, l’association est la seule autorisée à poursuivre ses activités… sous le contrôle étroit des militaires. La YMCA n’est pas en reste et obtient que le gouvernement oblige les maisons de passe à fermer leurs portes à minuit pour les priver d’une bonne partie de leur clientèle. Elle connaît cependant une évolution un peu différente car elle s’est étendue en milieu étudiant et ses adhérents réclament bientôt le retour à la démocratie. La situation se tend après la sanglante répression d’une manifestation de l’opposition à Gwangju en 1980. En 1981, la YMCA étudiante est interdite pour une durée de trois ans et deux de ses membres sont emprisonnés à cause de leur activisme politique. En 1986, encore, les instituteurs et les enseignants se mobilisent pour demander une démocratisation du système éducatif et trois d’entre eux, dirigeants de la YMCA sud-coréenne, sont brièvement arrêtés. L’organisation prend ainsi un tour plus politique et vindicatif à mesure qu’elle se rapproche des milieux syndicalistes et paysans. En 1985, par exemple, elle proteste contre l’auto-censure de médias aux mains du gouvernement et appelle à boycotter la redevance de la télévision, qui se rémunère déjà grâce à la publicité. En 1988, elle démarre ensuite une campagne pour défendre l’agriculture organique locale, réduire la dépendance alimentaire aux importations et promouvoir la vente directe du cultivateur au consommateur sous la forme de coopératives de production.
 
-1951-1991, Ethiopie : suite à la visite en décembre 1949 d’une délégation venue du Caire avec James Quay et le secrétaire général de l’association égyptienne Naguib Kelada, l’Empereur accepte de patronner un conseil national des YMCA qui, basé à Addis-Abeba, compte une douzaine de ministres du gouvernement. Dirigée par un copte, Michel Wassef, et encadrée par un expatrié américain, Merlin Bishop, l’organisation est officiellement lancée en 1951 et démarre ses activités deux ans plus tard. Dotée d’un siège inauguré à Addis-Abeba en mai 1955, elle tient lieu d’organisation gouvernementale de la jeunesse, revendiquant jusqu’à trois millions de membres. Elle est notamment présidée par un aristocrate, Lij Endalkachew Makonnen, qui représente l’Ethiopie à la conférence des pays non-alignés à Bandung puis aux Nations Unies, avant de devenir vice-ministre des affaires étrangères puis ministre des télécommunications, poste qu’il occupera quand il sera élu à la tête de l’Alliance mondiale des YMCA à Genève début 1974. Sur le plan social, l’organisation établit un centre pour les enfants défavorisés à Bati et entreprend depuis la ville de Dessie de vacciner et nourrir les victimes de la famine dans la région du Wollo au début des années 1970. Elle ne résiste cependant pas aux troubles politiques qui déchirent le pays et conduisent à la chute de la monarchie. D’inspiration marxiste, la nouvelle junte militaire au pouvoir fait exécuter Lij Endalkachew Makonnen en juillet 1974. Après avoir succédé à Desta Girma, le nouveau secrétaire général de la YMCA éthiopienne, Tsegaw Ayele, essaie vainement de négocier la poursuite des activités de l’organisation. Mais le mouvement ne peut plus s’autofinancer car le gouvernement limite le prix des nuitées de ses foyers. La YMCA éthiopienne est officiellement dissoute en août 1976. Depuis Genève, l’Alliance mondiale des YMCA essaie alors de venir en aide aux victimes du conflit qui s’étend dans le nord du pays. Pour rester neutre, elle décline d’abord les sollicitations de l’ERA (Eritrean Relief Association), branche humanitaire des indépendantistes du Front populaire de libération de l’Érythrée. Mais en octobre 1980, elle accepte la demande des rebelles de la Relief Society of Tigray (REST) pour prendre en charge une école d’enfants tigréens exilés à Khartoum. A partir de 1982, l’Alliance mondiale des YMCA assiste également des réfugiés soudanais à Abu Rakhim, Wad Awad et Tenedba dans l’Ouest de l’Ethiopie. Il faut finalement attendre l’écroulement du régime en mai 1991 pour que le mouvement renaisse de ses cendres. Officialisée dès décembre 1991, la YMCA éthiopienne récupère son quartier général à Addis Abeba l’année suivante et ouvre bientôt des antennes en province à Bahir Dar, Wolaita et Debre Marqos. Forte d’une douzaine de milliers de membres, elle reprend aussi ses activités sociales et assiste les victimes d’une sécheresse à Debre Berhan à une centaine de kilomètres de la capitale. Fondée en 1962 et fermée par la junte en 1976, la YWCA rouvre quant à elle ses portes en 2000.
 
-1952-1992, Ghana : lancée l’année précédente à Kumasi, la YWCA inaugure son siège officiel à Accra en juillet 1952. Suite à une première convention nationale à Anomabu, elle adopte six ans plus tard une Constitution qui confirme la présence de branches provinciales à Kumasi, Keta et Effiduasi. Sous l’impulsion d’Annie Baeta Jiagge, l’organisation se développe d’abord avec le soutien financier des associations danoise et canadienne. Composée de notables, elle compte beaucoup d’expatriées et ne cible pas les plus pauvres. Elle propose plutôt des cours de danse et est surtout réputée pour le restaurant de son foyer d’Accra, qui attire la bonne société et où les ambassades organisent leurs cocktails diplomatiques après l’indépendance du Ghana en mars 1957. Présidée de 1952 à 1967 par Annie Baeta Jiagge, qui est membre du parti unique du président Kwame Nkrumah, la YWCA est ensuite contrainte de passer sous la coupe de l’organisation féminine du CPP (Convention Peoples Party), qui date de 1961. Elle parvient certes à garder le contrôle de la gestion de son foyer d’Accra, dont la construction est achevée en 1961 et financée pour moitié par des subventions du gouvernement. Sous la direction de Delphina Bartlett-Vanderpuye, sa première secrétaire générale en juin 1960, l’organisation diversifie alors ses programmes avec des crèches pour les femmes au travail à partir de 1965, puis des maternelles à partir de 1972. Présidée par Elsie Sowah à partir de 1968 puis Josephine Essah à partir de 1976, elle ne confirme pas moins sa proximité avec la classe dirigeante. Ainsi, elle compte dans ses rangs de futures parlementaires comme Christina Wilmot, Grace Ayensu et Sophia Denku, sans parler d’Adelaine Akuffo-Addo, la femme du président au pouvoir de 1970 à 1972.
 
-1953-1980, Suisse : à Genève, l’Alliance mondiale des YMCA établit en 1953 un comité permanent pour les réfugiés et les migrants. Placé sous l’égide des Australiens Larry Moyes et Douglas Deane à partir de 1957, puis des Américain Eugene McCarthy et Jim Thomson à partir de 1975, ce département témoigne de la préoccupation grandissante du mouvement à l’égard des victimes civiles de conflits armés. Formalisé en 1954, il commence par assister les réfugiés qui fuient l’invasion soviétique de la Hongrie en 1956 et qui bénéficient du soutien des YMCA anglaise, écossaise et canadienne dans une demi-douzaine de camps en Autriche. Pour occuper les enfants déplacés par le conflit, il y établit notamment une colonie de vacances nommée en l’honneur de son président, Harper Sibley. Après l’invasion du Tibet par la Chine communiste en 1959, il s’occupe ensuite de réfugiés à Bylakuppe (près de Mysore), Chandragiri et Dharamsala, la capitale du Daila Lama en exil. Il est également opérationnel pendant la guerre du Vietnam sous la direction d’un secrétaire général de la YMCA japonaise, Yukio Miyazaki, de 1969 à 1973. Dans le camp de Traiskirchen en Autriche à partir de 1975, il commence par ailleurs à accueillir des demandeurs d’asile en provenance d’Indochine, ainsi que des Indiens expulsés d’Ouganda. Repris en main en 1973 par un Noir américain, Donald Payne, il se dote finalement en 1980 d’un fonds d’urgence pour aider les victimes de différents types de catastrophes : crise des boat people vietnamiens, massacres dans l’Assam, tremblement de terre à Latur en Inde, inondations au Bangladesh, typhons aux Philippines, réfugiés au Pakistan, cadres de la YMCA emprisonnés en Corée du Sud, guerres et sécheresses en Afrique, etc. De leur côté, les YWCA ne sont pas en reste. En 1951 lors de la conférence de leur Conseil mondial, qui s’est déroulée à proximité d’un camp de tentes habité par des Palestiniens à Beit Mari près de Beyrouth, elles ont décidé de pérénniser et d’étendre leur mandat aux réfugiés, et plus seulement aux déplacés internes. Les occasions ne manquent pas d’agir sur le terrain. Dès 1956, par exemple, la YWCA aide les réfugiés hongrois en Autriche, notamment à Reichenau et Traiskirchen, un camp de transit où elle restera jusqu’à la fermeture du lieu après la chute du Mur de Berlin en 1989. Quelques années plus tard, le mouvement entreprend également de faciliter le rapatriement des réfugiés algériens qui avaient fui la guerre d’indépendance. A cette fin, la YMCA et la YWCA américaines lancent en mars 1962 un Comité chrétien de service en Algérie, le CCSA, où l’on retrouve aussi la CIMADE française. L’objectif est tout à la fois d’accueillir les rapatriés, de s’occuper des orphelins et de participer au développement du pays en organisant des coopératives de pêche ou en plantant des eucalytus pour lutter contre la désertification. Mais les programmes du CCSA sont tous nationalisés par le gouvernement socialiste deux ans plus tard.
 
-1954-1976, Pakistan : suite à la partition de l’Union indienne en 1947, les deux dernières YMCA du Pakistan, Lahore et Karachi, peinent à constituer un Conseil national. L’association de Lahore, en particulier, est quasiment moribonde. Fondée en 1876 et réquisitionnée par l’armée britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a fort mal résisté à la décolonisation, au départ des expatriés et au désintérêt des élites musulmanes qui leur ont succédé au pouvoir. C’est ainsi son homologue de Karachi qui, créé en 1905, prend en 1956 l’initiative d’enregistrer officiellement un Conseil national des YMCA du Pakistan où les deux organisations membres sont représentées à parité. Après la partition de 1947 et la fuite de ses membres hindous et sikhs, elle devient progressivement un lieu de rencontre neutre, à l’écart des tensions politiques et régionalistes qui agitent le pays. La demande des autorités pour s’occuper des réfugiés de 1947 redonne alors un nouvel élan au mouvement. A partir de 1961, par exemple, la YWCA et la YMCA de Karachi entreprennent d’aider quelque 150 000 déplacés relogés par le gouvernement à Korangi et expulsés du vieux camp de Haji, qui se situait dans le centre-ville. L’organisation, qui ouvre un second centre communautaire de la sorte en banlieue nord en 1964, fournit en l’occurrence toute la logistique des maternelles, des écoles et des dispensaires au service des occupants des lieux. Au moment de la guerre d’indépendance du Bangladesh en 1971, elle y assiste également les Bihari qui fuient le Pakistan oriental. De son côté, la YMCA de Lahore s’occupe d’enfants malnutris et fournit des vivres aux victimes d’inondations en 1976.
 
-1955, France : l’Alliance mondiale des YMCA fête son centenaire à Paris. Devenu une véritable fédération, le mouvement célèbre aussi une internationalisation dont témoigne la tenue de son conseil en Allemagne en 1957, en Suisse en 1961, au Japon en 1965, en Angleterre en 1969, en Ouganda en 1973, en Argentine en 1977, aux Etats-Unis en 1981, au Danemark en 1985, à Aruba au large du Vénézuela en 1988, en Corée du Sud en 1991, en Angleterre en 1994, en Allemagne en 1998, au Mexique en 2002, en Afrique du Sud en 2006, à Hong Kong en 2010 et à Estes Park aux Etats-Unis en 2014. Les YMCA continuent cependant de conserver une grande autonomie. Le comité établi à Genève n’a guère de pouvoirs pour gérer l’Alliance mondiale. Ainsi, il doit renoncer au projet d’institut international qu’il avait lancé en juin 1952 pour former les cadres des YMCA et des YWCA sur l’île de Mainau au milieu du lac Constance en Allemagne. En pratique, le mouvement reste dominé par les Américains, qui fournissent 60% du budget de l’Alliance mondiale en 1950. Il en va d’ailleurs de même pour ce qui est des YWCA, dont le Conseil mondial se réunit à Londres en 1955. Faute de ressources financières, celui-ci n’a pas les moyens d’envoyer des expatriées sur le terrain. A Genève, son département de la reconstruction et du développement n’est pas non plus opérationnel depuis qu’il a remplacé le comité de la recherche et de la communication en 1947. Concrètement, les initiatives d’assistance outre-mer reviennent donc aux associations locales les plus riches, essentiellement américaines. Le Conseil mondial des YWCA, explique Carole Seymour-Jones, doit alors resserrer les critères d’élection de ses représentants pour faire face à la multiplication des structures en provenance des pays en développement. En 1951, chaque pays disposait d’un minimum de six délégués, à concurrrence d’un maximum de douze personnes, une de plus pour chaque quinzaine de milliers d’adhérents. Mais en 1955, la règle veut désormais qu’un délégué représente dix mille membres de plein droit, jusqu’à quinze mille si l’on inclut les associés.
 
-1956-2006, Ouganda : né en 1948 sur le campus de l’université de Makerere, un groupe de jeunes étudiantes chrétiennes se formalise à Kampala en 1956 sous l’égide d’une Américaine, Sue Stille, arrivée dans le pays en 1952. A partir d’avril 1954, la YWCA reçoit en l’occurrence des subventions de l’industrie cottonière afin de construire un premier foyer dans la capitale. Il lui faut certes négocier pour que le bâtiment, inauguré en décembre 1956, soit ouvert à tous et ne soit pas réservé aux seuls Africains au titre de la responsabilité sociale des entreprises. La YWCA fait alors figure de précurseur. Contrairement au schéma habituel, elle précède en effet l’établissement d’une YMCA sous l’égide de l’évêque anglican Leslie Brown en juillet 1959. Les deux organisations présentent la caractéristique d’être multiraciales dès avant l’indépendance en octobre 1962. Malgré sa proximité avec l’évêque anglican de Kampala, la YWCA n’est d’ailleurs pas très soutenue par les autorités coloniales britanniques et elle ne bénéficie pas de financements du département des affaires sociales. C’est plutôt la YMCA américaine qui va appuyer le développement du mouvement ougandais après une visite exploratoire de Merlin Bishop en 1959. Des expatriés, Dan Tyler et Moses Perry, sont ainsi envoyés encadrer les associations de Kampala en 1961 puis Jinja en 1962. En milieu rural, le mouvement entreprend également de soutenir des projets agricoles malgré la mort d’un de ses volontaires, William Turyamureba, dans un accident de scooter vers 1968. Dirigée par Ernest Sempebwa de 1974 à 1981, William Muwanga en 1981-1982, Nelson Mugerwa de 1982 à 1987, Elia Wabwire Muwesa en 1987-1989, Bart Kiggundu de 1990 à 1994 et Robert Joseph Jjumba depuis 1994, la YMCA s’étend alors en province à Mbarara, Gulu, Mukono et Kasese. Dirigée par Elizabeth Binaisa en 1965, Rebecca Sebunya à partir de 1966 et Joyce Mungherera de 1968 à 2006, la YWCA n’est pas en reste et revendique jusqu’à 1,6 million de membres cotisants en 2002, contre 1 million en 1992, 300 000 en 1986, 100 000 en 1984 et 2 000 en 1968. Selon Carole Seymour-Jones, elle devient la deuxième plus grosse organisation du mouvement après les Etats-Unis. De 1971 à 1979, elle survit notamment à la dictature d’Idi Amin Dada, qui bannit toutes les autres associations de femmes et oblige Joyce Mungherera à plonger dans la clandestinité. Les présidentes de la YWCA permettent en l’occurrence d’assurer une certaine continuité avec Mary Kasozi, qui a succédé à Margaret Muwanga en 1971, puis Alice Makanga, qui officie de 1978 à 1982 pendant une période cruciale de guerre civile. Pillé en 1979, le foyer de Kampala est par exemple reconstruit et inauguré en 1984 grâce à l’aide internationale. A l’exception du Nord, où la résurgence de mouvements d’opposition armée contraint la YMCA à fermer sa branche de Gulu, le pays renoue de toutes façons avec la paix après l’arrivée au pouvoir de la guérilla de Yoweri Museveni en 1986. La YWCA ougandaise, qui ne reçoit plus de subventions de Genève depuis 1972, en profite pour accroître sa capacité d’autofinancement, notamment sous la présidence de Berry Jagwe à partir de 1992.
 
-1957-1994, Tanzanie : arrivé à Dar es-Salaam en 1917 pour aider les soldats britanniques en lutte contre le colonisateur allemand pendant la Première Guerre mondiale, le mouvement de la YMCA n’avait jamais réussi à s’enraciner dans un pays qui comptait une forte minorité musulmane. A partir de 1957, il renaît de ses cendres sous l’impulsion d’un évêque luthérien de la région du Kilimandjaro, Stephano Moshi, qui s’inquiète de l’impact social de l’exode rural sur les jeunes paysans fraîchement débarqués en ville. Assistée d’un envoyé de Genève, Hugo Cedergren, la YMCA tanzanienne est officiellement lancée en avril 1959. Elle est d’abord aidée par son homologue suédois, qui forme ses cadres et lui envoie des expatriés. Dirigée par Justin Maeda à partir de 1961, Jacob Mallya à partir de 1963 et Stewart Lyatuu depuis 1988, l’organisation s’étend alors en province, où elle recense quatorze branches au début des années 1990. Malgré son affichage œcuménique, elle reste très marquée par ses origines protestantes. A l’exception de Herman Sarwatt entre 1977 et 1984, tous ses présidents sont des évêques, à savoir Stephano Moshi de 1959 à 1976, Eliewaha Mshana de 1984 à 1991, Samson Mushemba de 1991 à 1994 et Francis Ntiruka depuis 1994. Dirigée au cours des années 2000 par une responsable de l’Eglise luthérienne de Tanzanie, Rose Mbise, la YWCA connaît le même problème : d’après Carole Seymour-Jones, les trois quarts de ses membres sont musulmanes mais n’ont aucun droit de vote au sein de l’association. Concrètement, l’organisation est plutôt proche des élites chrétiennes au pouvoir et une de ses présidentes devient par exemple la première femme députée du pays après l’indépendance.
 
-1958-1993, Zambie : un an après la YWCA, la YMCA démarre des activitiés à Lusaka en 1958, d’abord dans le cadre de la Fédération qui réunit les deux Rhodésies et le Nyasaland (actuel Malawi) depuis 1953. Encadrée par son homologue britannique, elle s’étend rapidement à Kitwe, Muffilira, Ndola, Lusaka et Chingola. Après l’indépendance de la Zambie en 1963, elle se dote en 1968 d’un conseil national qui est aussitôt reconnu par Genève et qui revendique 38 600 membres avec sept salariés au début des années 2000. La YWCA, qui déménage son siège de Kitwe à Lusaka en 1978, n’est pas en reste et se développe sous l’égide de Musonda Kalyafye jusqu’en 1971, Monica Makulu à partir de 1972 et Mary Kazunga de 1977 à 1995. Elle entretient d’excellentes relations avec les autorités. Dans ses rangs, elle compte ainsi Gwendolyne Konie, la première femme députée du pays, et Inonge Mutukwa Wina, l’épouse d’un ministre des Finances, la secrétaire générale de la YWCA de Lusaka de 1963 à 1966 et la représentante de la circonscription de Nalolo au Parlement à partir de 2002. Avec la crise de l’industrie du cuivre à partir de 1973, l’organisation perd cependant le soutien financier des compagnies minières et dépend de plus en plus des subventions de Genève, qui fournissent bientôt les trois quarts de son budget. Après avoir aidé quelques réfugiés sud-africains qui avaient fui le régime de l’apartheid dans les années 1980, la YWCA zambienne s’investit alors en faveur des droits de la femme et de l’enfant. Favorable à la planification familiale, elle organise par exemple en 1993 une grosse manifestation à Lusaka pour dénoncer les violences faites aux femmes, de l’inceste aux abus sexuels contre des mineures. Pour sa part, la YMCA zambienne continue d’aider depuis 1985 quelque 5 000 réfugiés angolais à monter des projets de développement agricole à Meheba et Mayukwayukwa, où elle creuse des puits.
 
-A partir de 1959, Etats-Unis : l’Alliance mondiale des YWCA réclame la suspension des essais nucléaires des puissances atomiques lors d’une réunion au Mexique de son Conseil international, en l’occurrence à Cuernavaca du 29 septembre au 9 octobre 1959. En pleine guerre froide, une telle résolution traduit les préoccupations grandissantes du mouvement à l’égard des risques de confrontation armée entre l’Est et l’Ouest. Dès janvier 1954, la YWCA japonaise avait ainsi rédigé une lettre ouverte pour réclamer la suppression de la bombe atomique et la fin des essais nucléaires américains à Bikini dans l’Océan Pacifique. Par la suite, les critiques du mouvement se focalisent essentiellement sur les Etats-Unis. En novembre 1961, par exemple, la présidente de la YWCA américaine, Beth Marvel, envoie une lettre ouverte au président John Kennedy pour lui demander d’arrêter les essais nucléaires. En revanche, elle refuse de s’associer à une protestation d’Eleanor Roosevelt, la veuve de l’ancien président américain, contre la reprise des essais nucléaires soviétiques en octo bre 1961. Elle prétend en effet que la YWCA ne vise pas de gouvernement en particulier, même si son homologue canadien ne se gêne pas pour rallier la position d’Ottawa et condamner les essais en plein air de Moscou cette année-là. Le biais anti-américain est aussi évident lors de la réunion du Conseil mondial des YWCA à Melbourne en Australie en 1967. En demandant aux parties en lice au Vietnam d’arrêter les bombardements de civils et de respecter le protocole de Genève de 1925, qui interdit l’usage d’armes chimiques, l’organisation vise en effet les Etats-Unis et le régime de Saigon, qui ont la maîtrise du ciel et emploient le napalm contre Hanoï et les insurgés communistes. La YWCA américaine, qui privilégie les opérations de la paix menées par l’ONU (Organisation des Nations Unies), est parmi les plus virulentes en la matière. Au début, elle se contente de réclamer un désarmement multilatéral, l’établissement d’une force de police onusienne, un contrôle de l’arme atomique et le respect du traité de 1963 qui interdit les essais nucléaires en atmosphère. Mais à partir de 1970, elle passe à un cran au-dessus et demande l’interdiction de toutes les armes de destruction massive, qu’elles soient nucléaires, chimiques ou biologiques. Au final, elle se prononce contre les exportations d’armes vers les pays du tiers-monde en général. Les YWCA d’Océanie ne sont pas en reste dans ce domaine. A partir de 1968, les associations d’Australie et de Fiji démarrent une campagne en faveur de la dénucléarisation du Pacifique. En 1981, YWCA australienne se prononce en convention contre l’arme nucléaire, quelques années après son homologue de Fiji. Sa motion demandant une dénucléarisation du Pacifique est ensuite reprise par la conférence de l’Alliance mondiale des YWCA à Phoenix aux Etats-Unis en 1987.