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Young Men’s Christian Association
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Historique

Young Men’s Christian Association - Historique




1920-1929


-1920-1949, Roumanie : après une période de léthargie pendant la Première Guerre mondiale, la YMCA renaît de ses cendres et commence en mars 1920 à installer des foyers du soldat dans chacune des provinces militaires du pays. Placée sous le patronage de la reine Marie d’Edinburgh, qui est membre de la famille royale britannique, l’organisation mobilise jusqu’à 45 expatriés américains avant de transférer ses activités à l’armée roumaine en juin 1921. Parallèlement, elle démarre des programmes pour les civils en facilitant l’établissement à Bucarest d’une association locale, l’Asociatia Crestina a Tinerilor. La YMCA se développe alors sous l’égide d’un Américain, Frank Stevens, qui en assure la direction de 1924 jusqu’à son rapatriement au moment de l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Allemagne en 1941. Mais la plupart des activités du mouvement sont interrompues après l’arrivée au pouvoir d’un régime proche des nazis, en octobre 1940. L’association doit notamment renoncer à aider les réfugiés polonais qu’un Américain en provenance de Varsovie, Paul Super, avait installés dans les colonies de vacances de la YMCA à partir de septembre 1939. Après la défaite allemande, la victoire soviétique et l’arrivée au pouvoir des communistes, les bâtiments de la YMCA à Bucarest sont ensuite réquisitionnés tandis que le président de l’association est arrêté en avril 1948. L’organisation est officiellement dissoute en octobre 1949 et ses propriétés sont confisquées par le gouvernement.
 
-1921-1991, Pologne : un Américain, Arthur Taylor, établit à Varsovie une association de jeunes chrétiens qui est reconnue par le ministère de l’Intérieur en 1921. Son travail vise à prolonger et « civiliser » les activités militaires de la YMCA des Etats-Unis, qui a aidé les soldats polonais sur le front français pendant la Première Guerre mondiale à partir de janvier 1918, avant d’assister les troupes du général Józef Haller de Hallenburg sur la frontière russe à partir d’avril 1919. Comme en Tchécoslovaquie à l’époque, le mouvement est très proche des autorités d’un pays qui vient de recouvrer son indépendance. De fait, beaucoup de soldats polonais engagés en France étaient des émigrés revenus des Etats-Unis. De plus, le général Józef Haller de Hallenburg a servi la cause des Alliés en refusant d’avaliser le traité de paix de Brest-Litovsk qui, en mars 1918, avait permis à l’Allemagne de dégarnir son front oriental et de cesser le combat contre les forces russes. Celui-ci a ensuite aidé les puissances occidentales à endiguer la menace communiste. Installée à Varsovie en avril 1919 puis à Lublin le mois suivant, la YMCA américaine allait ainsi suivre de près les avancées et les retraites de l’armée polonaise en lutte contre les bolchéviques tout au long de l’année 1920. Fort de sa proximité avec les pouvoirs militaires, le mouvement ne rencontre donc pas de difficultés majeures pour être identifié à l’indépendance et s’enraciner dans un pays très catholique. Malgré ses origines protestantes, l’opposition du clergé et l’hostilité des jésuites, il parvient notamment à se développer avec des socialistes qui ne cachent pas leur rejet de l’Eglise et leur volonté de laïciser la Pologne. Sous l’égide de son nouveau secrétaire général Paul Super (1880-1949), qui succède à Arthur Taylor en 1922 et préside aux destinées de l’association jusqu’en 1947, la YMCA brasse large. Si elle ne compte aucun juif, ses colonies de vacances et ses équipements sportifs attirent aussi les catholiques, qui composent les neuf dixièmes de ses effectifs. De plus, elle bénéficie des ressources financières de la YMCA américaine, qui lui confie ses foyers et lui reverse ses excédents de trésorerie lorsqu’elle se désengage du pays en 1923. Enfin, de nouvelles associations créées à Cracovie, ?ód? et Gdynia rejoignent le comité national de l’organisation à Varsovie, qui fonctionne de façon plus centralisé qu’en Tchécoslovaquie. En 1939, la YMCA polonaise est devenue une des plus riches d’Europe, avec 19 000 membres, 41 secrétaires, un budget de $200 000 et un capital immobilier de deux millions de dollars. Aussi est-elle en mesure, cette année-là, d’adopter des statuts qui confirment son autonomie en l’autorisant à accueillir et élire des catholiques comme membres de plein droit, quitte à enfreindre les exigences protestantes du mouvement et à renoncer à s’affilier auprès de Genève. Mais la Seconde Guerre mondiale brise net le bel élan de la YMCA polonaise. L’organisation, qui avait préparé des jeunes à la défense civile, accompagne l’armée du général W?adys?aw Anders en exil au Moyen Orient et doit fermer ses portes en Pologne après l’occupation du pays par les Allemands. En collaboration avec l’Eglise catholique, le secrétaire général de la YMCA locale, Andrzej Krasicki, est tout juste autorisé à distribuer un peu de nourriture et à poursuivre les activités de son comité d’aide aux prisonniers de guerre jusqu’en 1942. Après avoir dû quitter Varsovie fin 1939, Paul Super parvient quant à lui à organiser l’approvisionnement de quelques réfugiés polonais en Roumanie début 1940. De telles activités ne durent qu’un temps. L’intensification de la guerre y met bientôt un terme. Sous l’égide de Kenneth Jefferson Smith entre 1947 et 1949, la YMCA renaît alors de ses cendres après la victoire de l’Armée Rouge et l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement communiste à Varsovie. En pleine guerre froide, le répit ne dure pas longtemps non plus. Socialisée sous le nom de « foyer » (Ognisko), la YMCA doit changer de statuts en janvier 1949 et rompre tous ses liens avec les autres composantes du mouvement à l’étranger, tandis que ses propriétés sont nationalisées par le gouvernement. En dépit du règlement qui l’oblige à enregistrer un seul comité national par pays, l’Alliance mondiale à Genève décide quant à elle de reconnaître en juillet 1948 une YMCA polonaise qui, exilée en Grande-Bretagne, finit cinq ans plus tard par rassembler sous l’égide d’un comité intérimaire toutes les associations similaires montées par des réfugiés polonais en Europe de l’Ouest. Créée en 1897 et affiliée à Genève en 1921, la YWCA polonaise ne connaîtra pas un meilleur sort. Récupérée par les communistes après 1945, elle sera bientôt exclue du mouvement. Il faudra en fait attendre la fin de la guerre froide et la chute du Mur de Berlin pour que l’organisation reprenne pied en Pologne. Sous l’égide de Wiktor Marek Leyk, un secrétaire général qui avait d’abord été député de 1985 à 1989, la YMCA rouvrira alors ses portes début 1990 à Varsovie et récupérera ses foyers de Cracovie, ?ód? et Gdynia, sans oublier sa colonie de vacances de Pilica en Silésie.
 
-A partir de 1922, Etats-Unis : réunies en convention à Portland en 1922, les YMCA américaines décident de s’ouvrir à tous les chrétiens et d’admettre dans leurs rangs jusqu’à 10% de catholiques, à qui un droit de vote est accordé en 1925. Leur Conseil national, qui se réunit pour la première fois à Buffalo en 1924,  se compose ainsi de 400 délégués aux deux tiers laïcs. Les YWCA, elles, ont entrepris dès 1915 d’abandonner le « test évangélique » imposé aux nouvelles adhérentes, une motion dont l’application a été retardée par la Première Guerre mondiale avant d’être votée en faveur des étudiantes en 1920 puis de toutes les catégories de population en 1926. De fait, il devient de plus en plus difficile de restreindre les services du mouvement aux seuls protestants. La laïcisation des Etats-Unis, d’abord, oblige à composer. Jusqu’en 1900, remarque Owen Pence, la YMCA américaine considérait que tous ses employés avaient une fonction prosélyte et elle ne prenait donc pas la peine de distinguer les secrétaires qui se consacraient spécifiquement à des programmes d’évangélisation. Mais ses activités sociales l’ont bientôt contrainte à s’adapter à la demande, à supprimer son « test de foi » en 1931 et à éliminer progressivement des enseignements religieux qui rencontraient peu de succès et coûtaient trop cher à maintenir : une tendance précipitée par les réductions de personnel dues à la crise économique de 1929. Le statut de l’institution, qui n’est ni contrôlée par un clergé ni rattachée à une Eglise en particulier, a également facilité les efforts d’ouverture œcuménique. Résultat, l’organisation se laïcise à mesure qu’elle se professionnalise. A l’instar de la YWCA américaine, qui continue d’assouplir sa réglementation en 1928 et 1934, elle décide en 1933 de laisser aux associations locales le soin de sélectionner les candidatures et de vérifier la ferveur religieuse de leurs membres, du moment que les nouveaux adhérents respectent l’esprit du mouvement et font preuve de qualités humaines. Les expériences varient d’une ville à l’autre. A Chicago, par exemple, le quota de droits de vote réservé aux protestants est ramené à 80% en 1932, et il inclut tous les chrétiens à partir de 1955, catholiques compris, sachant qu’aucune dénomination ne peut dépasser 25% des adhérents. En vertu d’un amendement constitutionnel de 1939, encore, les YMCA américaines imposent un minimum de deux tiers de laïcs au sein de leur Conseil national, certes avec des hommes pratiquants et âgés de plus de seize ans. Les velléités d’intervention du mouvement à l’étranger ne sont pas non plus pour rien dans cette volonté d’ouverture. Une attitude trop rigide risquerait en effet de limiter la progression des YMCA, notamment dans les pays sous influence américaine et à dominante catholique comme les Philippines et le Mexique. En dehors des aires culturelles protestantes, les restrictions religieuses rebutent inutilement les adhérents d’autres confessions et contredisent les objectifs sociaux du mouvement si l’on en croit une enquête réalisée par Ernest Johnson à la demande de l’organisation en 1931. A Genève, l’Alliance mondiale des YWCA a d’ailleurs entrepris d’affilier des groupes complètement catholiques en Pologne après 1919 et envisage de reconnaître des associations de jeunes musulmanes en Turquie en 1932. De son côté, la YMCA américaine rechigne davantage à continuer de sponsoriser des associations dont le nom vernaculaire ne fait pas directement référence à un mouvement chrétien, telles les organisations Mayak (Le Phare) en Russie, Kotva (L’Ancre) en Bulgarie ou Dershane en Turquie. La diversité religieuse des pays où elle gère des programmes s’impose finalement d’elle-même. Les YMCA du Mexique en 1907, des Philippines en 1911, de Bulgarie en 1913 et de Pologne en 1922 n’attendent pas leur homologue américain pour modifier leurs statuts de façon à accueillir des catholiques comme membres de plein droit. Il n’est pas jusqu’aux Etats-Unis où les membres de la diaspora chinoise précèdent le mouvement. La CSCA (Chinese Students Christian Association of North America), en l’occurrence, s’ouvre aux non-chrétiens en 1922 et leur accorde le droit d’être élu dès 1926, avant même la YMCA américaine, avec qui elle entretient des liens formels depuis 1917.
 
-1923-1933, Suisse : soucieuse de venir en aide aux migrants en difficulté, l’Alliance mondiale des YMCA et des YWCA se dote en 1923 d’un département, l’IMS (International Migration Service), qui devient indépendant financièrement en 1925 et prend ensuite le nom d’International Social Service. Pourvu d’antennes en France, en Allemagne, en Tchécoslovaquie, en Grèce, en Pologne, en Suisse, au Canada et aux Etats-Unis, ce dispositif marque les prémices d’une action en faveur des réfugiés. Il témoigne également des préoccupations du mouvement concernant les milieux immigrés. Les Unions chrétiennes de jeunes filles, en particulier, se sentent très impliquées, peut-être parce qu’elles revendiquent un accès au monde du travail par opposition aux vues des conservateurs sur le rôle de la femme au foyer. Dès 1877 à Genève a ainsi été créée une Union internationale des amis de la jeune fille qui, destinée à aider les travailleuses, notamment les émigrées, s’établira à Neuchâtel en 1887, se transformera en fédération et finira par intégrer l’Alliance mondiale des YWCA. A New York, le mouvement a par ailleurs établi en 1910 un institut international en vue d’accueillir et former les étudiantes d’origine étrangère. En avril 1919, encore, des féministes de la YWCA américaine ont monté une école, l’Old Country Service School, qui s’est ouverte aux catholiques, à défaut de toucher les milieux non chrétiens, et qui avait spécifiquement pour vocation de faire participer les immigrées à la reconstruction de l’Europe. En 1933, enfin, l’Alliance mondiale à Genève créée un institut pour le bien être des immigrées.
 
-A partir de 1924, Chine : accusée d’être un « agent de l’impérialisme américain », la YMCA est confrontée à une poussée de fièvre antichrétienne qui, à partir d’octobre 1924, pousse le gouvernement à adopter en novembre 1925 un décret interdisant aux écoles étrangères d’évangéliser les élèves et de leur enseigner la Bible. En dépit de ses premiers succès dans l’Empire du Milieu, le mouvement entre alors dans une période de turbulences. Issu de la bourgeoisie et perçu comme une organisation élitiste, il donne en effet le sentiment de servir les intérêts de ses mécènes et commence à perdre du terrain. Après avoir enregistré un pic de 176 associations urbaines et étudiantes en 1921, contre 155 en 1936, il doit en l’occurrence faire face à deux principaux foyers d’opposition : l’un nationaliste, l’autre communiste. Sous la houlette du Kuomintang, qui interdit à ses adhérents de rejoindre le mouvement et d’assister à ses réunions, le premier s’était déjà manifesté à l’occasion d’une conférence mondiale des YMCA étudiantes qui, tenue à l’université de Tsinghua en avril 1922, avait suscité la fureur des patriotes chinois en annonçant publiquement l’établissement d’une fédération destinée à évangéliser les jeunes non chrétiens. Sous l’égide du parti communiste, créé à Shanghai en juillet 1921, le second, lui, cherche ouvertement à contrer l’influence de la YMCA dans les milieux étudiants. Il dénonce les œuvres sociales d’une organisation qui est accusée de tromper les ouvriers afin de les amener à respecter leurs bienfaiteurs capitalistes et à négocier des conventions collectives au lieu de se révolter. De fait, le mouvement reste coupé des masses et très lié aux milieux d’affaires, qui s’inquiètent d’ailleurs de ses déclarations en faveur de l’éducation populaire et du droit du travail. Cité par Shirley Garrett, un mécène chinois, patron des fonderies de Hanyang, explique par exemple que la YMCA devrait avoir pour mission de remettre les travailleurs à leur place : un propos relayé par des secrétaires conservateurs comme William Lockwood, qui mettent l’accent sur la capacité de l’association à désamorcer les conflits sociaux. Pour l’historien Jean Chesneaux, les programmes sociaux du mouvement reproduisent ainsi des formes de paternalisme typiques de la Révolution industrielle. A meilleure preuve, l’organisation travaille avec les employeurs plutôt que les travailleurs. Elle ne cherche pas à monter des syndicats et ne propose rien de concret pour donner suite aux revendications des Eglises de Chine qui, lors d’une réunion à Shanghai en mai 1922, s’étaient prononcées en faveur de salaires décents, d’une journée de huit heures, d’un repos hebdomadaire et d’une interdiction du travail des enfants de moins de douze ans. Concrètement, les réalisations de la YMCA s’avèrent fort limitées. Bien qu’ils servent de modèle au gouvernement de Tchang Kaï-chek un an plus tard, les logements sociaux que l’organisation entreprend de construire à partir d’octobre 1926 avec des financements des Quakers de l’AFSC (American Friends Service Committee) ne touchent qu’une cinquantaine de familles à Pootung dans la banlieue de Shanghai. La vocation humanitaire de la YMCA n’est certes pas niable. L’organisation, qui a été une des premières à introduire des programmes de planification familiale, pour les ouvrières en usine, s’est beaucoup préoccupée des pauvres et a mené une enquête inédite sur les pousse-pousse de Pékin en 1912. Après avoir distribué des vivres aux familles qui avaient fui les combats entre les partisans de Sun Yat Sen et les troupes du général Yuan Shikai en 1913, elle a également cherché à aider les victimes de la faim, d’abord à Shanghai en 1907 en finançant un fonds qui leur était dédié, puis à l’échelle du pays en montant en 1921 un comité contre la famine, le CIFRC (China International Famine Relief Commission), sous l’égide de Dwight Edwards. Mais la YMCA est aussi victime de tiraillements internes qu’elle ne résoud pas vraiment lors de ses neuvième et dixième conventions nationales à Canton en 1925 et Tientsin en 1926. Prise entre deux feux, elle parvient difficilement à concilier les demandes de sa base progressiste et des missionnaires conservateurs. D’un côté, explique Jun Xing, elle mécontente les religieux car elle se politise et délaisse sa mission prosélyte à mesure qu’elle se laïcise : si ses effectifs ont augmenté de 359% entre 1914 et 1921, le pourcentage d’adhérents rejoignant une Eglise a entre-temps chuté de 8% à 3%. L’organisation suscite également l’ire de la presse coloniale lorsqu’elle condamne publiquement la répression de manifestations au cours desquelles la police britannique a tué treize étudiants dans les concessions européennes de Shanghai en mai 1925. D’un autre côté, la YMCA chinoise déçoit sa base en refusant de s’engager plus avant dans le combat nationaliste. Les dirigeants de l’association, qui ont organisé de petites manifestations de rue contre les jeux d’argent en 1918 ou la prostitution en 1921, ne veulent absolument pas soutenir des luttes à caractère politique. A Shanghai, ils se dissocient des étudiants qui utilisent leurs salles et leur logo pour militer et appeler à boycotter les produits japonais en 1919. Le problème est qu’ils n’arrivent pas à « tenir » leurs troupes. Pékin, notamment, est un important foyer de contestation. En 1915, 3 000 étudiants de la YMCA défilent dans les rues de la ville pour protester contre la corruption politique et réclamer des réformes « morales », c’est-à-dire sociales. En 1915, un des secrétaires de l’association locale, Hsu Pao-ch’ien, est quant à lui suspecté par les autorités d’avoir incité les jeunes à manifester dans le cadre d’une campagne anti-japonaise. La ville de Shanghai n’est pas en reste : des expatriés doivent être évacués et des employés chinois de la YMCA se joignent aux protestataires lors de marches étudiantes en novembre 1925. Après des émeutes à Hankow et sur l’île de Shameen en juin 1925, des membres de l’association invitent des conférenciers communistes et rédigent des pamphlets contre les traités inégaux imposés par les Européens. D’autres appellent à boycotter les produits occidentaux, lèvent des fonds pour soutenir les grévistes et refusent de passer des publicités britanniques dans la revue locale de la YMCA, « Progrès » (Chin Pu). Résultat, l’association perd sur tous les tableaux. Tandis que le mécénat des milieux d’affaires chute du fait des positions réformistes du mouvement, les contributions des membres diminuent car les étudiants s’en vont rejoindre des organismes plus militants, voire antichrétiens. Avec 13% d’adhérents en moins en 1926, la YMCA connaît bientôt une crise financière et doit arrêter certains de ses programmes, telle l’école de Wuhan, qui ferme ses portes à l’époque. Quelques-uns de ses employés chinois adhèrent même au parti communiste, qui confisque le bâtiment de l’association de Changsha, transformé en maison du peuple. Et en 1927, l’offensive de Tchang Kaï-chek pour libérer le pays des seigneurs de guerre et des étrangers conduit à la réquisition ou au pillage des YMCA de Nanchang, Kienning, Foochow et Hangchow, où la municipalité s’installe dans les bureaux de l’association. Selon Shirley Garrett, c’est finalement la brouille entre les nationalistes et les communistes qui permet au mouvement de récupérer ses biens et de revenir sur le devant de la scène. Face à l’aile gauche du Kuomintang, qui est proche des idées marxistes et hostile aux chrétiens, Tchang Kaï-chek va en effet chercher à réhabiliter les classes moyennes pour obtenir le soutien des milieux d’affaires. Or la YMCA se prête particulièrement bien à une telle entreprise. De plus, elle compte de nombreux amis dans le nouveau gouvernement. Sept ministres sur dix viennent de ses rangs en 1927 selon Jun Xing ; cinq sur huit en 1928 selon Kenneth Scott Latourette. Non sans raisons, car bien des leaders nationalistes sont passés par son foyer étudiant de Yenching, une université dont un responsable de la YMCA locale, Dwight Edwards, a relaté l’histoire. L’organisation a aussi des relais dans la diaspora avec la CSCA (Chinese Students Christian Association of North America), une association dont l’influence politique est sans commune mesure avec le poids réel : moins d’un millier d’adhérents à son apogée en 1919. Parmi eux, on remarque Zhengting Wang (parfois orthographié Cheng-T’ing). Premier secrétaire général de la CSCA aux Etats-Unis, directeur de la YMCA de Shanghai en 1911 puis du comité national de la YMCA chinoise en 1915, celui-ci est devenu député du Kuomintang en 1913, s’est brouillé avec Sun Yat-sen et a brièvement pris la tête du gouvernement début 1923. Avant de finir sa carrière comme ambassadeur de Pékin à Washington de 1936 à 1938, il est surtout ministre des Affaires étrangères de 1922 à 1924 puis de 1928 à 1931, contraint de démissionner et conspué par les nationalistes lors de manifestations étudiantes au moment de l’occupation japonaise du nord de la Mandchourie. Dans les rangs du premier gouvernement du Kuomintang à Nankin en août 1927, on relève par ailleurs la présence d’une autre personnalité venue de la YMCA, Kong Xiang « H.H. » Kung, qui est le beau-frère de Tchang Kaï-chek et le ministre des affaires sociales puis de l’industrie et des finances.
 
-1925-1960, Etats-Unis : à la suite d’une conférence pour la paix organisée avec la Fondation Carnegie sur le campus du collège de Punahou à Honolulu du 30 juin au 14 juillet 1925, la YMCA lance à New York un Institut, l’IPR (Institute of Pacific Relations), qui vise à étudier les problèmes socio-économiques et politiques des populations du Pacifique. Cet organisme de recherche, qui publie ses travaux dans des revues et des livres spécialisés, a expressément pour objectif de résoudre les conflits autrement que par la guerre. Lors d’une deuxième conférence internationale organisée à Honolulu en 1927, les délégués venus d’Amérique du Nord, d’Asie et d’Australie affirment notamment leur volonté d’améliorer les relations sino-britanniques et nippo-américaines. Les recherches de l’IPR, admet Henry Forbes Angus, n’ont sans doute pas beaucoup d’influence sur le cours des événements. Mais elles contribuent à éclairer les décideurs, par exemple en ce qui concerne la réalité scientifiquement peu avérée de la pression migratoire au Japon, prétexte à un expansionnisme territorial. Reflétant l’esprit d’une époque favorable à la démilitarisation, elles finissent d’ailleurs par se politiser et indisposer la YMCA et la YWCA. Le mouvement, qui avait fourni 22% des délégués réunis à la conférence de Punahou, cherche en conséquence à prendre ses distances. En 1930, le secrétaire général de l’IPR, Merle Davis, démissionne en dénonçant la politisation d’un Institut dont la majorité des membres ne sont pas chrétiens. Avec des bureaux dans douze pays riverains de l’Océan Pacifique en 1938, l’organisation ne continue pas moins de se développer sous l’égide d’un Conseil américain qui est officiellement enregistré à New York le 20 février 1939. En 1941, l’entrée en guerre des Etats-Unis contre le Japon et l’Allemagne lui donne alors une toute autre dimension stratégique et favorise un rapprochement avec l’Union soviétique. De fait, le Conseil américain de l’IPR comprend des personnalités proches des communistes, tel le « millionnaire rouge » Frederick Vanderbilt Field, qui publie régulièrement des articles dans le New Masses et le Daily Worker. On y trouve des gens comme Edward Carter et Owen Lattimore, qui ont publiquement justifié les procès de Moscou et les purges de 1938. Fidèles entre les fidèles, ils se sont toujours alignés sur les positions de Josef Staline au nom de la lutte contre le fascisme. Edward Carter, en particulier, n’a jamais critiqué Moscou, quitte à cautionner les retournements diplomatiques du Kremlin. Avec son collègue Thomas Arthur Bisson, il soutient en l’occurrence les pactes germano-soviétique de 1939 puis soviéto-japonais de 1941, avant de se rallier à la « guerre héroïque » de l’URSS contre l’envahisseur allemand. Pour sa part, Owe n Lattimore dénonce l’agression de Tokyo contre Pékin en 1937, mais pas l’invasion de la Pologne ou de la Finlande par Moscou en 1939. Le biais politique est évident. Alfred Kohlberg, un ancien membre de l’IPR et un homme d’affaires qui a des intérêts dans le textile en Chine, en témoigne à sa manière. Selon lui, l’Institut commence à critiquer publiquement Tchang Kaï-Chek à partir du moment où se fissure l’alliance qui a réuni les nationalistes et les communistes contre l’occupant japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans le même ordre d’idées, relève le journaliste Sheppard Marley, l’IPR obéit aux campagnes de Moscou pour discréditer les adversaires de Mao Tsé Toung. A partir de 1945, il appelle en l’occurrence les Etats-Unis à retirer leurs troupes de Chine et à cesser d’appuyer les nationalistes de Tchang Kaï-Chek contre les communistes. La position de l’IPR n’est certes pas évidente. D’un côté, Sheppard Marley lui reproche aussi d’avoir entretenu de bonnes relations avec les milieux militaristes japonais, sachant que le responsable de sa section de Tokyo, Tomohiko Ushiba, était le secrétaire particulier du Premier ministre Fumimaro Konoye. D’un autre coté, un responsable de l’IPR, Owen Lattimore, a été envoyé en Chine par le président Franklin Delano Roosevelt pour conseiller le général Tchang Kaï-Chek. Au vu de ses entrées au département d’Etat, l’Institut a en réalité servi les intérêts de Washington et des Alliés contre les puissances de l’Axe. D’après Sheppard Marley, le directeur de l’IPR, Edward Carter, a ainsi versé près d’un million de dollars à la veuve de Sun Yat-sen sans être capable de rendre des comptes sur la façon dont l’argent avait été dépensé, vraisemblablement au profit des communistes pendant la Seconde Guerre mondiale. Au sortir du conflit, des employés de l’Institut s’attellent ensuite à la reconstruction de la Chine dans le cadre de l’UNRRA (United Nations Relief and Rehabilitation Administration). Au Japon, d’autres travaillent pour les services secrets américains ou l’administration militaire du général Douglas MacArthur. C’est en fait la guerre froide qui retourne la situation en mettant un terme à l’alliance entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. Accusée par le FBI (Federal Bureau of Investigation) d’être infiltrée par les communistes, l’organisation se retrouve sur la sellette. Officiellement partis de l’IPR en 1943, Kate Mitchell et Philip Jaffee sont d’abord arrêtés en 1945 et accusés d’espionnage au profit de Moscou dans le cadre du scandale dit de l’Amerasia, une publication dont la rédaction a ses bureaux au même étage que l’Institut, avec une porte communicante qui symbolise la symbiose entre ces deux organismes. La chasse aux sorcières de l’ère maccarthyste précipite ensuite les choses. Avant d’être remplacé par Clayton Lane, le secrétaire général de l’IPR, Edward Carter, est surveillé de près du fait de son rôle à la tête du comité d’aide à la Russie, de 1941 à 1945, puis de l’American Russian Institute, une organisation considérée comme subversive et placée sur une liste noire du gouvernement américain en 1948. Bientôt soumis à une enquête du Sénat en 1952, l’Institut n’y résiste pas. Après avoir perdu ses privilèges fiscaux et son statut d’association à but non lucratif en 1955, il ne trouve plus de financements et ferme définitivement ses portes en 1960.
 
-1926, Finlande : réunis à Helsingfors, l’actuelle Helsinki, les délégués de la dix-neuvième convention internationale de l’Alliance mondiale des YMCA élisent John Mott à la présidence du mouvement, un poste qu’il occupera jusqu’à sa démission en 1947. L’objectif est d’abord de cicatriser les blessures de la Première Guerre mondiale. Après Barmen-Elberfeld en 1909 et Edinburgh en 1913, il aura en effet fallu plus de dix ans pour que les YMCA parviennent à se réconcilier et à se retrouver en convention. La conférence de l’Alliance a d’abord dû être repoussée à plusieurs reprises à cause des divergences entre délégués allemands et français, qui s’étaient brièvement rencontrés lors de réunions préparatoires à Copenhague en 1922 et Genève en 1924. Paris et Berlin se sont notamment disputés à propos de leurs responsabilités dans le conflit. L’UCJG française, qui avait reconnu les torts de l’empereur Louis Napoléon III en 1870, a refusé de participer aux séances plénières du mouvement à Genève en 1920, Utrecht en 1921 et Velden en 1923 car la CVJM allemande n’avait pas voulu admettre publiquement la culpabilité du Kaiser. Des oppositions ont également vu le jour entre Berlin et New York. Les Américains se voient reprocher d’avoir développé leurs activités sociales au détriment de leur mission évangélique. Les Allemands s’inquiètent par ailleurs de la prédominance anglo-saxonne sur le mouvement. Inspiré du modèle de la SDN (Société des Nations) et vite abandonné en 1919, le projet américain de créer une Ligue des YMCA a clairement été perçu comme une tentative d’absorber l’Alliance mondiale à Genève, accusée de germanophilie. D’une manière générale, le mouvement souffre de son éclatement. Alors que la Constitution adoptée en 1891 instituait une confédération d’associations locales et non d’unions nationales, la convention d’Helsinki change précisément les règles en 1926. Les YMCA sont désormais représentées à Genève par des délégués nationaux dont le nombre dépend du nombre d’adhérents et non plus d’associations. Le comité exécutif de l’Alliance est quant à lui élargi à vingt-et-un membres choisis en convention afin de mieux prendre en compte la diversité d’un mouvement qui ne cesse de s’étendre et qui tiendra sa première convention internationale dans un pays du Sud en 1937, en l’occurrence à Mysore en Inde. Outre sept citoyens helvétiques, on y trouve sept ressortissants issus des principaux pays d’implantation du mouvement, hormis la Suisse, et sept représentants sélectionnés parmi les autres YMCA nationales. L’administration de l’Alliance est par ailleurs réorganisée en quatre comités permanents : les finances ; les cadets ; la jeunesse ; la recherche et la communication.
 
-A partir de 1927, Inde : inquiètes des positions de la YMCA en faveur des objectifs d’indépendance du Mahatma Gandhi, les autorités britanniques dénoncent les interférences des Américains, qui sont devenus le principal bailleur du mouvement, et commanditent une commission d’enquête, qui rend son rapport public en août 1927. En 1920, déjà, l’armée avait fait pression sur l’organisation pour abroger une résolution qui appelait à indianiser le gouvernement sous prétexte de promouvoir l’éducation civique de la population. Dirigée de 1924 à 1930 par Kanakarayan Tiruselvam Paul (1876-1931), un secrétaire général qui avait brièvement officié à ce poste en 1916, la YMCA se politise en effet à mesure que les demandes nationalistes montent en puissance. Non contente d’inviter le Mahatma Gandhi à des conférences, elle compte dans ses rangs des militants comme l’écrivain d’origine écossaise John Nicol Farquhar (1861-1929), qui soutient le mouvement d’autodétermination Swadeshi avant de devoir quitter le pays en novembre 1923. Lors de sa douzième convention nationale, qui se déroule à Bombay trois ans plus tard, la YMCA hésite certes à appuyer les campagnes de boycott et de résistance pasive du Mahatma Gandhi. Des dissensions internes sont apparues. Par opposition aux sympathies indépendantistes du Conseil national de la YMCA à Calcutta, l’association de Simla s’est par exemple retirée du mouvement en mai 1923. L’organisation a par ailleurs dû mettre en place un comité de censure pour filtrer les articles trop politiques dans son journal, Young Men of India. Suite à un raid de la police début 1927, elle a également été contrainte de chasser un communiste britannique, Philip Spratt, de son foyer de Bombay. Mais si les autorités militaires interdisent désormais aux soldats britanniques de se rendre dans les YMCA, les responsables politiques cherchent bientôt à tirer parti d’un mouvement dont les dirigeants indiens présentent l’avantage d’être chrétiens, éduqués et modérés. En l’occurrence, Kanakarayan Tiruselvam Paul en novembre 1930 puis Surendra Datta en décembre 1931 sont officiellement invités à Londres afin de participer à la rédaction d’une nouvelle Constitution pour le pays. Quelques personnalités de la YMCA ont ainsi connu une brève carrière politique dans l’ombre du pouvoir colonial. Fredrick Ernest James a été élu en 1924 puis 1926 à la Chambre des députés du Bengale, tandis que Surendra Datta était nommé par le gouverneur général pour représenter les communautés chrétiennes à l’Assemblée législative au niveau national de 1924 à 1926. A la suite de Kanakarayan Matthan de 1921 à 1923, le Conseil de la YMCA a de toute façon pris soin d’être toujours présidé par des personnalités proches du pouvoir, avec un juge britannique, Sir Ewart Greaves, de 1924 à 1928, puis un evêque anglican de Calcutta, le révérend Foss Westcott, de 1928 à 1935.
 
-1928-2004, Indonésie : après une première visite exploratoire de John Mott en 1928, les YMCA allemande et hollandaise tentent d’implanter le mouvement à Java. A partir de 1946, elles établissent notamment des foyers du soldat pour les troupes coloniales en lutte contre les indépendantistes. Parce qu’elles privilégient les populations européennes, elles ne séduisent cependant guère les Indonésiens, à la différence des Indiens. Suite à l’indépendance en 1949, l’association léguée par le colonisateur, l’AMVJ (Amsterdamsche Maatschappij voor Jongemannen), péricilite bientôt malgré la relève des Hollandais par des expatriés américains. Dirigée par un pasteur et député, Alexander Rotti, elle se formalise certes avec un comité national qui est reconnu par l’Alliance mondiale des YMCA à Genève en 1951. Mais elle ne résiste guère à la dictature de Mohammed Suharto de 1967 à 1998. Tout au plus voit-on des volontaires de l’association étudiante de l’université Nusa Cendana de Kupang essayer d’aller assister les réfugiés qui fuient à Atambua et Wedomu la décolonisation du Timor oriental en 1975. Il faut en fait attendre près d’un demi-siècle pour que l’organisation se reconstitue avec une fondation, l’IMKA (Ikatan Masehi Kepemudaan Am), sous la houlette de deux femmes, Judith Lim à partir de septembre 1999 et Rietsy Dandel à partir de juillet 2005. La secrétaire générale de la YMCA, Judith Lim, en profite d’ailleurs pour lancer une YWCA qui est officiellement enregistrée en octobre 2002, tandis que les associations constitutives du mouvement se précipitent en Indonésie pour aider les victimes du tsunami de décembre 2004.
 
-1929, Etats-Unis : la crise économique provoque un repli isolationniste et conduit la YMCA américaine à rapatrier ses volontaires en poste à l’étranger. Entre 1929 et 1935, le budget des activités outre-mer diminue de deux tiers, obligeant les expatriés à accepter des réductions de salaires qui s’échelonnent de 10% à 35% à partir de 1930. Les ressources consacrées aux missions à l’étranger tombent ainsi de 1,689 million de dollars en 1930 à 1,468 en 1931, 1,032 en 1932, 0,794 en 1933, 0,696 en 1934, 0,634 en 1935, 0,627 en 1936, 0,641 en 1937, 0,620 en 1938, 0,552 en 1939, 0,542 en 1940 et 0,521 en 1941, avant de remonter à 0,638 en 1942, 0,749 en 1943, 0,822 en 1944, 0,843 en 1945, 0,871 en 1946, 0,933 en 1947, 0,867 en 1948, 1,006 en 1949, 1,029 en 1950, 1,089 en 1951, 1,203 en 1952, 1,362 en 1953, 1,434 en 1954, 1,482 en 1955 et 1,544 en 1956. Cette tendance de fond compromet durablement les activités outre-mer de la YMCA américaine, qui sont dirigées par Francis Harmon à partir de 1932, Eugene Epperson Barnett à partir de 1937, Frank Slack à partir de 1941, Dalton McClelland à partir de 1945 et Herbert Lansdale à partir de 1952. De fait, les niveaux d’engagement des années précédentes, avec un pic de 258 expatriés en 1929, contre 220 en 1926, 132 en 1931 et 40 en 1940, ne seront plus jamais atteints, même pendant la Seconde Guerre mondiale. Structurellement, peu d’associations locales et d’individus contribuent de toutes façons aux activités outre-mer de la YMCA américaine, qui a vainement essayé de relever leur quote-part de 3% en 1923 à 7% en 1927. Résultat, c’est le vieux « comité international » qui doit reprendre à sa charge le département des affaires étrangères à partir de janvier 1932. Réduit à une fonction honorifique après la réforme administrative de 1924, il a en effet gardé des relations privilégiées avec les milieux bancaires et peut puiser dans son propre capital pour pallier aux déficiences des associations locales et du Conseil national des YMCA. Il faut attendre 1936 pour que le comité international et la gestion des activités outre-mer repassent officiellement sous la coupe du secrétaire général de l’organisation. La YMCA n’est d’ailleurs pas la seule à connaître ces problèmes. La YWCA, qui a compté jusqu’à 175 expatriées en 1921, contre 118 en 1920, 88 en 1918, 69 en 1917, 47 en 1916 et 32 en 1915, a également dû réduire ses dépenses et ses effectifs à l’étranger à cause de la dépression économique des années 1920. Son premier déficit, en 1922, s’est creusé en 1923 puis 1927 et va se prolonger de 1930 à 1933 puis de 1937 à 1938. Selon Marion Robinson, le budget général de la YWCA américaine tombe à 2 millions de dollars en 1928, contre 4 en 1917. Aggravée par les indemnités de licenciement et le coût du rapatriement du personnel en poste à l’étranger, la chute est d’autant plus dure que les associations locales rencontrent aussi des difficultés financières et que les mècènes de la famille Rockefeller réduisent leurs subventions tant que l’organisation n’aura pas amélioré sa gestion. La crise économique affecte jusqu’à l’Alliance mondiale des YWCA à Genève. Avec un budget passé de £10 000 en 1920 à £5 000 en 1936, celle-ci doit à son tour licencier du personnel et limiter les envois d’expatriées à l’étranger. Pour des raisons de coût puis de sécurité après l’invasion japonaise de 1931, elle repousse puis renonce complètement à l’idée de se retrouver en convention internationale en Chine, quitte à trouver in extremis une solution de remplacement à Genève en 1934. C’est seulement au sortir de la Seconde Guerre mondiale que l’organisation parviendra finalement à assainir ses finances. En attendant, la situation reste difficile aux Etats-Unis, où les ressources de la YMCA diminuent de moitié au moment précis où le chômage et les besoins sociaux augmentent. Tandis que le Conseil national de l’organisation doit se séparer de 10% de son personnel entre 1929 et 1932, le département réservé aux populations de couleur en perd jusqu’à 50%. Au début de la crise, le mouvement se contente d’organiser des soupes populaires avec des vivres donnés par les Eglises. Faute de moyens, il recentre ses activités sur les YMCA blanches, adopte une approche très matérialiste et se laïcise en privilégiant les programmes de formation professionnelle au détriment des classes de catéchisme, qui perdent 60% de leur audience. A mesure que la crise s’enracine, les YMCA américaines élargissent certes leurs ambitions en direction du monde paysan, pour qui elles réclament une meilleure rémunération. Aux quinze points adoptés en 1919 afin d’affirmer leur engagement social, elles en rajoutent deux concernant le monde rural en 1932. Surtout, les subventions du gouvernement Franklin Roosevelt, dont elles commencent à bénéficier en 1933, leur donnent une toute autre dimension. La politique de New Deal, qui voit l’Etat prendre à sa charge une partie des services sociaux, leur permet tout à la fois de résister à la crise et de financer des programmes pour accueillir les sans abris, servir des repas aux indigents et donner des vêtements pour les familles en difficulté.